Un nouvel échec retentissant de l’impérialisme étasunien
Le 6 juin, « l’État islamique en Irak et au levant » (EIIL, une scission d’Al-Qaïda financée par les émirs du Qatar et d’Arabie saoudite) a lancé une offensive inattendue en Irak. En trois jours, les bandes d’Al-Baghdadi ont pris le contrôle de Mossoul, la troisième ville d’Irak avec 2 millions d’habitants, sans résistance de l’armée régulière du gouvernement sectaire chiite d’Al-Maliki corrompue, peu motivée et perçue comme une force d’occupation par la population majoritairement sunnite du nord du pays. À Mossoul, l’EIIL a mis la main sur 500 millions de dollars et sur tout un arsenal d’armes américaines dernier cri. Cette victoire sans combat a permis à une petite armée de quelques milliers d’hommes de se lancer à la conquête de tout le nord de l’Irak.
L’EIIL a émergé de la décomposition de l’Irak après les deux guerres impérialistes et de la guerre civile en Syrie. La Syrie est devenue le terrain d’un premier conflit entre blocs impérialistes rivaux qui luttent soit pour conserver leur domination, soit pour repartager le monde. La Syrie a bien connu un soulèvement populaire analogue aux révolutions tunisienne et égyptienne. Mais la classe ouvrière n’a pu, faute de parti, prendre la direction du mouvement contre la dictature bourgeoise. Le régime syrien, comme le gouvernement ukrainien aujourd’hui, a bombardé sa propre population. Le peuple syrien est depuis la victime d’un triple affrontement militaire, entre le gouvernement Assad fils soutenu par le régime islamiste iranien et les nouvelles puissances impérialistes russe et chinoise, les Frères musulmans soutenus par le gouvernement islamiste turc et les vieilles puissances impérialistes occidentales, et les djihadistes ménagés par le régime syrien et soutenus par les pays du Golfe. La Russie a sauvé Assad de l’intervention américaine en lui faisant promettre de détruire son arsenal chimique.
Face à la percée soudaine de l’EIIL en Irak, le gouvernement Al-Maliki a été contraint d’appeler à l’aide tant l’Iran que les États-Unis. Obama a d’abord hésité, car le poids des échecs d’Afghanistan et d’Irak pèsent sur la population américaine et rendent prudente la bourgeoisie américaine, d’autant que sa créature monstrueuse, le gouvernement irakien, avait échappé à son contrôle pour se lier à l’Iran. Il n’a envoyé que quelques centaines de conseillers dans un premier temps. L’EIIL a pu conquérir la principale raffinerie de pétrole du nord et plusieurs puits de pétrole et de gaz. L’EIIL prend officiellement le nom d’État islamique (EI) en juin.
Obama fait de nouveau bombarder l’Irak avec le soutien de Cameron et de Hollande
Le 7 août, plus de deux ans après le retrait officiel d’Irak des troupes américaines, Obama a fait bombarder le nord du pays par son aviation. Prétextant que l’EI s’en prend aux minorités yézidie et chrétienne, le président des États-Unis a décidé d’intervenir militairement en Irak :
Nous ne les laisserons pas créer un califat quelconque via la Syrie et l’Irak. (Obama, New York Times, 9 août 2014)
Plus belliciste que jamais, le gouvernement PS français a demandé au Conseil de sécurité de l’ONU de permettre une intervention impérialiste coordonnée. Et malgré des forces militaires bien inférieures aux États-Unis, Hollande joue sa carte pour tenter de prendre part à un nouveau dépeçage de l’Irak en promettant au gouvernement régional kurde « la disponibilité de la France à apporter un soutien aux forces kurdes engagées dans ce combat » (Hollande, Le Monde, 9 août 2014).
Si en en Syrie et en Ukraine, la Russie et la Chine affrontent indirectement les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne, par gouvernement massacreur ou « rebelles » interposés, toutes les puissances impérialistes semblent, temporairement, se liguer contre l’EIIL.
