Une crise politique inattendue
Le mouvement des « gilets jaunes » déclenché en novembre à cause de la hausse du prix des carburants est spontané, de taille relativement réduite, incapable de débattre nationalement et de désigner ses propres représentants. Néanmoins, il a plus affaibli le gouvernement Macron-Philippe fin 2018 que tous les simulacres de lutte des bureaucraties syndicales et que toutes les gesticulations des députés et sénateurs du PS, de LFI, du PCF ou de Générations. Les « gilets jaunes » s’en prennent directement au président et réclament dès le début sa démission.
L’arrogance et la politique du pouvoir d’État lui reviennent en pleine figure. La bourgeoisie est effrayée par ce mouvement, si bien que son parti traditionnel (LR), après avoir applaudi, le condamne. Seuls les partis bourgeois les plus xénophobes (DlF), voire fascisants (FN-RN), continuent à se réjouir, en misant sur la confusion du mouvement et son incapacité à s’en prendre au capitalisme. Après l’affaire Benalla, les départs de Hulot, de Collomb, la révolte des gilets jaunes frappe le gouvernement LREM-MoDem de plein fouet. Le 4 décembre, Macron se fait conspuer au Puy-en-Velay. Pendant quelques semaines, de fin novembre à la mi-décembre, le pouvoir est déstabilisé et ne semble plus reposer que sur la violence étatique.
Si la classe dominante perd le consentement, si elle est seulement détentrice d’une pure force de coercition, cela signifie que les grandes masses se sont détachées d’elle, qu’elles ne croient plus en ce qu’elles croyaient auparavant. La crise consiste dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître. Pendant ces interrègnes, on observe les phénomènes morbides les plus variés. (Antonio Gramsci, Cahier de prison n° 3, 1930)
Le mouvement a révélé la faiblesse de la base politique de Macron, son mouvement LREM n’étant pas un parti bourgeois aguerri (avec tout une bureaucratie d’experts mais aussi d’élus). Il a certes rallié des fractions du vieux parti ouvrier bourgeois (PS), du conglomérat écologiste (EELV) et du parti héritier du gaullisme (LR) déstabilisé par la candidature Fillon, ainsi qu’un petit parti démocrate-chrétien, celui de Bayrou (MoDem). Socialement, LREM reflète un bloc de l’encadrement avec la bourgeoisie hégémonique (celle qui possède et gère les grandes entreprises françaises internationalisées). Dans cette affaire, la classe des cadres est une dupe de la classe bourgeoise. Tout en croyant donner le ton, elle se subordonne politiquement au grand capital comme elle lui est soumise déjà professionnellement dans l’entreprise et la haute administration.
Son rêve de reconstruire l’Union européenne sombre avec sa popularité, pour la plus grande joie de Trump, Salvini, Wilders, Obradovic… Le président risque même de ne plus faire l’affaire pour la bourgeoisie française, de ne plus être capable d’assurer l’ordre social, d’être écarté tels le furent avant lui des jeunes premiers comme Fabius, Blair, Renzi… Pour l’éviter, Macron tente de reprendre la main avec l’aide des autres partis, y compris ce qui reste des partis ouvriers bourgeois, et en remettant dans le jeu les « partenaires sociaux », en particulier les directions actuelles des confédérations syndicales de salariés.
Un mouvement interclassiste
Le prolétariat des villes et des grandes entreprises, les travailleurs qualifiés, les enseignants, les travailleurs immigrés, les cadres sont peu représentés. Le mouvement se compose surtout du prolétariat, peu organisé, éloigné des syndicats (retraités, ouvriers et employés de petites et moyennes entreprises, chômeurs…). Il comporte aussi une composante de la petite-bourgeoisie traditionnelle déclassée ou en risque de l’être (artisans, paysans, assistantes maternelles…), de corps de répression (policiers, gardiens de prison, militaires) et de membres de couches inférieures de la bourgeoise (petits patrons). Une partie de la jeunesse tente de se joindre au mouvement, en particulier les élèves des lycées professionnels et des lycéens polyvalents des petites villes et des quartiers populaires, pour lutter contre la sélection à l’entrée de l’université et l’appauvrissement du bac.
