Editorial de VdT sur la guerre qui vient

De Gaza à Donetsk, de Alep à Tikrit, d’un monde en guerres vers un monde en guerre…

Contrairement à ce que nous disent bien des commentateurs, la dernière guerre de l’Etat d’Israël à Gaza a surtout servi à y crédibiliser le Hamas qui était, auparavant, complètement discrédité, au point qu’il avait été contraint d’accepter une direction technique de la Palestine sans participant de dirigeants du Hamas ni de l’Autorité palestinienne. Depuis, toute la population civile palestinienne de Gaza étant prise pour cible sous prétexte de chercher des combattants du Hamas, ce dernier, conspué quelques jours avant, est devenu inattaquable aux yeux des Palestiniens… C’est donc une guerre d’Israël pour empêcher le Hamas de perdre son influence sur les Palestiniens ?

Il convient également de remarquer que le crédit du gouvernement d’extrême droite israélien de Nétanyahou était, lui aussi, très bas dans la population avant que la guerre, une fois de plus, ne contraigne la population israélienne, durement frappée par la crise économique et révoltée par la misère face à la richesse des classes dirigeantes, à se croire obligée de soutenir gouvernement qui prétend défendre sa sécurité.

En somme un classique conflit Israël-Palestine comme il y en eu tant d’autres ? Pas du tout !

Plus de 500 morts et 3000 blessés Palestiniens à Gaza, en majorité civils alors que l’essentiel des victimes israéliennes, une dizaine, sont des militaires pris alors qu’ils attaquaient des quartiers palestiniens !!! Israël est en train de changer le caractère de la guerre contre les Palestiniens : c’est la guerre totale ! Cela suppose un feu vert des pays impérialistes occidentaux. C’est un changement de politique mondiale, un pas de plus vers la guerre mondiale.

Car il y a un soutien affirmé et affiché des puissances occidentales, soutien dont le gouvernement Hollande-Valls a été un exemple. Hollande n’a-t-il pas tenu à faire une déclaration publique aux côtés de Nétanyahou, alors que ce dernier a toujours affiché des positions d’extrême droite ? Pour François Hollande, il ne faut « pas se laisser entraîner par des querelles qui sont trop loin d’ici pour être importées ». Mais son soutien public à Nétanyahou, ce n’est pas importer « des querelles » ? C’est un grand crime qui se déroule…. avec un soutien marqué du parti socialiste et du gouvernement socialiste ! Oui, c’est une guerre atypique. C’est une guerre directement menée contre les civils. Ils sont bombardés directement dans leurs maisons. Ils ne sont pas des « victimes collatérales » d’attaques contre le Hamas. C’est une guerre de destruction massive, avec pour but le maximum de morts possibles.

Peut-on accepter le prétexte des trois Israéliens assassinés ? Mais ces 500 morts sont-ils là pour répondre « œil pour œil » ? Comment se fait-il qu’aucun groupe palestinien, des groupes si fiers d’habitude de leurs actions terroristes, n’ait revendiqué celle-ci ?

Bien sûr, les relations que les régimes israéliens, qu’ils soient de gauche, de droite, du centre ou de l’extrême droite, entretiennent avec les Palestiniens n’ont jamais été autre chose qu’agressifs, belliqueux, violents et colonisateurs. Et cependant, ce n’est rien d’habituel qui se déroule actuellement à Gaza. Ce n’est nullement une simple copie des guerres précédentes. Israël a obtenu des USA et des puissances occidentales un feu vert inédit, compensation probable des négociations que les USA mènent avec l’Iran pour que cette puissance intervienne en Irak et écrase l’avancée des djihadistes de l’E.I.L. Mais ces « petits calculs » ne sont que la partie immergée de l’iceberg. Il y a bien d’autres calculs des grandes puissances et ce sont tous des calculs guerriers, guerre économique ou guerre tout court.

Ce serait une erreur de voir dans ces événements de simples soubresauts du Moyen Orient, des « querelles loin d’ici » dirait Hollande. Le climat de guerre est loin de concerner uniquement le Moyen Orient. En fait, il concerne un nombre de plus en plus grand de pays et menace bientôt de concerner le monde entier !
La guerre a repris en Irak. La guerre reprend aussi au Mali et dans tout le Sahel, menée par la France. La guerre civile ne s’est jamais arrêtée en Libye et en Syrie. La guerre civile commence au Nigeria. La guerre n’a jamais cessé au Pakistan et en Afghanistan.

Et aussi elle continue en Ukraine… Elle y est violente, barbare, même si les média sont plus réticents à le montrer car c’est leur camp, celui de l’Europe, qui cautionne cette barbarie du côté du gouvernement ukrainien.

La guerre de Gaza s’intègre dans la montée d’un affrontement mondial qui se profile.

Et, fait nouveau, la guerre oppose ouvertement le camp des puissances occidentales (USA-Europe-Japon-Canada-Australie-Corée du Sud) et le camp des nouvelles puissances capitalistes et impérialistes (Chine, Russie, Inde, Brésil et Afrique du Sud, les BRICS).

On retrouve cet affrontement non seulement en Ukraine mais aussi en mer de Chine, mais encore en Syrie et toujours au Moyen Orient et en Afrique.

