Macron et Blanquer s’acharnent contre l’enseignement public

Depuis mai 2017, les lois contre le droit aux études et les travailleurs du secteur s’accumulent : sélection à l’entrée à l’université (Parcoursup), réduction de l’enseignement dans les lycées, dévalorisation du baccalauréat, suppressions de postes d’enseignants dans les collèges et lycées, injonctions « pédagogiques », sanctions administratives…

Le ministre Blanquer impose le nationalisme avec l’affichage obligatoire des drapeaux français et européen et des paroles de La Marseillaise. D’un côté, il s’en prend, au nom de la laïcité, aux mères d’élèves musulmanes ; de l’autre, il fait appliquer sa loi dite « de l’école de la confiance » qui ajoute à toutes les subventions versées à l’Église catholique le financement public de classes maternelles « privées ». L’ancien directeur de cabinet du gouvernement Sarkozy a pris aussi des mesures contre l’enseignement professionnel, l’éducation prioritaire, le statut des enseignants du public et il participe à l’instauration du projet de retraites à points.

Le récent suicide d’une directrice d’école de Seine Saint-Denis et l’immolation le 8 novembre d’un étudiant précaire de Lyon sont les terribles conséquences des mesures engagées par Macron. Les attaques consistent systématiquement à mettre au pas la jeunesse, à l’orienter vers les besoins des capitalistes et à détruire les acquis sociaux des travailleurs de l’enseignement public.

La loi contre la fonction publique

Le 6 août, la loi dite de « transformation de la fonction publique » a été promulguée. Issue de 18 mois de concertations et discussions avec toutes les directions syndicales (FSU, CGT, FO, Solidaires, CFDT, UNSA…) elle instaure la régression vers le statut du privé, calquée sur les ordonnances de Macron en septembre 2017 modifiant le droit du travail.

Cette collaboration de classe permanente permet au ministre Darmanin de publier un guide de liquidation du statut de fonctionnaire qui décline les coups portés aux acquis du statut de la fonction publique. La loi permettra :

  • d’ « harmoniser le temps de travail avec celui du privé (1607 heures/an) »,
  • le « recours aux contrats sur les emplois permanents de toutes catégories, et en créant le contrat de projet pour les besoins ponctuels »,
  • la « négociation des conditions d’exercice des services publics locaux en cas de grève, afin de permettre aux autorités territoriales d’assurer la continuité de certains services » ,
  • de contourner les concours nationaux actuels par des « concours nationaux à affectation locale pour permettre aux candidats de choisir leur territoire d’affectation »,
  • de « valoriser le mérite individuel et collectif de chaque agent »,
  • de créer « un dispositif de rupture conventionnelle pour les agents en CDI et, à titre expérimental, pour les fonctionnaires »,
  • de verser « dans le cadre des plans de départs volontaires, une indemnité de départ volontaire aux agents »,
  • d’imposer un « entretien professionnel en lieu et place de la notation pour les agents de la fonction publique hospitalière »,
  • de supprimer « les obstacles juridiques et financiers au développement de l’apprentissage dans la fonction publique ».

Tel est le bilan de l’association des directions syndicales à la politique du gouvernement durant 18 mois. Pour prolonger la soumission des organisations syndicales à sa politique, le gouvernement crée une instance unique du « dialogue social » en remplacement des CHSCT et des CAP.

Diviser pour mieux régner

Mesure phare du candidat Macron mise en place dès juin 2017, les « CP et CE1 à 12 » sont devenus des « classes dédoublées » en réseau d’éducation prioritaire (REP et REP+). Le vocabulaire change car les inspecteurs peuvent monter les effectifs jusqu’à 18 élèves. Pour aboutir à ce que seulement 20 % des classes de CP et CE1 de France soient « dédoublées », l’État gonfle les effectifs jusqu’à 25, voire 30, dans les autres écoles et dans les niveaux supérieurs (du CE2 à la 3e) des écoles REP et REP+. Rien de tel pour opposer les professeurs entre eux.

En octobre, le ministre s’est félicité des résultats des évaluations nationales de CP et CE1 de début d’année. En réalité, la différence se creuse entre les élèves de l’enseignement prioritaire et les autres.

