L’offensive contre la santé publique
Partout dans le monde, les gouvernements augmentent les dépenses militaires et policières tout en rognant sur les dépenses de santé, d’enseignement… Et ils osent faire passer cette régression pour de la modernité. Comme les précédents gouvernements français, celui de Macron, Philippe & Buzyn accuse la Sécurité sociale et les hôpitaux publics des problèmes financiers qu’il crée lui-même.
Le gouvernement s’est fixé l’objectif d’un retour à l’équilibre des comptes de la Sécu en 2020. (Le Monde, 20 décembre 2017)
Il n’y a de déficit de la sécu que parce que les capitalistes refusent de la financer. D’un côté, l’État exonère plus de patrons de leurs cotisations sociales ; de l’autre, il coupe dans les dépenses qui ne sont pas liées au maintien de l’ordre. Le budget de la sécurité sociale 2018 prévoit 3 milliards d’euros de réduction de dépenses de l’assurance maladie, la moitié devant être assumée par les établissements hospitaliers.
Il faut une révolution douce, 30 % des dépenses de l’assurance maladie ne sont pas pertinentes il faut lutter contre les opérations inutiles… fermer les lits qui ne servent à rien. (Agnès Buzyn, Journal du dimanche, 21 octobre 2017)
Quand ces gens-là disent : « révolution douce », les travailleurs doivent entendre : « mesure réactionnaire violente ». Et quand ces gens-là disent : « libérer le travail », il faut comprendre : « précariser les salariés » ; quand ils disent : « dialogue social » ou « coconstruction », il faut comprendre : « associer les syndicats aux attaques contre les travailleurs » ; quand ces gens-là disent : « plan de sauvetage de l’emploi », il faut comprendre : « plan de licenciement » ; quand ils disent « optimisation fiscale », il faut comprendre : « fraude fiscale » ; etc.
L’euphémisme pour camoufler la brutalité sociale
Le langage du gouvernement est désormais celui des hypocrites PDG et DRH. Il faut dire que Philippe est passé par un grand groupe capitaliste de l’énergie et que Macron est passé par une grande banque d’affaires. Les députés LREM sont majoritairement des patrons et des cadres. Les gouvernements précédents avaient déjà commencé à étendre les méthodes du capital aux hôpitaux, en particulier par :
- la loi « T2A » (2003) qui impose la tarification à l’activité ;
- l’ordonnance « Nouvelle gouvernance » (2005) qui restructure les hôpitaux ;
- la loi « HPST » (2009) qui crée les « agences régionales de santé » (ARS), renforce le « management » (rôle accru du directeur, directoire, conseil de surveillance…), met en place des « communautés hospitalières de territoire ».
La nouveauté est que le gouvernement Macron-Philippe, comme celui de Trump aux États-Unis, reprend directement la mentalité et le langage des patrons.
Les établissements se verront octroyer un bonus, un intéressement dès lors qu’ils répondront aux objectifs de qualité, de pertinence et d’efficience des soins. En outre, je veux renforcer l’incitation financière à la qualité en intégrant des indicateurs de résultat clinique. (Agnès Buzyn, JDD, 21 octobre 2017)
Les méthodes de management des entreprises privées et publiques aboutissent, d’un côté, à l’augmentation des profits, à l’enrichissement sans borne d’une petite minorité, à la pollution par les yachts et les jets privés… et, de l’autre, à l’intensification du travail, au harcèlement, à la précarisation, aux conséquences désastreuses pour la santé des exploités…
Certes, dans les entreprises, il s’agit d’augmenter le profit, tandis que dans les services publics, il s’agit d’économiser sur les dépenses publiques. Le lien entre les deux aspects de l’offensive du capital contre le travail est que la rentabilité du capitalisme français augmente quand les salariés travaillent plus, que moins va aux salaires, aux pensions de retraite, aux indemnités chômages, à l’enseignement public, à la santé publique, au logement social, aux transports publics…
Les cadeaux aux libéraux et aux groupes capitalistes
Le gouvernement Macron-Philippe-Buzyn, en étranglant les urgences et tous les autres services des hôpitaux publics, envoie les malades vers les cliniques privées. En étranglant les EHPAD hospitaliers et associatifs, fait de la publicité aux réseaux capitalistes des maisons de retraite pour riches.
Le gouvernement démantèle le dispositif public et gratuit de psychiatrie de proximité qui permettait de consulter et d’être soigné près de chez soi sans avoir à être hospitalisé, au profit des consultations chez des spécialistes aux tarifs élevés, qui ne travaillent presque jamais dans les quartiers populaires, certaines étant des « psychothérapies » trop courtes.
