(Version portugaise / Versão português)
Le coup de la bourgeoisie nationale et de l’impérialisme américain contre le gouvernement du Parti des travailleurs de la présidente Dilma Roussef, a pris un peu de retard, alors que tout laissait penser qu’il aurait lieu en octobre dernier.
Les putschistes semblaient être parvenus à un consensus en adhérant au PMDB (Parti du mouvement démocratique brésilien), le principal parti politique brésilien, celui du vice-président, Michel Termer, qui a lui-même présenté un plan de gouvernement très critique quant à la conduite de la politique économique du gouvernement Dilma, plus néo libérale encore que celle du ministre Lévy. Il s’agissait d’un coup, celui-ci « parlementaire » sur le mode paraguayen. Alors que les putschistes semblaient disposés à faire face à un risque de révolte de la classe ouvrière et de la majorité opprimée du pays, quand tout semblait prêt pour la mise en oeuvre du coup en octobre dernier, les putschistes ont à nouveau hésité et ils ont reculé au moment de son dénouement. La raison fut une information du Ministère public de Suisse qui annonçait la « découverte » d’un compte bancaire du président de la Chambre des députés, le député Eduardo Cunha, qui est également le principal organisateur du coup au parlement, pour un montant de cinq millions de dollars.
Cette hésitation des putschistes a permis à Dilma Roussef et au ministre de la Défense, Aldo Rebelo, du PCdoB (Parti communiste du Brésil), de transférer à un poste bureaucratique le général Antônio Hamilton Mourão, du commando Militaire sud, un des postes commando les plus importants de l’Armée ; ce général a fait « des déclarations à des officiers de la réserve dans lesquelles il a durement critiqué la classe politique, le gouvernement, et il a convoqué ceux qui étaient présents au réveil d’une lutte patriotique » ; il a également rendu un hommage posthume au colonel Carlos Alberto Brilhante Ustra décédé le 15 octobre « accusé d’avoir torturé des prisonniers pendant le régime militaire », selon une information véhiculée dans les médias putschistes.
Néanmoins, même avec hésitation, les institutions putschistes poursuivent leur activité très rapidement. La police fédérale suspectant et arrêtant des militants du PT, le pouvoir judiciaire jugeant et arrêtant des militants du PT, la dénommée « Opération Lava Jato » [littéralement : laver au jet] à Curitiba et « l’Opération Zelotes » (Zélotes est le Juif qui au 1er siècle après JC prônait l’action violente pour défendre la loi et l’indépendance nationale) à Brasilia. Ainsi les militaires continuent leurs manoeuvres, soit à São Paulo, avec des camps, soit à Minas Gerais, où ils font de la propagande putschiste jusqu’aux marchés dans les quartiers et aussi à Rio Grande do Sul, pour ne parler que des principaux États de la fédération brésilienne.
Les putschistes démontrent qu’ils veulent à présent atteindre l’ex-président Lula et qu’ils ont l’intention de l’arrêter pour consommer le coup ; pour cela ils ont cité à comparaître le fils cadet de Lula pour qu’il fasse une déposition dans les locaux de la police fédérale. Comme l’a remarqué Rui Costa Pimenta, le principal dirigeant du PCO, la popularité de Lula est encore très grande, contrairement à ce que pense la gauche petite bourgeoise, et la bourgeoisie le sait très bien et cherche à démoraliser.
D’un autre côté, le gouvernement de la présidente Dilma Roussef et du PT capitule face au coup en faisant des concessions, maintenant avec l’approbation de la Loi anti-terrorisme qui criminalise plus encore les mouvements sociaux et populaires, qui vise à mettre en prison les dirigeants populaires. La direction majoritaire du PT continue sa politique suicidaire, en serrant plus fort la corde autour de son cou. Le gouvernement de Dilma et du PT a attaqué la grève des travailleurs sociaux, faisant échouer la grève et permettant la poursuite de bloquer les salaires.
La Centrale unique des travailleurs (CUT) a trahi la grève puissante des employés de banque, en les forçant à approuver la fin de la grève, qui avait tout pour être victorieuse en raison de la radicalisation du secteur des employés des banques, causée par le blocage des salaires, dont ils souffrent depuis des années, alors que les profits du secteur financier atteignent des niveaux stratosphériques.
