En février 2019, il a préparé une attaque contre la recherche publique avec la même méthode que la loi contre les retraites des salariés : une concertation (avec trois commissions avec des parlementaires, des présidents d’établissements, des patrons, les représentants des organisations syndicales), le dévoilement d’un projet conforme aux besoins du capital, la prévision d’un vote par l’Assemblée nationale d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) s’appliquant début 2021.
Les chefs syndicaux ont passé tout l’automne 2019 à répondre docilement aux concertations du gouvernement (à l’exception de FO-ESR, très minoritaire). S’appuyant sur leur docilité, un des concepteurs de la LPPR a donné l’axe.
Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies. (Antoine Petit, 26 novembre 2019)
Modulation de service obligatoire pour les enseignants-chercheurs, ce qui revient au non-paiement de leurs heures complémentaires, évaluation des services des enseignements en crédits ECTS (European Credits Transfer System) en lieu et place des 192 h équivalent TD, instauration d’un système de régulation des charges d’enseignement au niveau de la composante (UFR, faculté, département) avec une décharge pour les « excellents » en recherche. Recours à l’embauche de personnels sur CDI de mission scientifique, dont la fin du contrat pourra s’aligner avec celle du projet, et titularisations encore plus tardives avec la mise en place de « tenure tracks » (poste précaire d’enseignant chercheur) sur le modèle anglo-saxon. Renforcement des méthodes managériales, avec modulation des dotations aux unités en fonction des évaluations HCERES et multiplication des primes variables.
Cette déclaration de guerre aux travailleurs de la recherche a suscité une réaction vive dans les laboratoires et dans les universités. Mais ils se heurtent aux même sabotage que l’ensemble de la classe ouvrière quand elle a tenté de résister au projet contre les retraites : collaboration de classe avec le gouvernement, « grèves reconductibles » site par site et « journées d’action » ou « temps forts », une méthode qui débouche toujours sur la défaite.
Le 18 janvier, une pétition des directeurs de laboratoires demande à la ministre Vidal un moratoire et « l’ouverture d’États généraux » pour que le ministère « s’engage dans un véritable processus d’élaboration démocratique » afin de « fixer l’esprit d’une future loi ».
Le 2 février, à St Denis, à la première réunion de la Coordination des facs et des labos en lutte, 700 personnes clament : « Grève générale ! ». Mais ce qui est écrit, soumis et voté est en fait bien différent : « face à l’obstination et à la violence du gouvernement, nous appelons à poursuivre et étendre la grève reconductible dans l’enseignement et la recherche ! ». Contrairement aux soviets de 1917, les forces politiques (NPA, LO, LFI, PCF, POID, UCL…) se dissimulent. Les membres et adjoints des appareils syndicaux copient leurs « grèves reconductibles » et leurs « journées d’action ». La motion propose un méli-mélo d’actions (en fait toutes les propositions, y compris les plus farfelus) et décide un calendrier aligné sur les « journées d’action » des directions confédérales qui mettent au point la loi contre les retraites : « 5 février : journée d’anniversaire de la mobilisation + journée de la fonction publique, 6 février : journée interpro, 11 février : journée de mobilisation sur la précarité, 17 février : journée interpro, 5 mars : première journée l’université et la recherche s’arrêtent ».
Le 5 mars, il y a du monde dans la rue. Comme il fallait s’y attendre, le gouvernement ne recule pas pour autant. Pourtant, le 7 mars, à Nanterre, la deuxième coordination, mieux organisée mais moins enthousiaste malgré la présence de plus d’étudiants, convoque une nouvelle journée d’action le 19 qui n’aura évidemment pas plus d’efficacité : « La grève reconductible et de grandes journées nationales de mobilisation nous permettront de construire un rapport de force victorieux. Le 5 mars, l’université et la recherche se sont arrêtées. À partir du lundi 9 mars : poursuite de la grève reconductible. Le mardi 10 mars : les universités de Lyon font leur 5 mars. Du lundi 16 mars au samedi 21 mars : semaine noire (l’université et la recherche à l’arrêt ; le jeudi 19 mars : temps fort national ».
Non seulement les partis réformistes et les organisations semi-réformistes en restent aux grèves reconductibles et aux journées d’action de l’intersyndicale qui ont fait échouer le mouvement de défense des retraites mais ils s’entendent, dans les assemblées générales et la coordination, pour refuser d’appeler les directions syndicales à rompre avec le gouvernement et à préparer la grève générale. Autrement dit, ils laissent les mains libres aux bureaucrates qui collaborent avec la bourgeoisie française, son État et son gouvernement.
Front unique contre le projet de loi ! Responsables syndicaux cessez toute concertation avec le gouvernement sur la LPPR ! Quittez les organes de cogestion (Conseil d’orientation des retraites, CNESER, conseils d’administration des établissements…) qui appliquent la politique du gouvernement !
Augmentation massive des crédits récurrents pour les laboratoires de recherche publique ! Titularisation immédiate de tous les travailleurs précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche ! Abrogation de Parcoursup ! Suppression de la double sélection en master ! Gratuité de l’inscription dans l’enseignement supérieur public pour tous !