7e Conférence de Russie du POSDR bolchevik (avril 1917)

Présentation

Le POSDR Comité central (bolchevik) s’est séparé du PODSR Comité d’organisation (menchevik) sur la question de l’alliance avec la bourgeoisie « libérale ». Pourtant, quand la révolution de février renverse la monarchie et reconstitue les soviets de la révolution de 1905, le Parti bolchevik, sous la direction de Kamenev-, Rykov et Staline, vacille en mars sur la guerre, le gouvernement provisoire (des partis bourgeois) et les relations avec le Parti menchevik.

De retour d’exil, le 4 avril, Lénine rédige Les Tâches du prolétariat dans la présente révolution qui restera dans l’histoire sous le nom des Thèses d’avril :

La guerre est une guerre impérialiste, non par la forme plus ou moins démocratique des gouvernements opposés les uns aux autres, mais du fait des conditions objectives générales dans lesquelles elle s’inscrit et des buts de guerre des différentes puissances belligérantes.

Lénine ne fait pas du gouvernement des partis bourgeois un progrès, mais la rançon de l’inexpérience des travailleurs. Par conséquent, il ne saurait être question de soutenir le gouvernement provisoire, qui ne peut pas cesser d’être impérialiste ; il faut le démasquer.

L’insurrection n’est pas encore à l’ordre du jour. Le Parti bolchevik est en minorité dans les soviets et « il nous faut donc expliquer, convaincre », sur la ligne « tout le pouvoir aux soviets ».

La perspective n’est plus la démocratie, mais un État du type de la Commune de Paris.

Par conséquent, le POSDR bolchevik doit cesser de se nommer social-démocrate. Il doit se renommer communiste et il doit oeuvrer à la création d’une nouvelle internationale contre les chauvins qui ont trahi en 1914 et les « centristes » qui veulent l’unité avec ces derniers.

Le 4 avril, dans une réunion du parti de Petrograd, seule Kollontaï soutient Lénine. Le 6 avril, il est minoritaire au bureau du Comité central. Le 7 avril, les thèses d’avril paraissent dans la Pravda, le quotidien du parti mais sous sa seule signature et le rédacteur en chef Kamenev les repousse dans un éditorial le 8 avril. Le même jour, le comité de Petrograd du PB écarte les thèses (13 voix contre, 3 pour, 2 abstentions).

Lénine l’emporte à la conférence des organisations bolcheviks de Petrograd du 14 au 22 avril : 33 voix pour la résolution Lénine sur le gouvernement provisoire, 6 contre, 2 abstentions. La résolution Kamenev est rejetée par 20 voix contre, 6 pour, 7 abstentions.

La septième conférence de Russie du Parti bolchevik conforte le changement d’orientation vers l’opposition au gouvernement provisoire et la révolution socialiste. Elle se déroule à Petrograd du 24 au 29 avril (calendrier russe de l’époque, du 7 au 12 mai au calendrier occidental). 133 délégués avec voix délibérative et 18 délégués avec voix consultative Assistent à la conférence, représentant 80 000 membres.

Les questions suivantes figurent à l’ordre du jour : la situation (la guerre et le Gouvernement provisoire, etc.) ; la conférence de la paix ; l’attitude envers les soviets des députés ouvriers et soldats : 4) la révision du programme du parti ; la situation au sein de l’Internationale et nos tâches ; l’unification des organisations sociales-démocrates internationalistes ; la question agraire ; la question nationale ; l’Assemblée constituante ; le problème d’organisation ; les rapports régionaux ; l’élection du Comité central. Lénine et Kamenev présentent deux rapports introductifs opposés. Dzerjinski s’oppose aussi à Lénine, mais sur un autre thème, la question nationale. Staline se rallie à Lénine. Boukharine, qui a précédé Lénine sur la nécessité de détruire l’État bourgeois, n’est pas rentré d’exil. L’organisation de Trotsky n’a pas encore rejoint le PB et lui-même n’est pas rentré d’exil.

Les résolutions rédigées par Lénine sont toutes votées sauf une, même si l’expression « à l’unanimité » employée par les éditeurs staliniens des OEuvres (t. 24, p. 616) est abusive. La résolution de Zinoviev pour poursuivre la participation au regroupement de Zimmerwald est adoptée (unanimité pour, 1 seule contre, celle de Lénine). Lénine dépose une motion destinée à limiter la portée de la participation mais elle est rejetée (1 voix pour). La conférence élit, au terme de ses travaux, un nouveau comité central : Lénine obtient 104 voix, Zinoviev 101, Staline 97, Kamenev 95…

Le parti réarmé en avril saura conquérir patiemment la majorité dans les soviets et renversera alors le gouvernement de coalition des partis bourgeois et des partis conciliateurs.

Traduction des Éditions du Progrès ; numérisation par le GMI ; présentation du GMI, octobre 2017

Résolution sur la guerre

La guerre actuelle est, de la part des deux groupes de puissances belligérantes, une guerre impérialiste, c’est-à-dire faite par les capitalistes pour la domination du monde, pour le partage du butin capitaliste, pour la conquête de marchés avantageux au capital financier, bancaire, pour l’étranglement des nations faibles.

