Ayant réussi à imposer une défaite aux travailleurs sur la loi Hollande-El Khomri, le gouvernement PS-PRG-PE a très rapidement avancé sur la sélection en entrée de master (diplôme bac + 5) à l’université. Après avoir laissé des universités empêcher arbitrairement des étudiants d’accéder à l’enseignement supérieur, avec de scandaleuses sélections, y compris par tirage au sort pour l’entrée en première année, le gouvernement prend les devants en forçant la sélection à l’entrée en master, trente ans après le mouvement contre la sélection Chirac-Devaquet. Alors que les universités pratiquaient jusqu’à présent des sélections entre M1 et M2, les ministres Vallaud-Belkacem et Mandon, pour qui « la sélection n’est pas un gros mot » (Le Parisien, 20 septembre), ont soumis aux organisations syndicales la proposition de loi d’un député UDI pour une sélection à l’entrée de tous les masters dès la première année.
Quelques jours après l’adoption de la proposition de loi par la commission éducation du Sénat, Sénat dirigé par une majorité LR-UDI, le 17 octobre, le CNESER, organe de cogestion à l’université, auquel participent tous les appareils syndicaux, approuvait le projet. Ont voté pour les représentants de l’UNEF, de la FAGE et du PDE au nom des étudiants ; le SGEN-CFDT, Sup Recherche, l’UNSA et le SNESUP-FSU, au nom des travailleurs. La mesure a été qualifiée d’historique par le président de la Conférence des présidents d’université (CPU) Jean-Louis Salzmann, toujours prompt à limiter le droit aux études. La présidente Lilâ Le Bas se réjouit aussi : « cela va dans le sens de la démocratisation de l’enseignement supérieur » (Le Monde, 4 octobre). La procédure parlementaire pour transformer l’accord entre gouvernement et syndicats en loi démarrera le 26 octobre. Pas étonnant que l’organe du grand capital encourage le gouvernement et les bureaucrates syndicaux.
Après des semaines de négociations, gouvernement, présidents d’université et syndicats d’étudiants sont parvenus à se mettre d’accord sur une réforme des masters qui introduira la sélection des étudiants dès la première année (M1) de ce bloc d’étude, et non au beau milieu du cursus comme cela était jusqu’ici pratiqué. Bien sûr, le mot lui-même n’est jamais employé (…), l’histoire retiendra que trente ans après les manifestations contre la loi Devaquet – du nom de ce ministre qui voulait introduire une sélection dès l’entrée à l’université – un embryon de réponse aura enfin été apporté à l’une des crises récurrentes de l’enseignement supérieur. (Les Échos, 3 octobre)
De fait, c’est une rupture essentielle qui instaure officiellement la sélection en master et ouvre la voie à toutes celles et tous ceux qui réclament déjà le renforcement de « l’orientation active » dans le cycle de licence. Pour faire passer la mesure auprès des étudiants, l’accord prévoit un droit « opposable » en cas de non sélection dans le master de son choix. Bien entendu, cette mesure gadget ne permettra pas à l’étudiant éjecté de son cursus de pouvoir retrouver sa place. Par contre ce droit « opposable » sera utile aux directions des établissements du supérieur pour éviter les nombreux recours des étudiants contre des sélections entre la 1re et 2e année de master. Pour être plus précis, l’étudiant se verra proposer dans ce cadre trois offres dans sa région académique. Cette offre ne garantira pas nécessairement une poursuite d’études dans la discipline étudiée jusqu’en licence et dans la formation de son choix. Les candidats auront peut-être la garantie d’une inscription dans un établissement, plus ou moins éloigné de leur choix initial, mais ils n’auront aucune garantie de poursuivre les études qu’ils auront choisies.
En effet, lors des séances d’accréditation au CNESER tout le monde aura pu constater qu’il n’y a plus aucun doublon de la même mention dans une académie ou une ComUE (communauté d’universités) ! Si on est exclu de la mention correspondant à la discipline choisie, cela mettra de toute évidence l’étudiante ou l’étudiant devant l’obligation d’une mobilité forcée, ou devant la contrainte d’accepter une poursuite d’études dans un master éloigné de leurs préoccupations ou de leur projet personnel. À moins que cette disposition anticipe la création de masters fourre-tout pour les recalés de cette nouvelle sélection, dans des établissements de seconde zone, à côté d’établissements réservés à l’élite et aux classes financièrement aisées. La création de primes de mobilité dont on ne connaît ni le montant ni les modalités permettant d’y accéder n’est qu’un miroir aux alouettes destiné à donner bonne conscience aux signataires.
Face à cette nouvelle offensive du gouvernement Hollande-Valls-Vallaud-Belkacem, l’attitude des directions syndicales est, soit la trahison avérée (CFDT, UNSA, FSU, UNEF), soit la diversion via de pseudo actions (CGT, FO, SUD) qui évoquent la « votation citoyenne » et le chapelet de « journées d’action » qui ont permis à la loi travail de passer. Pour empêcher le renforcement de la sélection et battre le gouvernement, qui a peur de la jeunesse, il faut aux étudiants et aux enseignants imposer :
- Syndicats, boycottez le CNESER, organe de la cogestion de l’austérité et de la sélection à l’université !
- Retrait de la proposition de loi ! Liberté de s’inscrire au master de son choix dès obtention de la licence !
- Assemblées générales démocratiques pour discuter d’une manifestation unie à l’Assemblée nationale pour empêcher le vote par la majorité gouvernementale de la future loi de sélection, pour discuter de la grève générale !
- Comités élus en AG, coordination par ville et coordination nationale pour nous représenter ! Autodéfense des AG, de la grève et des manifestations contre les fascistes et les flics !