Une double crise sur le dos des travailleurs
Face à la situation épidémique, Macron s’est vu contraint d’imposer un deuxième confinement. Pour autant il s’agit avant tout de limiter les contaminations tout en maintenant l’essentiel des activités économiques. Ainsi, en dehors des secteurs de la restauration et de la culture, la production marchande et les services publics se poursuivent en même temps que les contaminations sur les lieux de travail, d’études, lycées inclus, et donc ensuite dans les familles, et dans les transports. Dans ces conditions, le niveau des nouvelles contaminations quotidiennes se maintient aux alentours de 20 000. Ce nombre est proche de la situation précédant le deuxième confinement et reste donc bien supérieur à l’objectif de 5 000 contaminations journalières maximales fixé par Macron lors de l’annonce de ce deuxième confinement le 28 octobre.
Depuis le début de la pandémie en mars 2020, 70 283 personnes sont mortes du covid au 17 janvier 2021 selon Santé publique France, et le nombre de morts recensés pendant la deuxième vague depuis septembre est plus important que celui de la première vague, malgré les progrès dans la prise en charge des malades.
Macron a annoncé que la santé était « un bien public mondial » mais c’est tout le contraire ! Les médicaments comme les vaccins font l’objet d’une course au profit au plan mondial qui se révèle lucrative, mais inapte à répondre aux besoins de manière cohérente, organisée et accessible à tous. Le début de la campagne de vaccination, chaotique, est un échec au prétexte de « ne pas confondre rapidité et précipitation ». De plus, le manque de doses de vaccins, résultat du mode capitaliste de la production, vient rajouter l’impuissance au désordre.
La crise économique qui se préparait a été précipitée et renforcée par la pandémie mondiale. Non seulement la situation sanitaire oblige certaines entreprises à arrêter ou limiter leurs activités mais, de plus, elle accélère la restructuration du capital au détriment des travailleurs.
Ainsi, la baisse du PIB pour 2020 est la plus grave que la France ait jamais connu depuis qu’il est mesuré, autour de 10 % pour 2020 (9 % selon l’INSEE et la Banque de France et 11 % pour le gouvernement). Le ministre de l’économie revoit déjà à la baisse ses perspectives pour 2021 : « nous avions prévu 6 %, ce chiffre est un défi. Je souhaite qu’on soit le plus lucide possible là-dessus » (Le Maire, 12 janvier). Les destructions d’emplois nettes, bien que contenues par les mesures de soutien aux entreprises, dont le paiement par l’État du chômage partiel, ont été proches de 800 000. Il s’est agi dans dès les premiers mois des plus exploités et donc des plus fragiles : travailleurs sans papiers, en intérim ou en CDD, jobs étudiants, contrats à temps partiels qui concernent les femmes très majoritairement. Les faillites d’entreprises ont été moins nombreuses en 2020 qu’en 2019, car elles ont été mises sous perfusion des aides publiques, mais les destructions d’emplois à venir seront considérables, dès que ces aides cesseront ou même seulement diminueront. Selon la Dares, entre mars et décembre 2020, 657 plans « de sauvegarde de l’emploi » avaient été initiés contre 369 sur la même période l’an passé. En outre, cela ne tient pas compte des licenciements par les entreprises de moins de 50 salariés, des faillites d’auto-entrepreneurs, des jeunes qui cherchent un premier emploi, etc.
Le déclassement du capitalisme français
L’impérialisme français continue de perdre des positions, économiques et politiques.
L’impérialisme français rencontre de plus en plus de difficultés pour maintenir son influence dans son pré carré en Afrique. Il essaie aussi de restaurer son influence au Proche-Orient. Ses troupes interviennent en Irak et Macron a visité deux fois le Liban pour le « sauver », mais s’y est cassé les dents !