Le passage du pouvoir en Russie de Nicolas II au Gouvernement de Goutchkov, Lvov et consorts, gouvernement de grands propriétaires fonciers et de capitalistes, n’a pas modifié et ne pouvait pas modifier ce caractère et cette signification de classe de la guerre du côté russe.

Le fait que le nouveau gouvernement poursuit la même guerre impérialiste, c’est-à-dire une guerre de conquête et de brigandage, est devenu particulièrement évident lorsque, loin de publier les traités secrets conclus par l’ex-tsar Nicolas II avec les gouvernements capitalistes d’Angleterre, de France, etc., il les a formellement ratifiés. Il l’a fait sans consulter le peuple et dans l’intention manifeste de le tromper, car nul n’ignore que ces traités secrets de l’ex-tsar sont, de la première à la dernière ligne, des traités de brigandage qui promettent aux capitalistes russes le pillage de la Chine, de la Perse, de la Turquie, de l’Autriche, etc.

Aussi un parti prolétarien ne peut-il soutenir ni la guerre actuelle, ni le gouvernement actuel, ni ses emprunts, quels que soient les grands mots dont on baptise ces derniers, sans rompre complètement avec l’internationalisme, c’est-à-dire avec la solidarité fraternelle des ouvriers de tous les pays dans la lutte contre le joug du capital.

La promesse du gouvernement actuel de renoncer aux annexions, c’est-à-dire à la conquête de pays étrangers ou au maintien par la force d’autres nations dans le cadre de la Russie, ne mérite, elle non plus, aucune créance. Car, tout d’abord, les capitalistes, attachés par des milliers de liens au capital bancaire russe et anglo-français et défendant les intérêts du capital, ne peuvent renoncer aux annexions dans la guerre actuelle sans cesser d’être des capitalistes, sans renoncer aux bénéfices que leur procurent les milliards investis dans les emprunts, les concessions, les entreprises de guerre, etc. Ensuite, le nouveau gouvernement, après avoir renoncé aux annexions pour tromper le peuple, a déclaré par la voix de Milioukov, le 9 avril 1917, à Moscou, qu’il n’y renonçait pas. En troisième lieu, ainsi que l’a révélé le Diélo Naroda, journal auquel collabore le ministre Kerenski, Milioukov n’a même pas communiqué à l’étranger la déclaration où il disait renoncer aux annexions.

Mettant le peuple en garde contre les promesses creuses des capitalistes, la conférence déclare donc qu’il faut établir une distinction rigoureuse entre la renonciation verbale aux annexions et la renonciation effective qui consiste à publier immédiatement tous les traités secrets de brigandage, tous les documents de politique étrangère, ainsi qu’à procéder sans-retard à l’affranchissement total de toutes les nationalités opprimées, ou rattachées contre leur gré à la Russie, ou lésées dans leurs droits par la classe des capitalistes, continuatrice de la politique, déshonorante pour notre peuple, de l’ex-tsar Nicolas II.

Ce qu’on appelle le « jusqu’au-boutisme révolutionnaire », qui a gagné à l’heure actuelle en Russie presque tous les partis populistes (socialistes populaires, troudoviks, socialistes-révolutionnaires) et le parti opportuniste des sociaux-démocrates menchéviks (le Comité d’Organisation, Tchkhéidzé, Tseretelli, etc.), ainsi que la plupart des révolutionnaires sans-parti traduit, quant à sa signification de classe, d’une part les intérêts et le point de vue de la petite bourgeoisie, des petits patrons, des paysans riches qui, comme les capitalistes, tirent profit de la contrainte exercée sur les peuples faibles ; d’autre part, il est le résultat de la duperie des masses populaires par les capitalistes, qui se gardent de publier les traités secrets et s’en tirent avec des promesses et de beaux discours.

De très larges masses de « jusqu’au-boutistes révolutionnaires » sont manifestement sincères, c’est-à-dire réellement hostiles à toute annexion, conquête ou contrainte exercée sur les peuples faibles, réellement désireuses d’une paix démocratique, non imposée par la violence, entre tous les pays belligérants. Il est Indispensable de le reconnaître, car la situation de classe des prolétaires et des semi-prolétaires de la ville et de la campagne (c’est-à-dire des gens qui vivent en totalité ou en partie de la vente de leur force de travail aux capitalistes) est telle que ces classes ne sont pas intéressées aux bénéfices des capitalistes.

Aussi la conférence considère-t-elle comme absolument inadmissible et signifiant en fait une rupture complète avec l’internationalisme et le socialisme toute concession, quelle qu’elle soit, faite au « jusqu’au-boutisme révolutionnaire », en même temps qu’elle déclare : tant que les capitalistes russes et leur Gouvernement provisoire se borneront à menacer le peuple d’user de la violence (par exemple, le décret tristement célèbre de Goutchkov menaçant de sanctions les soldats qui, de leur propre chef, révoqueraient des officiers), tant que les capitalistes n’auront pas recours à la violence contre les Soviets des députés ouvriers, soldats, paysans, salariés agricoles, etc., librement organisés et qui révoquent et élisent librement toutes les autorités, tant qu’on en restera là, notre parti préconisera le renoncement à la violence et combattra l’erreur profonde, l’erreur fatale du « jusqu’auboutisme révolutionnaire » par la seule persuasion fraternelle et la démonstration de cette vérité que l’aveugle crédulité des larges masses envers le gouvernement des capitalistes, ces pires ennemis de la paix et du socialisme, est actuellement en Russie le principal obstacle à l’achèvement rapide de la guerre.