En un an, selon la DEPP l’écart entre EP et hors EP s’est creusé d’environ 3 % en fluence, en compréhension de phrases comme en écriture de mots et de syllabes. (Roland Goigoux, mediapart.fr, 5 novembre 2019)

Cette division se renforce avec la prime annuelle REP+ (REP renforcé) de 3 000 €. Elle concerne 41 000 enseignants des 350 réseaux renforcés. Si 2 000 € seront versés à partir de septembre 2019, le dernier tiers sera dépendant du mérite de l’enseignant qui aura « la possibilité d’un adossement d’une partie de cette indemnité aux progrès des élèves et à l’accomplissement de projet d’école ». En outre, en sont exclus les enseignants des 704 REP dont la prime stagne à 144,50 € par mois.

En contrepartie, les enseignants doivent multiplier des évaluations. Celles-ci sont parfois réductrices, le critère étant la vitesse d’exécution des élèves pour réaliser des tâches quasi mécaniques. Elles sont accompagnées de « guides » qui caporalisent les professeurs. Ceux qui regimbent sont sanctionnés.

L’inspectrice générale Azema et l’universitaire Mathiot ont remis le rapport qui leur était commandé au ministre le 5 novembre.

Le rapport est une mine d’idées qui va nous permettre de nourrir les échanges à venir, dont ceux avec les syndicats. (Blanquer, 5 novembre 2019)

Les moyens alloués aujourd’hui aux 704 REP seraient amenés à disparaître ou à être redéployés en milieu rural.

Tout en conservant une éducation prioritaire nationale dédiée aux REP+, la mission préconise de développer désormais à l’échelle académique l’ensemble des autres politiques de priorisation territoriale. (Territoires et réussite, 5 novembre 2019)

La prime REP des enseignants pourrait devenir une prime d’installation pour une classe en milieu rural ou un établissement spécifique.

Le bac « Macron »

L’application à la rentrée 2019 de la « contre-réforme » du nouveau baccalauréat général conduit à l’aggravation de la sélection sociale. Avec la disparition des sections L, ES et S, le parcours du lycéen dépend du choix de 3 options « majeures » parmi 12 en première. Mais un lycée peut n’en proposer que 7. Les lycéens doivent suivre l’option manquante dans un autre lycée, s’ils y tiennent. En réalité, les grands lycées parisiens et de centre-ville offriront un large éventail alors que le choix proposé par les lycées des petites villes de province et des banlieues populaires sera restreint.

Selon une étude de la PEEP auprès de 8 000 parents, 13 % des élèves de première n’ont pas eu le choix de leurs spécialités. (Le Monde, 1er octobre 2019)

En classe terminale, les lycéens garderont 2 options majeures. 60 % du bac se joueront sur 5 épreuves finales : français en première, oral pour les 2 options et la philosophie en terminale. Les 40 % restant seront obtenus par contrôle continu au cours d’épreuves regroupées par lycée. Autant dire qu’un bac « Macron » d’un lycée renommé sera encore mieux sélectionné par les filières post-bac via Parcoursup. Les heures d’enseignement hebdomadaires par lycéen sont réduites en seconde de 28,5 h à 26,5 (hors options), ce qui permet au budget de l’Éducation nationale de prévoir de supprimer 440 postes en 2020. À cela s’ajoute la mise en concurrence des professeurs pour avoir des élèves dans leur matière.

Les bacs professionnels et technologiques ne sont pas épargnés pour autant, avec 685 postes d’enseignants en moins au budget 2020, à cause d’une professionnalisation accrue dès la seconde avec le choix obligatoire d’une « famille de métiers » et de la diminution des heures d’enseignement général. Y sont substitués des stages et des validations professionnelles qui rendront encore plus difficile la poursuite d’études. Les LP peuvent désormais abriter des CFA patronaux.

Ce dispositif de privatisation de l’enseignement professionnel découle de la convention du 4 juin 2019 signée entre le Medef et le ministère de l’Éducation, un « plan d’action national et académique pour resserrer les liens entre les jeunes et le monde de l’entreprise ».

La loi Blanquer

L’augmentation de salaire dont parle souvent Blanquer, de 300 € brut sur l’année 2020 n’a rien à voir avec ce gouvernement. C’est une augmentation en moyenne, décidée en 2016, que Macron avait gelée !

Promulguée le 28 juillet, la loi dite « pour une école de la confiance » porte de nouveaux coups contre le statut des enseignants, la laïcité, la formation des futurs enseignants. Lors de sa conférence de presse de rentrée du 27 août, Blanquer a décliné les mesures qui en découlent

Il offre à « l’enseignement privé » un financement supplémentaire de ses écoles maternelles, chrétiennes variante catholique dans l’écrasante majorité. Et, à l’école maternelle publique, les directives du 29 mai imposent la préparation du CP, de multiples évaluations. Le ministre impose la « conscience syllabique » dès la petite section, et explique doctement aux professeurs des écoles ce qu’ils doivent dire, par exemple : « ce n’est pas chaud, c’est froid », ce qui montre sa haute conception de l’intelligence enfantine… et des capacités pédagogiques des enseignants.