Beaucoup de grands groupes transnationaux perdent pied. Parmi les fleurons industriels français, figuraient le nucléaire, l’aéronautique et l’automobile, des secteurs qui souffrent particulièrement. Pour résister, PSA fusionne à 50/50 avec FCA pour créer Stellantis (marques Alfa Romeo, Chrysler, Citroën, Fiat, Opel, Peugeot) dont le siège est à Amsterdam. Mais le groupe de l’aluminium Péchiney a été absorbé par le canadien Alcan en 2003 et le groupe Alstom a vendu en 2015 sa division de turbines à l’américain General Electric. Dans l’industrie pharmaceutique, pourtant portée par la conjoncture, Sanofi a rencontré des problèmes dans la course au vaccin. Le groupe canadien Couche-Tard vient de tenter de prendre le contrôle de Carrefour, fragilisé, ce qu’a découragé le gouvernement français, qui n’est libéral que lorsque cela l’arrange, au nom d’arguments ridicules : « Le jour où vous allez chez Carrefour et qu’il n’y a plus de pâtes, vous faites comment ? » (Bruno Le Maire, 13 janvier).
La « balance commerciale » (échanges de biens) accuse un déficit depuis 15 ans, actuellement de 65 milliards d’euros par an. Pour le RN et LFI, il suffirait de fermer les frontières françaises aux produits étrangers pour régler ce problème, sans s’occuper des conséquences de la destruction de l’Union européenne ni aux rétorsions des États étrangers sur les produits français.
La seule chose qui distinguait les partis bourgeois (RN, LR, LREM…) et les partis sociaux-patriotes (PS, PCF, LFI, POID…) est que ces derniers n’accusaient pas les travailleurs immigrés d’être la cause du chômage, du manque de logements, de l’affaiblissement de la protection sociale, de la délinquance. Mais, déjà, le chef de LFI avait mis en cause l’ensemble des Tchétchènes vivant en France. Un député LFI va encore plus loin dans la convergence avec Le Pen.
Je suis favorable aux retour des frontières, sur capitaux, marchandises et personnes, y compris pour les Européens du Nord. Il faut poser des limites à la circulation tous azimuts des personnes. (François Ruffin, 2 décembre)
La nécessité de renforcer l’exploitation
Pour tout capitaliste français (au sens où il opère sur le territoire de l’État français), la double crise pousse des attaques directes sur le lieu d’exploitation (fermeture de site peu rentable, flexibilité des horaires, intensification du travail, baisse du salaire…). Au niveau national, le patronat presse l’État bourgeois d’agir, notamment sur les retraites et l’assurance chômage, pour tenter de rétablir leur taux de profit.
C’est au président de la République et à lui seul de décider du calendrier, mais les faits sont têtus, vous ne pouvez avoir un régime des retraites qui reste déficitaire pendant des décennies jusqu’en 2045, sinon ce sont les retraites de nos enfants, pour reprendre l’expression de Jean-Luc Mélenchon, que vous menacez, que vous mettez en péril. (Bruno Le Maire, 14 décembre)
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Le gouvernement hésite, craignant d’un côté de précipiter un nouvel affrontement avec la classe ouvrière et de l’autre d’être accusé de laxisme par la bourgeoisie. Pour s’engager, il aura plus que jamais besoin du soutien du « dialogue social ». La réforme des retraites « figure bien à l’agenda social 2021 », assure la ministre du travail Borne le 4 décembre 2020 sur CNews, « mais il faut le faire dans le dialogue social avec les partenaires sociaux… quand on aura pu surmonter l’urgence du moment ». Quant à la réforme de l’assurance chômage, elle fait l’objet de nouvelles concertations avec les chefs syndicaux depuis la mi-janvier.
Parallèlement, l’endettement public est passé de 100 % du PIB fin 2019 à 120 % fin 2020, à la suite des mesures prises en soutien aux capitalistes. Cela inquiète les serviteurs du capital les plus conséquents :
Mon raisonnement est de dire qu’il faut rembourser la dette. Je le redis pour une raison simple, qui est que cette dette doit être rachetée par des investisseurs. Si vous voulez que les investisseurs continuent d’être intéressés par la dette française, il faut leur garantir qu’on la rembourse. (Bruno Le Maire, 1er décembre)
Mais comment ? Par « des réformes de structures », répond le ministre de l’économie. C’est-à-dire par de nouvelles coupes dans les services publics et le respect des remboursements et des intérêts versés aux groupes financiers par l’impôt qui pèse surtout sur les classes laborieuses.
