Projet de loi de finances 2014 : un budget pour la bourgeoisie

 

Un concentré de la politique du gouvernement PS-EELV-PRG

L’Assemblée nationale a adopté le 19 novembre le projet de loi de finances 2014 à 320 voix – l’ensemble des députés du PS, du PRG, ainsi que ceux d’EELV – contre 242 – les députés de l’UMP, de l’UDI et du Front de gauche ; après un passage au Sénat, il devrait être adopté définitivement le 20 décembre.

La Commission européenne a quant à elle apporté son satisfecit, bien que les barres de 0,5 % de « déficit structurel » et de 3 % de déficit soient franchies (sans parler de celle de 60 % de dette publique que même l’Allemagne explose). Le contraire serait étonnant, à la fois compte tenu du poids de la France dans l’Union européenne et du fait du caractère anti-ouvrier de ce budget.

Le budget de l’Etat pour 2014 se fonde sur une hypothèse de croissance économique de 0,9 %, avec pour objectif une réduction du déficit budgétaire à 3,6 % du PIB – il est prévu à 3 % en 2015.

Redresser les comptes publics, ça ne fait rêver personne, mais vivre sous la menace des marchés aurait pu virer au cauchemar. (Ayrault, Le Monde, 26 septembre 2013)

Le prétexte de la réduction du déficit ne sert qu’à restreindre les dépenses qui profitent aux travailleurs. Le déficit persistera car l’État n’ose pas faire payer les capitalistes. Il va continuer à emprunter et payer les intérêts au « marché ». Cet euphémisme désigne les groupes financiers (banques, assurances, fonds d’investissement) et les riches (les mêmes qui refusent de verser l’impôt) qui prêtent aux États.

Tout le monde financier moderne, tout le monde des banques est très étroitement impliqué dans le maintien du crédit public. (Marx, Le 18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte, 1851)

Des faveurs aux capitalistes

Le budget d’un État est le concentré de la politique menée par le gouvernement. À ce titre le président François Hollande est fier de ce qu’il a accompli pour le compte de la bourgeoisie française dans la lutte contre ses concurrents, et il n’a pas à rougir, de ce point de vue, il est dans la parfaite continuité de son prédécesseur :

Jamais, en quinze mois, la France n’aura engagé autant de réformes structurelles… le pacte de compétitivité, le traité budgétaire européen, l’accord sur la sécurisation de l’emploi, la loi bancaire, jusqu’aux retraites aujourd’hui. (Hollande, Le Monde, 30 août 2013)

Des cadeaux au patronat et aux banques – dont l’évasion fiscale est pourtant estimée par un rapport sénatorial entre 30 et 50 milliards d’euros –, des attaques contre les travailleurs et leurs retraites. Le ministre de l’économie Pierre Moscovici admet sans retenue que le gouvernement, qui récemment comptait dans ses rangs l’évadé fiscal Cahuzac, est au service du capital contre la valeur de la force de travail :

Quand on agit pour les entreprises, on ne fait pas de cadeaux aux patrons : on le fait pour permettre aux entreprises d’investir, d’innover et d’embaucher… Nous poursuivons et amplifions le redressement de la compétitivité des entreprises… Le crédit d’impôt compétitivité emploi sera pérennisé sur tout le quinquennat… pour représenter une baisse de 6 % du coût du travail. (Moscovici, Le Monde, 26 septembre 2013)

Il s’agit d’une baisse de 15 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés : alors qu’une évolution spontanée aurait conduit à une hausse de 1,7 milliard, il diminue de 13,5 milliards entre 2013 et 2014, essentiellement du fait du « crédit compétitivité emploi » à hauteur de 9,4 milliards, plus quelques autres mesures. « C’est par l’entreprise que la croissance redémarrera », se justifie le ministre Moscovici (Le journal du dimanche, 12 octobre 2013). La petite bourgeoisie des PME paie d’ailleurs plus d’impôts (11,6 % de son chiffre d’affaires) que la bourgeoisie des grandes entreprises (10,7 %) (L’usine nouvelle, 11 septembre 2013).