Le gouvernement ne touche pas aux profits juteux des groupes capitalistes de la pharmacie et de l’équipement médical. Le gouvernement veut diminuer les remboursements de médicaments de 1,4 milliard d’euros.
La « chirurgie ambulatoire » qui consiste à faire sortir l’opéré le jour même de son intervention, est encouragée. Mais cette évolution nuit parfois à la sécurité du patient et au suivi des soins. Ceux qui habitent loin feront la fortune des « hôtels hospitaliers » capitalistes qui se développent comme des parasites autour des grands hôpitaux.
Le gouvernement augmenté le forfait hospitalier de 2 euros. Les patients qui ont une assurance de santé complémentaire le sentiront par les tarifs (« primes d’assurance ») qui augmentent sans cesse. Le transfert du financement des dépenses vers les familles et les groupes capitalistes de l’assurance et des « mutuelles » accroissent les inégalités d’accès aux soins. Déjà, le renoncement aux soins pour raison financière augmente.
La marche forcée de la mise en place des GHT (groupements hospitaliers de territoires) permet d’imposer la flexibilité des salariés (qui nuit à la qualité), de faire bénéficier de la « mutualisation » aux cliniques privées (elles bénéficient des équipements des hôpitaux sans en avoir les charges et captent les opérations rentables)… Parfois au détriment des patients : les césariennes et les épisiotomies sont plus fréquents dans les entreprises capitalistes que dans les maternités publiques.
Le privé est surreprésenté parmi les trente-huit maternités dépassant le seuil recommandé (43 %, alors qu’elles ne sont que 25 % en France). Le praticien y est libre de réaliser tout acte médical qui lui semble nécessaire. (Le Monde, 31 janvier)
Les cliniques privées ne participent pas à la formation des médecins, n’assurent que rarement l’accueil des patients polytraumatisés aux urgences et prennent peu en charge les spécialités moins rémunératrices.
Ces GHT seront regroupés essentiellement en milieu urbain ce qui accentuera la fracture sociale. Il ne faut pas également sous-estimer la chasse répressive aux arrêts de travail, au contrôle des prescriptions, des examens dans un cadre de culpabilisation des patients tout comme la mise en place de la télémédecine (pour pallier au manque chronique de médecins, de spécialistes, à la désertification médicale), ce qui n’améliorera pas
Blocage des salaires, fermetures de lits, diminution des effectifs…
De manière complémentaire, le gouvernement Macron-Philippe-Buzyn veut diviser et précariser les travailleurs de l’État, des collectivités territoriales et de la santé publique par le « salaire au mérite » et le recrutement de contractuels supplémentaires.
D’ailleurs, il confie aux agences régionales de la santé le soin de supprimer des postes, voire de licencier si les salariés ciblés n’acceptent pas d’aller travailler dans un autre établissement (ou une autre fonction publique). Le gouvernement bloque les salaires des fonctionnaires. Les établissements font des économies sur tous les postes : médicaments, salaires, investissement, effectif…
La Fédération hospitalière de France accompagne l’offensive :
Ce budget de la Sécurité sociale ouvre des pistes, va dans le bon sens… Qu’on redonne du sens aux réformes, qu’on affiche une vision offensive, que soit engagée au plus vite les réformes de structure qui depuis des années ont été trop souvent reportées, en proposant que le financement du système de santé et la relance de l’investissement, la fin des mesures catégorielles non financées, l’assouplissement des modes de gestion interne des établissements et la meilleure participation à la permanence des soins de l’ensemble des professionnels de santé, quel que soit leur statut. (Frédéric Valletoux, président de la FHF, Le Quotidien du médecin, 30 octobre 2017)
À l’AP-HP, Martin Hirsch menace 600 emplois sur l’effectif de 53 800 soignants paramédicaux et socio-éducatifs « au moyen des évolutions majeures dans les organisations et des cadres de travail des personnels » (Le Monde, 19 mars).
Assez de négociation des plans du gouvernement !
Le gouvernement lance une période de réflexion et de concertation de trois mois, de mars à mai 2018, sur cinq grands chantiers structurants pour sortir d’un système de santé « cloisonné » et fondé sur une tarification à l’acte qui pousse à la « course aux volumes, La phase de concertation s’achèvera par la présentation d’une feuille de route détaillée avant l’été. (UFAL, 20 février 2018)
Le gouvernement ne cache pas qu’il veut aller plus loin dans la mise en cause des statuts.