En attendant, le décret du 11 novembre impose trois conditions pour bénéficier de l’indemnisation pour activité partielle : l’âge (plus de 65 ans) ou une pathologie grave, l’impossibilité du télétravail et l’absence de mesures de protection renforcées sur le lieu de travail. Serge Legagnoa, secrétaire confédéral de FO trouve le décret « très intéressant et positif pour les salariés ». L’UNSA prétend que le gouvernement « revient à la raison ». Et le taux de l’indemnisation pour chômage partiel, dans les entreprises ayant rouvert, passera à 72 % du salaire net (au lieu de 84 %) à compter du 1er février. Aux travailleurs d’en faire les frais. En attendant, la réforme des aides au logement devrait permettre d’économiser 700 millions d’euros sur le dos des allocataires.
La nécessité de renforcer la répression
Le gouvernement renforce son dispositif répressif pour prévenir toute contestation sociale ou politique par la loi « sécurité globale », par le fichage des mal-pensants et autres militants, par l’extension des fichiers de police et aussi par l’augmentation des effectifs, des équipements et des rémunérations des corps de répression.
Les « syndicats » Alliance et Synergie (aux mains de LR et du RN) se dressent en fin d’année contre toute mise en cause des violences policières. Les partis « réformistes », tout en dénonçant les « factieux », renouvellent leur confiance dans la police elle-même.
Une société dans laquelle la population déteste sa police et la police se méfie de la population, il faut arrêter ça, il faut rentrer dans une logique de désescalade… 150 suicides depuis le début de l’année, il y a quand même un problème, non ?… On peut rétablir l’ordre dans la police si on y remet un peu de bon sens. (Jean-Luc Mélenchon, Le Parisien, 14 décembre)
Le gouvernement suit leurs conseils.
Dans une lettre adressée le 12 janvier aux syndicats de policiers, Gérard Darmanin, ministre de l’intérieur, a promis, notamment, la mise en place de la gratuité des transports entre le domicile et le lieu de travail ainsi qu’une meilleure prise en charge des mutuelles par le ministère. (Le Monde, 15 janvier)
Les directions syndicales poursuivent la collaboration de classe
Macron appelait une nouvelle fois dans ses voeux du 31 décembre à l’unité nationale pour remettre sur pied le capitalisme français. L’État a besoin de la connivence des grandes organisations ouvrières pour mener à bien ses attaques contre la classe ouvrière. Ainsi les concertations sont omniprésentes avec les directions syndicales, seul le « Grenelle de l’éducation » a été déserté, après des semaines de participation, par la FSU et la CGT.
Pour se défendre et gagner, le prolétariat doit pouvoir compter sur ses organisations constituant un front unique, d’abord pour l’interdiction des licenciements. Mais c’est tout le contraire qui se produit. Les bureaucraties à la tête des confédérations syndicales organisent l’émiettement du prolétariat -et la défaite- par le dispositif des journées d’action secteur par secteur. Ainsi les travailleurs de la santé sont conviés à se mobiliser le 21 janvier, ceux de l’éducation nationale, ceux de l’énergie le 26 et le 28. À cette dispersion, s’ajoutent des manifestations du samedi le 16 et le 30 janvier contre la loi sécurité globale. À la suite de quoi, comme toujours, les dirigeants syndicaux ressortent la même recette avariée : ces appels permettraient d’aboutir « à un temps fort commun interprofessionnel de mobilisations et de grève le 4 février 2021 » (CGT-SUD-FSU, 22 décembre).
