1. Le résultat électoral du 7 juillet est une lourde défaite pour les forces du mouvement ouvrier et populaire. D’une part, la montée au pouvoir d’une ND ultra-néolibérale, d’extrême droite, avec un pourcentage très fort (40 %), qui restaure son influence électorale aux niveaux d’avant 2010. D’autre part, la stabilisation à un haut pourcentage (presque 32 %) de la SYRIZA néo-libérale pro-Mémorandum, qui donne un second pilier à la scène politique bourgeoise, du moins pour le moment. Au total, toutes ces forces pro-Mémorandum dépassent 80 %, si on ajoute le pourcentage de KINAL (ex-PASOK). De plus, avec le pourcentage restant de l’Aube Dorée (sa non-entrée au parlement est aussi une justification des luttes antifascistes) et du nationaliste-raciste Solution Grecque, nous avons un déplacement global vers la droite et le conservatisme de la scène politique. La chose la plus dangereuse est que ce n’est pas seulement la surface des corrélations parlementaires, mais que cela a clairement influencé les travailleurs, les pauvres, la jeunesse à un niveau social, peut-être de la façon la plus défavorable depuis 40 ans.
2. SYRIZA porte presque entièrement la responsabilité pour le retour de la ND au pouvoir et pour ce glissement conservateur. La trahison historique du vote Non le 5 juillet 2015 fut un point tournant pour la dissolution du bloc anti-Mémorandum, un coup contre le mouvement ouvrier et populaire, toutes les forces anti-Mémorandum et la Gauche (qui avait atteint un total de 45 % aux élections parlementaires de janvier 2015). Pour obtenir et garder le pouvoir, SYRIZA et Tsipras ont causé un grand et profond dommage au mouvement ouvrier et populaire, imposé des chocs qui ont frappé la colonne vertébrale de la classe ouvrière et tous ceux qui combattirent, en particulier dans la période 2010–2012, et se saisirent du vote. SYRIZA a non seulement légalisé les pires types de politique bourgeoise, mais a aussi humilié la signification de la Gauche, la recherche d’une alternative, les idées, valeurs et références du mouvement ouvrier. En plus des évidentes confusion, frustration et peur que le néolibéralisme rabougri de SYRIZA a créées, elle a ressuscité et donné un souffle aux forces bourgeoises du Mémorandum que le peuple grec avait massivement condamné. En outre, elle a offert la meilleure aide à la Droite et aux vieilles forces pro-Mémorandum, bourgeoises et impérialistes, obtenant le pouvoir pour encore empirer.
3. Le résultat est dur pour les forces se réclamant de la Gauche et du mouvement ouvrier, qui font face à une menace d’affaiblissement extrême. C’est dû principalement à la logique du « moindre mal » contre la ND, qui l’a clairement emporté dans de larges couches sociales du travail, en faveur de SYRIZA, mais aussi, dans une certaine mesure, en faveur de la formation pro-UE, bourgeoise, centrée sur le chef, de Varoufakis (MeRA25), dont l’entrée dans le parlement démontre le glissement à droite du spectre « anti-Mémorandum ».
- Le KKE a perdu des votes supplémentaires en comparaison avec la chute qu’il avait déjà subie aux élections européennes. Dans un rétrécissement général de la Gauche, il « se maintient », sans pour cela abandonner sa physionomie et son orientation — au prix d’un défaitisme croissant et même d’une politique conservatrice.
- Les listes restantes de gauche, principalement ANTARSYA et LAE, sont fortement comprimées (à l’exception de deux listes « maoïstes-léninistes », additionnées en comparaison avec septembre 2015, quand elles participaient à une alliance électorale). Comme il est bien connu de tous les militants, le futur de ces fronts est totalement incertain à cause de leur caractère électoraliste.
- Le résultat de l’OKDE est mauvais (1 675 votes, soit 0,0 3%, comparés à 2 433, soit 0,04 %, aux élections nationales de septembre 2015 et 4 823, soit 0,09 %, aux récentes élections européennes). Tous nos camarades ont mené une bataille difficile avec enthousiasme et opiniâtreté, obtenant des expériences valables. Nos efforts n’ont pas réussi, en pratique, à remettre en question l’adhésion électorale des couches populaires à SYRIZA, à dépasser la polarisation qui dominait et les grosses pressions que cela créait sur notre vote révolutionnaire indépendant. Cela a à nouveau démontré les difficultés à enraciner une politique révolutionnaire, en particulier dans ces circonstances spécifiques. L’OKDE remercie les travailleurs, jeunes et combattants qui l’ont soutenue, ayant fait un choix difficile. Notre organisation discutera de façon approfondie les causes de cette défaite électorale, en vue d’élaborer sa politique et sa tactique le plus efficacement possible, sur base des pas en avant qu’elle a accomplis ces récentes années, et des besoins du mouvement ouvrier, pour la construction d’une force révolutionnaire.
