Une autre partie de la déclaration considère Hollande comme le plus important « candidat du mouvement ouvrier. » Avec ces déclarations, le GB-CCI-(t) contribue à tromper les travailleurs, alors que ce qu’un parti qui se considère comme marxiste révolutionnaire devrait faire, c’est avertir les travailleurs que -comme le démontre son programme- c’est faux que Hollande est un candidat du mouvement ouvrier, et qu’en réalité Hollande est l’un des principaux candidats de la bourgeoisie, et le PS est l’un des piliers du régime bourgeois impérialiste français. Et que comme le démontre l’attitude des autres partis en Europe, comme le PSOE et le PASOK, contre la crise capitaliste, les «socialistes» sont les plus grands défenseurs de l’ordre bourgeois en appliquant les politiques anti-ouvrières exigées par la bourgeoisie. Que Hollande et le PS ne fera rien d’autre en France. Qu’en votant pour Hollande Sarkozy peut être battu, mais cela ne signifie pas une défaite pour la bourgeoisie, mais seulement un changement de personnel politique de l’Etat, qui également défendra ses intérêts de classe.
Faire croire aux travailleurs qu’Hollande n’est pas en mesure d’effectuer une nouvelle offensive beaucoup plus dure contre les travailleurs, c’est aider à créer des illusions dans le PS et jeter de la terre sur les yeux des travailleurs. C’est une politique opportuniste qui n’a rien à voir avec une quelconque tradition ou antécédent tactique léniniste ou trotskyste.Singulièrement ils appellent à voter Hollande sans soutien à son programme « puisque les revendications des travailleurs chaque fois plus urgentes sont totalement incompatibles avec son programme. » Ils ne peuvent pas appeler les choses par leur nom, en affirmant que son programme est purement bourgeois, puisque dans ce cas l’incohérence de sa politique ressortirait de manière encore plus évidente : « vote pour un candidat bourgeois avec un programme bourgeois pour vaincre la bourgeoisie ! »
Le moindre malEn fait, la politique de GB-CCI-(t) s’inscrit dans la ligne réformiste de soutenir le « moindre mal » parmi les candidats bourgeois, comme Hollande promet d’appliquer une politique keynésienne pour aider la croissance, contre la politique d’ajustement impulser par le bloc Merkel-Sarkozy.« La social-démocratie soutient Brüning, voter pour lui, c’est prendre la responsabilité de sa politique pour les masses sur la base de l’affirmation selon laquelle le gouvernement Brüning est un « moindre mal »…« Nous, en tant que marxistes considérons autant Brüning et Hitler que Braun comme les représentants d’un seul et même système. Le problème de savoir lequel d’entre eux est un moindre mal n’a pas de sens, parce que leur système, contre lequel nous nous battons, a besoin de tous ces éléments. » (Léon Trotsky, la lutte contre le fascisme en Allemagne).
Si ces « éléments » étaient en conflit comme ils l’étaient à un moment entre la SD allemande et Hitler, le parti du prolétariat pourrait avoir une politique visant à utiliser ce conflit dans l’intérêt de la révolution, comme l’a fait Trotsky en proposant la politique du front unique du PC et du PSD. Mais et encore, sous aucune condition cette utilisation impliquerait un soutien politique à aucun parti bourgeois. Mais entre Hollande et la bourgeoisie impérialiste française, il n’y a aucun conflit. Et pourtant, le GB-ITC-(t) appelle à voter pour l’un des principaux candidats de la bourgeoisie, se compromettant devant les masses, avec son soutien critique à Hollande.
Un débat nécessaireAu cours de la visite de notre parti de deux membres du Bureau politique du COREP, nous avons eu l’occasion de poursuivre le débat sur le caractère actuel des soi-disant « partis ouvriers bourgeois », situé dans le contexte d’échange de lettres depuis le début de notre relation politique. La discussion a eu son origine par rapport à la tactique électorale de GB dans les élections françaises de 2007. Mais la discussion que nous proposions n’était pas simplement de savoir si l’application d’une tactique était correcte ou non, mais a soulevé la question de savoir si le PSF était encore un parti ouvrier bourgeois, ou était devenu un parti bourgeois « normal » comme tout autre.
Dans cette lettre, nous voulons reprendre cette discussion et argumenter sur le caractère de classe du PS et de la position commune adoptée par le GB et le CCI-(t) avant le second tour des élections en France.Pendant le deuxième tour des élections de 2007, GB a appelé à voter PS en disant que c’était un vote contre la classe bourgeoise. Dans le premier tour de 2012, GB a appelé à voter « contre les partis de la classe dirigeante » et pour les partis « qui viennent de la classe ouvrière » incluant de toute évidence en premier lieu le PS, comme si le PS n’était pas un des principaux partis de la classe dirigeante bourgeoise ! Dans la déclaration conjointe du GB-ITC-(t) pour le 1er mai il est proposé de voter pour Hollande, sans soutien à son programme.
