Contribution du CLC sur une prétendue révolution syrienne en cours et sur « l’excès de laïcité »

Contribution du CLC
Depuis que nous avons écrit la semaine passée, il y a eu des manifestations de masse à travers la Syrie et même à des endroits nominalement contrôlés par Assad, et les masses disent en des termes sans équivoque que la révolution n’est pas finie, qu’elle continue. Nous soumettons le texte suivant à la discussion en espérant éviter une grave erreur avant qu’elle ne soit adoptée et ainsi rendue beaucoup plus difficile à corriger.

Pour le CLC, fraternellement,
Dan Cahill
Charles Rachlis
Christopher Clark

Notre objection, nos soucis et hésitations expliqués

Nous ne sommes pas d’accord que la révolution syrienne a été écrasée ! C’est tout l’objet des interventions impérialistes, qui ont dû suivre les interventions précédentes de leurs mandataires et sont maintenant rejointes aussi par les puissances locales incontrôlées avec leurs propres objectifs, la Turquie et l’Arabie Saoudite. À l’heure où nous écrivons, nous voyons instauré un misérable accord de « cessez-le-feu » qui permet à la Russie de continuer à bombarder, manifestement pour éviter une guerre régionale ouverte, où les troupes turques et saoudiennes se heurteraient directement aux forces russes. Ainsi nous voyons la cuisine impérialiste préparer un poison pour le reste d’entre nous, alors que malgré leurs intentions ils échouent à écraser une révolution et au lieu de cela mettent l’humanité au bord d’une guerre mondiale. Alors que le danger gonfle, la puissance de la révolution grandit ; les Comités de Coordination Locaux (voir https://mkaradjis.wordpress.com/2015/11/26/the-ongoing-civil-uprising-in-syria et aussi http://news.yahoo.com/syrian-lcc-group-quits-opposition-bloc-201711220.html) ont pris en leur possession et exercé plus de pouvoir qu’avant, et ils l’exercent en défiance des groupes armés islamistes, chacun desquels rivalise avec les forces impérialistes et leurs mandataires, avec le Hezbollah et l’Iran, pour le trophée de l’écrasement de la révolution, les uns en garantissant la dictature d’Assad, les autres en la détruisant.

Nous nous opposons à tous les groupes islamistes, même si nous reconnaissons comment la rébellion légitime des masses sunnites d’Irak a été confisquée par le « Nouveau Califat » de l’EI avec la promesse d’une utopie réactionnaire. Nous reconnaissons dans l’EI des traits qui ressemblent au fascisme historique, mais en passant la région en revue, le qualificatif de fasciste est mérité par le régime d’Assad en premier lieu, et en second lieu par les survivances liées au fascisme historique, comme la Phalange libanaise. Par conséquent nous voulons expliquer pourquoi l’adoption du terme « islamo-fascisme » nous dérange et pourquoi nous pensons qu’il peut devenir un obstacle à notre travail révolutionnaire parmi les membres des organisations qui surgissent dans les communautés islamiques et peuvent être appelées « groupes islamiques. »

Peut-être les camarades des autres continents ne savent pas comment le terme « islamo-fascisme » est entré dans le langage américain des lèvres de George W. Bush. Quand on s’en souvient, on s’en souvient dans le contexte des prétextes pour la fondrière de la « guerre à la terreur », faisant partie du grand mensonge, avec les prétendus liens entre Saddam Hussein et Al Qaeda, la présence en Iraq des « armes de destruction massive », et l’avorton de la « mission accomplie » de Bush. Le vrai fascisme n’a rien à voir avec tout ça, excepté dans le sens des crimes de guerre et « guerres d’agression » de l’impérialisme US, comme définis par les tribunaux de Nuremberg. Le fascisme historique a été caractérisé par des mouvements nationaux et alors qu’ils se posent parfois comme défendeurs de la foi, ce n’est pas la pratique du socialisme scientifique d’appeler le mouvement de Mussolini « fascisme catholique » ou celui d’Hitler « fascisme luthérien/catholique » ou le Ku Klux Klan « fascisme fondamentaliste protestant ». Et ainsi nous demandons, pourquoi le terme « islamo-fascisme » dans les discussions et la propagande communiste ?

