Le 25 octobre 2015, Alassane Dramane Ouattara, dit « ADO », a été réélu président de la Côte d’Ivoire. Le président sortant était candidat du « Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix », regroupant le Rassemblement des républicains (RDR) et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI).
Il a gagné dès le premier tour avec 83,66 % des suffrages contre six autres prétendants, tout aussi bourgeois. Arrivé second, Pascal Affi N’Guessan, candidat d’une autre coalition dominée par le Front populaire ivoirien (FPI), le parti de l’ancien président Laurent Gbagbo, n’a recueilli que 9,29 % des voix.
Alassane Ouattara séduit le patronat ivoirien. (Côte d’Ivoire Économie, octobre 2015)
La Côte d’Ivoire compte 23 millions d’habitants, seuls 6,1 millions sont inscrits sur les listes électorales. Avec une participation de 53 %, Ouattara a obtenu un nouveau mandat de 5 ans. Le président actuel de la 5e République, taillée sur mesure par le général De Gaulle, un des principaux artisans de la Françafrique, a évidemment salué sa victoire :
Cette élection était une étape importante pour le retour de la Côte d’Ivoire à la paix et vers la réconciliation des Ivoiriens. (Hollande, 28 octobre 2015)
La « paix » dont parle Hollande est en fait celle qui doit permettre aux entreprises françaises de poursuivre le pillage du pays en toute sérénité. Il faut dire que la Côte d’Ivoire reste une place forte pour l’ancienne puissance coloniale française en déclin. La bourgeoisie française est impérialiste, n’en déplaise au PdG et au PCF qui la font passer pour une victime des États-Unis et de l’Allemagne. Le capitalisme français n’exploite pas seulement en France, mais en Afrique de l’Ouest, en Europe de l’Est et du Sud. La présence des sociaux-impérialistes du PS au gouvernement, avec ou sans le PCF, n’y change rien.
L’impérialisme français défend son pré carré
La bourgeoisie française s’est installée en Afrique par la colonisation de l’Ouest (Sénégal, Guinée, Mali, Togo, Côte d’Ivoire…), du Centre (Burkina Faso, Niger, Cameroun, Gabon, Soudan, Congo, Tchad…) et du Nord.
Alors qu’ils tiraient de juteux profits de l’exploitation des ressources naturelles, des ouvriers et des paysans locaux, les capitalistes français et leur « république » ont dû concéder de nombreuses « indépendances » au lendemain de la 2e Guerre mondiale, dont celle de la Côte d’Ivoire en 1960.
Pour assurer la poursuite de la domination coloniale, les gouvernements de la 5e République ont signé des « accords de coopération militaire » et maintenu des bases militaires ainsi que le droit d’intervenir dans ces pays. Ils ont soutenu des coups d’État et même des génocides comme au Rwanda en 1994. Sur le plan économique, l’impérialisme français a maintenu sa monnaie, le franc des Colonies françaises africaines (franc CFA) garanti par la Banque de France mais renommé en 1960 franc de la Communauté financière africaine et toujours en vigueur dans 14 pays d’Afrique.
Toutefois, l’impérialisme français est en perte de vitesse face à ses concurrents : États-Unis, Japon, Allemagne, Chine, Russie, Royaume-Uni… La part des importations du continent provenant des entreprises françaises est passée de 10 % en 2000 à moins de 6 % en 2014.
Dans les 14 pays utilisant le franc CFA, les entreprises françaises font quasiment jeu égal avec la Chine avec une part de marché de 17,2 % contre 17,7 % en 2011 ; (…) Le stock d’investissements directs français en Afrique subsaharienne a été multiplié par 4, passant de 6,4 milliards d’euros en 2005 à 23,4 en 2011 ; la France y est le troisième investisseur. (Hubert Védrine, 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France, décembre 2013)
En conséquence, l’État français tente par tous les moyens de défendre ses positions historiques en Afrique, son « pré-carré ». Prenant la suite de De Gaulle, Giscard, Chirac, Mitterrand et Sarkozy, Hollande a lancé des interventions militaires au Mali (2013) et en Centrafrique (2014). Prétextant lutter contre le terrorisme, les généraux français qui disposent de plusieurs bases et de milliers de soldats, assurent en fait la domination de la France et la protection de ses firmes multinationales. Les gouvernements des anciennes colonies françaises sont donc le plus souvent sous l’influence de Paris.