D’un côté, ces directions syndicales organisent des grèves et manifestations stériles d’un jour, de l’autre elles poursuivent leur collaboration de classe en participant, comme les autres (CFDT, UNSA, FO…), aux concertations avec le gouvernement et aux négociations des licenciements collectifs dans les entreprises.
Parallèlement, circule un appel à une manifestation nationale le 23 janvier pour interdire les licenciements, soutenu par des sections ou des fédérations syndicales et des organisations politiques comme le NPA, LFI, l’UCL, Ensemble… Mais cet appel ne dit pas un mot pour en finir avec la politique de sabotage de la combativité et de collaboration de classe des chefs syndicaux, comme si cela n’existait pas, pas plus qu’il n’appelle à imposer le front unique de toutes les organisations ouvrières, partis et syndicats, pour organiser la mobilisation générale pour l’interdiction des licenciements. Dans ces conditions, la manifestation du 23 janvier ne peut être qu’un coup d’épée dans l’eau qui viendra se rajouter simplement à la kyrielle des journées d’action décidées par les appareils.
La défense des producteurs mène à la révolution sociale
La pandémie démontre les limites des réponses nationales et le caractère antisocial de la propriété privée des moyens de produire. La recherche des traitements et vaccins ne fait pas l’objet d’une collaboration internationale mais d’une concurrence entre les membres du « big pharma ». Les différents gouvernements bourgeois cherchent tous à préserver d’abord leurs capitalistes.
Mais la crise exacerbe les tensions entre les impérialismes. Partout les bourgeoisies brandissent le drapeau du nationalisme et du chauvinisme pour appeler au renforcement de la nation, à l’union nationale. C’est le réflexe classique des capitalistes en temps de crise pour mieux ligoter la classe ouvrière à « sa » bourgeoisie et à « son » État. Dans cette entreprise, la bourgeoisie française reçoit le soutien à peine dissimulé des directions politiques des partis ouvriers :
On a tous le sentiment d’un déclassement de la France, devenue incapable de produire des masques quand il faut et aujourd’hui des vaccins ! (Jean-Luc Mélenchon, La Dépêche, 8 janvier)
Comme si la question à régler pour les travailleurs était celle de la grandeur de la France, et non pas d’en finir avec le capitalisme.
Nous voulons une industrie française. Nous voulons produire en France. (Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, France 2, 29 décembre 2020)
Comme si la question à régler pour le prolétariat était que l’industrie soit française, c’est-à-dire aux mains de capitalistes français, et non pas de s’emparer de toute l’industrie, d’exproprier le capital. Tant qu’ils font la loi, que l’État est leur État, les capitalistes, qu’ils soient français ou étrangers, investissent toujours là où le taux de profit leur est le plus favorable, en mettant en concurrence les prolétariats des différents pays. D’ailleurs, Macron reçoit chaque début d’année en grande pompe un aréopage de grands patrons internationaux en route pour Davos, afin de les convaincre de l’attractivité de la France. Hélas, crise oblige, cette année ce raout devra être reporté à plus tard.
Aux sirènes édentées de la « nation », de la « lutte contre le séparatisme des pauvres », de « l’ordre républicain », du protectionnisme, du « produisons français », du militarisme qui divisent les travailleurs, les révolutionnaires opposent la fin des brevets sur les vaccins, la lutte pour l’emploi, la défense des libertés démocratiques, la fin des interventions militaires françaises, l’annulation des loyers des victimes de la crise, la suppression des impôts indirects et des cotisations sociales des salariés, l’instauration d’un impôt fortement progressif sur les revenus, l’accueil des réfugiés, l’égalité des droits pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs.
Cette lutte débouche sur la nécessité d’un gouvernement ouvrier, l’armement des travailleurs, la destruction de l’État bourgeois, la prise du pouvoir par la classe ouvrière, l’expropriation du capital. Les travailleurs doivent relever le drapeau de l’internationalisme, se saisir du mot d’ordre des États-Unis socialistes d’Europe et du socialisme mondial pour en finir avec les affres de l’impérialisme, du capitalisme décadent.