76 ans de soutien de l’ONU et de l’État impérialiste français à la colonisation de la Palestine
Il y a une grande continuité entre la 5e République et la 4e, entre Macron et les précédents présidents de la 5e.
Durant la 2e Guerre mondiale, l’État et sa police ont collaboré avec le 3e Reich pour exterminer les Juifs étrangers réfugiés et les Juifs français. Ensuite, la 4e République permit aux dirigeants sionistes de mener des activités sur son territoire, d’envoyer des armes et d’organiser l’immigration juive vers la Palestine. Elle hébergeait les terroristes sionistes comme David Ben Gourion (Haganah) ou Yitzhak Shamir (Lehi).
En 1947, l’ONU, sous impulsion du gouvernement américain, avalisa la colonisation en cours et accepta la formation d’un état juif en Palestine (résolution 181, votée par la France). Dès sa formation, l’État français reconnut Israël qui était le résultat en 1948 de l’expulsion violente de la majorité des Arabes de son territoire (Nakba) qui était bien plus vaste que ce qu’avait accordé l’ONU.
En 1956, des avions de chasse Dassault Mystère 4 furent livrés discrètement à Israël. Quand le dirigeant nationaliste panarabe d’Égypte Gamal Nasser nationalisa le canal de Suez, l’armée française tenta de l’en empêcher avec la britannique et l’israélienne mais l’intervention fut bloquée par l’URSS et les Etats-Unis. En 1957, l’État français fournit secrètement à Israël de quoi préparer l’arme atomique.
L’accord nucléaire dissimulé fut reconduit par la 5e République après la prise de pouvoir par le général Charles de Gaulle, idole non seulement de LR, mais du PS, du PCF et de LFI. Celui-ci étendit la coopération à la mise au point conjointe de missiles (les modèles israéliens Shavit puis Jéricho lui devaient beaucoup). La France exportait alors largement ses armements en Israël. En 1967, lors de l’attaque contre l’Égypte et l’invasion de la Syrie et de la Jordanie, le chasseur-bombardier Dassault Mirage 3 se révéla très utile à l’armée israélienne. Mais l’État français ménageait aussi les États arabes d’Afrique du Nord et du Proche-Orient qui lui fournissaient du gaz et du pétrole et lui achetaient des armements. Suite à son offensive, Israël prit le Sinaï à l’Égypte, la bande de Gaza et la Cisjordanie (dont l’est de Jérusalem) à la Jordanie et le plateau du Golan à la Syrie. La résolution 242 de l’ONU, votée par la France, demanda le retrait des nouveaux territoires occupés par Israël (1-a), ce qui entérinait toute la colonisation antérieure à 1967 et garantissait « l’inviolabilité territoriale de chaque État de la région » (2-b).
L’attaque du Liban par Israël en 1968 refroidit un peu plus les relations avec la France. Israël se tourna vers les Etats-Unis. Néanmoins, en 1972, un accord secret permit de livrer des pièces détachées pour maintenir la flotte d’avions Mirage. En 1982, le président François Mitterrand (à la tête d’un gouvernement PS-PCF-PRG-PSU) visita Israël. Devant le parlement (« Knesset »), il affirma la continuité de l’orientation impérialiste française : « les efforts constants pour que le droit d’Israël à l’existence soit universellement admis et pour qu’il soit reconnu du même coup son droit à obtenir les moyens de cette existence ».
En 2002, le président Jacques Chirac consacra un rapprochement diplomatique en invitant le premier ministre Ariel Sharon en France. Nicolas Sarkozy poursuivit la même politique : défense d’Israël dans les frontières antérieures à 1967 et soutien à la création d’un État palestinien sur les restes de la Palestine (Gaza, Cisjordanie). Le président François Hollande soutint Israël dans son refus que l’Iran se dote aussi de l’arme atomique. Il déclare à la Knesset en 2013 : « la position de la France, c’est un règlement négocié pour que les États d’Israël et de Palestine, ayant tous deux Jérusalem pour capitale, puissent coexister en paix et en sécurité ».
Macron interdit le rassemblement de soutien aux Palestiniens à Paris
Une fois élu, le président Emmanuel Macron prit la suite. La nouveauté qu’il introduisit fut d’assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme. Devant son invité le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, il inventa en juillet 2017 que « l’antisionisme est la forme réinventée de l’antisémitisme ».
