Le capitalisme et les dépenses sociales : des concessions limitées et fragiles
Plus de la moitié de la population mondiale (4 milliards sur 7,6) n’a aucune protection sociale. Par contre, l’accès aux soins, au logement, à l’instruction, à l’indemnisation du chômage… a été considérablement étendu en Europe en 1945, quand le peuple s’est armé en Italie et en France, quand l’Armée rouge est entrée à Berlin, quand la révolution sociale a menacé l’ordre bourgeois sur le continent.
La protection sociale garantit des droits, au contraire de la charité des sociétés précapitalistes. À ce moment, elle a pris deux formes différentes : prise en charge de la solidarité sociale par l’État en Suède, au Danemark, en Norvège, en Grande-Bretagne… ; création par l’État d’une assurance sociale obligatoire en Allemagne, en Belgique, en France…
Le lien entre le salariat et les prestations sociales est plus clair dans le second système. Pourtant, dans les deux cas, cela signifie que, outre le salaire individualisé qui est versé directement à chaque travailleuse ou travailleur des entreprises et de l’État, il existe un salaire collectivisé, mutualisé, différé, indirect dont les travailleurs touchent une part dans certaines situations : maladie, retraite, grossesse, etc.
Quel que soit le système, le salaire collectivisé a deux origines différentes :
1. une part est supportée par le capital, donc au détriment du taux de profit, quand il s’agit de cotisations sociales payées par les employeurs ou bien d’impôts acquittés par les entreprises et les hauts revenus ;
2. une part est financée, sans nuire au taux de profit, en amputant le pouvoir d’achat des salariés, soit par des cotisations sociales payées par les salariés (qui diminuent le « salaire net » du bulletin de salaire), soit par des impôts supportés par les salariés (CSG, impôts sur la consommation comme la TVA…).
Si ces concessions d’après-guerre ont diminué les inégalités, elles ne les ont pas supprimées. Elles ne le pouvaient pas car elles étaient, dans tous les pays, conçues par des gouvernements bourgeois dans le but de sauvegarder le capitalisme. Par exemple, en France, le gouvernement du général De Gaulle (MRP-PS-PCF) avait refusé de transformer les médecins en salariés et d’assurer la gratuité des soins (contrairement au NHS britannique). Le « régime général de la sécurité sociale » était financé non seulement par les cotisations des employeurs, mais, scandaleusement, aussi par des prélèvements obligatoires sur les salaires selon un principe hérité du chancelier Bismarck et du maréchal Pétain. Certaines prestations, et non des moindres, étaient proportionnelles au revenu antérieur : maladie, retraite, chômage… Si le régime général couvrait les « risques » maladie-grossesse, vieillesse, famille, maladies professionnelles-accidents du travail, il ne protégeait pas contre le chômage ; il a fallu y ajouter ultérieurement un organisme supplémentaire, très insuffisant, l’UNEDIC. Comme la protection de la Sécu restait inférieure à celle arrachée par les travailleurs salariés de quelques secteurs, les « régimes particuliers » de ces derniers furent maintenus. En outre, la protection sociale des ouvriers agricoles fut confiée au régime des capitalistes et des petits-bourgeois de l’agriculture (MSA).
La période d’expansion capitaliste qui a suivi la 2e Guerre mondiale et la montée révolutionnaire des années 1960-1970 ont garanti, voire étendu les droits sociaux (santé, instruction, logement…) dans tous les centres impérialistes. Cependant, avec le retour de la crise capitaliste mondiale en 1973-1974, tous les gouvernements bourgeois sont venus en aide à la classe capitaliste au détriment de la classe ouvrière. L’État a baissé les prélèvements sur les entreprises et les grandes fortunes, subventionné les entreprises, précarisé davantage les salariés, diminué les dépenses publiques qui bénéficient à la classe ouvrière…
Les partis « réformistes » (Labour Party britannique, SPD allemand, PS français, PCF, PS belge, PSOE espagnol, PRC italien…) au gouvernement n’ont pas eu de politique très différente de celles des partis bourgeois. Les chefs syndicaux, dans tous les pays, ont accepté de négocier la flexibilité du salaire et du temps de travail, la réduction des pensions de retraites, les hausses de cotisations de salariés, etc., le tout « pour sauver le système ».
Le gouvernement Macron-Philippe-Buzyn contre le droit à la santé et les travailleurs des hôpitaux publics
Le gouvernement a repoussé la généralisation du tiers payant qui se heurtait à la résistance de certaines associations de médecins libéraux.