4. Le bilan global sur une période de 10 ans est dur pour les masses ouvrières et populaires, pour les forces et les militants qui se réfèrent à la Gauche anticapitaliste, révolutionnaire, communiste. Le rejet massif des Mémorandums et la recherche d’une politique alternative avec de fortes composantes radicales (sociales et politiques), comme elles s’exprimaient jusqu’à juillet 2015, écrasées par la trahison de SYRIZA — et ensuite châtrées dans la frustration et le fatalisme —- ne pouvaient pas trouver une alternative fiable à gauche, étant piégées par le « moindre mal » en faveur de SYRIZA. Une Droite revancharde prend maintenant un air de suprématie, aux côtés du gouvernement. La désintégration des partis bourgeois, qui était massive jusqu’en 2015, a été arrêtée (du moins pour le moment) et un cycle politique entier s’est refermé. Cela donne un espace aux forces politiques bourgeoises pour poursuivre avec de nouvelles attaques anti-ouvrières et antipopulaires dures, pour essayer d’imposer une défaite décisive au mouvement ouvrier, la soumission du peuple grec au Mémorandum néolibéral, assurant la continuation des corrélations négatives de classe actuelles pour de nombreuses années, de plus en plus profondément au cœur de la classe ouvrière et de ses organisations, et à travers le tissu social, accompagnées d’une hégémonie idéologique néolibérale.
5. Cette mission de la bourgeoise et des impérialistes — qui ne cachent pas leur joie de classe pour le résultat — n’est pas du tout simple. La stabilité du capitalisme grec est pourrie, en fait, il a été dans une situation économique bien pire depuis qu’il est entré dans les Mémorandums en 2010. Le régime de colonie de dette et les engagements des Mémorandums sapent toute possibilité de développement, aussi bien que le retour de la crise capitaliste mondiale (en particulier en Europe). Non seulement nous ne sommes pas sortis des Mémorandums, mais nous sommes devant des Mémorandums sans fin. Le seul plan de la ND et du reste des forces bourgeoises consiste en des mesures néolibérales encore plus dures, une attaque massive et des mesures anti-ouvrières, antipopulaires— codées comme « réduction de l’État » (coupures budgétaires, suppressions d’emplois, etc.), « investissements » (rendre encore plus despotique le nouveau système d’exploitation qui écrase la classe ouvrière), « sécurité » (un régime anti-démocratique encore plus sombre), « l’excellence » néo-aristocratique.
D’un autre côté, le plan de « secours » et de stabilisation de SYRIZA, comme deuxième pilier de soutien à la politique bourgeoise, avec un tournant plus à droite, vers une formation « progressiste » ou de « centre-gauche », encore plus autonome de toute base sociale et idéologie cohérente, sera extrêmement difficile et avec une conclusion totalement douteuse après la perte de pouvoir.
Tout cela signifie une nouvelle exacerbation de la crise sociale (et Mitsotakis, bien sûr, ne sauvera pas la petite-bourgeoisie de l’écrasement par la crise capitaliste, de quelque façon qu’il pleure en faveur de la « classe moyenne » !), l’exacerbation de la guerre de classe contre la classe ouvrière et les pauvres, créant la possibilité de nouvelles luttes.
6. Cependant, le danger est réellement sérieux pour le mouvement ouvrier. Les nouvelles attaques de Mitsotakis n’engendreront pas automatiquement de nouvelles luttes, à cause de la confusion qui existe, de la situation de dissolution dans les syndicats et de la crise profonde et complexe du mouvement ouvrier. Et, bien sûr, elles n’amèneront pas automatiquement la prédominance d’une politique authentique en faveur des travailleurs. Les forces de la Gauche et le mouvement ouvrier sont comprimées entre, d’une part, une logique d’ajustement défaitiste et la pression pour de nouvelles impasses de front de « Toute la Gauche » — et, d’autre part, un super-optimisme ultragauchiste et irréaliste, qui ne peut voir aucun devoir spécifique de reconstruire le mouvement ouvrier, ou est extrêmement indifférent à son unité. Le coût de ces erreurs est déjà vraiment lourd. Au contraire, un travail sérieux, patient et persistant est nécessaire pour reconstruire les forces du mouvement ouvrier. Tout sera évalué pour construire l’unité et les luttes des travailleurs et des jeunes, transcendant pas à pas les impasses sans résultat qui causent du tort au mouvement ouvrier et le mettent à genoux. L’OKDE continuera ses efforts pour contribuer à cette tâche stratégique : avec une politique unifiée, aux côtés de tous les combattants et des forces de la Gauche, en insistant, malgré les difficultés, sur la défense des composants de base de l’indépendance et de la politique de classe, avec tous les travailleurs et jeunes qui veulent combattre contre l’agression de Mitsotakis et des cannibales néo-libéraux.
10 juillet 2019, OKDE Ergatiki Pali, traduction GMI