Une genèse chrétienne et maoïste
En effet, la place du christianisme et de l’Église catholique y est prépondérante, nombre de cadres du mouvement sont passés par des structures cléricales, notamment la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), la Jeunesse étudiante chrétienne et les Éclaireurs unionistes de France.
L’égrenage des noms et CV de croyants, cadres d’EELV, dure de longues minutes. Ils sont à des postes-clés dans nombre de collectivités locales, et certaines commissions nationales du mouvement en regorgent. (« Comment le christianisme influence l’écologie politique », Le Monde, 20 décembre 2020)
Les influences intellectuelles du mouvement témoignent de cette proximité, nombre de penseurs dont l’héritage est revendiqué par EELV ou ses dirigeants sont non seulement réactionnaires mais des croyants convaincus, Ivan Illich, Lanza del Vasto, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, Bruno Latour, Pierre Rabhi, Vandana Shiva…
Cette inclination religieuse transparaît dans l’hostilité du mouvement envers le progrès, la science et la technique : les pesticides, les OGM, les vaccins, l’énergie nucléaire… auxquels sont privilégiés le spirituel et le « naturel ». Un naturel essentialisé qui serait meilleur que le synthétique ou l’artificiel même quand il est matériellement identique.
Un autre courant a joué un rôle non négligeable, quoique moins connu, dans l’encadrement du principal parti écologiste, le maoïsme. Beaucoup de responsables, à l’image de l’économiste Alain Lipietz, ont eu un passé stalino-maoïste avant de rejoindre les Verts, le PSU ayant souvent servi d’étape intermédiaire. Les traits de populisme (servir le peuple), de culpabilisation individuelle (l’autocritique) et de volontarisme idéaliste (peu importe le niveau des forces productives, les idées décident de tout), hérités du Grand timonier ont facilité la reconversion de certains disciples quand la révolution est passée de mode. Cette double filiation n’est d’ailleurs pas spécifique à la France, elle est par exemple très marquée dans le Grünen allemand.
La filiation chrétienne ou maoïste fait que les partis « écologistes » se distinguent favorablement des partis xénophobes apparus à la même époque, en particulier sur les migrants.
Un concurrent électoral de la social-démocratie
Le caractère bourgeois du mouvement transpire dans le positionnement politique prôné par ses dirigeants jusqu’au début des années 1990. La ligne « ni droite ni gauche » d’Antoine Waechter et d’Andrée Buchman y était majoritaire avec le slogan « l’écologie n’est pas à marier ». Il en va de même avec l’intégration généralisée des partis « écologistes » à l’État bourgeois comme leur ralliement au militarisme.
Mais le peu de considération, à l’époque, du grand capital à l’égard du mouvement « écologiste » le pousse alors dans toute l’Europe à convoiter l’électorat traditionnel de la social-démocratie (et aux Etats-Unis du Parti démocrate). Cela en fera aux yeux des grands médias un courant de « gauche », un maquillage verbal repris par la plupart des organisations d’origine ouvrière à la recherche d’alliés pour leurs fronts populaires
Malgré ce virage, la base électorale du parti évolue peu. Les résultats lui sont de plus en plus favorables dans les grandes -villes où les revenus sont supérieurs. Pour preuve la conquête de Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Besançon, etc. en plus de Grenoble en 2020. De même, les scrutins lors desquels la classe ouvrière s’abstient majoritairement lui réussissent.
La forte audience d’EELV dans les grandes villes s’explique en bonne partie par un facteur sociologique. Ainsi, par exemple, en Ile-de-France, la structuration du vote EELV renvoie à la distribution des différentes classes sociales sur le territoire francilien avec une forte corrélation entre présence de CSP+ et vote EELV. (Fondation Jean Jaurès, Les Ressorts du vote EELV aux élections européennes, 20 septembre 2019)
Un programme social limité
La campagne s’intitule « Pour le climat, pour la justice sociale ». À des fins électoralistes et surfant sur les conséquences de la crise de la Covid-19, le programme de Jadot propose l’embauche de 100 000 infirmières ainsi qu’une hausse de 10 % du salaire des soignants. Pas question en revanche de nationaliser les cliniques privées, les Verts ont le respect de la propriété privée.