Le budget 2018 de la sécurité sociale prévoit 3 milliards d’euros de réduction de dépenses de l’assurance maladie, la moitié doit être assumée par les établissements hospitaliers où règne déjà l’épuisement professionnel.
D’abord, 1,6 milliard d’euros d’économie seraient par la réforme de la tarification et l’extension de la chirurgie ambulatoire qui consiste à faire sortir l’opéré le jour même de son intervention. La sécurité du patient et le suivi des soins ne sont pourtant pas toujours garantis, surtout pour les pauvres. La clientèle des autres fait la fortune des « hôtels hospitaliers » privés qui se développent comme des parasites autour des grands hôpitaux.
L’autre mesure est l’augmentation du forfait hospitalier de 2 euros. Ceux qui ont une assurance de santé complémentaire le sentiront par les tarifs (primes d’assurance) qui augmentent régulièrement.
Enfin, le gouvernement veut diminuer les remboursements de médicaments de 1,4 milliard d’euros.
Dans la continuité des lois Bachelot et Touraine, le président Macron, le gouvernement Philippe, la majorité LREM, en refusant de donner à l’hôpital public les moyens de remplir ses missions, assurent la rentabilité des cliniques privées dont la centralisation se poursuit. L’équipement de pointe est partagé dans le cadre des agences régionales de la santé.
L’État bourgeois tire même de l’argent des hôpitaux publics (et donc de la Sécu) en prélevant 4 milliards d’euros par an de taxe sur les salaires.
Gratuité totale des soins !
Abrogation de l’Ordre des médecins et de tous les ordres médicaux et paramédicaux ! Affectation de médecins aux « déserts médicaux » ! Interdiction des dépassements d’honoraires !
Fin des exonérations de cotisations sociales des employeurs ! Financement par les patrons de l’assurance-santé !
Prise en compte de toutes les maladies professionnelles ! Sécurité sociale unifiée gérée par les seuls représentants élus des travailleurs !
Des moyens pour la protection maternelle et infantile, la santé scolaire ! Aucune fermeture d’hôpital ou de service ! Réouverture des hôpitaux et maternités fermés ces dernières années ! Budget nécessaire au fonctionnement de la santé publique !
Titularisation des précaires quelle que soit leur nationalité ! Embauche de tout le personnel nécessaire ! Paiement décent des élèves infirmiers et des étudiants en médecine !
Expropriation des cliniques privées, des groupes pharmaceutiques, des groupes de l’industrie médicale, des compagnies d’assurance maladie ! Intégration des mutuelles à la Sécu !
Le patronat et le gouvernement contre les chômeurs
Dans le capitalisme, le chômage de masse est la règle, le plein-emploi l’exception. En France, depuis 1979, même dans sa définition la plus restreinte, même dans les phases d’expansion économique, le nombre officiel n’est jamais descendu au-dessous du million de travailleurs et 5 % de la population active. Fin 2017, malgré la reprise en cours dans la zone euro, il y a selon la définition la plus restreinte 2,6 millions de chômeurs (hors Mayotte), dont 1,2 million de « longue durée » (depuis plus d’un an). La définition la plus large aboutit au nombre de 6,6 millions. Le taux de chômage s’élève à 22,7 % chez les 20-25 ans. Alors que les cadres du secteur privé sont 3,9 % à chercher du travail, les ouvriers qualifiés sont 11,8 %, non qualifiés 20,2 %, les employés du commerce 16,4 %. Les hommes descendants d’immigrés maghrébins ont des taux d’emploi inférieurs à ceux des hommes sans ascendance migratoire : l’écart entre les deux groupes est de 23 % durant les dix années qui suivent la fin des études.
Si le chômage de masse pénalise la demande, il permet aux entreprises d’exercer un chantage permanent envers les travailleurs qui ont un emploi et ceux qui en cherchent un. Le résultat est que la précarité croît, en particulier pour les jeunes, et que le pouvoir d’achat des salariés stagne.
Une autre conséquence est que le régime de l’assurance-chômage, cogéré par le patronat et les syndicats, a évolué en restreignant les droits des chômeurs. Les « partenaires sociaux » ont considérablement réduit les allocations chômage. En 1969, l’indemnisation s’élevait à 90 % du salaire antérieur et portait jusqu’à 3 ans ; en 2017, c’est 57 % pour 2 ans. Plus de la moitié des chômeurs (56 %) n’en reçoit pas ou plus. La dernière convention, en mars, a restreint la durée d’indemnisation des seniors.