En 1960, le relais sur lequel De Gaulle s’appuie est Houphouët-Boigny, médecin, planteur, député français des colonies et fondateur du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, membre de l’Internationale « socialiste »). De fait, il dirige l’ « indépendance » pour le compte de la métropole et devient un capitaliste doublé d’un dictateur.
Le régime intègre les différents syndicats à l’État sous la forme de l’UGTCI en 1962 et liquide physiquement les syndicalistes dissidents de 1962 à 1963. Tout en réprimant durement les grèves, les manifestations et toute opposition, le représentant de la Françafrique a accaparé pendant 30 ans une immense fortune qu’il a placée en France et en Suisse. Grâce au mouvement des exploités et de la jeunesse, Houphouët-Boigny a concédé quelques droits démocratiques, les partis furent autorisés et des élections se tinrent en 1990.
Faisant pression contre les autres partis, le dictateur a alors battu Laurent Gbagbo, le candidat du FPI (membre de l’Internationale « socialiste » jusqu’en 2011). Mais tout a une fin, Houphouët-Boigny meurt le 7 décembre 1993. À ses obsèques, il reçoit les hommages de Mitterrand et de Chirac, ainsi que de 6 anciens premiers ministres français.
La division sanglante du pays en 2002
La lutte pour sa succession, reflétant les rivalités inter-impérialistes, met le pays à feu et à sang. La guerre civile et une brutale dévaluation du franc CFA en 1994 paupérisent encore un peu plus la population.
La Côte d’Ivoire est un pays d’immigration ; en effet, de nombreux Burkinabés (plus de 2 millions), Maliens (plus d’un million) et de nombreux autres Africains sont installés depuis longtemps dans le pays. S’ajoutent les divisions religieuses (38 % des Ivoiriens seraient musulmans, 22 % catholiques, 17 % animistes…) et ethniques (Baoulés, Bétés, Sénoufos, Malinkés…) que la bourgeoisie attise.
En 1994, c’est Konan Bédié, président PDCI de l’Assemblée nationale, qui succède à Houphouët-Boigny. Sous le prétexte d’« ivoirité », il instaure un code électoral où tout citoyen aux origines jugées douteuses par Bédié ne peut se présenter. Le président Mitterrand et le gouvernement Balladur qui couvrent au même moment le génocide au Rwanda, approuvent ce racisme d’État.
Cela permet d’écarter l’ancien Premier ministre, Alassane Ouattara. Ouattara est aussi un dirigeant du PDCI, l’ancien parti unique. Musulman né dans le nord du pays, il ne peut se présenter lors les élections présidentielles de 1995 par manque d’ « ivoirité ». Son ancien camarade, Bédié, devient alors président avec plus de 96 % des voix, les autres partis boycottant la mascarade électorale. En 1998, Bédié fait adopter une nouvelle loi xénophobe qui impose d’être de parents ivoiriens pour être propriétaire terrien. Des affrontements visent des paysans burkinabés ou maliens ; certains se soldent par l’expulsion des « non-Ivoiriens » de leurs exploitations agricoles.
En 1999, Bédié et son gouvernement corrompu sont discrédités, et manquent de soutien au sein de l’appareil d’État. La crise politique s’aiguise ; l’instabilité est telle qu’un coup d’État porte le général Gueï au pouvoir, l’homme des basses œuvres d’Houphouët-Boigny, spécialisé dans la répression des manifestations et de toute opposition.