Dans la même veine, le programme prévoit de recruter 65 000 enseignants et de revaloriser leurs salaires de 20 %, même chose dans la recherche avec 10 000 enseignants-chercheurs et un budget de recherche emmené à 1 % du PIB.
Pour ce qui est du reste de la population, les écologistes souhaitent un revenu de base de 740 euros et un salaire minimum à 1500 euros net, soit autant que ce que propose le PCF, mais 100 euros de plus que Mélenchon. Jadot promet de ne pas toucher à l’âge de départ à la retraite sans se prononcer sur la durée de cotisation, ce qui lui laisse les coudées franches.
EELV compte aussi sur la Confédération paysanne et sur les appareils des syndicats de salariés (ses membres sont très présents au sein de la FSU, de SUD, de la CFDT) pour aider le capital à contenir les revendications ouvrières, toutes les recettes déjà mises en œuvre, du dialogue social à la cogestion, sont reprises dans le programme et renforcées. Dans cette optique, il est prévu d’accroitre les places parasitaires de cette bureaucratie par le retour des CHSCT, des postes supplémentaires dans les CA et des subventions.
La moitié des membres des conseils d’administration, de surveillance et de rémunération des grandes entreprises représenteront les salarié·e·s (un tiers pour les entreprises de 500 à 2 000 employé·e·s). Le dialogue social sera renforcé grâce à l’instauration d’un chèque syndical qui permettra à chaque salarié·e de soutenir financièrement le syndicat de son choix. (Yannick Jadot, Changer la France pour vivre mieux)
Des propositions qui recoupent largement celles de la CFDT, héritière de la CFTC, dont plusieurs dirigeants ont également été formés à la JOC (Laurent Berger, Théo Braun, Eugène Descamps, Inès Minin).
Un capitalisme vert ?
Pour EELV, il n’est pas question de remettre en cause le système économique actuel. Il se berce de l’illusion d’en orienter la stratégie. Le « produire localement » et le « consommer localement » dissimulent, assez mal, le repli national et protectionnisme économique que Jadot prescrit aux capitalistes français et européens.
Nous proposerons d’intégrer dans les marchés publics européens des critères de production locale, pour protéger notre économie et favoriser de nouveaux standards sociaux et environnementaux. (Yannick Jadot, Changer la France pour vivre mieux)
D’ailleurs selon les écologistes, les « décideurs économiques » ne sont en rien responsables des catastrophes écologiques planétaires, la faute est à imputer à leur manque de connaissance du domaine et surtout aux consommateurs. Problème que EELV compte régler en les formant « aux enjeux de la transition écologique ». Dans cette optique nul besoin de sanctionner, les aides au patronat seront donc maintenues.
Les 150 milliards d’euros d’aides publiques perçues chaque année par les entreprises seront des leviers de la transformation écologique et sociale et de l’égalité. (Yannick Jadot, Changer la France pour vivre mieux)
Et même lorsqu’il s’agit de couper dans les aides d’État aux capitalistes les plus polluants, cela se fera avec leur accord.
Il existe à ce jour au moins 18 Md€ de dépenses néfastes pour le climat dans le budget de l’État. Nous les supprimerons à l’échelle du mandat en concertation avec les secteurs concernés (transports, logement, agriculture). (Yannick Jadot, Changer la France pour vivre mieux)
Mais le capital peut rester serein, le 21 janvier, lors du traditionnel serment d’allégeance au MEDEF, le candidat vert rassure : « la transition écologique se fera avec les entreprises ou ne se fera pas ».
Contre les travailleurs et les jeunes en formation
Dans la continuité des précédents gouvernements, EELV ne compte pas régulariser les sans-papiers, mais en confier la charge à un « grand ministère des solidarités », là où François Fillon avait préféré un plus simple ministère de l’immigration.