M. Maliki a donc passé commande en urgence à la Russie d’une douzaine d’avions de combat Sukhoi et d’hélicoptères MI-35 et MI-38, pour un montant de 365 millions d’euros. (Le Monde, 5 juillet 2014)
Dès le 11 août, les États-Unis acheminaient des armes. Le 12 août, la Grande-Bretagne faisait de même. Le 14 août, le gouvernement français livrait des « armes sophistiquées » aux milices de la région autonome kurde d’Irak. Le 14 août, le gouvernement allemand envoyait 4 avions militaires à Erbil, capitale de cette région, avec du matériel humanitaire. Ce qui est une invasion de la part de Poutine en Ukraine selon la chancelière démocrate-chrétienne Merkel serait un acte de pure bonté chrétienne en Irak. De même, Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, est arrivé dimanche 10 août à Erbil, capitale du Kurdistan irakien, avec 18 tonnes d’aides humanitaires. Fin août, l’Allemagne a décidé de livrer des armes légères et des missiles anti-char au gouvernement régional du Kurdistan irakien, avec l’accord du pouvoir central de Bagdad.
L’aide humanitaire est un prétexte, la catastrophe ayant pour cause la domination coloniale puis l’ingérence des puissances américaine, britannique et française dans la région. En fait, les chefs impérialistes ne veulent pas laisser cette vaste zone à une organisation qui échappe à tout contrôle.
Le capitalisme mondial et la domination impérialiste engendrent la barbarie
Mais ces grandes puissances coloniales ont, de tout temps, dominé l’Irak et la région pour en tirer des bénéfices économiques et stratégiques. Depuis l’éclatement de l’empire ottoman à la fin de la Première guerre mondiale, elles se sont tantôt complices tantôt rivales pour soutenir ou écarter les pouvoirs en place. Cette domination a fait éclater l’Irak et fourni le terreau des bandes fascistes religieuses comme l’EIIL.
Ce qui est l’essence même de l’impérialisme, c’est la rivalité de plusieurs grandes puissances tendant à l’hégémonie, c’est-à-dire à la conquête de territoires – non pas tant pour elles-mêmes que pour affaiblir l’adversaire et saper son hégémonie. (Lénine, L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1916)
Le sort de l’Irak est scellé après la première guerre mondiale. Les vainqueurs se partagent l’ancien empire ottoman et la République turque abolit le dernier califat, héritier présumé des dynasties religieuses descendant de Mahomet. L’impérialisme découpe la région et trace les frontières (accords Sykes-Picot), délègue aux bourgeoisies locales le maintien de l’ordre impérialiste en échange d’une part de la plus-value.
Depuis trente-cinq ans, l’Irak a connu successivement une guerre contre l’Iran de 1980 à 1988 encouragée par les puissances impérialistes, une première intervention impérialiste en 1990 (dont la France et l’Allemagne), l’embargo de l’ONU de 1991 à 2003, une deuxième intervention impérialiste en 2003 (sans la France ni l’Allemagne), l’occupation et une guerre civile rampante de 2003 à 2011.
En 2003, l’effondrement de l’État irakien, fort contre les masses, fragile face à l’impérialisme, lors de l’invasion impérialiste de 2003, ainsi que l’occupation par les armées américaine et britannique ont induit d’autres formes de violences récurrentes. Suivant la région, les partis nationalistes kurdes, les partis bourgeois arabes les plus réactionnaires, voire les chefs tribaux, ont pris le pouvoir.
L’EIIL utilise la torture, exécute les prisonniers et les journalistes. Comme lors du démantèlement de la Yougoslavie, le nettoyage ethnique et religieux sévit en Irak : les sunnites chassent les chiites, les chiites chassent les sunnites, tous chassent les chrétiens, les Kurdes chassent les Turkmènes et les Arabes. Des fanatiques se font exploser au voisinage des mosquées, des marchés et des facultés. Les bandits enlèvent et rançonnent. Les milices des bigots barbus assassinent les militants ouvriers, les femmes émancipées, les homosexuels et les boutiquiers qui vendent de l’alcool. Les travailleurs sont régulièrement visés par des attentats ou par les bandes des seigneurs de guerre.