(tous pour, moins 7 abstentions)

Résolution sur l’attitude envers le Gouvernement provisoire

La Conférence de Russie du POSDR déclare :

1) par son caractère, le Gouvernement provisoire est l’organe de la domination des grands propriétaires fonciers et de la bourgeoisie ;

2) de même que les classes qu’il représente, il est étroitement lié, économiquement et politiquement, à l’impérialisme russe et anglo-français ;

3) il ne réalise même son propre programme qu’incomplètement et uniquement sous la pression du prolétariat révolutionnaire, et, dans une certaine mesure, de la petite bourgeoisie ;

4) les forces contre-révolutionnaires de la bourgeoisie et des grands propriétaires fonciers, qui s’organisent en se couvrant du drapeau du Gouvernement provisoire et avec la complaisance manifeste de ce dernier, s’attaquent déjà à la démocratie révolutionnaire : c’est ainsi que le Gouvernement provisoire diffère la fixation de la date des élections à l’Assemblée constituante, fait obstacle à l’armement général du peuple, s’oppose au passage de toute la terre au peuple, cherche à imposer à celui-ci une solution de la question agraire conforme aux intérêts des grands propriétaires fonciers, entrave l’institution de la journée de 8 heures, encourage dans l’armée l’agitation contre-révolutionnaire (de Goutchkov et consorts), organise les cadres supérieurs de l’armée contre les soldats, etc. ;

5) parce qu’il protège les profits des capitalistes et des propriétaires fonciers, le Gouvernement provisoire est incapable de prendre sur le plan économique (ravitaillement, etc.) la série de mesures révolutionnaires dont l’extrême urgence est indiscutable, en raison de la catastrophe économique imminente ;

6) d’autre part, ce gouvernement s’appuie, à l’heure actuelle, sur la confiance du soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd et sur un accord direct avec ce dernier, qui est jusqu’à présent l’organisation dirigeante pour la majorité des ouvriers et des soldats, c’est-à-dire pour la paysannerie ;

7) chaque mesure prise par le Gouvernement provisoire, tant en politique étrangère qu’en politique intérieure, ouvrira les yeux des prolétaires des villes et des campagnes et des semi-prolétaires, et obligera les différentes couches de la petite bourgeoisie à choisir telle ou telle position politique.

Partant de ces considérations, la conférence décide :

1) Un travail persévérant s’impose en vue d’éclairer la conscience de classe du prolétariat et d’assurer sa cohésion dans les villes et les campagnes, devant les hésitations de la petite bourgeoisie, ce travail pouvant seul assurer le passage de tout le pouvoir aux soviets des députés ouvriers et soldats, ou à d’autres organismes traduisant directement la volonté de la majorité du peuple (organes d’auto-administration locale, Assemblée constituante, etc.).

2) Ce travail nécessite une activité multiple au sein des soviets des députés ouvriers et soldats, l’augmentation du nombre des soviets, leur consolidation, l’union dans leur sein des groupements internationalistes, prolétariens de notre parti.

3) Pour consolider et étendre immédiatement les conquêtes de la révolution sur le plan local, il faut prendre solidement appui sur la majorité de la population et développer, organiser, renforcer systématiquement ses initiatives tendant à l’exercice des libertés, à la destitution des autorités contre-révolutionnaires, à l’application de mesures d’ordre économique : contrôle de la production et de la répartition, etc.

4) La crise politique des 19, 20 et 21 avril, suscitée par la note du Gouvernement provisoire, a montré que le parti gouvernemental des cadets, qui organise en fait les éléments contre-révolutionnaires dans l’armée comme dans la rue, en vient à des tentatives de répression par les armes à l’égard des ouvriers. Etant donné l’instabilité résultant de la dualité du pouvoir, la répétition de telles tentatives est inévitable, et le parti du prolétariat a le devoir absolu de dire au peuple, avec la plus grande énergie, que pour écarter la grave menace de fusillades de masse du prolétariat, comme celles des journées de juin 1848 à Paris, il est indispensable de procéder à l’ organisation et à l’armement du prolétariat, de réaliser l’ alliance la plus étroite entre le prolétariat et l’armée révolutionnaire, et de rompre avec la politique de confiance envers le Gouvernement provisoire.

