Crise gouvernementale en Autriche (GKK/Autriche)

(Allemand / Deutsch)

Avec les perquisitions ordonnées par le parquet anticorruption autrichien (WKSTA) au siège de l’ÖVP [Parti populaire autrichien, chrétien-démocrate], à la chancellerie fédérale, au ministère des finances et au domicile des proches de Kurz le 6 octobre 2021, le gouvernement vert-turquoise [entre Die Grünen, Verts, parti écologiste, et ÖVP] connaît aujourd’hui une crise sans précédent.

Il y a longtemps que le groupe KlassenKampf [Lutte de classe] a mis en garde les salariés contre le jeu des « experts politiques » bourgeois et sociaux-démocrates, des porte-parole des partis et des médias. Leur politique n’a jamais suivi les règles du code pénal. Chaque cas de corruption, patronage ou utilisation d’argent public est désormais visé par une vaste enquête. Généralement, les coupables de telles malversations s’en sortent en toute impunité, au motif qu’ils n’ont jamais donné d’ordre écrit ; leur responsabilité ne pouvant dès lors être totalement engagée ni même prouvée. Récemment, nous avions d’ailleurs publié dans notre journal KlassenKampf et sur notre site Internet un article sur Sebastian Kurz intitulé « La corruption fait partie du système ».


Ce qui est intéressant dans les 104 pages qui justifient d’un mandat de perquisition (https://we.tl/t-b8Vj4gMpfs, https://we.tl/t-OtXULo5Yqp), ce n’est pas la liste des accusations pertinentes du point de vue pénal – manipulation des instituts de sondage, financement illégal de publicités dans les tabloïds du groupe Fellner, falsification des résultats d’enquêtes, etc. – mais bien le tableau d’ensemble et la conclusion des procureurs : toute l’enquête tourne autour de Sebastian Kurz lui-même [président de l’ÖVP depuis 2017 et chancelier fédéral, l’équivalent de premier ministre, de 2017 à 2019 et de 2020 à 2021], toutes les infractions ont été avant tout commises dans son propre intérêt.

Les faits sont là depuis des années : la résistible ascension de Sebastian Kurz a commencé bien avant le putsch interne de l’ÖVP, conduisant en mai 2017 à la démission (forcée) de Reinhold Mitterlehner, président du parti et vice-chancelier de la grande coalition. C’est alors la voie royale pour Kurz et sa bande. L’objectif de cette faction secrète réactionnaire, unie dans son combat contre le socialisme au sens large du terme, ne visait pas uniquement le contrôle de l’ÖVP, mais bien celui de l’État tout entier.

Tous les moyens étaient dédiés à cet objectif, à savoir sondages truqués, mensonges éhontés à la population, recherche éperdue de financements.

Ensuite, une fois que les partenaires sociaux-démocrates ont également été évincés de la coalition : une campagne électorale, dont le plafond légal a été allègrement et délibérément dépassé (environ 6 millions d’euros, soit le double du montant autorisé). Une campagne tout sauf équitable, manipulée par de faux sondages, d’articles de presse élogieux dans les tabloïds à la solde de Kurz et escamotées par nombre d’émissions de télévision. Une « victoire électorale » que l’on qualifierait aisément de « fraude électorale » dans d’autres États bourgeois.

[De 2017à 2019], lors de la coalition turquoise-bleue entre ÖVP et FPÖ [Parti de la liberté d’Autriche, fascisant], il s’agissait de restructurer de la démocratie parlementaire bourgeoise, comme on l’appelait autrefois. Le ministre FPÖ de l’intérieur Herbert Kickl, grand gourou aujourd’hui des anti-vaccin, avait le champ libre pour harceler et tenter de chasser les migrants et migrantes ; la sécurité sociale tombe entre les mains des associations capitalistes. Un certain monsieur Blümel [ministre] n’hésitait pas à se promener dans les rangées du Conseil national [équivalent de l’Assemblé nationale] en chaussettes turquoise alors que monsieur Sebastian Kurz préfère jouer sur son téléphone portable, à peine moins que son vice-chancelier Strache [FPÖ].