Extension chère à Macron du management d’entreprise, un Conseil de l’évaluation de l’école est créé, des évaluations sur chaque établissement seront rendues publiques.

La formation des enseignants passera par des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE). Ils seront dirigés directement par le ministère. La flexibilité fera partie de l’apprentissage du métier avec des « contrats » de 12 mois pour 8 heures hebdomadaires dès la deuxième année de licence jusqu’en master 1 (693 € en L2, 893 € en L3, 980 € en M1) pour « prendre en charge la classe ».

Un décret du 8 novembre entérine la fusion des académies de Caen et de Rouen, ce qui augmente le risque d’être nommé loin de son domicile.

Le décret du 6 septembre impose, pour 20 € brut de l’heure, des « actions de formation cinq jours lors des périodes de vacance de classes ».

Loin de condamner le gouvernement, les responsables syndicaux collaborent avec le ministère :

« Il y a une ouverture du dialogue très claire sur la question des salaires » (SNUIPP-FSU)… « un changement dans le discours » (SGEN-CFDT)… « on se sent entendus (SE-UNSA)… « il y a des efforts dans la manière (SNES-FSU). (Le Monde, 29 août 2019)

Les directions syndicales (FSU, SE-UNSA, SGEN-CFDT, CGT, FO…) se sont engagées à participer aux « comités de suivi des réformes ». Face à un patron qui casse le statut des fonctionnaires, qui caporalise les enseignants, toute organisation qui prétend défendre les travailleurs doit rompre avec Macron et Blanquer, quitter toutes les instances d’application de sa politique.

L’attaque contre la retraite des enseignants

L’attaque contre les pensions de retraites menée par Macron est une menace pour tous les travailleurs. Ceux de l’Éducation nationale seraient particulièrement perdants.

Pas seulement parce que leurs salaires sont faibles en regard de leur qualification et qu’ils perdraient beaucoup à la suppression du calcul de la pension sur les 6 meilleurs mois. Un bouleversement du statut, comprenant l’annualisation du temps de travail, est aussi visé.

Le pacte social implicite que l’on fait depuis des décennies, c’est de dire « on ne vous paye pas très bien, votre carrière est assez plate mais vous avez des vacances et vous partez à la retraite avec un système mieux calculé que beaucoup d’autres… ». Ce pacte ne correspond plus à la réalité. Le passage au nouveau système (de retraite) pour le corps enseignant ne peut aller qu’avec une transformation de la carrière. Il faudra repenser la carrière dans toutes ses composantes. (…) Comme on paye mieux on change le temps de travail… On regarde les vacances. Et on valorise la carrière de directeur. On intègre qu’à des moments de la carrière, on ne soit plus devant élèves. (Macron, 3 octobre 2019)

Dès le 8 octobre, Blanquer a relancé une série de réunions avec les organisations syndicales de l’enseignement.

L’UNSA Éducation ne s’oppose pas par principe à la mise en place du système universel de retraites. (UNSA-Éducation, 12 novembre 2019)

On est sortis de la réunion plus inquiets qu’en y entrant, regrette Bernadette Groison, à la tête de la FSU. Le ministre veut regarder les missions des personnels, le temps de travail et parle de personnalisation. (Les Échos, 9 octobre 2019)

SUD éducation s’est rendue à une réunion le mercredi 23 octobre « dans le cadre de la préparation de la réforme des retraites ». (Sudeducation.fr, 27 octobre 2019)

Pour combattre cette politique, vaincre le gouvernement, lui faire abandonner son projet de retraites à points, pour arracher l’augmentation de salaires pour tous, pour abroger les lois et décrets de Macron, Vidal et Blanquer, pour obtenir les milliers de postes d’enseignants nécessaires, il est urgent pour les travailleurs de l’éducation, les étudiants et les lycéens de :

  • se réunir en assemblées générales,
  • exiger la rupture des fédérations de l’enseignement et des confédérations syndicales avec le gouvernement,
  • exiger qu’elles se prononcent pour le retrait du projet contre la retraite, pour l’abrogation de toutes les lois contre le droit à l’enseignement et la laïcité,
  • exiger qu’elles appellent à la grève générale jusqu’au retrait,
  • élire leurs délégués et constituer une coordination nationale qui contrôle le mouvement,
  • organiser l’autodéfense des manifestations et des assemblées générales.