(tous pour sauf 3 contre et 8 abstentions)

Résolution sur la révision du programme du parti

La conférence estime nécessaire la révision du programme du parti dans le sens suivant :

1. appréciation de l’impérialisme et de l’époque des guerres impérialistes en liaison avec l’imminence de la révolution socialiste ; lutte contre la déformation du marxisme par les « jusqu’auboutistes », qui ont oublié le mot d’ordre de Marx : « Les prolétaires n’ont pas de patrie » ;

2. rectification des thèses et des paragraphes concernant l’Etat, dans un sens correspondant à la revendication d’une république démocratique prolétarienne et paysanne (c’est-à-dire d’un type d’Etat sans police, sans armée permanente, sans corps privilégié de fonctionnaires), et non d’une république parlementaire bourgeoise ;

3. élimination ou rectification des parties vieillies du programme politique ;

4. remaniement de divers points du programme politique minimum, afin de déterminer avec plus de précision les revendications démocratiques plus conséquentes ;

5. remaniement complet, en maints endroits, de la partie économique vieillie du programme minimum, ainsi que des points se rapportant à l’instruction publique ;

6. remaniement du programme agraire conformément à la résolution adoptée sur la question agraire ;

7. inscription au programme de la nationalisation des syndicats patronaux, etc., qui sont le mieux préparés à cette mesure ;

8. adjonction d’une définition des principaux courants du socialisme contemporain.

La conférence charge le Comité central d’élaborer dans les deux mois, sur ces bases, un projet de programme du parti à présenter pour ratification au congrès du parti. La conférence invite toutes les organisations et tous les membres du parti à discuter les projets de programme, à les amender et à élaborer des contre-projets.

Résolution sur le moment présent

La guerre mondiale, engendrée par la lutte que se livrent les trusts mondiaux et le capital bancaire pour s’assurer la domination du marché mondial, a déjà abouti à la destruction massive de valeurs matérielles, à l’épuisement des forces productives et à une telle croissante de l’industrie de guerre que même la production du plus strict minimum d’objets de consommation et de moyens de production devient impossible.

Cette guerre a ainsi placé l’humanité dans une situation sans issue et l’a conduite au seuil de sa perte.

Les prémisses objectives de la révolution socialiste existaient sans nul doute dès avant la guerre dans les pays les plus évolués : elles ont encore mûri et continuent à mûrir très rapidement du fait de la guerre. L’élimination et la disparition des petites et moyennes entreprises s’accélèrent de plus en plus. La concentration et l’internationalisation du capital prennent des proportions gigantesques. Le capitalisme de monopole se transforme en capitalisme monopoliste d’État ; la pression des événements impose une réglementation sociale de la production et de la répartition dans divers pays, dont certains instituent l’obligation générale du travail.

La propriété privée des moyens de production étant maintenue, cette monopolisation et cette étatisation croissantes de la production entraînent nécessairement une exploitation plus intense des masses laborieuses, une oppression plus pesante, la résistance aux exploiteurs devenant plus difficile, elles renforcent la réaction et le despotisme militaire, en même temps qu’elles conduisent inéluctablement à une augmentation inouïe du profit des gros capitalistes aux dépens de toutes les autres couches de la population et qu’elles condamnent les masses laborieuses à verser aux capitalistes, pendant des dizaines d’années, un tribut sous la forme de milliards d’intérêts pour les emprunts. Mais si la propriété privée des moyens de production est abolie, si le pouvoir d’Etat passe entièrement aux mains du prolétariat, ces mêmes conditions garantissent le succès d’une réorganisation de la société qui mettra fin à l’exploitation de l’homme par l’homme, et assurera le bien-être de tous et de chacun.

D’autre part, en 1912, dans le Manifeste de Bâle, les socialistes du monde entier avaient proclamé unanimement, en liaison avec la guerre impérialiste qui approchait alors et qui fait rage aujourd’hui, l’inéluctabilité de la révolution prolétarienne ; cette prévision se vérifie de toute évidence par le cours des événements.

La révolution russe n’est qu’une première étape de la première des révolutions prolétariennes, inévitablement engendrées par la guerre.

Dans tous les pays, l’indignation des larges masses populaires contre la classe des capitalistes s’étend, et le prolétariat prend de plus en plus conscience que seuls le passage du pouvoir entre ses mains et l’abolition de la propriété privée des moyens de production sauveront l’humanité qui court à sa perte.

Dans tous les pays, surtout dans les plus avancés, l’Angleterre et l’Allemagne, des centaines de socialistes, qui ne sont pas passés du côté de « leur » bourgeoisie nationale, ont été jetés en prison par les gouvernements des capitalistes ; en se livrant à de telles persécutions, ces gouvernements ont révélé clairement leur peur de la révolution prolétarienne qui monte au plus profond des masses populaires. Le mûrissement de cette révolution en Allemagne ressort également des grèves de masse, qui se sont particulièrement intensifiées au cours des dernières semaines, ainsi que des progrès de la fraternisation entre soldats allemands et russes sur le front.

La confiance et l’alliance fraternelles entre les ouvriers des différents pays, ces ouvriers qui, pour l’heure, s’exterminent mutuellement dans l’intérêt des capitalistes, sont ainsi en train de se rétablir, ce qui crée des conditions permettant des actions révolutionnaires concertées des ouvriers des différents pays. Seules de telles actions garantissent à la révolution socialiste mondiale le développement le plus régulier et les chances de succès les plus certaines.

