Non à l’union sacrée !

Macron annonce que « le pire est à venir »

Mercredi 2 mars, Macron intervient sur les chaines d’informations continues à propos de l’invasion en cours de l’Ukraine par l’armée russe. Le chef de l’impérialisme français salue le « courage du peuple ukrainien » tout en indiquant que « les jours qui viennent seront vraisemblablement de plus en plus durs ». Dès le lendemain, il s’entretient, en le tutoyant, avec Poutine qui maintient tous ses plans. L’Elysée se désole, dans un communiqué fataliste et morbide, que « le pire est à venir ».

Président pour 6 mois de l’UE, Macron assure « exiger le cessez-le-feu et le respect des opérations humanitaires sur le sol ukrainien », tout en poursuivant « un dialogue exigeant et constant avec le président Poutine ». Le lendemain, l’armée russe bombarde la centrale nucléaire de Zaporijia. En Ukraine, on connait le résultat de ce genre de « dialogue », après les expériences antérieures de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Syrie, de la Birmanie…


Les larmes de crocodiles de Macron servent à cacher qu’il est l’un des responsables des tensions entre l’OTAN et la Russie. Son but n’est pas tant de « protéger les Français » que les groupes capitalistes français. TotalEnergies, Engie, Renault, Société générale, Danone, L’Oréal, Auchan, Stellantis (Peugeot-Citroën), Accor, Safran, Air liquide, Sanofi, Saint-Gobain, EDF, Alstom, Lactalis, Bonduelle, Pernod-Ricard… risquent de perdre leurs positions en Ukraine à cause de l’invasion russe, en Biélorussie et en Russie à cause des « sanctions » infligées par les États impérialistes occidentaux. Comme lors de la crise économique et sanitaire de 2020, le président sera au service du capitalisme français, quoi qu’il en coute plus tard aux travailleurs.

Nous épaulerons les secteurs économiques les plus exposés en recherchant de nouveaux fournisseurs, de nouveaux débouchés commerciaux. (Emmanuel Macron, 2 mars)

Des migrants bienvenus ?

La masse des réfugiés fuit dans les pays voisins. Ceux que la guerre pousse à l’exil vers les pays avancés sont souvent les plus aisés, des travailleurs qualifiés dont le capitalisme français compte bien tirer parti.

Ce seront des intellectuels, et pas seulement, mais on aura une immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit. (Jean-Louis Bourlanges, député Modem, Europe 1, 25 février)

Macron prétend que « la France » prendra « soin de celles et ceux qui rejoignent notre sol » mais pourquoi repousser ceux de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan ? Les réfugiés antérieurs (dont ceux de Tchétchénie victimes de l’État russe et de Poutine) peuvent témoigner qu’en général ils subissent la misère et la discrimination policière. Il déclare vouloir s’appuyer sur les « associations et les ONG » mais celles-ci dénoncent régulièrement le manque de moyens, les centres de rétention et les violences policières.

Les sanctions

Pour l’État américain, l’Ukraine ne vaut pas une guerre. Pour autant, elle lui sert de prétexte à tenter d’étrangler l’économie de la Russie qui le défie en Asie centrale, en Europe centrale, voire en Syrie et en Lybie. L’État français est dès lors coincé par son allié, même s’il aimerait se venger de la progression de l’impérialisme russe à ses dépens au Mali et en Centrafrique.

La rupture des relations de sport, de culture, d’enseignement, de recherche… sont non seulement inefficaces contre l’invasion, mais rendent tous les Russes responsables des crimes de leur gouvernement.

Les équipes sportives de Russie ont été exclues des grandes compétitions internationales et nombre de grands évènements sportifs et culturels ont été annulés. (Emmanuel Macron, 2 mars)

La saisie de quelques yachts d’oligarques est symbolique même si d’autres sont plus nocives.

Les avoirs de plusieurs centaines de personnalités russes proches du pouvoir ont ainsi été gelés en France et à l’étranger. Plusieurs grandes banques russes ont été exclues des systèmes de paiements internationaux, rendant impossibles nombre de transactions et entrainant la chute du rouble. Les organes de propagande russe viennent de cesser d’émettre en Europe.

