En 1918, le SDAP [Sozialdemokratische Arbeiterpartei, Parti ouvrier social-démocrate] transmit à la bourgeoisie, derrière le dos du prolétariat, le pouvoir qu’il avait conquis. En 1927, non seulement elle se détourna lâchement de l’insurrection prolétarienne qui avait toutes les chances de vaincre, mais elle envoya sa milice Schutzbund contre les masses insurgées. Par-là, elle prépara la victoire de Dollfuss. Bauer et Cie disaient : « Nous voulons une évolution paisible ; mais si l’ennemi perd la tête et nous attaque, alors… » Cette formule constitue en fait un piège pour les ouvriers : elle les tranquillise, les endort, les trompe. « Si » signifie que les formes de la lutte dépendent de la bonne volonté de la bourgeoisie et non du caractère absolument inconciliable des intérêts de classes. « Si » signifie : si nous sommes paisibles, prudents, conciliants, la bourgeoisie sera loyale, et tout se passera paisiblement. Courant après ce fantôme, Otto Bauer et les autres chefs de la sociale-démocratie autrichienne reculèrent passivement devant la réaction, lui cédèrent une position après l’autre, démoralisèrent les masses, reculèrent de nouveau. Jusqu’au moment où ils se trouvèrent définitivement acculés dans l’impasse ; là, dans l’ultime redoute, ils acceptèrent la bataille et… la perdirent. (Trotsky, Où va la France ?, 1934, Cahier révolution communiste n° 19, p. 33)
Lors de ces journées de février, l’austro-fascisme montra son vrai visage. Tout en usant d’une phraséologie chrétienne, les fascistes Dollfuss, Schuschnigg et Fey firent intervenir l’armée et donner l’artillerie contre les bâtiments municipaux. La cour martiale fut instaurée et ne recula même pas devant l’exécution de prisonniers gravement blessés.
La victoire du fascisme conduit à la répression des organisations de travailleurs, à la transformation des syndicats indépendants en un syndicat d’union d’obédience fasciste, à des emprisonnements de masse, à la construction d’un camp d’internement près de Vienne et à des milliers de morts parmi la population ouvrière du pays.
Aujourd’hui, les partis ÖVP et FPÖ dont les prédécesseurs furent responsables de la terreur fasciste sont au gouvernement. Le FPÖ [Freiheitliche Partei Österreichs, Parti libéral autrichien] est issu du VdU, un parti de nazis. L’ÖVP [Österreichische Volkspartei, Parti populaire autrichien] a ses racines dans le le CS, le Parti social-chrétien d’où se développèrent les milices nationalistes fascistes Heimwehr dans les années 1920. Ainsi Raab, le futur chancelier fédéral ÖVP (1953-1961) qui dirigea la milice de Basse-Autriche, prêta le 18 mai 1930 le « serment de Korneuburg », dans lequel ces milices inscrivirent leur programme par essence fasciste. Pour assurer la domination capitaliste, la bourgeoisie était prête à décapiter le mouvement ouvrier. Jusqu’en 2017, une photo de Dollfuss, l’assassin des ouvriers, était accrochée dans les bureaux du ÖVP. Celui-ci avait du mal à se séparer définitivement du dictateur austro-fasciste. La photo fut finalement cédée comme « prêt sans limite » au musée régional de Basse-Autriche.
Après la défaite de février, les travailleuses et les travailleurs d’avant-garde créèrent la chanson :
Dans le grondement des canons de Dollfuss,
La démocratie partit en fumée.
Les illusions d’une harmonie de classe
Sont brisées !
Après 1945, l’aile droite du SPÖ [Sozialdemokratische Partei Österreichs, Parti social-démocrate d’Autriche], créé pour remplacer le SAPD, prit ses distances avec l’héritage du Schutzbund, de même que l’ÖVP, issu du parti social-chrétien, mit sous le boisseau son origine austro-fasciste. Au nom du partenariat social, après les destructions occasionnées par la guerre mondiale impérialiste, la direction du SPÖ remit sur pied, autour de Renner, Helmer, Schärf et Cie et en accord avec l’ÖVP le capitalisme autrichien moribond.
Le gouvernement Kurz-Strache n’est pas tombé du ciel, il résulte aussi du fait que, des dizaines d’années durant, les traditions des ouvrières et des ouvriers, ont été réprimées, ignorées et aussi oubliées. Face aux coupes sociales, aux offensives contre le temps de travail, à la division xénophobe dans les rangs des travailleurs, aux attaques réitérées contre les acquis démocratiques du mouvement ouvrier, nous organisons une brève manifestation du souvenir dimanche 17 février à 11 h au Cimetière central des victimes de la terreur de l’austro-fascisme.