Le prolétariat de Russie, agissant dans l’un des pays les plus arriérés d’Europe, parmi une population très nombreuse de petits paysans, ne peut pas s’assigner pour but d’effectuer immédiatement la transformation socialiste.

Mais ce serait commettre l’erreur la plus grave et même, dans la pratique, se placer sur les positions de la bourgeoisie que d’en conclure à la nécessité pour la classe ouvrière de soutenir la bourgeoisie, ou de cantonner son activité dans un cadre acceptable pour la petite bourgeoisie, ou d’abdiquer le rôle dirigeant que doit jouer le prolétariat pour faire comprendre au peuple l’urgence de diverses mesures pratiquement venues à maturité et conduisant au socialisme.

Parmi ces mesures figure, tout d’abord, la nationalisation du sol. Sans sortir du cadre du régime bourgeois, cette mesure porterait cependant un grand coup à la propriété privée des moyens de production et renforcerait d’autant l’influence du prolétariat socialiste sur les semi-prolétaires des campagnes.

Il y a d’autres mesures : l’établissement du contrôle de l’État sur toutes les banques, qui seraient fondues en une seule banque centrale, et aussi sur les sociétés d’assurances et les syndicats capitalistes les plus puissants (par exemple, le syndicat des raffineurs, le syndicat des houillères, le syndicat de la métallurgie, etc.), avec l’introduction graduelle d’une imposition plus équitable, progressive, sur les revenus et les biens. Ces mesures sont du point de vue économique, parvenues à maturité et immédiatement applicables, sans aucun doute, au point de vue technique ; au point de vue politique, elles peuvent être approuvées par l’immense majorité des paysans, qui y gagneront sous tous les rapports.

Outre ces mesures les Soviets des députés ouvriers, soldats, paysans et autres, qui sont en train de couvrir la Russie d’un réseau toujours plus serré, pourraient aussi entreprendre la réalisation de l’obligation générale du travail, en effet, le caractère de ces institutions garantit, d’une part, que toutes ces nouvelles réformes ne seront entreprises qu’à partir du moment où l’immense majorité du peuple aura pris fermement conscience de leur nécessité pratique et, d’autre part, il garantit que ces réformes ne seront pas réalisées par voie bureaucratique et policières, mais grâce à la participation volontaire des masses organisées et armées du prolétariat et de la paysannerie à la gestion de leur propre économie.

Non seulement toutes ces mesures, et d’autres analogues, peuvent et doivent être discutées et préparées pour être appliquées dans l’ensemble du pays dès le passage de tout le pouvoir aux prolétaires et aux semi-prolétaires, mais elles doivent encore être mises en œuvre par les organes révolutionnaires locaux du pouvoir populaire chaque fois que la possibilité s’en présente.

L’application de ces mesures exige des précautions et une circonspection extrême, ainsi que la conquête dans la population d’une solide majorité, bien convaincue que telle ou telle mesure est pratiquement réalisable. Et c’est précisément dans ce sens que doivent se porter l’attention et les efforts de l’avant-garde consciente des masses ouvrières, tenues de venir en aide aux masses paysannes dans la recherche d’une issue à la ruine économique.

(71 pour, 39 contre, 8 abstentions)

Résolution sur la proposition par Borgbjerg d’une conférence socialiste internationale

Au sujet de la venue du « socialiste » danois Borgbjerg et de sa proposition de participer à un congrès de socialistes pour le soutien de la paix, projeté par les socialistes allemands de la tendance Scheidemann et Plekhanov, sur la base de la renonciation par l’Allemagne à la plupart de ses annexions, la conférence décide :

Borgbjerg parle au nom de trois partis scandinaves, ceux de Suède, de Danemark et de Norvège. Il a, pour ce faire, un mandat du parti suédois dirigé par Branting, ce socialiste qui est passé du côté de « sa » bourgeoisie, qui a trahi l’alliance révolutionnaire des ouvriers de tous les pays. Nous ne pouvons considérer ce parti suédois comme un parti socialiste. Nous estimons que le seul parti socialiste en Suède est le parti des jeunes, dirigé par Höglund, lindhagen, Ström, Karlsson, etc.

De même pour le parti danois, qui a également mandaté Borgbjerg, nous ne le considérons pas comme un parti socialiste, car il a à sa tête Stauning, membre d’un ministère bourgeois. L’entrée de Stauning dans un ministère bourgeois a entraîné la protestation et le départ – de ce parti – d’un groupe avec le camarade Trier, qui a déclaré que le parti socialiste danois était devenu un parti bourgeois.

De son propre aveu, Borgbjerg agit en accord avec Scheidemann et d’autres socialistes allemands qui sont passés du côté du gouvernement allemand et de la bourgeoisie allemande.

Il n’y a donc pas le moindre doute que Borgbjerg est en réalité, directement ou non, un agent du gouvernement impérialiste allemand.

En conséquence, la conférence considère que la participation de notre Parti à une conférence à laquelle participent Borgbjerg et Scheidemann est inadmissible pour des raisons de principe, notre tâche n’étant pas de travailler au rassemblement des agents directs ou indirects des différents gouvernements impérialistes, mais d’unir les ouvriers de tous les pays, qui mènent dès à présent, en pleine guerre, une lutte révolutionnaire contre leurs propres gouvernements impérialistes.