Pour financer ce gigantesque cadeau, qui s’ajoute aux 200 milliards d’aides déjà existantes, le gouvernement Hollande-Ayrault-Duflot-Taubira s’en prend aux travailleurs, en baissant les dépenses de 14,8 milliards – en attendant 20 milliards annuels prévus pour la période 2015-2017 –, et en augmentant les prélèvements obligatoires de 9,5 milliards.

L’austérité pour les travailleurs

Moscovici bombait le torse à l’université d’été du Medef en affirmant, sous les applaudissements des patrons, qu’« il faut réduire le poids des dépenses publiques. Il faut le faire vite. Il faut le faire fort ! » (Les Échos, 30 août 2013). La baisse de 14,8 milliards d’euros des dépenses publiques porte pour 9 milliards sur l’État et pour 5,8 milliards sur la Sécurité sociale.

Pour ce qui concerne l’État, le gouvernement poursuit sa saignée contre les fonctionnaires puisqu’il maintient le gel du point d’indice et poursuit la suppression de postes (2144 pour 2014). Il réduit de 1,5 milliard sa dotation aux collectivités locales, étranglant un peu plus les communes, et dans une moindre mesure les départements et les régions.

Il poursuit les attaques contre la Sécurité sociale, notamment en diminuant de 2,9 milliards le budget de la caisse d’assurance maladie (des économies d’un milliard sur les médicaments, de 440 millions sur les hôpitaux, de 120 millions sur les appareillages…), de 1,9 milliard celui des caisses de retraites (sans tenir compte de la contre-réforme), soit 1 milliard en sous-indexant les retraites complémentaires et 900 millions en décalant d’avril à octobre la date de revalorisation annuelle des pensions)…

Les prélèvements obligatoires augmentent également, presque entièrement pour les travailleurs, puisque la hausse de 9,5 milliards portera pour 6,5 milliards sur la TVA – un impôt pour lequel les pauvres paient plus que les riches – avec une hausse de 19,6 % à 20 % du taux normal et une hausse de 7 à 10 % du taux intermédiaire. Les autres hausses portent sur le quotient familial, la fiscalisation des majorations de retraites pour les chargés de famille… La taxe à 75 % sur les revenus de plus d’un million d’euros par an, évoquée par le candidat Hollande pendant la campagne, est réduite à peau de chagrin, puisqu’elle est abaissée à 50 %, plafonnée à 5 % du chiffre d’affaires des entreprises et déductible de l’impôt sur les sociétés. Elle ne devrait rapporter que 260 millions d’euros.

La complaisance des réformistes

Moscovici parle d’« un effort budgétaire historique » (Le Monde, 25 septembre 2013) – pour les travailleurs faut-il ajouter.

Les partis bourgeois agitent la fiscalité contre le gouvernement. Le patronat, en Bretagne et dans tout le pays, pousse son avantage pour en demander toujours plus.

La concertation a été réelle, mais le résultat n’est pas à la hauteur de l’urgence de la situation de nos entreprises. (Roux de Bézieux, vice-président du Medef, Le Monde, 10 septembre 2013)

Le PCF s’efforce de faire croire que « l’annonce du CICE… a été une rupture de la ligne fiscale du gouvernement » (Nicolas Sensu, député, Libération, 15 octobre 2013), comme si le gouvernement a un temps été au service des travailleurs.

Parce que, eux aussi, ils soutiennent le gouvernement et, en tout cas, le capitalisme français, les syndicats se sont gardés de mobiliser pour empêcher l’adoption de ce budget et pour exiger des députés PS, PCF et PdG, qui ont la majorité à l’Assemblée, rejettent ce budget, réduisent les prélèvements qui pèsent sur le peuple, augmentent ceux des parasites et des exploiteurs, annulent la dette publique.

19 novembre 2013