Nous avons besoin d’une réponse

Nous sommes d’accord avec la définition de Trotsky dans Comment vaincre le fascisme et nous demandons aux camarades soit d’expliquer une sorte d’identité fondamentale entre des groupes islamistes particuliers et le fascisme historique, soit d’expliquer pourquoi nous avons besoin d’une définition nouvelle, étendue qui prend en compte des groupes islamistes particuliers. Si vous l’avez fait, nous ne l’avons pas vu.

Nous connaissons les points majeurs de l’histoire de cette région. Nous sommes au courant du régime de courte durée de Rashid Ali en Irak et de ses commanditaires, et de la bataille pour la tête de puits au bout du pipeline d’Habbaniya-Haifa. Nous sommes au courant du Grand Mufti de Jérusalem et de son partenariat avec Hitler, de sa Légion SS bosniaque et de ses liens avec la montée du baasisme. Ce que nous ne comprenons pas est l’équation par Bush entre Al Qaeda et l’alliance Hitler/Mussolini, nous ne voyons pas la nécessité d’associer l’Islam avec le fascisme, et nous ne voyons pas un fascisme historique qui par définition est un mouvement militarisé de masse de la petite bourgeoisie pour sauver le capitalisme du mouvement ouvrier. Et nous ne le voyons pas s’appliquer au Front Al Nusra ni à l’EI/Daech, en tant que fait établi par notre méthode scientifique.

Cela a de l’importance parce que notre tendance et notre programme ont une audience de quelques centaines de personnes parmi les Arabes et les autres peuples culturellement définis comme Musulmans. Sur Facebook ce sont nos ‘plus grands fans.’ Nous avons déjà obtenu une réputation de défenseurs de prisonniers politiques comme Rameah Odeh, du Printemps Arabe et de leur révolution nationale-démocratique, il y en a déjà un certain nombre qui comprennent que seule la Révolution Permanente offre une sortie de l’oppression par une puissance impérialiste ou l’autre. De même, nous travaillons d’une certaine manière aux côtés de groupes comme « Al Awda, » l’Organisation Palestinienne du Droit au Retour, des Étudiants pour la Justice en Palestine, du réseau de Solidarité Moyen Orient et Afrique du Nord, et d’autres. Nous avons établi dans les esprits de quelques militants d’avant-garde que nous ne sommes pas ceux de la gauche US pro-Assad et/ou ‘orientaliste’ et que nous sommes une tendance internationale qui défend leurs aspirations. Nous nous inquiétons que nous pourrions ruiner ce travail patient si nous acquérions une réputation par association avec quiconque coupable de « laïcisme. »1

Nous sommes anticléricaux, comme des marxistes devraient l’être, mais pas des ultragauches. C’est notre métier d’unir notre classe sociale internationalement MALGRÉ l’influence des religions et de tous les types de survivances réactionnaires du passé. Donc nous rejetons à la fois les larmes de crocodile à propos de la liberté de presse qui ont joué dans la parade de Hollande des tueurs démocratiques à la suite de l’attaque contre Charlie Hebdo, ET l’adaptation opportuniste ridicule à l’islamisme de la FLTI munzeriste quand elle dénonça le magazine comme un front sioniste. Nous voyons le « laïcisme » (Littéralement : « laïcité » par-dessus bord) comme au moins une partie de l’explication de pourquoi le mouvement ouvrier européen n’a pas développé une couche de révolutionnaires en exil avec une implantation suffisante dans les luttes tunisienne, égyptienne, libyenne et syrienne des dernières années. Dire cela n’est pas nier l’immense culpabilité du stalinisme, de la social-démocratie et du pseudo-trotskysme en soutien aux forces, dirigeants et projets bourgeois. En fait, cette culpabilité des pseudo-trotskystes dérive des adaptations historiques que nous connaissons comme le pablisme, et que le projet de Plateforme décrit.

28 février 2016