On retrouve cet affrontement sur le plan économique avec la concurrence de la Russie et de la Chine dans les anciennes zones dominées par les puissances occidentales comme en Algérie ou en Egypte et en Afrique noire.

On retrouve cet affrontement dans l’annonce de la formation d’une nouvelle banque mondiale des BRICS face au système bancaire occidental…

On retrouve cet affrontement dans les accusations mutuelles entre USA et Russie d’avoir soutenu ceux qui ont tiré le missile contre l’avion de ligne malaisien.

On retrouve cet affrontement dans la politique de sanctions économiques mutuelles entre Russie et USA, dans les menaces de chacun vis-à-vis de l’autre, menaces mutuelles d’un effondrement économique au cas où l’adversaire poursuivrait son intervention en Ukraine…

Etc, etc…

La guerre de Syrie, où ces deux camps interviennent en sous-main mais de manière de moins en moins cachée, montre quelle violence leur intervention peut représenter pour les populations civiles.

Il ne s’agit pas seulement de guerres locales mais d’un affrontement, localisé pour le moment, qui concerne des puissances mondiales, ayant vocation à mondialiser leur domination et à se contester mutuellement leurs territoires et leurs marchés.

Cela se produit dans un contexte qui explique ce caractère violent des affrontements. C’est celui d’un monde capitaliste qui n’est jamais sorti de son effondrement de 2007-2008 et n’a pu, au prix de masses considérables de milliers de milliards dollars des banques centrales, que retarder sa chute.

C’est celui d’un monde capitaliste qui sait que son temps est compté et se lance d’autant plus vite dans la guerre que c’est le seul moyen qu’il trouve pour pallier encore à son impasse économique, politique et sociale, le seul moyen pour détourner les peuples de la révolution qui monte et qui n’a fait que débuter au Maghreb et dans le monde arabe, qui menace en Afrique et au Moyen Orient.

Oui, Israël comme la Palestine ont eux-mêmes été menacés d’une vague de révolution, d’un soulèvement populaire tant les régimes israélien comme palestinien sont impopulaires. Là aussi, la guerre est une fuite en avant face à la révolution qui menace.

Oui, ce n’est pas seulement à Gaza que l’alternative existe entre révolution sociale et guerre.

Oui, ce n’est pas seulement à Gaza que le pouvoir bourgeois est usé, que la domination des capitalistes arrive à son terme, que la démocratie bourgeoise n’est plus suffisante pour gouverner. C’est à l’échelle du monde. Raison de plus pour les capitalistes de lancer les peuples dans la guerre mondiale. Les précédentes guerres mondiales n’ont pas eu d’autre but que de détourner les révolutions sociales.

Nous ne devons pas seulement être solidaires des opprimés palestiniens, pas seulement les soutenir face aux tanks et aux bombardements. Nous devons comprendre que nous sommes vraiment « tous des Palestiniens ». C’est le même sort qui nous attend si on se laisse faire…

Bien entendu, cela ne signifie nullement considérer cette lutte comme une guerre entre les peuples. L’Etat d’Israël ne défend nullement les intérêts du peuple israélien et les dirigeants arabes ou palestiniens, notamment du Hamas et de l’Autorité palestinienne ne défendent nullement les intérêts du peuple palestinien. De même que la France ne soutient nullement les intérêts du peuple travailleur de France en faisant la guerre au Mali, au Sahel, en Centrafrique, au Niger ou en Afghanistan.

Ceux qui prétendent mener la même guerre que les Palestiniens en s’attaquant à la population juive de France ne font que porter atteinte au combat des Palestiniens et pas le soutenir.

Par contre, le gouvernement français qui soutient la guerre d’extermination de Nétanyahou est parfaitement dans sa logique en interdisant en même temps les manifestations de soutien aux Palestiniens. C’est une logique impérialiste et guerrière. Et c’est une logique de guerre, en France même. Hollande et Valls, malgré leurs déclarations inverses, soutiennent la tactique de la guerre inter-communautaire en France. Ils préfèrent que les affrontements sociaux ne se fassent pas sur le terrain de la lutte des classes comme pour les cheminots, les intermittents, la SNCM… mais sur un terrain racial, religieux, d’un affrontement entre travailleurs. Ne tombons pas dans le piège d’un affrontement entre communautés d’origine juive et musulmane !

Notre combat doit se dérouler contre nos vrais ennemis : les classes dirigeantes et les Etats à leur service !

La « guerre de Gaza » est un signal qui doit résonner à toutes les oreilles, des travailleurs, des milieux populaires. Les classes dirigeantes ne vont pas se contenter de nous faire payer la crise. Ils aiguisent les couteaux et la commémoration de la première grande boucherie mondiale leur donne des idées pour renouveler la même expérience dans le même but : maintenir leur système d’oppression en pleine crise !

A nous d’en tirer la conséquence : on ne trouvera pas de terrain d’entente avec les classes dirigeantes et les Etats, malgré les réformistes politiques et syndicaux qui veulent nous enfoncer dans ce terrain fangeux de la négociation, de la collaboration, des réformes. L’alternative est claire : c’est guerre ou révolution. Barbarie ou socialisme. A nous de choisir !