Beaucoup entrent en lutte pour la première fois de leur vie, nouent des formes de solidarité semblables à celles des grèves, avec une participation féminine importante. Tous exigent la démission de Macron.
Pourtant, certains salariés, paysans travailleurs et chômeurs en gilets jaunes voient dans le drapeau tricolore le symbole de la révolution française de 1789, d’où les images de guillotine qui scandalisent tant les grands médias. Mais ces travailleurs se trompent d’époque : le drapeau tricolore est depuis la révolution de 1848 celui des colonialistes et des dirigeants contre-révolutionnaires comme Cavaignac, Thiers, Pétain, De Gaulle, Sarkozy et Macron. Derrière Macron, cette aile des gilets jaunes devine le capitalisme français qui les exploite férocement ou les rejette carrément dans les marges de la société. Ceux-ci dénoncent la misère, réclament des augmentations du smic, défendent le pouvoir d’achat des pensions, le maintien et la qualité des services publics, le rétablissement de l’ISF…
Les travailleurs « indépendants » et les petits patrons en gilets jaunes victimes de la concurrence et de la domination d’autres patrons (ceux de la grande industrie, des banques, de la grande distribution), se plaignent de tous les impôts et, surtout, des « charges patronales » (c’est-à-dire de la partie du salaire qui est collectivisée). Les déclassés en gilets jaunes ne voient dans Macron qu’un « instruit » (alors qu’il n’est guère savant), voire un « déviant sexuel » (selon des abjections répandues par les sites conspirationnistes et complotistes à la Bannon ou à la Soral, tous des défenseurs du capitalisme, des diviseurs des exploités et des oppresseurs des femmes et des minorités).
Les partis xénophobes (RN, LP, DlF…) et les groupes fascistes (Civitas, BS, AF, GI…) infiltrent ces « gilets jaunes ». Une minorité de « gilets jaunes » s’en prend aux réfugiés, aux femmes pourtant un foulard ou à la peau noire, aux vieilles dames juives, aux travailleurs des médias. Ils détruisent des équipements publics. La plupart réclame le « référendum d’initiative citoyenne » qui vise à détourner les masses de la lutte. En écartant la question sociale au profit de débats institutionnels, le RIC a pour fonction d’étouffer la lutte. Le référendum est, au mieux, une forme démocratique qui ne résout rien. Celui prôné par LFI (et le RN) s’oppose à la démocratie des travailleurs (la dictature du prolétariat) car il laisse le pouvoir à la bourgeoisie : c’était le cas du référendum de 1946 en France qui restaurait le parlementarisme bourgeois et à l’empire colonial sur la base du désarmement des travailleurs et de la dénonciation des grèves par le PCF. Souvent, un référendum divise le prolétariat autour d’une fausse alternative alors qu’il faudrait une autre solution que l’alternative soumise au vote : par exemple, le référendum sur la constitution européenne dans toute l’Union européenne en 2005, celui sur le Brexit en Grande-Bretagne en 2016… Un référendum se révèle parfois une aubaine pour la réaction comme ceux qui ont avalisé les coups d’État de 1851 par Napoléon III et de 1958 par De Gaulle, celui de 1979 qui a ratifié la « République islamique » en Iran…
À cause des sommets du mouvement ouvrier, la composante petite-bourgeoise et déclassée, bien que numériquement minoritaire, influence grandement le mouvement.
La responsabilité accablante des directions actuelles du mouvement ouvrier
Les partis « réformistes » (PCF, PS, Générations) et les directions syndicales (CGT, CFDT…) qui ont voté Macron ont contribué au recul des traditions ouvrières. Les chefs syndicaux qui ont négocié toutes les attaques de Macron, les organisations centristes (LO, NPA, POID…) et les partis sociaux-impérialistes (PS, PCF, LFI…) qui ont soutenu les « négociations », les « journées d’action » et les « grèves intermittentes » décrétées par les bureaucrates syndicaux ont facilité la tâche de la réaction. Les directions de la CGT, de FO, de l’UNSA, de la CFDT ont soutenu les mouvements de policiers. Le PS, le PCF, Générations et LFI sont partisans du renforcement de la police et de l’armée. LFI fonctionne comme LERM, autour d’un « sauveur suprême ». Mélenchon, qui se vautre dans le tricolore, qui a remplacé la lutte des classes par la défense de la « nation », qui converge dangereusement avec le RN dans sa dénonciation de l’Union européenne et de l’Allemagne, qui est de plus en plus ambigu sur l’immigration. L’imbécilité des anarchistes qui visent des « symboles » (vitrines de magasins, scooters en libre-service, distributeurs de billets…) alimente aussi la désorientation politique.