Jusqu’ici, les demandeurs d’emploi de plus de 50 ans peuvent bénéficier d’une durée d’indemnisation atteignant 36 mois au maximum, au-lieu des 24 mois du régime général. Pour l’avenir, le protocole d’accord remonte cette borne à 55 ans. (La Tribune, 29 mars)
L’État a dû inventer des aides sociales pour compenser, dont la principale est le RSA. Le montant des prestations reste si faible (car il s’agit, selon les nantis, « d’inciter à chercher un emploi ») que les travailleurs paupérisés sont contraints de s’adresser, comme au XIXe siècle, à des organismes de charité du type Restaurants du cœur ou Secours catholique.
L’État prélève déjà 10 % du financement de Pôle emploi sur les caisses de l’UNEDIC, soit plus de 3 milliards d’euros volés aux chômeurs. Sans cette ponction, le régime serait équilibré. Mais Macron veut plus encore, faire contribuer l’UNEDIC à des dépenses qui ne bénéficient pas aux salariés. Non seulement le gouvernement a décidé le resserrement des contrôles par Pôle emploi, le durcissement des sanctions (en cas de refus de deux offres d’emplois « raisonnables »), mais il annonce l’extension de la couverture aux travailleurs indépendants et aux démissionnaires qui veulent créer une entreprise.
Formation validée des chômeurs par un diplôme par l’enseignement public et l’Association pour la formation professionnelle des adultes, sous contrôle des syndicats de salariés !
Interdiction des licenciements ! Fin du temps partiel imposé ! Un emploi pour tous ! Réduction de la semaine de travail jusqu’à l’embauche de tous les chômeurs sans baisse de salaires !
Boycott par les représentants syndicaux du Conseil d’orientation pour l’emploi ! Le patronat et l’État hors de l’UNEDIC ! Contrôle ouvrier sur les embauches ! Lancement de grands chantiers pour le logement social et les infrastructures nécessaires !
Le gouvernement Macron-Philippe-Pénicaud contre la retraite
Bloquées pendant deux ans, les pensions de retraite du régime général (branche vieillesse de la Sécu) n’ont été revalorisées au 1er octobre 2017 que de 0,8 %. Or, l’inflation a été sur un an de 1,2 %. La dernière revalorisation des pensions du régime complémentaires de retraite (Agirc-Arrco) remonte à avril 2013.
Le pouvoir d’achat sera, de plus, atteint par un nouveau report de la date de la revalorisation annuelle des pensions. En 2009, elle était passée de janvier à avril, en 2014 d’avril à octobre ; en 2018, ce sera d’octobre à janvier. La perte équivaut ainsi au montant d’un an de revalorisation sur une période de moins de dix ans.
En outre, la contribution sociale généralisée (CSG) augmentera au 1er janvier 2018 de 1,7 point (pour atteindre 8,3 %) pour les retraités qui ont un revenu net de plus de 1 394 euros par mois. La compensation annoncée, à savoir la suppression de la taxe d’habitation, sera étalée, quant à elle, jusqu’en 2022. Et cette suppression ne bénéficiera pas à ceux qui ne paient déjà pas cet impôt en raison de leurs faibles revenus (3,5 millions de pensionnés sur 7).
Une offensive supplémentaire contre le droit à la retraite sera présentée au parlement en 2018. Les 37 régimes actuels sont dans le collimateur. Il n’y aurait plus qu’un seul régime dit « universel et à compte notionnel ».
- « universel » car, au lieu d’aligner tous les salariés sur le régime le plus favorable, ils seraient alignés sur le pire ; sans parler du financement possible par les salariés du déficit des régimes des « indépendants » ou des « exploitants agricoles » ;
- « à compte notionnel » car les cotisations versées donneraient droit à des points et le montant de la pension dépendrait du nombre de points cumulés durant la carrière, de l’espérance de vie et du taux de croissance de l’économie. La pension ne peut donc pas être connue à l’avance. Ce système s’applique déjà à l’Agirc-Arrco, où siègent tous les « partenaires sociaux ». Il conduit à une hausse des cotisations des salariés et à une diminution de la valeur des pensions de retraites complémentaires.
Cette éventualité est préparée de longue date (au moins 2009) par le « Conseil d’orientation des retraites » (COR), dans lequel siègent les représentants des syndicats. Les chefs syndicaux se préparent à se concerter avec le gouvernement sur son projet contre le droit à la retraite.
Départ à 60 ans (55 ans pour les travaux pénibles) ! Retour aux 37,5 annuités pour tous et prise en compte des périodes de chômage et de stage ! Calcul pour tous sur les 6 meilleurs mois !
Pas de retraite inférieure au SMIC ! Indexation des pensions sur les salaires !
Boycott par les syndicats du Conseil d’orientation des retraites ! Aucune concertation sur les projets contre les retraites !
1 décembre 2017