Extrait de l’édito de RC 3 sur les bonnets rouges, 24 novembre 2013

Hollande n’en finit pas de céder à la bourgeoisie, avec la complicité du PS et des bureaucraties syndicales

Outre la stagnation du capitalisme français, une raison de l’accélération des plans sociaux est le résultat de la politique gouvernementale.

Un élément, moins mis en exergue, joue certainement pour expliquer cette « avalanche » de plans sociaux : les modifications intervenues dans le droit des licenciements collectifs, à la suite de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 signé entre le patronat et une partie des syndicats. Cet accord a été repris par une loi sur « la sécurisation de l’emploi » du 14 juin. Et les dispositions relatives aux licenciements économiques sont applicables depuis le 1er juillet de cette année (La Tribune, 7 novembre 2013)

Au nom du maintien de la compétitivité et de la sauvegarde de l’emploi, des accords non dérogatoires impliquant des sacrifices en matière de salaire et de durée du travail se multiplient aujourd’hui. (Alternatives économiques, novembre 2013)

Le PS, le PCF, le PdG et les directions syndicales de la CGT, de la CFDT, de FO, de l’UNSA… prêtent allégeance à « l’intérêt national », c’est-à-dire à la subordination à la classe dominante actuelle de la France, la classe des capitalistes.

Hollande n’avait certes pas promis d’aller au socialisme, mais il n’avait pas annoncé qu’il allait poursuivre, sur tous les terrains, la politique de Sarkozy. Dès son accession au pouvoir grâce aux voix des travailleurs salariés et des jeunes, Hollande et son gouvernement PS-EELV-PRG ont fait droit aux exigences des capitalistes, exprimées par divers groupes de pression, du Medef au « Comité de convergence des intérêts bretons » en passant par les « pigeons ». La presse patronale l’en félicite.

Ainsi Hollande a-t-il pris tous les tournants que la situation du pays commandait de prendre : la compétitivité après le travail préparatoire de Louis Gallois, le début de flexibilité sur le marché du travail, les retraites, l’annonce de la priorité future de la réduction de la dépense publique… (Challenges, 7 novembre 2013)

En septembre, le gouvernement Hollande-Ayrault-Montebourg-Duflot a redéfini une « politique industrielle », sous forme de 34 « plans de reconquête », tous confiés à des patrons ou anciens patrons, pour soumettre davantage l’université et les organismes de recherche aux impératifs de profit, pour subventionner davantage les capitalistes sans s’immiscer dans leurs affaires.

L’État n’a pas à se substituer à l’initiative privée, car ce sont les industriels qui connaissent les marchés – ils en ont fait la démonstration –, les clients, les technologies. Mais, à l’État, il revient de définir un cadre, d’accompagner, de stimuler. (François Hollande, Intervention sur la nouvelle France industrielle, 12 septembre 2013)

Le gouvernement défend de même à l’extérieur les intérêts des grands groupes capitalistes français, les parlementaires PS, PCF et PdG légitimant l’intervention militaire au Mali et le blocus de l’Iran. Il poursuit non seulement la politique de Sarkozy contre les travailleurs étrangers mais le ministre PS de l’Intérieur Valls reprend ses propos racistes à l’encontre des Roms.

Le PCF et le PdG, sans faire partie cette fois-ci du gouvernement, soutiennent son orientation de « pactes sociaux ». Ils servent la bourgeoisie française en accusant la finance mondialisée et l’Union européenne, en plaidant le replâtrage des institutions (une « 6e République » bourgeoise), le protectionnisme et le renforcement de la police. Mélenchon s’est déclaré prêt à devenir Premier ministre de Hollande et le PCF multiplie les listes avec le PS pour préparer les élections municipales.

Les partis sociaux-patriotes entretiennent des liens avec les appareils des syndicats (le PS avec l’UNSA, l’UNEF, FO ; le PdG et le PCF avec la CGT et la FSU) qui cogèrent les grandes entreprises et les administrations, qui sabotent les luttes de défense des emplois, de l’enseignement public, de la santé publique, des retraites, en écartant la grève générale et les piquets de grève, en dispersant la combativité dans des « journées d’action » et des « actions symboliques ». Les organisations centristes soutiennent les bureaucraties syndicales corrompues et s’y intègrent de plus en plus (LO et NPA dans la CGT, NPA dans la FSU et Solidaires, POI dans FO…).