Peu après, la Banque mondiale et le FMI bloquent tous les prêts à la Côte d’Ivoire, accentuant la crise économique que le régime militaire se révèle incapable de surmonter. Le général Gueï convoque des élections présidentielles en 2000 qu’il perd contre Gbagbo.
Refusant le résultat, le général est contraint à l’exil. Gbagbo qui prétend défendre une Côte d’Ivoire indépendante va tenter de changer de maître, notamment en signant plusieurs contrats avec des groupes capitalistes américains. Le gouvernement français va alors soutenir une partition du pays pour faire rentrer Gbagbo dans le rang. En septembre 2002, des officiers (les « Forces nouvelles ») se soulèvent. Si le coup d’État échoue à Abidjan, les mutins dirigés par Guillaume Soro s’emparent du Nord jusqu’en 2010 pendant que Gbagbo ne règne que sur le Sud. À partir de 2002, l’ONU s’en mêle.
L’armée française installe Ouattara au pouvoir en 2007
Le 26 janvier 2003, des « accords de paix » sont signés entre les deux camps à Marcoussis, en banlieue parisienne. Ils prévoient une « réconciliation nationale » sous la surveillance militaire de la France. L’Opération Licorne, soutenue par l’ONU, déploie plus de 4 000 soldats. Mais l’intervention militaire n’est pas du goût de Gbagbo qui tente depuis son arrivée au pouvoir de se défaire de la tutelle française.
En novembre 2004, l’armée de l’air lance une offensive contre les rebelles du Nord et s’en prend au passage à une base militaire française. En représailles Chirac ordonne à son armée de mercenaires de répliquer. En quelques heures, les forces aériennes ivoiriennes de Gbagbo sont détruites. Gbagbo appelle la population à la résistance. Mais il se garde bien d’armer les masses et de miser sur le prolétariat. L’affrontement fait 57 morts et plus de 2 200 blessés dans les rangs des manifestants à Abidjan. Incapable de lutter réellement pour chasser tout impérialisme, Gbagbo fait les frais du compromis entre grandes puissances. Dès le 5 décembre 2004, constatant sa défaite, il interdit toute manifestation alors que la jeunesse veut en découdre avec l’armée postcoloniale. Gbagbo rejoint alors les innombrables dirigeants nationalistes bourgeois qui ont préféré la domination étrangère au risque de la mobilisation populaire qui se transformerait en révolution sociale expropriant fatalement la bourgeoisie nationale.
Encerclée par le capitalisme décadent et empêtrée dans les contradictions impérialistes, l’indépendance d’un État arriéré sera inévitablement à moitié fictive et son régime politique, sous l’influence des contradictions de classe internationales et de la pression extérieure, tombera obligatoirement dans une dictature contre le peuple ‑ tel est le régime du Parti du peuple en Turquie, du Guomindang en Chine ; demain, celui de Gandhi sera le même en Inde. La lutte pour l’indépendance nationale des colonies n’est, du point de vue du prolétariat révolutionnaire, qu’une étape transitoire sur la route qui va plonger les pays arriérés dans la révolution socialiste internationale. (Trotsky, La Guerre impérialiste et la révolution prolétarienne mondiale, mai 1940)
En mars 2007, l’impérialisme français impose une solution que l’armée française est chargée de garantir. A Ouagadougou, le président burkinabé préside à la « réconciliation » entre les Forces nouvelles de Guillaume Soro et le président Gbagbo. Celui-ci accepte la réunification du pays et de l’armée, la réconciliation des différents partis bourgeois dans un gouvernement d’union nationale dirigé par Soro. Des élections sont prévues en 2010.