Il est vrai que parmi les courants hostiles à Israël, certains le sont par haine des Juifs. Il est aussi vrai que plus d’un dirigeant du mouvement sioniste avait collaboré avec le régime nazi. Il est également connu que bien des alliés d’Israël sont des antisémites plus ou moins camouflés, comme le parti fascisant FPÖ qui gouverne l’Autriche en alliance avec le parti écologiste Grünen, le parti fascisant Fidesz qui gouverne la Hongrie en alliance avec le parti démocrate-chrétien KDNP ou la dynastie islamiste d’Arabie saoudite.
L’Autriche a hissé le 14 mai sur des bâtiments officiels le drapeau israélien en signe de « solidarité face aux attaques dirigées depuis la bande de Gaza par le Hamas et d’autres groupes terroristes »… Le FPÖ est un parti d’extrême droite, fondé par d’anciens nazis, qui est régulièrement éclaboussé par des scandales liés à l’antisémitisme. (AFP, 14 mai 2021)
Quand, en novembre 2017, Macron rendit visite au monarque Mohammed ben Salmane, il oublia de dénoncer l’antisémitisme -bien réel- répandu avec le salafisme et le djihadisme dans le monde entier par l’Arabie saoudite. Le gouvernement, LR et le RN et les médias réactionnaires ont ensuite mené une campagne de calomnie contre l’université et le syndicat étudiant UNEF, taxés « d’islamo-gauchisme ».
En avril 2021, quand Israël réprime les Arabes de Jérusalem à l’occasion du Ramadan, le gouvernement français qui couvre les agissements racistes de sa propre police, Macron se tait. En mai, quand Israël déclenche une véritable guerre contre la zone surpeuplée et sans défense de Gaza, détruisant comme en 2008, 2012, et 2014 les infrastructures, Macron affirme qu’il « est déterminé à œuvrer avec l’ensemble des parties pour mettre un terme au plus vite à l’escalade de la violence ». Il s’entretient avec le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas le 13 mai.
Il lui a présenté ses condoléances, en ce jour de fête religieuse, pour les nombreuses pertes de civils palestiniens résultant des opérations militaires et des affrontements en cours avec Israël. Il a fermement condamné les tirs revendiqués par le Hamas et d’autres groupes terroristes visant le territoire israélien, mettant en grave danger la population de Tel Aviv et d’autres villes israéliennes et nuisant à la sécurité de l’État d’Israël. Il lui a enfin demandé d’user de tous les moyens de son influence pour que le calme soit rétabli au plus vite. (Communiqué de presse, 13 mai 2021)
Puis Macron discute avec le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou le 14.
Le Président de la République s’est entretenu, aujourd’hui, avec le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. Il lui a présenté ses condoléances pour les victimes des tirs revendiqués par le Hamas et d’autres groupes terroristes qu’il a, une nouvelle fois, fermement condamnés. En ce jour anniversaire de la création de l’État d’Israël, le Président de la République a rappelé son attachement indéfectible à la sécurité d’Israël et de son droit à se défendre dans le respect du droit international. (Communiqué de presse, 14 mai 2021)
En fait, il ne consulte pas « toutes les parties » puisqu’il oublie le chef du gouvernement de la bande de Gaza, Yahia Sinouar. Il est vrai que le Hamas n’est pour lui, comme pour le gouvernement autrichien, qu’un « groupe terroriste ». Et son avis sur les responsabilités n’est pas plus neutre. Il voit la paille des quelques roquettes tirées par le Hamas et son compère le Djihad islamique mais pas la poutre du terrorisme à grande échelle d’un État surarmé contre une population civile concentrée, paupérisée et sans défense.
Quand Macron parle à Abbas, il condamne les tirs de roquettes visant le territoire israélien (protégé par un dispositif électronique sophistiqué) mettant en grave danger la population (environ 10 morts à ce moment-là. Quand il s’adresse à Netanyahou, Macron ne condamne pas les bombardements systématiques, par bombes et missiles de grande précision, de la zone de Gaza qui est dépourvue de toute défense (environ 200 morts à ce moment-là). Les deux fois, il parle de la sécurité d’Israël, aucune fois de la sécurité de la population de la bande de Gaza.
Son ministre de l’intérieur Darmanin a interdit le rassemblement de soutien aux Palestiniens appelé le 15 mai à Paris sous prétexte de possibles « débordements antisémites ». Le 12 mai, la police de Macron et Darmanin a arrêté Bertrand Heilbronn, le président de l’Association France Palestine (AFPS). Faire passer l’AFPS, la Ligue des droits de l’homme (LDH) et la confédération syndicale Solidaires (SUD) pour des antisémites, il fallait oser !
Implorer Macron d’imiter Biden ?