C’est seulement avec de tels partis et groupes que des conférences et des rapprochements peuvent effectivement hâter la conclusion de la paix.

Nous mettons les ouvriers en garde contre la confiance qu’ils pourraient donner à une conférence organisée par Borgbjerg, car cette conférence de pseudo-socialistes ne sera qu’une comédie destinée à masquer les manœuvres auxquelles les diplomates se livreront dans la coulisse, en troquant leurs annexions les unes contre les autres, en « donnant », par exemple, l’Arménie aux capitalistes russes, en « donnant » à l’Angleterre les colonies allemandes qu’elle a volées, en échange de quoi ils « céderont » peut-être aux capitalistes allemands une partie des terrains métallifères de Lorraine qui contiennent d’immenses gisements de minerai de fer d’excellente qualité, etc.

Les socialistes ne peuvent, sans trahir la cause prolétarienne, prendre une part ni directe ni indirecte à ces sordides et cupides marchandages entre capitalistes de différents pays se partageant le butin de leurs rapines.

En même temps, la conférence constate que, même lorsqu’ils s’expriment par la voie de Borgbjerg, les capitalistes allemands ne renoncent pas à toutes leurs annexions, sans parler de l’évacuation militaire immédiate des territoires qu’ils ont annexés par la force. Car les régions danoises de l’Allemagne, ses régions polonaises, les parties françaises de l’Alsace, sont des annexions des capitalistes allemands au même titre que la Courlande, la Finlande, la Pologne, l’Ukraine, etc., sont des annexions des tsars russes et des capitalistes russes.

Quant à la restauration de l’indépendance polonaise, il s’agit d’une supercherie, de la part aussi bien des capitalistes austro-allemands que du Gouvernement provisoire russe, qui parle, dit-on, d’une alliance militaire « libre » entre la Pologne et la Russie. Car, pour déterminer réellement la volonté des peuples de toutes les régions annexées, il est indispensable que les troupes soient retirées et que la population soit librement consultée. Les promesses gouvernementales ne trouveraient un commencement d’exécution que si une telle mesure était appliquée à toute la Pologne (non seulement, par conséquent, aux territoires annexés par les Russes, mais également à ceux annexés par les Allemands et les Autrichiens), ainsi qu’à toute l’Arménie, etc.

En outre, la conférence constate que les socialistes anglais et français, passés dans le camp de leurs gouvernements capitalistes, ont refusé de se rendre à la conférence organisée par Borgbjerg. Ce fait montre clairement que la bourgeoisie impérialiste anglo-française, dont ces pseudo-socialistes sont des agents, veut continuer, veut faire durer cette guerre impérialiste, sans même vouloir examiner les concessions que la bourgeoisie impérialiste allemande est obligée de promettre par l’intermédiaire de Borgbjerg sous la pression croissante de la misère, de la famine et de la ruine et, surtout, de la révolution ouvrière imminente en Allemagne.

La conférence décide de donner à tous ces faits la plus large publicité et, notamment, d’en informer avec la plus grande précision les soldats russes sur le front ; que les soldats russes sachent que les capitalistes anglo-français et, à leur suite, les capitalistes russes, font durer la guerre, sans vouloir accepter même une telle conférence sur les conditions de paix.

Que les soldats russes sachent que le mot d’ordre de « guerre jusqu’ à la victoire » masque actuellement le désir de l’Angleterre, de raffermir sa domination à Bagdad et dans les colonies allemandes d’Afrique, le désir des capitalistes russe de piller et d’étrangler l’Arménie, la Perse, etc., le désir de voir l’effondrement total de l’Allemagne.

Que les soldats russes organisent sur le front des référendums dans chaque unité, dans chaque régiment, dans chaque compagnie pour dire s’ils veulent que les capitalistes prolongent ainsi la guerre, ou s’ils veulent que la totalité du pouvoir passe exclusivement aux mains des soviets des députés ouvriers et paysans pour mettre fin à la guerre aussi rapidement que possible. Le parti du prolétariat de Russie n’acceptera de rencontrer, afin de contracter avec eux une alliance fraternelle, que les partis ouvriers des autres pays qui mènent aussi dans leur propre pays une lutte révolutionnaire pour le passage de tout le pouvoir au prolétariat.

Résolution sur la question agraire

La grande propriété foncière est en Russie la base matérielle du pouvoir des féodaux de la terre et le gage d’une restauration éventuelle de la monarchie. Elle voue inéluctablement l’immense majorité de la population de la Russie, la paysannerie, à la misère, à la servitude, à l’abêtissement ; elle condamne le pays entier à un état d’infériorité dans tous les domaines de la vie.

La propriété paysanne en Russie, tant concédée (aux communautés et aux familles paysannes) que privée (terres louées et achetées), est de bas en haut, de long en large, dominée par les vieux liens et rapports de demi-servage, par la division des paysans en catégories héritées du servage, par la dispersion des parcelles, etc., etc. La nécessité d’abattre toutes ces barrières surannées et nuisibles, la nécessité de « décloisonner » la terre, de refondre tous les rapports de propriété et d’exploitation de la terre en les adaptant aux conditions nouvelles de l’économie du pays et du monde entier, constitue la base matérielle des tendances des paysans à la nationalisation de toutes les terres dans l’Etat.

