Mayotte connait une grève et des barrages routiers depuis la mi-février. C’est un département français car la population de cette île de l’archipel des Comores a choisi, au moment de l’indépendance en 1974, de rester rattachée à l’État français qui a vu pour sa part l’occasion de renforcer sa présence dans l’océan Indien. Elle reste sous-équipée et démunie. Cependant, à cause de la misère des Comores, elle attire une immigration massive des îles voisines. Le déclin du capitalisme à l’échelle historique explique que le petit État bourgeois des Comores soit incapable d’assurer le développement et que même un État dominant comme la France se révèle incapable d’assurer celui de Mayotte. Le chômage de masse, la déscolarisation, les bidonvilles, la délinquance et la criminalité en sont des conséquences.
Lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, les deux candidats ayant le plus de succès furent Fillon (32,6 % des voix à Mayotte, nettement plus que dans toute la France : 20 %) et Le Pen (27,3 % à Mayotte, 21 % au total). Le mouvement est plus douteux qu’en 2016 [voir Révolution communiste n° 17]. Un « collectif des citoyens » donne le ton pour diriger le mouvement contre l’insécurité plus que contre ses causes.
On vit dans la peur en permanence. On a peur d’emprunter les routes mahoraises (coupeurs de routes). On a peur d’envoyer nos enfants à l’école (poignard pour un pot de yaourt). On a peur de garer nos voitures (vandalisme gratuit). On est terrorisé dans nos champs (récoltes volées, menace au chombo). On a peur des plages (agressions et viols). On a même peur de dormir chez nous (cambriolages et humiliation), le comble ! Tu es ou seras victime tôt ou tard. Alors rejoins la Résistance Kogno Moja ri Kombowé i Maoré. (Collectif des citoyens de Mayotte, 19 février)
Les dirigeants syndicaux locaux s’associent à ce collectif, au patronat local et aux élus pour demander plus d’appareil répressif de l’État au gouvernement français.
L’intersyndicale, le collectif des citoyens, les élus et le patronat se sont réunis… À l’issue de cette rencontre, un nouveau document commun a été approuvé. (Le Monde, 30 mars)
À chaque fois que les représentants des exploités s’associent aux exploiteurs, ce sont ces derniers qui y gagnent. C’était déjà le cas en Guyane il y a un an [voir Révolution communiste n° 23]. La ministre des outre-mer Annick Girardin envisage un statut d’extraterritorialité pour l’hôpital dont la maternité est la première de France. Les mesures d’ores et déjà prises par le gouvernement Macron-Philippe-Girardin visent les immigrants, les pauvres parmi les pauvres. Le renforcement policier a conduit à 3 685 arrestations et 597 éloignements du territoire en 15 jours, des parents d’enfants français, des femmes allaitant leurs bébés, des conjoints de citoyens français, des mineurs… En plus, des milices racistes traquent les migrants.
Des habitants du nord de l’île, organisés en collectif, effectuent des « rondes » afin de débusquer des étrangers en situation irrégulière pour les remettre à la gendarmerie. (Le Monde, 1er avril)
Les syndicats mahorais doivent rompre leur bloc avec les patrons, exiger l’égalité pour les travailleurs avec ceux de la métropole, protéger les travailleurs et les élèves venus des autres Comores, exiger l’échelle mobile des salaires contre la vie chère, la diminution du temps de travail pour embaucher les chômeurs, un plan de construction de logements, d’ouverture d’écoles, etc. avec une priorité à la main-d’oeuvre de l’archipel. Les travailleurs d’avant-garde doivent se regrouper, en lien avec ceux de France, des Comores, de Madagascar, de la Réunion, de Tanzanie, du Mozambique… pour ouvrir la perspective d’une fédération socialiste de l’océan Indien.
4 avril 2018