Le Brésil est un pays de dimension continentale. La classe ouvrière brésilienne compte 92,5 millions de personnes, selon les données de 2011 fournies par l’IBGE (Institut brésilien de géographie et de statistique). Cette année, la classe ouvrière a fait plusieurs grèves, notamment à Volkswagen, Mercedes-Benz, General Motors, Scania, toutes dans l’ABC (Santo André, São Bernardo et São Caetano do Sul) proche de la périphérie de la ville de São Paulo. Elles ont réussi à empêcher des licenciements de masse. Néanmoins, la direction bureaucratique de la CUT a fait des concessions qui ont généré des réductions des salaires, de 10 à 20%, conformément à la loi du « Programme de protection de l’emploi » (PPE) de Dilma Roussef. Pourtant, la classe ouvrière et ses organisations sont restées intactes. Cela explique également les hésitations des putschistes. Les organisations ouvrières, malgré leurs directions bureaucratiques, qui sont des pantins et des traîtres, sont restées intactes. À part la CUT, les travailleurs brésiliens ont la CTB liée au PCdoB, l’UGT, la CGTB et la Força Sindical (Force syndicale)… qui regroupent 5 millions des travailleurs, parmi lesquels ceux de la CUT représentent 40 % des syndiqués et ceux de la Force Syndicale 15 %.
La direction du PT a approuvé récemment, contre les six plus grandes tendances internes du parti, son soutien à la politique d’austérité et d’ajustement fiscal du ministre Lévy, lié à la deuxième banque privée, du Brésil, Bradesco, ce qui devrait approfondir la division et la crise au sein du parti.
La gauche petite bourgeoise, conduite par le PSTU « moréniste » (Parti socialiste des travailleurs unifié) et ses satellites (MRT/LER-QI, LBI, POR, MNN…), poursuit sa ligne « PT dehors » et « PSDB dehors », et elle a participé le 16 septembre à une manifestation de la bourgeoisie et de l’extrême-droite. Seule la LBI a eu honte après cette manifestation, qui fut très « patriotique » et « vert et jaune » [les couleurs du drapeau capitaliste].
Pour ces partis et ces organisations, le PT et le PSDB sont identiques. Néanmoins, comme l’a affirmé Rui Costa Pimenta, le principal dirigeant du Parti de la cause ouvrière (PCO), à la chaîne de télévision PCO (il existe un enregistrement en vidéo), Trotsky avait averti, quand il a discuté la question de l’Allemagne, pendant les années 1930, que lorsque le PC allemand disait que la sociale-démocratie était identique au fascisme – la soit disant « théorie » du social-fascisme –, quand elle dit que tout est identique, cela correspond à une capitulation, car rien n’est identique. Il ne s’agit pas d’une analyse matérialiste dialectique. Nous pensons que Rui Costa Pimenta a entièrement raison.
Alors, sans perdre de vue la perspective stratégique de lutte pour un gouvernement ouvrier et paysan, nous pensons qu’il est fondamental de lutter contre le coup de la bourgeoisie et de l’impérialisme, avec un élargissement du front unique anti-putschiste avec le PT, le PCdoB, le PCO, la CUT, la CTB, et les mouvements populaires et sociaux, tels que le MST et l’UNE, en produisant un appel spécial aux directions et aux militants du PSOL, du PSTU, du PCB, du PPL, du MRT/LER-QI, de la LBI, du POR, du CSP-Conlutas, de la Força Sindical, du CGTB et du MTST (le Mouvement des Travailleurs Sans Toit, qui hésite, soit il participe du front unique anti-putschiste, soit il adopte la position moréniste), pour qu’ils s’ajoutent à cette lutte, pour qu’ils lèvent bien haut les revendications transitoires de la classe ouvrière pour empêcher l’externalisation [processus par lequel des chômeurs remplacent des travailleurs licenciés] et les MPs 664 et 665 (qui réduisent les pensions, les retraites, l’assurance-chômage…), pour l’échelle mobile des salaires (ajustement automatique des salaires en fonction de l’inflation), pour la réduction de la journée de travail, sans réduction de salaire ; pour l’arrêt des licenciements, pour la stabilité de l’emploi ; non aux suppressions des programmes sociaux tels que le Bolsa Familia, Minha Casa Minha Vida, PRO-UNE, PRONTATEC, FIES… la fin du gel des salaires des fonctionnaires et la défense de Petrobras.
Tendência Marxista Leninista