Au moment du retrait des derniers soldats des États-Unis, en décembre 2011, la guerre aurait fait entre 200 000 et 700 000 morts selon les estimations de différentes associations ou ONG. Les maladies et épidémies, la malnutrition, l’exil, les exactions et attaques terroristes ont jeté des millions d’Irakiens dans la misère. C’est sur ce terreau que l’islamisme s’est présenté comme une alternative politique comme en Turquie (2001), en Irak (2003), dans la bande de Gaza (2005), en Libye et en Tunisie (2011) et en Égypte (2012). À chaque fois que cette fraction religieuse de la bourgeoisie s’est portée candidate au pouvoir, elle a été un ennemi mortel du mouvement ouvrier, des minorités religieuses ou nationales, des artistes, des homosexuels
C’est d’ailleurs le Dawa, un parti religieux chiite, vainqueur des élections bourgeoises d’avril 2014, qui gouverne l’Irak. Son chef, Al-Maliki, qui est premier ministre depuis 2006, est resté au pouvoir sous les ordres de l’armée de Washington comme après le retrait de la coalition impérialiste. Avec ses milices, sa police et son armée formée pour la répression des masses, le gouvernement Al-Maliki est rejeté par le prolétariat et par les minorités nationales et religieuses.
Devant son incapacité à maintenir l’ordre, les États-Unis, en concertation avec l’Iran, ont destitué en août Al-Maliki et ont chargé Haidar Al-Habadi de constituer un gouvernement d’union nationale et de refouler « l’État islamique ».
Un califat maffieux et totalitaire
Tous les musulmans du monde devraient prêter allégeance au calife Ibrahim.
Musulmans, rejetez la démocratie, la laïcité, le nationalisme et les autres ordures de l’Occident. Revenez à votre religion. (AFP, 29 juin 2014)
Pitoyable camouflage : comme si le droit de faire grève, de pratiquer la religion de son choix, de ne pas être torturé, de ne pas être violé, de ne pas être mariée contre son gré, de s’établir ou de rester dans l’endroit de son choix, de ne pas être espionné… n’étaient pas des aspirations de tous les travailleurs et de toutes les femmes dans le monde ; comme si ces droits étaient réellement respectés dans tout « l’Occident ».
Malcom X avait compris que l’émancipation des Noirs américains nécessitait de surmonter leur division entre chrétiens, musulmans et athées.
L’islam est ma religion, mais je crois que cela ne regarde que moi. Elle gouverne ma vie personnelle, ma morale personnelle… Laissez votre religion chez vous. Limitez la religion à une relation entre vous et votre Dieu. Parce que, si elle n’a pas fait plus pour vous précédemment, vous devez l’oublier de toute façon. (Malcom X, Le Bulletin de vote ou le fusil, Detroit, 12 avril 1964)
En Afrique du nord et au Proche-Orient, la religion musulmane a servi de refuge aux masses opprimées face à la pénétration étrangère. C’est pourquoi les chefs nationalistes bourgeois ont tous coloré dans les années 1950-1970 leur anti-impérialisme de cette croyance, même ceux qui s’appuyaient sur l’URSS (Nasser, Bourguiba, Ben Bella, Arafat, Hussein, Al-Assad, Kadhafi, …), alors que d’autres ont prétendu carrément faire de l’Islam une doctrine politique et un régime juridique (les monarchies du Golfe arabo-persique, les Frères musulmans, les ayatollahs iraniens…). Le fondamentalisme musulman procure une idéologie d’autant plus prégnante que le stalinisme a discrédité au 20e siècle le communisme dans toute la région et que le nationalisme bourgeois « progressiste » (nassérisme, Baas, Fatah…) a échoué lamentablement.
Bakr al-Baghdadi prétend renouer avec le califat des origines de l’extension de l’Islam. Mais la roue de l’histoire ne peut tourner en arrière. Tous les courants politiques religieux d’aujourd’hui sont avant tout marqués par le pourrissement du mode de production capitaliste au stade impérialiste, bien différent des conditions qui étaient celles de l’apparition des grandes religions. En effet le capitalisme est entré en décomposition, ce qui nourrit la réaction, l’irrationalisme, l’obscurantisme, le cléricalisme, le complotisme… y compris dans les pays avancés eux-mêmes.