Cette fois, Ouattara peut se présenter et réussit à se qualifier pour le second tour contre Gbagbo. Le 28 novembre 2010, le duel tourne à l’avantage d’Ouattara mais le président sortant ne l’accepte pas et une « commission de contrôle » le déclare vainqueur. La guerre civile reprend, causant plus de 3 000 morts. Une nouvelle fois, le gouvernement français y joue un rôle décisif. Sarkozy mise sur Ouattara. L’ONU qui a décrété l’embargo sur les armes dès 2004 ne dit pas un mot quand l’armée française arme et forme les Forces nouvelles. Début mars 2011, celles-ci lancent une offensive, atteignent Abidjan mais ce sont les chars français qui délogent le président sortant. Arrêté, il est aujourd’hui jugé par la Cour pénale internationale pour crime de guerre. Mais si Gbagbo et Ouattara sont bien les chefs d’une guerre civile, leurs commanditaires sont hors d’Afrique.
Quand je vois le soin que j’ai mis à intervenir en Côte d’Ivoire… On a sorti Laurent Gbagbo, on a installé Alassane Ouattara, sans aucune polémique, sans rien. (Sarkozy, Ça reste entre nous, hein ?, Flammarion, 2014, p. 39)
La Côte d’Ivoire, plus que jamais pillée
Les principales ressources du pays sont les matières premières agricoles, essentiellement le cacao (le pays en est le premier producteur et il représente 22 % du PIB et 50 % des recettes fiscales de l’État), le café, le caoutchouc, l’anacarde (noix de cajou), le coton, l’ananas, la banane… et aussi minières, dont l’or, le manganèse, le pétrole… Dans tous ces secteurs, ce sont des entreprises étrangères qui dominent le marché. Reconstruire et investir après la guerre a toujours été du goût des vainqueurs. La France, le FMI et le Club de Paris ont effacé une partie des dettes pour mieux « tenir » leur nouveau valet-président. Depuis 2011, Ouattara, ancien directeur général adjoint du FMI dans les années 1990, a bien joué le rôle que Sarkozy attendait de lui.
Depuis quatre ans, Ouattara a conduit la « réconciliation » ivoirienne. Les troupes d’Ouattara s’en prennent aux syndicalistes, aux locaux syndicaux. Dans les faits, aucune justice n’a été rendue contre les chefs militaires des Forces nouvelles pour leurs exactions pendant ces longues années, ni contre les généraux « loyalistes » qui ont massacré des civils et des manifestants. Au pire, quelques-uns de ces officiers ont été contraints à l’exil.
Concrètement, réunifier le pays dans un pays dominé consiste à consolider l’armée. Les chefs des Forces nouvelles ont donc été réintégrés dans l’armée officielle ou se sont reconvertis dans des postes d’influence dans le nord du pays. Enfin, Guillaume Soro, ancien dirigeant des Forces nouvelles est aujourd’hui le président de l’Assemblée nationale.
Résultat : la bourgeoisie française est restée très influente.
« Aujourd’hui, précise l’ambassadeur français, Georges Serre, les entreprises françaises établies en Côte d’Ivoire emploient directement 40 000 personnes, contribuent à hauteur de 50 % aux recettes fiscales et de 30 % au produit intérieur brut (PIB)… ». L’ambassadeur n’a pas besoin de rappeler que le rail et les deux terminaux à conteneurs du port ont été concédés au groupe Bolloré, l’eau et l’électricité à Bouygues, ni que la compagnie Orange, première sur le marché ivoirien du mobile, demeure le principal mécène du championnat national de football. (Le Monde diplomatique, octobre 2015)
Les grands groupes français traditionnellement présents en Afrique sont pour la plupart actifs en Côte d’Ivoire au travers de filiales. On en dénombre 140 auxquelles s’ajoutent plus 500 petites ou moyennes entreprises, soit la plus forte implantation française en Afrique sub-saharienne. Les groupes capitalistes français restent les premiers investisseurs en Côte d’Ivoire, devant ceux des États-Unis, du Nigeria et de la Chine, même si l’impérialisme chinois tente de percer, comme dans toute l’Afrique.