L’incapacité des principales organisations ouvrières à prendre la tête de la protestation et d’opérer la jonction du prolétariat des petites villes avec celui des grandes explique l’impuissance du mouvement à se structurer, la persistance du drapeau tricolore, son enfermement dans les blocages de ronds-points, la répétition des manifestions chaque samedi dans la capitale et les métropoles régionales.
Macron peut donc manœuvrer. Il convoque le 3 décembre les partis politiques, qui se rendent tous à la convocation, y compris le PS, le PCF et LFI. Les appareils syndicaux, sauf celui de Solidaires, viennent aussi au secours de l’ordre bourgeois (et de Macron) en suppliant : « le dialogue et l’écoute doivent retrouver leur place dans notre pays… Nos organisations dénoncent toutes formes de violence » (CFDT, CGT, FO, UNSA, FSU, Communiqué intersyndical, 7 décembre). Alors qu’une partie des gilets jaunes est prête à en découdre, les bureaucrates appellent, avec le PCF, LFI, le NPA, « à manifester pacifiquement » puisque « le gouvernement a enfin ouvert les portes du dialogue ». Le texte syndical ne comporte aucune revendication ! Le 10 décembre, les chefs syndicaux se rendent chez Philippe, à Matignon.
La CGT a canalisé pendant un siècle le mécontentement populaire. La crise des « gilets jaunes » a montré combien ce savoir-faire était précieux. (Le Figaro, 12 décembre)
Cela manifeste le gouffre qui se creuse sans cesse entre les directions syndicales et les revendications des masses.
L’État bourgeois feint de céder
Ainsi secouru, le chef d’État, dans son rôle de chargé de pouvoir du capital, a opéré un pas de danse et feint « le dialogue » en prétendant concéder un « grand débat national » et dix milliards : « C’est donc désormais le calme et l’ordre républicain qui doivent régner. Nous y mettrons tous les moyens » (Macron, 10 décembre), c’est-à-dire que le degré d’exploitation des travailleurs ne sera pas modifié. Il a annoncé quatre mesures : sur le SMIC, sur la CSG, sur les heures supplémentaires, et sur la prime de fin d’année, aucune d’entre elles n’affaiblissant le capital face au travail, au contraire.
« Le salaire d’un travailleur au smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu’il en coûte un euro de plus pour l’employeur ». Cette mesure figurait d’ailleurs dans le programme de campagne présidentielle de Macron : « Tous les smicards qui bénéficient de la prime d’activité toucheront par exemple l’équivalent d’un 13e mois de salaire, soit 100 euros nets de plus chaque mois ». Elle correspond aux exigences communes à tous les capitalistes, petits et grands, comme l’avait exprimé le Medef :
On a tous envie que nos salariés soient mieux payés mais… si la hausse du Smic est payée par les entreprises, cela se traduira par des destructions d’emplois. (Geoffroy de Bézieux, Le Parisien, 3 décembre)
La mesure sera financée pour 80 % par la hausse de la « prime d’activité » (uniquement pour les salariés percevant entre 0,5 et 1,2 SMIC et dont le conjoint ne gagne pas plus de 2 200 euros nets par mois, soit environ la moitié des smicards) et pour 20 % à la fois par l’augmentation prévue du 1er janvier et par une baisse de cotisations sociales. Ce qui n’est pas payé par le patronat, le plus gros, est donc payé par l’impôt de tous et, au passage, étouffe un peu plus la Sécurité sociale, l’Unedic, l’Agirc-Arrco. Il en est de même de la « défiscalisation » des heures supplémentaires.
