Ce dernier, à l’automne 2018, annonce dans un bien mal nommé « agenda social », l’ouverture de trois chantiers pour « améliorer » les conditions de travail des agents de l’établissement, « fidéliser et rendre plus attractive » l’arrivée de nouvelles recrues. Suivant une méthode qui a fait ses preuves, est instauré un groupe de travail pour chaque thème, en y intégrant les organisations syndicales représentatives de l’Université. Alors que ce processus n’avait pas même été validé en commission technique d’établissement, les responsables de la CFDT, du SNPTES et du SNESUP-FSU montent dans le train de la Direction. Seules les sections syndicales FERC-CGT et FO refusent de s’associer à cette basse manoeuvre.
Car assez vite, sous couvert de promouvoir la reconnaissance des qualifications des agents à travers la mise en place du RIFSEEP (« régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel » de 2014), se cache une opération bien moins louable de remise en cause du régime horaire de travail (35 h), et in fine du nombre de jours de congés (55 j). L’argument de la présidence de l’université est fondé sur un prétendu alignement sur les 1 607 heures dues par tout fonctionnaire. Elle se base sur un rapport de la Cour des comptes, datant de mai 2017, qui préconise parmi plusieurs mesures l’augmentation du temps de travail des BIATSS. En réalité, il s’agit surtout pour la présidence de réduire 278 équivalents temps plein, pour s’aligner sur la dotation de l’État qui ne couvre pas les besoins de l’Université.
Pourtant, si la situation financière de l’université s’est redressée au cours des deux dernières années, ce sont déjà les travailleurs qui en ont payé le prix fort par deux campagnes de gel de 200 postes de titulaires, un accroissement de la précarité pour les contractuels et une dégradation des conditions de travail de tous. Mais la régression sociale n’a pas de limites, encore moins l’appétit des patrons privés ou publics, sauf lorsque les salariés décident de ne plus courber l’échine devant ce qui est présenté comme inévitable.
Timidement mais patiemment, la riposte face à cette nouvelle attaque se met en place à partir de fin novembre 2018 où une première assemblée générale est organisée. Des militants de la CGT, de FO et de SUD lancent une motion signée par une cinquantaine d’agents dénonçant « l’agenda social » et refusant la réduction des jours de congés. La journée du 10 décembre, de défense de l’ESR, sera l’occasion d’une nouvelle AG.
À partir de fin janvier, la lutte va prendre un tournant, lorsque des informations plus précises vont fuiter des groupes de travail, et que les menaces de réduction des congés vont se matérialiser. Des AG de plus de 200 à 300 agents vont avoir lieu, la pétition recueillera assez vite près de 1 000 signatures, et les mots d’ordre de grève vont apparaître. Si les sections syndicales, principalement CGT et SUD, sont à l’initiative, l’auto-organisation de la lutte et des AG va être assurée par des agents non syndiqués, très majoritairement des femmes. Un comité de mobilisation, voté en AG, est créé permettant une élaboration continue des réflexions sur les moyens d’actions.
Une grève pour le 21 mars est votée, bien que la « journée d’action » fonction publique du 19 mars ait été proposée par les organisations syndicales. Néanmoins, cette grève va être suivie par une centaine d’agents et va permettre de bloquer pendant toute une matinée l’accès à l’Université. La détermination d’une partie des agents, certes pas majoritaire dans l’action, est néanmoins totale. Dans la foulée, les travailleurs de l’Université Jean-Jaurès (Toulouse II) apportent une motion de soutien. Eux aussi ont eu à combattre récemment une remise en cause de leurs congés, qu’ils ont su repousser.
Deux journées de grève sont votées les 11 et 12 avril, devant l’absence de réponse crédible de la présidence face aux inquiétudes des agents qui s’expriment, face à une forme de mépris d’une direction arc-boutée sur son pseudo agenda social qui masque une régression terrible.
Un nouveau tournant a lieu lors de la réunion le 16 avril du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, auquel la CGT et FO refusent de participer. Le CHSCT pourra finalement se tenir délocalisé au rectorat par mesure de protection, nouvelle insulte aux principes démocratiques tant vantés par les directions, grâce à la présence à la dernière minute des responsables SNESUP-FSU, rejoignant ceux de la CFDT et du SNPTES. Le quorum atteint, le comité, sur proposition des responsables de la FSU, mandate un cabinet d’audit pour expertiser les conséquences sur les conditions de travail des mesures envisagées par « l’agenda social ».
Le comité technique d’établissement du 18 avril qui devait entériner le processus engagé par la direction ne sera pas convoqué, tout comme le conseil d’administration du 6 mai qui aurait dû contenir dans son ordre du jour le vote pour mettre en œuvre ce qui doit être nommé un plan social.
Nul doute que la machine bien huilée de la présidence Vinel n’avait pas prévu un tel scénario. L’abnégation, la résolution et la lucidité des agents mobilisés, souvent parmi les catégories les plus fragiles et défavorisés, ont permis de contourner la couardise, de déminer les tentatives d’enfumage des organisations réformistes, de prendre en main leur lutte pour sauvegarder les maigres avantages qu’ils leur restent… pour ne pas perdre leur vie à la gagner !
Un délai de deux mois va courir avant le rendu de l’expertise du CHSCT. Vinel pourrait être tenté de profiter des congés d’été. Ce serait son dernier fait d’armes avant son départ à la retraite prévu en septembre avec la satisfaction de la mission accomplie au compte du ministère et du gouvernement.
La fin de l’histoire de cette lutte n’est pas écrite, et les semaines à venir seront déterminantes pour les agents mobilisés, qui d’ores et déjà préparent de nouvelles actions. Mais notre mouvement apporte déjà un enseignement à tous les travailleurs de l’université et aux autres. Il constitue un vrai désaveu à toutes les bureaucraties syndicales qui entrainent par le fond les combats des salariés en participant à tout le cirque gouvernemental du « dialogue social ». Pour gagner sur nos revendications, nous ne devons pas commencer un combat… en déposant les armes !