Les directions syndicales actuelles accompagnent toutes les contre-réformes antisociales : appartenance maintenue au Conseil d’orientation des retraites et à la Conférence nationale de l’industrie, négociations fin 2012 de la flexibilité du temps de travail et des salaires, concertation de la « refondation de l’école » fin 2012 pour augmenter le travail des salariés de l’Éducation nationale, participation à la « conférence sociale » de début 2013 contre les retraites, discussions fin 2013 « sur le métier d’enseignant » pour remettre en cause le statut… Par exemple, dans une usine de 700 salariés, la bureaucratie de la CGT accepte de discuter d’en licencier la moitié.

La CGT de l’usine Goodyear Amiens-Nord, accusée d’avoir bloqué toutes les solutions de reprise du site au cours des dernières années, a assuré qu’elle était prête à « s’engager à fond » pour étudier l’offre de reprise du groupe Titan, dévoilée lundi par le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, et qui permettrait de reprendre 333 emplois. « Nous allons tout faire pour que, cette fois-ci, il y ait une issue favorable pour l’ensemble du personnel sur le site d’Amiens Nord », a indiqué Mickaël Wamen, délégué CGT. (Les Échos, 24 octobre 2013)

Les organisations politiques et syndicales de la classe ouvrière sont restées passives quand la réaction a mobilisé contre le mariage pour tous. Elles ont mendié des interdictions inefficaces quand, enhardis par leur réussite, les groupes fascistes s’en sont pris aux locaux du PS et des LGBT puis ont assassiné Clément Méric.

Le samedi 2 novembre, entre vingt et trente mille manifestants défilent à Quimper, patrons et salariés défilant parfois côte à côte.

Daniel Sauvaget, PDG de l’entreprise en difficulté Tilly-Sabco, spécialisée dans l’export de poulets, a défilé samedi avec ses employés aux côtés des bonnets rouges. (Libération, 6 novembre 2013)

FO du Finistère, qui s’en est retirée depuis, apporte alors sa caution à VDTB. Mais qui l’emporte, dans VDTB, les patrons ou les travailleurs salariés ? La manifestation du 2 novembre reçoit l’appui du Figaro, du Medef, de l’UMP, du MoDem, du FN.

L’Union des entreprises–MEDEF Finistère s’est félicitée de la décision courageuse du gouvernement de suspendre l’écotaxe et était présente samedi 2 novembre à Quimper pour le rassemblement qu’elle a souhaité voir se dérouler dans le calme. Par cette présence, l’Union des Entreprises – MEDEF Finistère a tenu à exprimer sa solidarité avec le monde agricole et les industries agroalimentaires qui font face à d’importantes difficultés économiques. (Site du MEDEF Finistère, sans date)

L’initiative reçoit aussi le soutien du NPA. Par contre, le bateleur Mélenchon qui vend des bonnets tricolores, qui essaie de refiler la « révolution citoyenne » ou la « révolution fiscale » à la place de la révolution sociale, fulmine contre « les nigauds ». Mais il est bien incapable d’expliquer pourquoi des milliers de salariés, chômeurs et des milliers de paysans, artisans, petits commerçants du Finistère se font berner par une poignée de capitalistes et de politiciens bourgeois bretons. Le PS, le PdG et le PCF n’ont à opposer à l’union des capitalistes et des travailleurs en Bretagne que le « pacte républicain », c’est-à-dire la même union à l’échelle de la France.

Tant le NPA que le PCF renient le communisme.

Nous voulons abolir les classes. Par quel moyen y parviendrons-nous ? Par la domination politique du prolétariat… L’action politique qui prépare la révolution, éduque l’ouvrier et, sans elle, le prolétariat sera toujours frustré et dupé… Cependant, la politique qu’il faut faire doit être celle du prolétariat : le parti ouvrier ne doit pas être la queue de quelque parti bourgeois que ce soit, mais doit toujours se constituer en parti autonome, ayant sa propre politique et poursuivant son propre but. (Friedrich Engels, Intervention à Conférence de Londres de la 1e Internationale, 1871)

Le grand bourgeois donne des ordres au petit-bourgeois et celui-ci trompe les travailleurs salariés. Les partis sociaux-patriotes et les bureaucraties syndicales qui sont financés par l’État bourgeois et qui pratiquent en permanence la collaboration de classes à l’échelle de la France ont évidemment le plus grand mal à l’empêcher en Bretagne.