Définir le caractère de classe d’un partiPour tout marxiste la première définition de base pour distinguer le caractère de classe d’un parti est son programme.Les partis bourgeois fondent leur programme sur la défense ouverte de la propriété privée des moyens de production, tandis que les partis ouvriers proposent leur socialisation.
Les partis ouvriers réformistes ont proposé la socialisation des moyens de production comme programme maximum, même si dans leur pratique politique ils n’ont jamais dépassé le programme minimum de réformes. Cela est une première distinction élémentaire du point de vue du programme. « La démocratie sociale classique, qui opérait dans une ère de capitalisme progressif, a divisé son programme en deux parties indépendantes les unes des autres, le programme minimum, qui a été limité à des réformes dans le cadre de la société bourgeoise, et le programme maximum qui promettait le remplacement du capitalisme par le socialisme dans un avenir indéterminé. Entre le programme minimum et maximum il n’y avait pas de pont. Et en effet, la social-démocratie n’a pas besoin d’un pont, puisque le mot « socialisme » ne sert qu’aux discours du dimanche. » (Programme de transition).Du point de vue de la stratégie, un parti ouvrier réformiste se distingue d’un révolutionnaire, parce que le premier rejette la dictature du prolétariat comme moyen pour l’établissement du socialisme, et propose à la place la lutte pour des réformes partielles par la voie électorale et le parlementarisme dans le cadre du régime bourgeois.
Bien sûr, l’adhésion à un programme révolutionnaire est une condition nécessaire mais pas suffisante pour caractériser un parti en tant que tel. L’opportunisme peut faire une reconnaissance formelle du programme révolutionnaire, tandis que son comportement politique a tendance à transiger avec la bourgeoisie, et introduit par la propagande l’idéologie bourgeoise dans la conscience du prolétariat. À son tour le centrisme et le gauchisme (ou l’ultra-gauchisme) reflètent politiquement, idéologiquement et socialement la petite bourgeoisie.
La Première Guerre mondiale et plus tard la Révolution russe d’Octobre 1917 ont divisé définitivement les partis qui intégraient la Deuxième Internationale, ce qui a conduit à la fondation de la Troisième Internationale qui revendiquait la dictature du prolétariat, alors que les partis qui ont soutenu leurs bourgeoisies dans la guerre et s’opposaient à la dictature du prolétariat ont été caractérisés par Lénine et le Komintern comme social-chauvinistes et comme « partis ouvriers bourgeois ». Ces derniers se sont regroupés et ont fondé en 1923 l’internationale social-démocrate (International Socialist Workers), ils ne représentaient plus les intérêts du prolétariat international en tant que classe, mais les intérêts de leurs bourgeoisies nationales respectives, agissant comme leurs agents dans le mouvement ouvrier.C’est pour cette raison que, bien que dans de nombreux cas ils ont été appelés « partis ouvriers » pour leur composition sociale, ce n’était pas leur principale caractéristique ou déterminante. L’essentiel est que ceux-ci étaient un type spécifique de partis bourgeois : des partis bourgeois avec un programme réformiste et une assise ouvrière.
Pour qu’il n’y ait plus de doutes, pour démontrer que tant que Lénine que Trotsky affirmaient cette caractérisation, nous prenons deux citations qui se réfèrent à des partis avec une base majoritairement ouvrière mais d’origine différente.
« Bien sûr, le Parti travailliste, dans sa majeure partie, se compose d’ouvriers. Toutefois, le fait qu’un parti soit ou non un authentique parti politique ouvrier, ne dépend pas seulement du fait que des ouvriers y soient intégrés, mais aussi de qui le dirige et du contenu de son action et de sa tactique politique. Seuls ces derniers éléments nous permettent de déterminer si c’est vraiment un parti politique prolétarien. De ce point de vue, ce qui est correct c’est que, le Parti travailliste est bourgeoise dans l’âme, même s’il est composée d’ouvriers, il est dirigé par des réactionnaires, agissant entièrement dans l’esprit de la bourgeoisie, qui existe pour tromper systématique les ouvriers, avec la collaboration des Noske et des Scheidemann anglais. » (Lénine, tome XXXI OC 245 et 246 p, éd. Carthage).
« Le Parti communiste est un parti prolétarien, anti-bourgeois, bien qu’il soit mal dirigé. La social-démocratie est un parti entièrement bourgeois, dirigé en conditions normales très habilement du point de vue de la bourgeoisie, mais ce parti ne sert à rien en temps de crises sociales. Les dirigeants sociaux-démocrates sont complètement contraints, bon gré mal gré, à admettre le caractère bourgeois de leur parti. » (LT, « La lutte contre le fascisme en Allemagne », p 96, éditeur de Fontamara).Le Parti ouvrier-bourgeois est un parti bourgeois avec un programme socialiste-réformiste, composé principalement d’ouvriers, ou avec une influence importante sur la classe ouvrière. Dans certaines circonstances, il est permis d’appeler à voter pour les partis ouvrier-bourgeois comme l’ont fait Lénine et Trotsky, pour que la classe ouvrière fasse ses propres expériences avec ses dirigeants opportunistes au pouvoir.