Quelles que soient les utopies petites-bourgeoises dont tous les partis et groupes populistes parent la lutte des masses paysannes contre la propriété des féodaux et, d’une façon générale, contre toutes les entraves de caractère féodal, qui pèsent sur la possession et la jouissance de la terre en Russie, cette lutte traduit par elle-même une tendance démocratique bourgeoise caractérisée, tendance indéniablement progressive et économiquement nécessaire à la destruction radicale de toutes ces entraves.

La nationalisation du sol, mesure bourgeoise, donne à la lutte des classes le champ libre, autant qu’il est possible et concevable dans la société capitaliste, ainsi qu’une jouissance libre du sol, débarrassée de toutes les survivances antérieures au régime bourgeois. De plus, en abolissant la propriété privée des terres, la nationalisation du sol porterait pratiquement un coup si formidable à la propriété privée de tous les moyens de production en général, que le parti du prolétariat doit contribuer par tous les moyens à la réalisation de cette réforme.

D’autre part, la paysannerie riche de Russie a depuis longtemps créé les éléments d’une bourgeoisie rurale, éléments que la réforme agraire de Stolypine a sans aucun doute renforcés, multipliés, affermis. A l’autre pôle du village se sont de même multipliés les ouvriers salariés de l’agriculture, les prolétaires et la masse de paysans semi-prolétaires qui leur sont apparentés ; ils sont devenus une force.

Plus la destruction et la suppression de la grande propriété foncière se feront avec résolution et esprit de suite, plus on procédera avec résolution et esprit de suite, d’une façon générale, à la réforme agraire démocratique bourgeoise en Russie, et plus la lutte de classe du prolétariat agricole se développera rapidement et énergiquement contre la paysannerie riche (la bourgeoisie rurale).

Selon que le prolétariat des villes réussira à entraîner derrière lui le prolétariat rural et à lui adjoindre la masse des sous-prolétaires des campagnes, ou que cette masse suivra la bourgeoisie paysanne encline à s’allier à Goutchkov, à Milioukov, aux capitalistes et aux grands propriétaires fonciers et, d’une façon générale, à la contre-révolution, le sort et l’issue de la révolution russe seront décidés dans un sens ou dans un autre, pour autant que la révolution prolétarienne qui commence en Europe n’exercera pas directement sur notre pays sa puissante influence.

Partant de cette situation des classes et du rapport des forces en présence, la conférence décide :

1. Le parti du prolétariat lutte de toutes ses forces pour la confiscation immédiate et complète de toutes les terres de grands propriétaires fonciers de Russie (et aussi des terres des apanages, de l’Eglise, de la couronne, etc., etc.)

2. Le parti s’affirme résolument pour le passage immédiat de toutes les terres aux paysans organisés en soviets des députés paysans, ou dans d’autres organismes d’auto-administration locale élus d’une façon vraiment et pleinement démocratique et jouissant d’une entière indépendance à l’égard des grands propriétaires fonciers et des fonctionnaires.

3. Le parti du prolétariat exige la nationalisation de toutes les terres du pays en entendant par nationalisation le transfert à l’Etat du droit de propriété sur toutes les terres, le droit d’en disposer étant laissé aux institutions démocratiques locales.

4. Le parti doit lutter résolument contre le gouvernement provisoire, qui, par la bouche de Chingarev ainsi que par ses propres déclarations collectives, impose aux paysans un « accord à l’amiable avec les grands propriétaires fonciers », c’est-à-dire, en fait, une réforme de tendance nettement seigneuriale, et menace de châtier les paysans pour « actes arbitraires », une minorité de la population (grands propriétaires fonciers et capitalistes) devant ainsi exercer la violence contre la majorité ; le parti doit combattre également les hésitations petites-bourgeoises de la majorité des populistes et des sociaux-démocrates mencheviks, qui recommandent aux paysans de ne pas prendre toute la terre avant l’Assemblée constituante.

5. Le parti recommande aux paysans de prendre la terre de façon organisée, sans causer le moindre dégât aux biens, et en ayant soin d’augmenter la production.

6. D’une façon générale, toutes les réformes agraires ne peuvent être efficaces et durables que si l’Etat tout entier est pleinement démocratisé, c’est-à-dire, d’une part, si l’on supprime la police, l’armée permanente et le corps privilégié de fonctionnaires ; et si, d’autre part, on institue l’autonomie administrative locale la plus large, entièrement dégagée de toute surveillance ou tutelle s’exerçant d’en haut.

7. Il faut immédiatement et en tous lieux commencer à organiser à part, et de façon autonome, le prolétariat agricole, tant sous la forme de soviets des députés des ouvriers agricoles (et aussi de soviets distincts de députés des paysans semi-prolétaires) que sous la forme de fractions ou groupes prolétariens dans les soviets communs des députés paysans, dans tous les organismes d’auto-administration des villes et des campagnes, etc., etc.