Un nouveau contrat social doit être proposé aux agents de la fonction publique hospitalière, en cohérence avec les orientations du comité interministériel de la transformation publique pour l’ensemble des fonctions publiques : fluidifier le dialogue social, encourager la recherche de nouvelles réponses aux problèmes d’attractivité, assouplir les statuts, reconnaître le mérite et l’engagement dans la rémunération, favoriser l’accompagnement des évolutions de carrières et la gestion du changement. (Ministère de la santé, Dossier de presse, 13 février 2018)
Les bureaucrates syndicaux acceptent de négocier les plans du gouvernement, dans ce domaine comme dans tous les autres. La collaboration de classes est menée à tous les niveaux, des réunions convoquées par la ministre Buzyn au niveau local avec des « groupes de concertation territoriale thématique qui permettront de recueillir l’avis des acteurs du terrain ». La direction de la CGT en réclame davantage.
La concertation qui va s’engager à partir du mois prochain pour une ridicule durée de 2 mois laisse l’ensemble des professionnels amers et indignés par l’attitude du gouvernement. (CGT, 15 février)
Assez de « journées d’action » !
Des directions syndicales CGT, CFDT, FO, Solidaires, UNSA… qui négocient les attaques du gouvernement ne peuvent évidemment pas conduire la lutte unifiée et victorieuse pour le battre, pour lui faire retirer ses plans, pour annuler toutes les mesures antérieures, pour arracher les revendications.
À la base, les directions syndicales n’ont à proposer que des diversions : la dispersion des luttes hôpital par hôpital, voire service par service ou des « journées d’action » inefficaces : 30 janvier, 15 mars, 22 mars, 5 avril…
La plupart des organisations politiques (PCF, LFI, LO, NPA, POID, AL…) sont intégrées aux bureaucraties syndicales, même si ce n’est pas les mêmes. Elles n’engagent donc aucun combat contre les « concertations » avec le gouvernement ou contre les « journées d’action ».
Nous devons, petit à petit, ne pas nous contenter de ces journées de mobilisation, mais faire en sorte que différents secteurs basculent dans un mouvement permanent. (NPA, 22 mars)
Participons aux actions. (LFI, 22 mars)
Les chefs de la CGT décrètent une nouvelle journée le 19 avril… et de s’adresser aux parlementaires comme si les députés LREM et les sénateurs LR ne savaient pas ce qu’ils faisaient.
Le 15 mars, 25 sections Sud et 10 syndicats CGT de différents hôpitaux et la Coordination des comités de défense des hôpitaux et maternités se sont réunis mais elles ne font pas mieux que les bureaucrates nationaux. La rencontre appelle à multiplier les « journées d’action » : 7 avril, 15 mai, « mardis de la santé en colère »…
Sans la grève générale, le gouvernement Macron ne sera pas vaincu
La « coordination des luttes » n’a de sens que si elle sert à libérer notre gigantesque force collective, à lutter, tous ensemble et en même temps : cela s’appelle, en termes clairs, la grève générale illimitée jusqu’à la victoire.
Pour affronter et vaincre le gouvernement de la réaction et des riches, il faut, dans les syndicats et dans les assemblées générales, que monte l’exigence de l’unité et de la préparation de la grève générale. Quand celle-ci éclatera, il faudra contrôler notre mouvement par les AG, la défense des piquets et des manifestations contre les flics, les comités de grève élus et leur coordination nationale.
- Non à la coupure de 3 milliards ! À bas le budget des hôpitaux ! Retrait du projet de loi Macron – Philippe – Buzyn !
- Boycott syndical de toutes les négociations des attaques ! Boycott des « Conférences régionales de la santé » ainsi que des conseils de surveillance des hôpitaux qui les appliquent !
- Abrogation des lois T2A et HPST ! Réouverture des services et création des lits indispensables !
- Remplacement de toutes les absences ! Embauche des personnels nécessaires, sur la base de l’évaluation des besoins par les personnels eux-mêmes ! Titularisation des précaires !
- Augmentation des salaires ! Paiement des heures supplémentaires ! Paiement décent des élèves infirmiers et des internes !
- Nationalisation sans indemnité ni rachat des cliniques privées, des labos pharmaceutiques, de l’industrie médicale, des groupes financiers de l’assurance santé !
- Gratuité de tous les soins ! Abrogation de toutes les exonérations de cotisations sociales des patrons ! Une sécurité sociale unifiée gérée par les syndicats de travailleurs !
- Gouvernement des travailleurs, seul capable de sauver la santé publique et d’affronter les groupes capitalistes !