En Asie et en Afrique, les djihadistes sont économiquement branchées sur les réseaux capitalistes maffieux mondiaux (enlèvements, trafic international de pétrole, d’armes, de drogues…), sur la bourgeoisie régionale parasitaire qui vit de la rente du pétrole et du gaz exportés vers les pays impérialistes (dans le cas de l’EIIL, le financement initial venait du Qatar et de l’Arabie). Au nom de la charia, Boko Haram a fédéré des criminels du Nigeria et du Cameroun. L’EIIL a attiré des centaines de délinquants d’Irak, de Syrie et même d’Europe qui peuvent voler et assassiner avec une justification religieuse, ainsi que des centaines de jeunes révoltés qui croient que la « guerre sainte » permettra de régler leur compte aux oppresseurs dans la région, notamment en Syrie et en Palestine. Mais, comme les Frères musulmans, les salafistes défendent les intérêts des classes dominantes locales (propriétaires terriens et bourgeoisie commerçante, bancaire ou industrielle).
Le califat de l’EIIL, comme celui de Boko Haram au Nigeria, défend la propriété privée des riches sunnites et maintient l’exploitation capitaliste, comme l’ont fait les ayatollahs en Iran et l’AKP en Turquie. Les différents fractions de la bourgeoisie sont incapables de développer l’économie, d’unifier l’Irak et de mettre fin à la domination étrangère.
Étant une expression du capitalisme à l’époque impérialiste, l’anti-impérialisme affiché des barbus est impuissant, ainsi que leur prétention à renverser la colonisation sioniste. En fait, Al-Baghdadi limite son prétendu projet panislamiste à la Syrie et à l’Irak. Il laisse soigneusement La Mecque à la monarchie saoudienne liée aux États-Unis et il se garde bien d’affronter l’armée israélienne qui contrôle l’autre ville sacrée de l’Islam, Jérusalem.
Il préfère lancer ses bandes fascistes et maffieuses contre les musulmans chiites et les minorités religieuses sans défense : chrétiens et yézidis (kurdes non musulmans). Plus de 500 000 civils ont fui, s’ajoutant aux millions de réfugiés provoqués par la colonisation sioniste, la persécution des Kurdes en Turquie, l’intervention américaine en Irak, la guerre civile en Syrie…
Le nationalisme bourgeois kurde se vend à l’impérialisme américain
De leur côté, les partis nationalistes bourgeois kurdes d’Irak (UPK et PDK) se partagent la « région autonome » riche en pétrole et en gaz que la coalition impérialiste leur a cédée et que le gouvernement irakien n’a pu réintégrer. Bien qu’ils aient été d’accord pour miser servilement sur l’impérialisme américain contre Saddam Hussein et le régime du Baas, ce qui les isole de la majorité des travailleurs irakiens et renforce l’islamisme qui apparait ainsi à bon compte comme anti-impérialiste, ils restent divisés militairement, ce qui facilite aussi la tâche à l’EIIL. Leur rivalité tient en bonne partie au fait que l’un mise sur l’Iran (UPK) et l’autre sur la Turquie (PDK). Dans ce dernier pays, le principal parti nationaliste kurde, le PKK, outre qu’il présente des traits mafieux (rançonnage de l’immigration kurde), joue désormais la carte de la négociation avec le gouvernement de l’AKP islamiste, toujours membre de l’OTAN.
Séparant les travailleurs kurdes des travailleurs arabes, turcs et perses, les nationalistes ne sont même pas capables d’accomplir la tâche nationale qu’ils se donnent. Aucun parti nationaliste kurde n’a réellement combattu pour l’unification de tout le Kurdistan, indépendamment de tous les États capitalistes qui sont les oppresseurs de ce peuple (Irak, Turquie, Syrie, Iran) et contre l’impérialisme qui a tracé les frontières au mépris des Kurdes. L’histoire de la lutte du peuple kurde pour son émancipation est rythmée par les défaites orchestrées par ses directions nationalistes qui expriment les aspirations des capitalistes et des seigneurs kurdes et qui misent toujours sur une bourgeoisie voisine ou sur l’impérialisme américain. Partout, les mouvements révolutionnaires des travailleurs, des paysans pauvres et de la jeunesse kurdes ont été trahis par leurs classes exploiteuses.