Avec la hausse des taux d’intérêts de la banque centrale russe, la chute de 20 % de la valeur du rouble, le défaut de paiement de la dette qui pointe et une première faillite bancaire (Sberbank), le prolétariat russe va souffrir. Guère Poutine et les grands capitalistes qu’il représente. Les sanctions de l’UE ne vont pas, pour le moment, jusqu’à couper l’arrivée du gaz et du pétrole dont dépendent la grande majorité des pays européens.

La guerre contre l’Ukraine et les sanctions poussent à la hausse les prix du pétrole et surtout du gaz naturel ; ainsi que du blé et du maïs dont l’Ukraine et la Russie étaient de grands exportateurs. L’inflation mondiale redouble avec des conséquences catastrophiques pour les pays importateurs d’Afrique du Nord et d’Asie de l’Ouest. Même les pays avancés sont touchés.

Demain le prix du plein d’essence, le montant de la facture de chauffage, le cout de certains produits risquent de s’alourdir encore.

La recrudescence du militarisme

Le chancelier Olaf Scholz (à la tête d’une coalition SPD-Grunen-FDP) promet une enveloppe supplémentaire de 100 milliards d’euros pour atteindre un budget de la défense de « plus de 2 % du PIB ». Macron n’est pas en reste et indique que « notre pays amplifiera donc l’investissement dans sa défense décidé dès 2017 ». Il prétend :

Ni la France, ni l’Europe, ni l’Ukraine, ni l’Alliance atlantique n’ont voulu cette guerre. Nous avons au contraire tout fait pour l’éviter.

Que l’impérialisme français n’ait pas voulu cette guerre-là, c’est entendu ; qu’il ait tout fait pour l’éviter, avec « l’Alliance atlantique » (OTAN), rien n’est plus faux !

Après 1991, l’OTAN s’est étendue aux frontières de la Russie, malgré les engagements des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France. À la fin de l’année dernière, Biden a refusé à Poutine la neutralisation de l’Europe centrale.

Nous avons participé à l’effort dans le cadre de l’OTAN pour protéger la sécurité et la souveraineté de nos alliés européens en renforçant la présence militaire que nous avons déjà dans les États baltes et dans la région. Ainsi, plusieurs centaines de soldats français sont arrivés hier sur le sol de la Roumanie.

Ils intègrent la « force opérationnelle » (VJTF) de l’OTAN qui a bombardé, avec participation militaire française, la Serbie en 1999 puis envahi l’Afghanistan en 2001. La continuité est affirmée par le président quand il s’adresse à l’armée.

Armées de la République, vous portez un héritage forgé au fil du temps, dans la réflexion et dans l’action. Nos concitoyens savent, d’une tranquille certitude, que votre professionnalisme est fortifié par ces principes qui permettent de voir haut et loin. (Emmanuel Macron, 28 février)

Sous mandat de l’ONU, l’armée française est intervenue de 2013 à 2022 au Mali. Elle avait précédemment participé à l’invasion de l’Irak en 1991 menée au nom de l’ONU. Elle avait aussi mené des guerres coloniales sanglantes dont l’Indochine de 1945 à 1954, l’Algérie de 1954 à 1961. Elle avait épaulé la guerre de Corée en 1950 menée au nom là aussi de l’ONU. L’État bourgeois français avait collaboré de 1940 à 1944 à l’extermination des Juifs et des Tziganes par le nazisme… Il n’est pas en mesure de dénoncer aujourd’hui l’impérialisme russe.

Macron annonce qu’il convoquera les confédérations syndicales « sur le pouvoir d’achat » pour les associer une fois de plus à sa politique, comme si patronat et prolétariat étaient sur le même bateau, guidé par un capitaine au-dessus de la mêlée. Mais qui subit de plein fouet la hausse du prix du carburant, de l’alimentation ? Qui est mis au chômage ou ne trouve pas d’emploi ? Qui supportera le remboursement de la dette publique ?

L’union nationale autour de Macron

Or, les directions syndicales sont alignées sur leur bourgeoisie, sur leur État.

La CFDT réitère sa demande à la France et à l’Europe d’agir pour que les mesures les plus sévères soient prises à l’encontre du régime russe. (CFDT, 25 février)

Nous revendiquons un cessez-le-feu en Ukraine et la mise en œuvre des accords existants, l’arrêt des menaces et des livraisons d’armes à toutes les parties, que les Nations Unies [ONU] soient le cadre privilégié. (CGT, 25 février)

L’ONU a, depuis sa création, montré qu’elle était une mafia contrerévolutionnaire. Les travailleurs ne sont pas seulement les victimes, ils peuvent devenir la solution s’ils renversent leur bourgeoisie, détruisent leur État, prennent le pouvoir.