Lorsque le scandale éclata en 2019 [en mai, la presse allemande diffusa une vidéo, tournée en 2017 à Ibiza, où le vice-chancelier autrichien Heinz-Christian Strache se montrait prêt, entre autres, à offrir à un oligarque russe des marchés publics autrichiens en échange d’un soutien financier], la coalition turquoise-bleue s’effondra, sous le regard des plus indignés du grand sauveur turquoise et les cartes furent quelque-peu rebattues. Dès lors, la priorité est de remettre le ministère de l’intérieur et donc l’exécutif sous contrôle du parti du chancelier. La succession de Kickl est prise par Karl Nehammer, un ex-lieutenant de l’armée, un plus grand par la taille et visiblement plus cultivé que son prédécesseur et dont l’autoritarisme et la folie des grandeurs policières en font le parfait lieutenant du chancelier.

Dans le genre bourde monumentale dans l’histoire récente autrichienne, Kurz et compagnie forment alors une alliance gouvernementale avec les Grünen. Composé d’un socle de petit-bourgeois dès sa naissance, le parti s’était séparé depuis longtemps des militants écologistes radicaux de ses débuts pour prendre d’avantage la forme d’un parti de bobos des villes. Il s’est donc laissé amadouer par l’obtention de quelques postes ministériels [en particulier, le porte-parole des Grünen Werner Kogler est devenu vice-chancelier] et de vagues promesses sur une politique « plus écologique ». On peut imaginer comment messieurs Kurz, Bonelli, Schmid et Fleischmann [ÖVP] se sont assis à la table du gouvernement en se tapant sur les cuisses de rire.

La répartition des sièges au Conseil national après les élections législatives du 29 septembre 2019


Comment le SPÖ [Parti social-démocrate d’Autriche] a-t-il pu rester les bras croisés ? Pourquoi ne pas mener pour de bon une véritable politique d’opposition dans le cadre du système bourgeois existant ? Car pendant des décennies, il s’est elle-même fait l’avocate des alliances avec le principal parti de la classe dirigeante autrichienne [ÖVP] sous la forme d’un « partenariat social ». Celui qui réfléchit en termes de voix et d’alliances politiques oublie le combat. Il ne sera jamais question des salariés, des opprimés, des jeunes ou autres. Si seules les voix comptent, les intérêts et les besoins fondamentaux sont mis au rebut. La seule différence réside alors dans les méthodes avec lesquelles la politique est menée.

Ceux qui aujourd’hui exigent la démission de Kurz ou de l’ensemble du gouvernement au seul motif de « corruption » ont la faiblesse de croire que le système capitaliste peut encore trouver un salut moral. Dans leur désespoir, les milieux bourgeois travaillent déjà à de nouvelles « solutions », une catastrophe aussi bien pour les travailleurs que les chômeurs. En proposant une « coalition à quatre » composée de NEOS [Nouvelle Autriche et forum libéral, parti libéral] des Grünen, du SPÖ et du FPÖ, Beate Meinl-Reisinger, présidente de NEOS ; a suscité un vif intérêt au sein des autres partis. C’est bien le signe que tous les voyants sont au rouge et que la sonnette d’alarme est tirée avec insistance.

Oui, ce gouvernement doit tomber, mais à cause de ses politiques antiouvrières et antisociales. À cause du plan de réforme fiscale, voué à une redistribution vers le haut. À cause de leur ignorance et mépris des besoins vitaux des travailleurs : moins d’argent pour les hôpitaux, aucune action contre la crise des infirmiers et infirmières. En revanche, ils rivalisent d’imagination pour trouver des moyens encore plus efficaces d’humilier et de maltraiter les demandeurs d’emploi.

Dehors, Kurz et Kogler !

SPÖ, ÖGB [Confédération autrichienne des syndicats], rompez avec les capitalistes ! Pour un gouvernement responsable des intérêts des travailleurs et non des capitalistes et des professionnels du tourisme !

On ne peut aller de l’avant si l’on craint d’aller au socialisme !

7 octobre 2021, Groupe KlassenKampf