Le 2 novembre, CGT, FSU, Solidaires, Front de gauche et EELV réunissent péniblement un à trois milliers de personnes le même jour dans une contre-manifestation d’aide au gouvernement à Carhaix qui ne revendique pas plus l’interdiction des licenciements que VDTB et s’inscrit, comme ce dernier, dans le « Pacte pour la Bretagne » de Hollande, Ayrault et Le Foll.

Pour arracher la petite bourgeoisie à l’influence des capitalistes, il faut tracer la voie de la révolution socialiste

Seule la minorité capitaliste profite des pactes sociaux, de l’unité nationale, du respect de la République bourgeoise et des échéances électorales par les partis sociaux-démocrates (PS, PCF, PdG).

La sociale-démocratie apprend à l’ouvrier à se comporter comme un laquais. La petite bourgeoisie ne suivra pas un laquais. La politique du réformisme enlève au prolétariat toute possibilité de diriger les masses plébéiennes de la petite bourgeoisie et, par là même, transforme ces dernières en chair à canon du fascisme. (Léon Trotsky, La Seule voie, 1932)

Si les syndicats étaient au service des salariés, s’il y avait un véritable parti ouvrier, ils revendiqueraient l’interdiction des licenciements, la diminution du temps de travail, l’expropriation des groupes capitalistes, l’annulation de la dette publique, la baisse des impôts qui pèsent sur les travailleurs, la gratuité des soins…

Ils organiseraient des comités d’action sur les lieux de travail et d’études, dans les quartiers populaires… pour arracher les revendications urgentes pour unir les prolétaires entre eux (de toutes les régions, de toutes les nationalités, de toutes les qualifications…) contre leurs exploiteurs, pour rallier la majorité des fonctionnaires, des cadres, des travailleurs indépendants et des jeunes en formation.

Les comités d’action contrôleraient la production et la répartition, garantiraient des débouchés aux paysans travailleurs, organiseraient la défense contre la police et les fascistes, postuleraient au pouvoir contre la dictature de la bourgeoisie. Une fois renversé l’État bourgeois, les comités d’action, par des élus révocables ne touchant pas plus que les salariés, désigneraient un gouvernement ouvrier, décideraient de ce qu’il faut produire en fonction des forces productives et des besoins de la population, ouvriraient la voie des États-Unis socialistes d’Europe, prélude à la république socialiste mondiale et à la disparition des classes sociales.

En finir avec le capitalisme, établir la République ouvrière du type de la Commune de Paris de 1871, étendre la révolution socialiste à toute l’Europe et à toute la Méditerranée, telle est la seule perspective progressiste à l’époque de la décadence du capitalisme. Dans leur immense majorité, les travailleurs, les jeunes, n’en ont pas encore conscience. Par contre, une partie de la bourgeoisie, elle, en a le pressentiment. Elle sait qu’elle n’aura d’autre choix, à terme, que de tenter d’écraser la classe ouvrière. L’enjeu des batailles d’aujourd’hui, c’est cette alternative de demain. Pour la classe ouvrière, la jeunesse, mais aussi toutes les couches de la petite bourgeoisie que le capitalisme précipite dans la misère, il n’y a de solution que dans la lutte pour en finir avec le régime de la bourgeoisie, pour le gouvernement ouvrier, pour l’armement du peuple, pour le contrôle et l’organisation de l’économie et de la société par les producteurs eux-mêmes, l’effacement des frontières archaïques.

Il faut une organisation communiste révolutionnaire pour porter ce programme. Il est urgent que, laissant à leur sort les sectes qui veulent préserver leur existence routinière, les groupes et les fractions qui le défendent réellement travaillent sans délai à la constituer.

On ne peut pas formuler les intérêts d’une classe autrement que sous la forme d’un programme ; on ne peut pas défendre un programme autrement qu’en fondant un parti. (Léon Trotsky, La Révolution allemande et la bureaucratie stalinienne, 1932)