Le lendemain de l’agression impérialiste russe, les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale lisent un message du président au parlement :

Nous avons tout mis en œuvre pour éviter l’escalade… Nous prendrons des engagements supplémentaires dans le cadre de l’OTAN afin de protéger le sol de nos alliés baltes et roumains… (Emmanuel Macron, 25 février)

Tous les sénateurs, tous les députés se lèvent pour l’écouter, y compris ceux du PCF, de LFI et du PS. Assurément, les partis « réformistes » n’ont aucune politique indépendante de leur bourgeoisie, qu’ils aient été partisans antérieurement, comme la majorité de la bourgeoisie française, de l’alliance avec l’impérialisme américain (PS) ou, comme une minorité de la bourgeoisie française, de la sortie de l’OTAN et d’une alliance avec l’impérialisme chinois et russe (PCF, LFI).

Qu’on le veuille ou non, l’Ukraine appartient à la sphère d’influence russe. (Marine Le Pen, Rzeczpospolita, décembre 2021)

Divisés sur les alliances à nouer pour leur impérialisme, le PS, le PCF et LFI étaient d’accord sur l’essentiel : la défense de « la France », le renforcement de son armée, la fermeture de ses frontières aux étrangers… Ils les ont appliqués au gouvernement plus d’une fois (1936, 1944, 1981, 1997…).

La candidate du PS Hildalgo se retrouve le 1er mars avec l’ancien président Hollande, l’ancien maoïste Henri-Lévy qui réclame des interventions militaires françaises un peu partout depuis 40 ans, la journaliste Fourest, le candidat d’EELV Jadot, la candidate de LR Pécresse, le président du groupe parlementaire LREM Castaner…

Les crétins pacifistes

À la veille de l’invasion, le candidat du PCF regrettait que l’impérialisme français n’ait pas les moyens de peser.

On a sous-traité à Joe Biden le soin de discuter avec Vladimir Poutine sur une menace de guerre qui se passe chez nous, à deux heures de vol de Paris. Vous imaginez une seule seconde le général De Gaulle vivre une telle situation et attendre les bras croisés, que les Russes et les Américains aient fini de parler ? (Fabien Roussel, Franceinfo, 26 janvier)

Maintenant, Roussel s’aligne sur son gouvernement et exige « une pression forte sur le dirigeant Poutine, nous pourrions pousser un peu plus la porte pour obtenir ce cessez le feu » (28 février).

Mélenchon avait justifié l’annexion de la Crimée et l’intervention alors dissimulée dans le Donbass en 2014, puis l’aide militaire de la Russie au régime sanglant et tortionnaire d’Assad en 2015. Aujourd’hui encore, il tente d’interdire au peuple ukrainien de se défendre, au nom des intérêts bien compris du capitalisme français (qu’il appelle « nous »).

Les moyens que nous employons ne doivent jamais se retourner contre nous. Pourtant, je regrette que l’Union européenne ait décidé de fournir des armements… (Jean-Luc Mélenchon, Intervention à l’Assemblée nationale, 1 mars)

LO, alignée comme toujours sur la bureaucratie de la CGT, converge dans les faits avec le social-impérialiste Mélenchon. LO affecte la neutralité : comme l’Ukraine est capitaliste (vrai), la Russie aussi (vrai), les deux se valent (faux).

Au nom de la patrie, ukrainienne ou russe, des travailleurs sont transformés en chair à canon pour que des oligarques, russes ou ukrainiens, sauvent leurs yachts et leurs milliards. (LO, 7 mars)

La Russie est capitaliste depuis 1992 et ses capitalistes sont aussi riches et exploiteurs que les autres. La Russie détient des entreprises de taille internationale, elle opprime en son sein des minorités nationales, elle colonise sa périphérie, elle intervient militairement au Proche-Orient et en Afrique. Tout cela en fait clairement un État impérialiste.

Il est vrai que VO (l’ancêtre de LO) avait mis plusieurs années avant de se prononcer pour l’indépendance de l’Algérie. Aujourd’hui, selon LO, l’Ukraine ne doit surtout pas recevoir d’armes.