Le Président de la République, S.E.M. Alassane Ouattara et le Président de l’Assemblée Nationale, S.E.M. Guillaume Soro ont effectué, respectivement en 2012 et en 2013, une visite en Chine. De plus, nos Ministres des Affaires Étrangères ont réalisé un échange de visite. Deuxièmement, notre coopération économique et commerciale a enregistré des avancées considérables. La partie chinoise a donné son appui à plusieurs grands projets dans les domaines tels que la construction des infrastructures et l’amélioration du bien-être du peuple. Il s’agit, entre autres, de la construction en cours du barrage hydroélectrique de Soubré, de la réalisation de l’autoroute Abidjan-Grand Bassam, de l’alimentation en eau potable de la ville d’Abidjan, de l’extension du Port autonome d’Abidjan et de la réhabilitation du réseau électrique national, dont le montant du financement varie de 100 millions à 1 milliard de dollars US… En même temps, l’assistance chinoise, la coopération en matière d’investissement et les échanges commerciaux entre nos deux parties se sont amplifiés de manière considérable. (Tang, ambassadeur de Chine, Fraternité Matin, 16 novembre 2015)
Les masses exploitées et opprimées paient le prix fort
Le résultat est que l’indice de développement humain (IDH) est le 171e sur 187 pays classés. L’espérance de vie est de 51 ans seulement. Le taux d’alphabétisation est l’un des plus bas d’Afrique de l’ouest (67 %), le cycle de l’école primaire n’est achevé que par 60 % des élèves. L’oppression des femmes est criante : 51 % n’ont pas de formation scolaire, 21 % seulement ont un niveau primaire complet. Les pratiques barbares encouragées par les prêtres de différentes obédiences perdurent à l’encontre des filles.
Malgré l’interdiction votée en 1998 en Côte d’Ivoire, l’excision touche aujourd’hui 42 % des femmes du pays, selon une étude menée par l’ONG, avec un taux de 70 à 80 % au sein de communautés musulmanes du Nord du pays et animistes de l’Ouest. (Jeune Afrique, 19 juillet 2012)
Les conditions de vie des travailleurs ne se sont guère améliorées avec la fin de la guerre civile. Si les salaires des fonctionnaires ont été un peu relevés en 2013 pour les deux tiers des 180 000 agents, c’est une première depuis leur blocage en 1996 ! Pour les autres travailleurs, le travail au noir est légion ; officiellement 7 emplois sur 10 n’ont pas de contrat écrit. En 2014, le salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) est passé de 36 000 à 60 000 francs CFA, soit 91 euros. Mais c’est deux fois moins qu’au Maroc et en Algérie. Le travail des enfants est courant et est officiellement le quotidien de 2 millions d’adolescents de 13 à 17 ans. Des ONG estiment à près de 1 million d’enfants exploités dans le secteur-clé du cacao. Quant au droit à la retraite, le gouvernement Ouattara a fait passer l’âge de départ de 55 à 60 ans et le taux de cotisation de 8 % à 14 %.
Enfin, 85 % des Ivoiriens n’ont pas de protection sociale. Pour 1 000 francs CFA par mois (1,5 euro), Ouattara a lancé une Couverture médicale universelle en janvier 2015 mais les patrons ne débourseront rien. Le pays ne compte que 1 médecin pour 10 000 habitants contre 3,2 pour 1 000 dans l’OCDE. Les hôpitaux sont trop peu nombreux et sous-équipés.
Dans le secteur agricole qui emploie les deux tiers de la population active, Ouattara n’a pas abrogé les règles xénophobes établies par Bédié et maintenues par Gbagbo : seuls les Ivoiriens peuvent accéder à la terre. La grande majorité des 800 000 exploitants de cacao subit l’exploitation d’une poignée de multinationales étrangères (Nestlé, Mars, Ferrero, Cargill, Barry Callebaut, Mars, Olam…).
L’intervention néocoloniale de la France au Mali a entraîné la Côte d’Ivoire dans la tourmente terroriste. Le 13 mars, les fanatiques islamistes d’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) attaquent non une base militaire française, mais des hôtels à Grand-Bassam. En plus des touristes, une majorité de victimes est ivoirienne (10 sur 17).