8. Le parti doit soutenir l’initiative des comités paysans qui, dans diverses régions de la Russie, transmettent le cheptel mort et vif des grands propriétaires fonciers aux paysans organisés dans ces comités, afin qu’il soit utilisé pour la culture de toutes les terres, suivant un règlement établi par la collectivité.

9. Le parti du prolétariat doit recommander aux prolétaires et aux sous-prolétaires des campagnes de transformer chaque grand domaine en une entreprise agricole modèle assez importante, gérée pour le compte de la société par les soviets des députés des ouvriers agricoles, sous la direction d’agronomes et en usant de la meilleure technique.

Résolution sur l’union des internationalistes contre le bloc jusqu’auboutiste petit-bourgeois

Considérant :

1) que les partis socialiste-révolutionnaire, social-démocrate menchevik, etc., sont passés, dans l’immense majorité des cas, sur les positions du « jusqu’au-boutisme révolutionnaire », c’est-à-dire qu’ils soutiennent la guerre impérialiste (en votant les emprunts et en soutenant le Gouvernement provisoire, qui représente les intérêts du capital) ;

2) que, par toute leur politique, ces partis défendent les intérêts et les vues de la petite bourgeoisie et corrompent le prolétariat en le soumettant à l’influence de la bourgeoisie, en lui suggérant qu’il serait soi-disant possible de modifier la politique impérialiste du gouvernement et de lui faire abandonner la voie des attentats contre-révolutionnaires à la liberté en passant avec lui des accords, en le « contrôlant », en entrant dans le ministère, etc. ;

3) que cette politique alimente et renforce les sentiments de crédulité aveugle des masses envers les capitalistes, alors que ces sentiments constituent le principal obstacle au développement de la révolution et rendent possible sa défaite par la contre-révolution des grands propriétaires fonciers et de la bourgeoisie,

la conférence décide :

1) que l’union avec les partis et les groupes qui pratiquent cette politique est absolument impossible ;

2) que le rapprochement et l’union avec les groupes et les courants qui se placent réellement sur le terrain de l’internationalisme sont indispensables, sur la base de la rupture avec la politique petite-bourgeoise de trahison du socialisme.

(tous pour moins 10 abstentions)

Résolution sur les soviets des députés ouvriers et soldats

Après avoir étudié le rapport et les communications des camarades travaillant dans les soviets des députés ouvriers et soldats de diverses localités de Russie, la conférence définit sa position comme suit :

Dans toute une série de localités de province, la révolution va de l’avant, par l’organisation spontanée du prolétariat et de la paysannerie au sein des soviets, par l’élimination, sur l’initiative d’en bas, des anciennes autorités, par la création d’une milice ouvrière et paysanne, par le passage de toutes les terres aux mains des paysans, par l’instauration du contrôle ouvrier dans les fabriques, par l’introduction de la journée de huit heures, par l’augmentation des salaires, par la continuation de la production sans baisse de rendement, par le contrôle des ouvriers sur la répartition des vivres, etc.

Cette croissance de la révolution en étendue et en profondeur dans les provinces marque, d’une part, l’essor du mouvement en faveur du passage de tout le pouvoir aux soviets et de l’instauration du contrôle des ouvriers et des paysans eux-mêmes sur la production ; elle garantit d’autre part que les forces s’organisent dans tout le pays en vue de la deuxième étape de la révolution, qui doit faire passer la totalité du pouvoir aux soviets ou à d’autres organes exprimant directement la volonté de la majorité du peuple (organes d’auto-administration locale, assemblée constituante, etc.).

Le passage du pouvoir aux soviets dans les capitales et dans certaines grandes villes soulève des difficultés considérables et demande une préparation particulièrement longue des forces du prolétariat. C’est là que les forces principales de la bourgeoisie se trouvent concentrées. C’est là qu’est poussée le plus loin la politique d’entente avec la bourgeoisie, politique qui entrave fréquemment l’initiative révolutionnaire des masses et restreint leur autonomie, ce qui est particulièrement dangereux en raison du rôle dirigeant que ces soviets exercent sur la province.

C’est pourquoi le parti du prolétariat a pour tâche, d’une part, de favoriser par tous les moyens le développement de la révolution sur le plan local, comme nous l’avons rappelé plus haut, et, d’autre part, de lutter systématiquement au sein des soviets (par la propagande et en suscitant leur renouvellement), pour assurer le triomphe de la ligne prolétarienne ; tous les efforts et toute l’attention doivent être portés sur la masse des ouvriers et des soldats, sur la différenciation à établir entre la ligne prolétarienne et la ligne petite-bourgeoise, la ligne internationaliste et la ligne jusqu’auboutiste, la ligne révolutionnaire et la ligne opportuniste, sur l’organisation et l’armement des ouvriers, sur la préparation de leurs forces pour l’étape suivante de la révolution.

La conférence déclare une fois de plus qu’il est indispensable de poursuivre un travail systématique dans tous les domaines à l’intérieur des soviets des députés ouvriers et soldats, d’en augmenter le nombre, d’en accroître les forces et d’unir étroitement dans leur sein les groupes prolétariens, internationalistes, de notre parti.