En 1917, la révolution prolétarienne d’octobre en Russie n’est possible dans un pays arriéré que comme prologue du renversement du capitalisme mondial. Mais les révolutions qui éclatent en 1918-1921 en Europe (Irlande, Hongrie, Italie, Allemagne…) échouent, faute de parti révolutionnaire expérimenté du type du Parti bolchevik. L’isolement du pouvoir des soviets (conseils populaires), le faible niveau économique et culturel, les destructions causées par la guerre mondiale, les interventions étrangères et l’épuisante guerre civile, la rupture du PSR de gauche avec le gouvernement et la constitution d’un nouvel appareil d’État vident les soviets, affaiblissent le contrôle des travailleurs sur l’État ouvrier. Le Parti communiste (bolchevik) est obligé de faire des concessions au marché et même aux capitalistes étrangers en 1921 (la « nouvelle politique économique »). L’appareil d’État tend à s’autonomiser, l’État ouvrier est déformé.
La bureaucratie s’attribue naturellement la meilleure part : celui qui distribue les biens ne s’est jamais lésé. (Léon Trotsky, La Révolution trahie, 1936, Minuit, p. 79-80)
La révolution en Allemagne pourrait remobiliser les travailleurs d’URSS et soulager l’économie. Or, le KPD, freiné par la direction de l’Internationale communiste (Zinoviev et dans l’ombre Staline) laisse échapper à l’automne 1923 le moment favorable. Cela contribue à l’échec, dans le parti unique, de l’Opposition de gauche dirigée par Trotsky en 1923 face à la troïka de Zinoviev, Staline et Kamenev derrière lesquels la bureaucratie commence à affirmer ses propres intérêts en inventant le « socialisme dans un seul pays ».
En 1923-1924, la bureaucratie s’empare non seulement de l’URSS qui devient un État ouvrier dégénéré, mais de l’Internationale communiste.
Zinoviev, Kamenev et Krupskaia, face à l’autoritarisme dans le parti et à la montée de la réaction en URSS, constituent l’Opposition unifiée avec Trotsky en 1926. Mais en 1926, la grève générale échoue en Grande-Bretagne, sabotée par le Parti travailliste et la direction confédérale syndicale, avec la complicité de la bureaucratie de l’URSS ; en 1927, la révolution chinoise est écrasée par le Guomindang, parce que le Parti communiste chinois est maintenu dans le parti nationaliste bourgeois par décision de Boukharine et de Staline. Le prolétariat de l’URSS se démoralise, ce qui assure la défaite de l’Opposition unifiée en 1926-1927.
En 1933-1934, un véritable totalitarisme se met en place en URSS après que Hitler prend le pouvoir en Allemagne à cause de la politique du SPD et du KPD stalinisé. Les opposants de toutes sortes sont alors emprisonnés et assassinés par millions. Les partis staliniens s’emploient à la défense de l’ordre bourgeois en France en 1936, en Espagne en 1937, en Italie en 1943, en France en 1944… Dès lors, il faut renverser la bureaucratie par une révolution et construire une nouvelle internationale.
Le stalinisme semble triompher après la 2e Guerre mondiale et la défaite du nazisme, avec la mise en place d’États semblables à l’URSS en Yougoslavie, en Europe centrale, en Asie de l’est et même dans les Grandes Antilles. Mais la caste usurpatrice et privilégiée au pouvoir est confrontée à la révolte de la jeunesse et de la classe ouvrière : en Allemagne en 1953, en Hongrie en 1956, en Chine en 1967, en Tchécoslovaquie en 1968, en Pologne en 1971, etc. qui sont écrasées par l’armée russe ou chinoise. Le stalinisme se fracture : rupture entre Yougoslavie et URSS en 1948, rupture entre la Chine et l’URSS en 1965, guerre ouverte entre le Vietnam et la Chine en 1979…
La bureaucratie disparait en URSS, dans les pays d’Europe centrale, en Chine, au Vietnam… quand elle rétablit le capitalisme à partir de 1991-1992, ce qui entraîne une crise dans les partis staliniens des pays capitalistes. Certains se reconvertissent en partis bourgeois comme le Parti communiste italien, d’autres en partis sociaux-démocrates comme le PCF, d’autres en partis petits-bourgeois « éco-socialistes ».
Malgré l’effondrement du stalinisme, son héritage empoisonne encore le mouvement ouvrier mondial : révolution par étapes, chauvinisme, autoritarisme interne, front populaire, division des rangs ouvriers, étatisme, mépris des masses…