Selon le bilan officiel communiqué par les autorités ivoiriennes, 18 personnes ont péri lors de l’attentat du 13 mars sur la plage de Grand-Bassam. Parmi elles figurent 15 civils (sept Ivoiriens, quatre Français, un Nigérian, un Libanais, une Allemande et une Macédonienne) et 3 membres des forces spéciales ivoiriennes. (Jeune Afrique, 16 mars 2016)
Les travailleurs ivoiriens ont besoin d’un parti à eux
Une lutte conséquente contre la division du pays et contre l’impérialisme ne peut être dirigée que par la classe ouvrière, pas par la bourgeoisie et des bandes de voyous à son service. Le nationalisme bourgeois, la xénophobie, les fondamentalismes religieux ne servent en définitive que les impérialistes et leurs valets.
Les ouvrières et ouvriers, les employées et employés, les paysans pauvres, les chômeurs et les étudiants de Côte d’Ivoire ne peuvent compter que sur eux-mêmes et sur les prolétaires des autres pays dans leur lutte pour une véritable indépendance nationale et pour l’amélioration de leur sort : émancipation des femmes ; protection des enfants et enseignement de qualité pour tous ; emploi pour les chômeurs ; droits syndicaux et salaires décents ; logements à bon marché et de qualité ; soins gratuits et de qualité pour tous ; remise des terres à ceux qui les cultivent quelle que soit leur nationalité ; libertés démocratiques pour les soldats…
Les cliques de la bourgeoisie ont le terrain libre pour leur démagogie puisque les exploités n’ont pas de parti. Les organisations syndicales doivent défendre les revendications, rompre avec l’État et avec tous les partis bourgeois, construire un parti ouvrier de masse, distinct de tous les partis bourgeois, opposé à tous les partis bourgeois. Ce parti, s’il veut être utile et fidèle à la classe ouvrière, ne pourra être que révolutionnaire (basé sur le marxisme) et internationaliste (lié aux autres travailleurs salariés d’Afrique et du monde entier).
Grâce à un tel parti, la mobilisation de la classe ouvrière mettra en cause la propriété privée des moyens de production et l’État bourgeois. La lutte des masses exploitées et opprimées du Nord et du Sud contre toute domination impérialiste, à commencer par celle de la France, impliquera inévitablement la mise en cause de la grande propriété foncière, des banques, des entreprises du négoce, de l’énergie, du bâtiment où s’entremêlent les intérêts des capitalistes locaux et impérialistes.
Cette révolution débouchera sur un gouvernement ouvrier et paysan de la Côte d’Ivoire, sur un État ouvrier constitué par les comités élus de travailleurs. Elle devra s’étendre et mettre en cause les frontières des colonisateurs, sous la forme des États-Unis socialistes d’Afrique de l’Ouest, pour pouvoir développer les forces productives et résister tant aux menaces impérialistes qu’à la résistance des anciens nantis ivoiriens.
Dans cette lutte, le prolétariat africain devra recevoir l’aide constante et totale de celui des pays impérialistes. Seuls les travailleurs d’Europe de l’ouest, d’Amérique du nord, de Russie, de Chine et du Japon peuvent défaire leurs gouvernements et donc imposer le retrait de leurs armées et la fermeture de leurs bases militaires.
La 4e Internationale ne dresse pas de cloison étanche entre pays arriérés et avancés, révolution démocratique et socialiste. Elle les combine et les subordonne à la lutte mondiale des opprimés contre les oppresseurs. De même que l’unique force authentiquement révolutionnaire de notre époque est le prolétariat international, de même le seul programme véritable pour la liquidation de toute oppression, sociale ou nationale, est celui de la révolution permanente. (Trotsky, La Guerre impérialiste et la révolution prolétarienne mondiale, mai 1940)