« Les heures supplémentaires seront versées sans impôts ni charges dès 2019 ». Cette décision s’ajoute à la suppression des cotisations sociales (désocialisation) sur les heures supplémentaires prévue dans le budget 2019. Elle est équivalente à celle qui avait été mise en œuvre sous la présidence de Sarkozy et avait détruit 30 000 emplois en 2011, tout en coûtant trois milliards d’euros par an à la Sécu et au fisc.
« Pour ceux qui touchent moins de 2 000 euros par mois, nous annulerons en 2019 la hausse de CSG subie cette année ». Il s’agit de relever le seuil d’imposition de 1 200 à 2 000 euros, ce qui annule partiellement une mesure récente, sachant que le pouvoir d’achat des retraités a sensiblement diminué en raison de la désindexation des pensions qui est maintenue.
« Je demanderai à tous les employeurs qui le peuvent, de verser une prime de fin d’année à leurs employés ». Ce sera au bon vouloir du patronat.
L’ISF n’est pas rétabli : « revenir en arrière nous affaiblirait, alors même que nous sommes en train de recréer des emplois dans tous les secteurs ». Pourtant, l’Insee remarque une diminution très nette du nombre d’emplois créés (15 000 au troisième trimestre 2018 contre près de 100 000 au quatrième trimestre 2017), une perte de dizaines de milliers d’emplois industriels depuis le début de l’année… La flat tax sur les revenus du capital, qui correspond à une baisse massive d’impôts pour les riches capitalistes, n’est même pas évoquée. Au même moment, le Sénat facilitait la vie des exilés fiscaux en réduisant le délai d’exonération d’impôt sur les plus-values réalisées à l’étranger.
La classe dominante comprend que les concessions sont minimales.
Pour l’heure, il faut reconnaître à l’exécutif le mérite d’avoir préservé l’essentiel… Les mesures fiscales en faveur de l’investissement (suppression partielle de l’ISF, flat tax sur l’épargne…) sont maintenues, ainsi que les baisses de charges et d’impôts pesant sur les entreprises. Pourvu que cela dure ! (Le Figaro, 11 décembre)
Macron frappe tout en affirmant vouloir discuter
Mais les masses ne sont guère dupes : à la mi-décembre, l’opinion reste favorable. Les gilets jaunes ont du mal à rentrer les mains vides. Alors, le gouvernement cherche à les discréditer : « foule haineuse, s’en prennent aux élus, aux forces de l’ordre, aux journalistes, aux juifs, aux étrangers, aux homosexuels » (Macron, 31 décembre). C’est le même Macron qui renvoie des dizaines de milliers de migrants chaque année, qui tente de dévier le mécontentement social vers les étrangers, du moins les pauvres.
Comme tout pouvoir aux abois, pour rallier les couches sociales effrayées par le désordre que le capital et l’État ont engendré, le porte-parole du gouvernement attribue la poursuite du mouvement à des « agitateurs qui veulent l’insurrection et, au fond, renverser le gouvernement » (Griveaux, 4 janvier). Pour rallier toutes les classes possédantes, il affirme vouloir poursuivre son action anti-ouvrière : « Il est nécessaire que nous allions plus fort, plus loin et plus radicalement dans la transformation du pays » (Griveaux, 4 janvier). En ligne de mire les chômeurs, qui se verraient privés d’allocation au moindre rendez-vous manqué ou en cas de refus d’accepter un emploi moins bien payé que le précédent ; mais aussi les retraites, avec la destruction du système de solidarité, et la fonction publique, avec 50 000 suppressions de postes prévues, et pas dans l’armée ou dans la police qui a obtenu de 120 à 150 euros d’augmentation mensuelle.
Le gouvernement cherche à détourer le mécontentement social généralisé vers un « grand débat national ». Il ne vise certainement pas à mettre en question sa politique, si l’on en croit son porte-parole « ces 18 mois ne seront pas détricotés en totalité par les trois mois de débat » (Griveaux, 19 décembre).