Ces messieurs croient avoir changé les choses quand ils en ont changé les noms. (Friedrich Engels, De l’autorité, octobre 1872)
Bien sûr Jadot en bon gestionnaire, sait qu’il pourra trouver les fonds manquants sur le dos des travailleurs. Ceux-ci devront donc subir une « augmentation significative de l’éco-contribution sur les vêtements et les appareils électroniques », s’acquitteront au final de la forte taxe sur les engrais chimiques » et seront les principales victimes de la hausse de la TVA sur les transports polluants, portée à 20 %.
Jadot sachant ce que nous devons manger, comme Mélenchon (du quinoa) et comme Roussel (du steak-frites), prévoit une exception à la hausse des impôts sur la consommation. Ceux à qui il restera quelques pièces à la fin du mois pourront jouir de l’absence de TVA sur l’alimentation biologique car, après-tout, « c’est bon pour le pouvoir d’achat et pour la planète ».
Jadot sait aussi comment il faut enseigner : avec la méthode élitiste (Montessori) ou celle carrément obscurantiste (Steiner-Waldorf), très en vogue dans la mouvance écologiste. Sous couvert de pédagogie, il compte soumettre les travailleurs de l’enseignement aux groupes de pression, comme aux Etats-Unis.
Nous ouvrirons l’école à des partenariats avec les associations, les réseaux d’éducation populaire et le tissu industriel et agricole de proximité. (Yannick Jadot, Changer la France pour vivre mieux)
Pour l’essentiel, Jadot continuerait à plier l’école publique aux besoins du capitalisme.
Nous valoriserons la voie professionnelle indispensable à la transition. […] Nous renforcerons l’enseignement professionnel sous statut scolaire et garantirons une offre de filières attractive et adaptée aux enjeux de la transition. […] Nous créerons des filières professionnelles pour tous les métiers et toutes les branches. Nous développerons des lycées polyvalents regroupant les voies générales et professionnelles et multiplierons les passerelles entre les voies. […] Nous créerons jusqu’à 100 000 places en première année d’ici la fin du mandat en particulier dans les formations courtes de l’enseignement supérieur préparant aux métiers de la transition (BTS et IUT).
Partisan de l’uniforme vert ou bleu
Prêt à assumer la charge de l’État bourgeois, EELV promet d’entretenir et de renforcer ses forces de répression. Jadot ne s’oppose pas aux interventions militaires de l’impérialisme français à l’étranger, mais souhaite que cela se fasse avec moins d’émission de CO2.
Dans un contexte de dégradation de la situation sécuritaire mondiale, nous maintiendrons la trajectoire budgétaire prévue par la loi de programmation militaire (LPM) en vigueur. Nous élaborerons un nouveau Livre blanc sur la défense et préparerons une nouvelle LPM pour mieux adapter notre stratégie de défense aux défis posés par le changement climatique et réduire la dépendance des armées aux énergies fossiles. (Yannick Jadot, Changer la France pour vivre mieux)
Favorable à une alliance plus prononcée du capitalisme européen, EELV propose la création d’une force européenne de 5 000 hommes mais avec de l’équipement local. Une position réaffirmée récemment devant l’invasion russe en Ukraine, Jadot regrettant que l’UE n’ait pas de « politique de défense suffisante pour intervenir militairement » (Franceinfo, 28 février).
En matière de répression intérieure, Jadot n’est pas en reste puisqu’en plus de manifester, comme LR et le RN, avec les organisations de policiers [voir Révolution communiste n° 45], il veut rétablir « une police nationale de proximité » et renforcer les services de renseignements.
Je veux dire au nom des écologistes notre attachement à la police républicaine. Il faut écouter les syndicats de police et leur dire quelles sont nos propositions pour la sécurité des Français. (Yannick Jadot, France 2, 19 mai 2021)
Incapables de gouverner seuls, l’appétit des partis écologistes pour les postes de l’Etat bourgeois les pousse à être sans attendre les partenaires de partis réformistes (SPD en Allemagne, PS et PCF en France…) ou de partis bourgeois (FDP en Allemagne, OVP en Autriche…). Ces gouvernements, non seulement ne progressent pas vers l’égalité sociale mais ne protègent pas l’environnement.
Aucune voix, ni au premier ni au second tour, pour les candidats des partis bourgeois (Jadot, Macron, Le Pen, Zemmour, Dupont-Aignan) !