Cette solidarité ne se fait pas par l’envoi d’armes, mais dans la lutte contre un système qui n’engendre que crises et guerres. (LO, 3 mars)

Autrement dit, il faut laisser la bourgeoise impérialiste russe écraser l’Ukraine, ramener sa population à une nation opprimée. Rappelons aux chefs « trotskystes » de LO, pour qui les policiers et les gendarmes sont des travailleurs comme les autres, que Trotsky s’était prononcé pour l’indépendance de l’Ukraine alors que l’URSS était encore un État ouvrier.

Il faut un mot d’ordre clair et précis, qui corresponde à la situation nouvelle. À mon avis, il n’existe à l’heure actuelle qu’un seul mot d’ordre de ce type : pour une Ukraine soviétique, ouvrière et paysanne unie, libre et indépendante ! Il n’y a que les indécrottables crétins pacifistes pour croire que l’émancipation et l’unification du l’Ukraine puissent être réalisées par des moyens diplomatiques pacifiques, des référendums, des décisions de la Société des nations [l’ancêtre de l’ONU], etc… Pas le moindre compromis avec l’impérialisme, qu’il soit fasciste ou démocratique ! Pas la moindre concession aux nationalistes ukrainiens, qu’ils soient réactionnaires-cléricaux ou pacifistes-libéraux ! Pas de front populaire ! Indépendance totale du parti prolétarien en tant qu’avant-garde des travailleurs ! (Lev Trotsky, La Question ukrainienne, avril 1939)

Les chefs de LO oublient aussi que Lénine avait applaudi l’insurrection armée irlandaise d’avril 1916 contre l’impérialisme anglais… et refusé de condamner la demande d’armes des nationalistes à l’impérialisme allemand.

Les opinions des adversaires de l’autodétermination aboutissent à cette conclusion que la viabilité des petites nations opprimées par l’impérialisme est d’ores et déjà épuisée, qu’elles ne peuvent jouer aucun rôle contre l’impérialisme, qu’on n’aboutirait à rien en soutenant leurs aspirations purement nationales, etc. L’expérience de la guerre impérialiste de 1914-1916 dément concrètement ce genre de conclusions. (Vladimir Lénine, Bilan d’une discussion sur le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, juillet 1916)

Les communistes ne sont pas des pacifistes, ils constatent qu’en Ukraine, il y a agression d’une puissance impérialiste contre un petit pays voisin dont Poutine récuse l’existence même. Il accuse d’ailleurs Lénine et le Parti bolchevik d’avoir inventé artificiellement l’Ukraine.

L’Ukraine contemporaine a été entièrement et complètement créée par la Russie, plus exactement par la Russie communiste, bolchevik. (Vladimir Poutine, Discours télévisé, 21 février)

L’ennemi principal est dans notre pays

Les travailleurs français doivent se placer aux côtés de la nation opprimée, pour la défaite militaire de l’impérialisme agresseur, tout en préparant le renversement au plus tôt de leur propre bourgeoisie. Celle-ci a beaucoup contribué au conflit et veut leur en faire payer les conséquences.

La meilleure aide aux travailleurs d’Ukraine (et de Russie) est d’affaiblir le système impérialiste mondial dont l’État français est un maillon. Pour cela, il faut construire un parti dans la tradition du Parti bolchevik et exiger, sans tarder, des organisations de masse de la classe ouvrière qu’elles rompent avec Macron. Front unique ouvrier pour :

  • le retrait des troupes russes, le droit du peuple d’Ukraine et du peuple du Donbass de décider de leur sort,
  • la sortie de l’OTAN, le rapatriement des troupes françaises de Roumanie, de Pologne, d’Estonie et de Lituanie, le remplacement de l’armée de métier (et de la police) par le peuple en armes
  • l’aide par tous les moyens aux travailleurs ukrainiens, la levée des sanctions qui frappent les peuples de Russie,
  • la suppression des impôts sur la consommation populaire, l’échelle mobile des salaires, l’interdiction des licenciements économiques, la création de postes dans la santé et l’école publiques,
  • l’expropriation des groupes capitalistes, le gouvernement des travailleurs, les Etats-Unis socialistes d’Europe.

5 mars 2022