À la recherche de boucs émissaires, comme les populistes qu’il prétendait combattre en France et dans toute l’Europe, il souhaite « que soit abordée la question de l’immigration » (Macron, 10 décembre). De même, si Macron et Philippe jugent habile de différer la prochaine attaque contre les retraites après les élections au Parlement européen, ils envisagent de livrer immédiatement les fonctionnaires à la vindicte de tous les partis bourgeois (MoDem, LREM, UDI, LR, DlF, FN-RN…) en réduisant drastiquement leur nombre (-120 000), en affaiblissant les statuts, en précarisant les travailleurs de l’État, des hôpitaux, des collectivités territoriales. Le projet contre la fonction publique devrait déboucher, sans doute en février, sur un projet de loi. De même, il accuse les chômeurs et les pauvres d’être des assistés, voire des fraudeurs.
Les victimes ordinaires de la violence du capital, ceux qui ont du mal à survivre, n’ont pas, pour la bourgeoisie exploiteuse et privilégiée, son gouvernement, ses partis, ses médias et les clergés, le droit de se révolter. Confirmant que la répression des années précédentes envers les zadistes et les étudiants serait fatalement étendue, canons à eau, lanceurs de balles, véhicules blindés, hélicoptères, police montée, tabassage de manifestants désarmés… des forces de répression de plus en plus violentes sont employées contre les manifestants. Pour la première fois, des blindés de la gendarmerie sont employés dans les villes (ils avaient servi contre les zadistes).
Plusieurs milliers de manifestants sont blessés, certains estropiés à vie. Les États iranien, vénézuélien, turc se permettent même d’appeler le gouvernement français à « la retenue ». La ministre de la Justice demande aux juges « une réponse pénale extrêmement ferme » (Le Figaro, 3 décembre). Dans le mois qui a suivi le début du mouvement – le 17 décembre –, 4 570 personnes ont été placées en garde à vue, dont nombreux de façon préventive, accusés « de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens », infraction introduite en 2010 sous Sarkozy. Des peines de prison ferme sont souvent prononcées. Des lycéens ont été humiliés, plusieurs milliers de manifestants ont été blessés, 40 manifestants ou passant ont été estropiés à vie par les « balles de défense », dix morts collatérales ont été comptabilisées.
Le 7 janvier, le premier ministre Philippe annonce une nouvelle disposition pour restreindre le droit de manifester, un fichier supplémentaire.
À bas Macron ! À bas la 5e République ! Gouvernement ouvrier !
Le mouvement des « gilets jaunes » risque de s’affaiblir. Celui des lycéens n’a pas repris à la rentrée scolaire. Mais il n’est pas trop tard.
Pour supprimer les impôts qui touchent la consommation populaire et les cotisations sociales des salariés, pour instaurer des impôts qui pèsent surtout sur les gros patrimoines et sur les hauts revenus, pour arracher la hausse des salaires et leur indexation et celle des revenus sociaux sur l’inflation, pour préserver les retraites, pour obtenir un maximum 25 élèves par classe de la maternelle à la terminale, pour exproprier les sociétés d’autoroute, les banques et les groupes capitalistes automobiles, pour supprimer la présidence de la république et le Sénat, pour la révocabilité des élus et leur rémunération à hauteur des travailleurs qualifiés, les travailleurs en gilets jaunes doivent se confronter au capital et à tout son État (qui ne se borne pas à un président), et recevoir l’appui du reste de la classe ouvrière.
À cette condition, la classe ouvrière pourra organiser sa défense contre la police et les fascistes, rallier les autres travailleurs (ceux qui restent formellement indépendants), ouvrir la voix d’une démocratie supérieure à celle de la 5e République, celle de la Commune de Paris de 1871 et des soviets russes de 1917.