Il ne faut pas laisser la lutte démocratique aux mains de la bourgeoisie nationale, mais il faut, dans une situation de montée du mouvement de masse, qu’elle s’exprime par la création de conseils ouvriers, de paysans et de soldats au niveau local, provincial et national, en tant qu’organes de la lutte de masse et tôt ou tard en tant qu’organes du pouvoir des travailleurs. Un tel pouvoir opposé à celui de la bourgeoisie nationale sera seul capable de mener à terme la révolution démocratique en libérant les paysans et la terre elle-même des griffes des exploiteurs nationaux et étrangers. (4e Internationale, Résolution sur le monde colonial et la seconde guerre impérialiste, 1940)
Le mouvement ouvrier doit surmonter l’héritage du stalinisme qui l’a subordonné à la bourgeoisie « démocratique » ou « nationale »
La confédération syndicale soumise à l’État bourgeois dirigé par le Baas s’est transformée en Fédération des syndicats irakiens (FSI). Historiquement liée au Parti communiste irakien, ce syndicat a accepté l’ordre capitaliste sous l’occupation comme après, en prétendant parler au nom des travailleurs.
Liée au Parti communiste ouvrier irakien, la Fédération des conseils ouvriers et des syndicats irakiens (FCOSI) est tolérée par le pouvoir, mais harcelée par les milices réactionnaires, kurdes ou cléricales. La FCOSI organise les chômeurs et les travailleurs du pétrole. Cependant, la FCOSI, qui est membre du Congrès des libertés en Irak, limite comme lui ses revendications politiques à la « démocratie » et aux « libertés ». Mais la centrale syndicale liée au PCOI soumet la classe ouvrière aux « intérêts du peuple » entier et souhaite à mots couverts l’appui de l’impérialisme pour faire face à l’EIIL.
Nous visons à nous tenir aux côtés de ceux qui représentent les intérêts du peuple et à les renforcer face à cette attaque dangereuse et réactionnaire. Nous appelons à une position internationale claire pour lutter contre la détérioration de la situation et contre l’ingérence régionale et pour soutenir la population d’Irak. (Falah Alwan, Fédération des conseils ouvriers et des syndicats en Irak, 13 juin 2014)
Depuis longtemps, la classe ouvrière ne peut pas compter sur un parti ouvrier révolutionnaire. Le premier parti ouvrier, Al-Hizb al-Chuyû’î al-‘Irâqî (Parti communiste irakien) regroupait après la seconde guerre mondiale les travailleurs avancés et était implanté chez les Kurdes. Mais l’Irak n’a pas échappé aux conséquences de la dégénérescence stalinienne de l’Internationale communiste passée sous le contrôle de la bureaucratie privilégiée et conservatrice de l’URSS.
En 1958, quand la révolution éclata, le PCI interdit aux masses de s’en prendre à la propriété foncière et capitaliste, dans les villes comme dans les campagnes. Il offrit ses services à des forces soi-disant anti-impérialistes et soutint Abd al-Karim Qasim, un nationaliste bourgeois. Qasim le récompensa par des interdictions et des persécutions.
Quand le parti nationaliste panarabe Baas prit le pouvoir en 1963, il emprisonna et assassina des milliers de militants. Pendant les années qui suivirent, les enlèvements, les tortures et les meurtres se poursuivirent. Cela n’empêcha pas le PCI, sur les ordres du Kremlin, de soutenir le régime de Saddam Hussein. Inutile de dire que ses forces n’ont pas cessé de se réduire.
Sur sa gauche, le Hizb al-Shuyu’i al-‘Ummali al-‘Iraqi (Parti communiste-ouvrier irakien) a une influence dans les masses exploitées. À juste titre, le PCOI organise aussi les femmes (Organisation des femmes indépendantes) et se prononce contre les persécutions envers les homosexuels. Mais il ne semble pas avoir rompu pour autant avec l’étapisme démocratique bourgeois, ni l’impasse des alliances avec la bourgeoisie. Dans la tradition stalinienne et maoïste, le PCOI a fondé un « front », le Congrès des libertés, qu’il a constitué avec des « organisations de masse » qu’il dirige. Ce Congrès se garde de mettre en cause la propriété capitaliste et s’en remet à l’ONU qui est sous le contrôle des impérialismes américain, chinois, français, britannique et russe.