Les partis ouvriers bourgeois (PS, PCF, LFI…), les bureaucraties syndicales (CFDT, CGT, UNSA, Solidaires, FO…) et les associations qu’ils contrôlent (AFPS, LDH…) ne mettent aucunement en cause l’existence d’Israël.
Le Parti socialiste réitère son souhait que la France agisse avec d’autres États membres européens en faveur de la reconnaissance de l’État de Palestine aux contours prévus par les résolutions du conseil de sécurité de l’ONU. (PS, Communiqué, 11 mai 2021)
La France doit s’exprimer clairement en faveur du droit et de la justice : la colonisation de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie doit immédiatement prendre fin… les Palestiniens doivent disposer de leur État dans les frontières de 1967 et pouvoir vivres libres aux côtés de l’État d’Israël. (Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, 14 mai 2021)
Avec la Confédération Syndicale Internationale, FO considère que la solution acceptable et durable est la mise en œuvre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies et le lancement de négociations pour l’établissement des conditions économiques et sociales indispensables à la coexistence pacifique et en démocratie des États israélien et palestinien. (FO, Communiqué, 17 mai 2021)
S’en tenant à la position traditionnelle de la bourgeoisie française, les « réformistes » en appellent à l’ONU qui a toujours entériné la colonisation de la plus grande partie de la Palestine. Comme leur État impérialiste, les « réformistes » défendent le mythe de la coexistence d’un Israël surarmé aux côtés d’un État bantoustan palestinien. Pour l’AFPS, les « territoires occupés » ne vont pas du Jourdain à la mer ; ils se réduisent au Golan, à des quartiers de Jérusalem et aux colonies en Cisjordanie.
Dans les rassemblements du 15 mai, l’AFPS fait signer une pétition de « personnalités » (du PCF ou de LFI) adressée à « Monsieur le président de la République ».
Nul ne comprendrait que la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, qui se veut acteur majeur de la diplomatie… continue à se taire ou, pire, à renvoyer dos à dos agresseurs et agressés. Le président Joe Biden a appelé les autorités israéliennes à renoncer à toute escalade. (Manon Aubry, Clémentine Autain, Eric Coquerel, Pierre Laurent, François Ruffin, etc. Protéger les Palestiniens de Jérusalem, le France doit agir, 11 mai 2021)
Donner comme modèle à suivre le représentant politique de l’impérialisme le plus puissant de la planète est pitoyable. Biden s’est situé à droite de Macron jusqu’à présent, en refusant au « conseil de sécurité » de l’ONU de voter une simple résolution pour le retour au calme. Plus important, derrière les palinodies de la « communauté internationale » et de la diplomatie, Biden a autorisé le 5 mai une colossale vente d’armes à Israël (735 millions de dollars).
Pour un front unique ouvrier en défense des Palestiniens
Il y a un peuple opprimé et un État colonisateur de A à Z, il y a d’un côté des frondes et des roquettes et de l’autre un État surarmé.
Au lieu de pleurnicher auprès de Macron, le mouvement ouvrier (partis et syndicats) doit appeler dans l’unité à des manifestations de rue en défense inconditionnelle des Palestiniens, et surtout organiser à l’échelle internationale le boycott des transports d’armes, de renseignements et de fonds à Israël.
Boycott des envois d’armes à Israël ! Arrêt immédiat de la guerre aux Palestiniens ! Arrêt des ratonnades contre les Arabes à Jérusalem et en Israël ! Autodéfense contre les racistes et la police !
Fin du blocus de la bande de Gaza ! Liberté de circuler des Palestiniens ! Droit au retour des réfugiés !
Libération des prisonniers politiques palestiniens ! Respect des musulmans à Jérusalem ! Destruction du mur d’apartheid ! Dissolution des colonies de Cisjordanie !
À bas l’État d’Israël, colonial, raciste et théocratique ! Une seule Palestine, démocratique, bilingue et laïque, avec les mêmes droits pour les Arabes que pour les Juifs !
La bourgeoisie palestinienne, tant sa branche nationaliste panarabe (Fatah) que sa fraction cléricale panislamiste (Hamas) est incapable de réaliser une telle tâche et en particulier de s’adresser aux travailleurs juifs d’Israël. Contre la bourgeoisie israélienne, les puissances impérialistes et leur ONU, la libération nationale ne peut être menée à bien que par la classe ouvrière unie de la région (Arabes, Juifs, Turcs, Kurdes, Perses…). La Palestine libérée et unifiée ne sera viable que dans le cadre des Etats-Unis socialistes du Levant et la fédération socialiste de la Méditerranée.