1914 : le SPD soutient la guerre
En 1891, Engels, Bebel, Kautsky, Labriola, Turati, Guesde, Lafargue, Plekhanov… fondent l’Internationale ouvrière. En 1913-1914, l’internationale mène campagne contre la guerre [voir Révolution communiste n° 6]. Mais quand celle-ci éclate en août 1914, ses principales sections (SPD d’Allemagne, SDAP d’Autriche, PS-SFIO de France, POB de Belgique, LP de Grande-Bretagne…) trahissent la classe ouvrière en participant à « l’union sacrée », en soutenant la guerre de « leur » bourgeoisie [voir Révolution communiste n° 8].
Dès 1914, la bureaucratie du Sozialdemokratische Partei Deutschlands (Parti social-démocrate d’Allemagne, SPD) collabore avec l’État bourgeois militarisé contre ses membres restés internationalistes, dont le groupement le plus nombreux est la fraction Die Internationale (Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Leo Jogiches, Clara Zetkin, Franz Mehring, Paul Levi…). Celle-ci reste dans le SPD et surtout refuse d’envisager un nouveau parti [voir Révolution communiste n° 11]. À sa gauche, des groupes radicaux rompent avec le SPD, sous l’influence du parti néerlandais teinté d’anarchisme SAPD ou de la fraction internationale Gauche de Zimmerwald [voir Révolution communiste n° 14 & 21].
De même la bureaucratie (membre du SPD) de la confédération syndicale DMV persécute avec les patrons et l’armée les Revolutionären Obleuten (Délégués révolutionnaires, RO) qui mènent des grèves à partir de 1916.
1917 : le SPD exclut son aile gauche
Une aile du SPD passe au pacifisme quand la guerre devient impopulaire. La direction Ebert du SPD l’expulse en octobre 1917. Les exclus forment l’USPD (SPD Indépendant) qui comprend aussi les RO et la fraction Spartakusbund (Ligue Spartacus SB, ex-Die Internationale).
La révolution russe commence en février 1917, ce qui soulage les armées allemande et autrichienne. Mais les États-Unis rejoignent la Russie, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie.
Contrairement à la Russie, où le Parti bolchevik (POSDR-majorité) était en compétition bien avant l’apparition des soviets en février 1917 avec le Parti menchevik (POSDR-minorité) et le PSR [voir Révolution communiste n° 23], les travailleurs allemands n’ont affaire qu’à deux partis dont aucun n’est révolutionnaire, l’un étant même devenu consciemment contre-révolutionnaire.
1918 : la révolution éclate
Le 3 novembre 1918, la révolution éclate à Kiel, à partir de marins de la flotte de guerre. L’Allemagne se couvre de conseils d’ouvriers et de soldats qui imposent la République, l’empereur Guillaume II s’enfuit. La révolution libère les prisonniers politiques dont Luxemburg et Liebknecht.
Le SPD et l’USPD se portent à la tête des conseils. En même temps, les chefs du SPD négocient secrètement avec les généraux de la monarchie.
1918 : le SPD et l’USPD gouvernent pour sauver le capitalisme allemand
Le 9 novembre, l’ancien chancelier du Reich (Premier ministre), le prince Max de Bade, cède son poste au chef du SPD, Friedrich Ebert. Le 10 novembre, le SPD et l’USPD constituent un « Conseil des commissaires du peuple », prenant frauduleusement le nom du gouvernement révolutionnaire d’octobre 1917 de Russie.
Le 15 novembre, le patronat signe un accord avec les chefs syndicaux qui est ratifié par le gouvernement Ebert pour éviter toute expropriation. Le gouvernement SPD-USPD s’attache à maintenir l’État bourgeois. Le 6 décembre, il convoque une assemblée nationale pour contrecarrer les conseils et les transformer en organes de cogestion des entreprises.
Début décembre, l’état-major forme, avec la tolérance du gouvernement, des Freikorps (corps francs) financés par le patronat, à partir des officiers contre-révolutionnaires et antisémites.
1918 : le congrès des conseils
Au congrès des conseils d’ouvriers et de soldats qui se tient du 16 au 24 décembre 1918, le SPD empêche la participation de Liebknecht et Luxemburg. Il dispose de la majorité (environ 400 délégués) et l’USPD est minoritaire (environ 100). Le congrès se prononce pour une assemblée nationale.
Les membres de la Spartakusbund SB et les Délégués révolutionnaires RO sont eux-mêmes en minorité dans la délégation USPD. Ecoeurés par le double langage du SPD, ces derniers, emmenés par les éléments gauchistes, quittent le congrès. Cette impatience contraste avec l’attitude du Parti bolchevik qui, confiant dans les capacités de la classe ouvrière, avait fait des propositions tout au long du 1er congrès des soviets en juin 1917 puis les avaient présentées aux travailleurs [voir Révolution communiste n° 25]. La direction de l’USPD diffère la convocation d’un congrès du parti.
1918-1919 : la fondation du KPD
Du 23 au 25 décembre 1918, les marins affrontent les corps francs. Emil Eichhorn, le préfet de police USPD de Berlin, refuse de les réprimer. Le 29, l’USPD quitte le gouvernement. Ebert nomme Noske (SPD) ministre de la défense.
Du 30 décembre 1918 au 1er janvier 1919, la SB scissionne de l’USPD. Elle fusionne avec les groupes radicaux de Dresde, Francfort, Hambourg, Brême… pour fonder le Kommunistische Partei Deutschlands (Parti communiste d’Allemagne KPD). Luxemburg rédige le programme. Radek représente le Parti communiste russe (ancien Parti bolchevik). Mais les RO n’y participent pas. Contre l’avis de Luxemburg, la majorité gauchiste du congrès décide de boycotter les élections à l’assemblée nationale alors que le KPD est loin d’avoir conquis la majorité dans les conseils.
1919 : l’insurrection ouvrière à Berlin
Les travailleurs et les soldats de Berlin n’acceptent pas l’étouffement de la révolution. Le 4 janvier 1919, Ebert révoque le préfet USPD Eichhorn, ce qui suscite le 5 janvier des protestations ouvrières. Noske et l’état-major envoient les Freikorps les écraser.
Le Comité révolutionnaire (RO, USPD, KPD représenté par Liebknecht et Piek) convoque une grève générale à Berlin pour le 7 janvier. Liebknecht, malgré l’avis de la direction du KPD, appelle au renversement du gouvernement, ce qui est prématuré et contraste avec l’attitude du Parti bolchevik en juillet 1917. Environ 500 000 travailleurs se mettent en grève et manifestent en armes dans le centre-ville. Le Comité révolutionnaire laisse les insurgés sans consigne.
L’assassinat de Liebknecht et Luxemburg
Le 8 janvier, les Freikorps venus des autres villes utilisent canons, lance-flammes et mitrailleuses pour écraser les quelques milliers d’ouvriers et d’employés qui résistent les armes à la main. Le 12, au terme de la « semaine sanglante », l’ordre bourgeois est rétabli dans la capitale par le bloc du SPD et des troupes contre-révolutionnaires.
Ces dernières, le 15 janvier, arrêtent Luxemburg et Liebknecht qui sont exécutés le jour même. Leurs dépouilles sont jetées dans un canal.