Les courants opportunistes qui se réclament abusivement du « trotskysme », hélas, ne font pas mieux que les survivants du naufrage stalino-mao-polpotiste.
Nous exigeons de l’Assemblée générale des Nations Unies, plus spécifiquement, conformément au mécanisme de « L’Union pour la paix », de poursuivre tout État impliqué, en lui infligeant des sanctions. (Organisation des socialistes révolutionnaires / Égypte, Union des communistes irakiens / Irak, Courant Al Munadil(a) / Maroc, Courant de la gauche révolutionnaire / Syrie, Ligue de la gauche ouvrière / Tunisie, Le Forum socialiste / Liban, 28 juin 2014)
Il faut un parti ouvrier révolutionnaire pour chasser le calife et les valets de l’impérialisme
Pour résoudre définitivement les questions nationales dans la région, pour assurer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, pour en finir avec les dictatures militaro-policières que la révolution avait commencé à chasser de Tunisie et d’Égypte en 2011, pour assurer tous les droits démocratiques, les ouvriers et les paysans pauvres doivent mener à bien une révolution pour renverser les capitalistes et établir leur propre pouvoir.
Par la constitution de conseils ouvriers et populaires (comme les shoras de 1979 en Iran), par leur unification en un pouvoir central, les travailleurs pourront prendre le pouvoir, créer leurs propres milices contre celles des fascistes religieux ou celles des larbins des puissances impérialistes. De tels organismes auront la possibilité d’établir un gouvernement ouvrier et paysan dont la tâche sera d’exproprier les capitalistes, les propriétaires fonciers et d’établir le contrôle sur la production. Un tel pouvoir pourra comme l’ont fait les Soviets russes de 1917, assurer les droits démocratiques, résoudre les questions nationales et propager la révolution pour chasser l’ordre impérialiste dans la région.
La classe ouvrière a besoin d’une internationale, d’un parti communiste révolutionnaire qui défende la perspective de la révolution permanente, de la prise du pouvoir à la bourgeoisie, de la dictature du prolétariat. Un tel programme est antagonique à toute confiance à l’impérialisme américain ou dans l’ONU, à toute supplique pour l’intervention de la « communauté internationale » derrière laquelle se cache la domination impérialiste qui maintient la région dans le sous-développement et la met à feu et à sang depuis des décennies.
Le programme d’un parti de type bolchevik avance les mots d’ordre démocratiques comme le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et l’égalité des droits pour les minorités nationales. Il explique que ces mots d’ordre, d’une grande actualité en Irak, ne peuvent être assurés que par un gouvernement ouvrier et paysan. Ce parti veut dresser tous les exploités, tous les opprimés qu’ils soient kurdes ou arabes, sunnites, chiites ou chrétiens, hommes ou femmes, contre le pouvoir capitaliste, pour exproprier la classe sociale qui dirige le pays.
Ses moyens sont ceux de la révolution prolétarienne : les conseils ouvriers et leurs milices, le contrôle ouvrier sur la production, l’extension de la révolution aux pays voisins, de la Palestine à l’Iran, dans le but de constituer une fédération socialiste du Proche-Orient.
Dans les pays où les gouvernements livrent des armes pour maintenir l’ordre impérialiste (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Russie…), bombardent le pays (États-Unis), l’unique manière d’aider le prolétariat de tout le Proche-Orient est de combattre pour que les organisations ouvrières, politiques et syndicales, se prononcent clairement contre toute livraison d’armes, toute immixtion et qu’elles organisent la lutte pour l’interdire.
Non à toute intervention militaire impérialiste ! À bas le califat anti-ouvrier !
Fermeture des bases militaires américaines et française ! Départ définitif de la flotte américaine du Golfe arabo-persique, de la Méditerranée et de la Mer rouge !
Libertés démocratiques, séparation de la religion et de l’État, émancipation des femmes et de la jeunesse ! Droit à la séparation pour les Kurdes !
Gouvernement ouvrier et paysan en Irak et en Syrie ! Fédération socialiste du Proche-Orient !
Collectif Révolution Permanente