La petite bourgeoisie est économiquement dépendante et politiquement morcelée. C’est pourquoi elle ne peut avoir une politique propre… La petite bourgeoisie peut trouver son chef dans la personne du prolétariat. Elle l’a trouvé en Russie, partiellement en Espagne. Elle y tendit en Italie, en Allemagne et en Autriche. Malheureusement, les partis du prolétariat ne s’y montrèrent pas à la hauteur de leur tâche historique. Pour gagner la petite bourgeoisie, le prolétariat doit conquérir sa confiance. Il faut pour cela qu’il ait lui-même confiance en sa propre force. Il lui faut un programme d’action clair et une détermination à lutter pour le pouvoir par tous les moyens. Soudé par son parti révolutionnaire, pour une lutte décisive et impitoyable, le prolétariat dit aux paysans et aux petites gens des villes : « Je lutte pour le pouvoir. Voici mon programme : je suis prêt à m’entendre avec vous pour en modifier tel ou tel point. Je n’emploierai la force que contre le grand capital et ses laquais ; avec vous, travailleurs, je veux conclure une alliance sur la base d’un programme donné. » Un tel langage, le paysan le comprendra. Il suffit qu’il ait confiance dans la capacité du prolétariat de s’emparer du pouvoir. (Léon Trotsky, Où va la France ?, 1934)
Certains gilets jaunes et certains syndiqués de la CGT et de SUD cherchent à avancer dans cette direction. Mais LFI, le NPA, LO et le PCF dévoient cette saine aspiration. Dans les réunions de « gilets jaunes » qu’ils convoquent, ils reproduisent les méthodes anti-démocratiques des bureaucraties syndicales et ils refusent de les mettre en cause alors que leur collaboration de classe et leurs capitulations sont à l’origine du mouvement… et de ses faiblesses.
Pour bloquer l’économie et avoir enfin une vie juste, nous avons besoin d’une grève générale. Nous demandons aujourd’hui aux organisations syndicales de se positionner clairement du côté des exploité.e.s, de soutenir notre lutte et d’y prendre part en appelant à une grève générale reconductible dès janvier 2019 afin de permettre à tous les salarié.e.s d’exercer leur droit de grève et de pouvoir se joindre à la lutte. (Gilets jaunes Hauts de France, Communiqué, 5 janvier 2019)
Les organisations centristes (NPA, LO, AL, POID…) confondent délibérément les journées d’action répétées (qui ont permis à Macron de battre les cheminots en 2018) et la véritable grève générale (comme celle de 1936 qui a arraché des revendications qui n’étaient pas au programme du PS ni du PCF, comme celle qui a défié De Gaulle en 1968, comme celle des cheminots qui a fait reculer le gouvernement Chirac-Juppé en 1995).
Pour vaincre Macron, il faut que les travailleurs imposent aux partis d’origine ouvrière et aux organisations syndicales de salariés de boycotter le « grand débat » et de rompre les négociations des plans contre les fonctionnaires, contre les chômeurs, contre les retraites.
Il faut chasser Macron, mais pas pour le remplacer par pire. Sans gouvernement à eux, qui soit sous leur contrôle, les travailleurs restent dans la soumission, l’exploitation et l’oppression.
À bas la violence policière ! Front unique des organisations ouvrières pour la libération des militants emprisonnés ! Aucune poursuite contre les manifestants ! Auto-défense contre les forces armées de l’État et contre les fascistes ! Dissolution des corps de répression !
Suppression de la présidence de la République et du Sénat ! Députés, maires, ministres… rémunérés au salaire ouvrier médian et révocables à tout moment !
SMIC à 1 800 euros bruts ! Augmentation des salaires des travailleurs du privé et du public ! Échelle mobile des salaires et des heures de travail ! Aucune retraite par points ! Retraite avec 60 ans avec 37,5 annuités ! Abolition du travail détaché ! Abrogation du CICE ! Création de postes dans l’enseignement public, les hôpitaux et les EPHAD à hauteur des besoins ! Construction de logements sociaux de qualité ! Suppression de la TVA et de tous les autres impôts qui pèsent sur la consommation populaire (TICPE, CTA, CSPE, TCFE, TICGN…) ! Véritable ISF sur l’entièreté du patrimoine ! Renforcement de la progressivité de l’impôt sur le revenu !
Aucune participation au « grand débat national » ! Aucune négociation des projets de Macron contre les travailleurs de la fonction publique, les chômeurs, les retraites ! Pour des assemblées générales dans chaque ville avec élections de délégués et centralisation à l’échelle nationale !
Grève générale pour la satisfaction des revendications ! À bas Macron ! Gouvernement ouvrier ! États-Unis socialistes d’Europe !