Mais un parti avec un programme purement bourgeoise qui a éliminé toutes les références au socialisme, même s’il obtient le soutien électoral d’une partie importante des ouvriers, n’est pas un parti ouvrier-bourgeois, mais directement un parti bourgeois.Nous pensons que autant le PS, que d’autres partis sociaux-démocrates, comme le PL Anglais, qui ont depuis longtemps abandonné le programme socialiste-réformiste, sont devenus purement et simplement des partis bourgeois, à composantes petite bourgeoise et d’aristocratie ouvrière.Lorsque nous avons présenté notre point de vue sur cette question à GB, on nous a demandé si nous pensions que la bourgeoisie n’avait plus besoin d’agents au sein du mouvement ouvrier. Ce n’est pas ce que nous disons. Bien sûr que la bourgeoisie nécessite ces agents et en a encore dans le mouvement ouvrier. Seulement maintenant, à cause du terrible déclin dans la conscience de la classe ouvrière, qui n’a pas même le « socialisme réel » des ex Etats ouvriers bureaucratiques en référence, ces agents n’ont pas besoin de se cacher avec un programme réformiste déguisé « d’ouvrier et de socialiste. » Ils leur suffisent de réciter les avantages de la « troisième voie » : démocratie participative, intervention de l’Etat dans l’économie, et espoir d’une meilleure répartition des richesses.
Dans le programme du PS, qui déjà avant ne faisait qu’une vague référence à l’objectif d’attendre le socialisme, a éliminé cette formulation, en le remplaçant par le but non moins vague et trompeur de lutter pour une démocratie bourgeoise « plus juste et plus participative. » Mais en plus du programme purement bourgeois du PS, ceci est sa pratique politique exercée au cours de ses années passées au gouvernement. Comme le dénonce correctement GB dans Révolution socialiste n°37 :« Hollande veut rassurer ses maîtres : il n’a jamais pris au sérieux la devise de « socialiste », ni le surnom de « travailliste » en Grande-Bretagne, il s’en sert pour exploiter politiquement les employés : « La gauche a gouverné pendant 15 ans pendant lesquelles nous avons libéralisé l’économie et ouvert les marchés à la finance et aux privatisations. Il n’y a rien à craindre. (Le Guardian, 13 Février 2012) »
Personne ne peut caractériser un parti « d’ouvrier » par le simple fait qu’il recueille le vote des ouvriers, parce que si nous prenions ce paramètre là comme primordial, nous devrions caractériser comme parti ouvrier-bourgeois, le Parti démocratique de EE-UU et appeler à voter Obama contre le candidat républicain (suivant la « logique » de GB : quel est le parti ouvrier-bourgeois de EE-UU ? ou la bourgeoisie Yankee n’a-t-elle plus besoin d’agents dans le mouvement ouvrier ?).Ni par le fait de s’appeler ou s’autoproclamer « socialiste », car nous serions alors obligés de considérer comme ouvrier-bourgeois le Mouvement Bolivarien de Chavez. En Argentine, la majorité des ouvriers votent pour les différentes factions du péronisme, dont certaines chantent parfois encore la marche partisane qui revendique comme le « premier salarié » le général Perón et qu’ils sont «… en train de combattre contre le capital. »On ne peut pas non plus faire simplement appel à ses origines, parce que le caractère de classe des partis ouvriers n’est pas immuable.
Une lettre de GB en réponse à nos premières critiques nous donne des exemples de ces mutations : « Les vieux partis « communistes » des pays capitalistes ne sont pas à proprement parler staliniens dans la mesure où, sous la pression de la bourgeoisie mondiale, la bureaucratie au pouvoir a détruit les Etats ouvriers et a restauré le capitalisme. En Europe, plus rien ne différencie les derniers partis de masses nés du stalinisme de la social-démocratie traditionnelle… Quant aux partis uniques qui servaient de paravent à la bureaucratie, ils ont engendré toutes sortes de partis : des partis bourgeois (y compris fascistes) ou des partis de type sociaux-démocrates … « « En raison de la puissance de la bourgeoisie et, inversement, de la lutte du prolétariat, l’influence de la bureaucratie ouvrières dans la classe ouvrière varie au fil du temps. Dans ces processus, il arrive parfois que des individus, des fractions de partis ou de syndicats d’une même origine ouvrière et des partis entiers, disparaissent ou ouvertement s’unissent à la bourgeoisie. Le clivage des « néo-socialistes » PS-SFIO, qu’a connu Trotsky en est un exemple ; plus tard, une fraction du PS-SFIO et une fraction du PCF sont devenues fascistes à la fin des années 1930. Les cas les plus récents en Europe sont la fusion d’une minorité de l’ancien Parti travailliste britannique (SPD) avec le Parti libéral-démocrate en 1988 et la fusion de l’ancien majorité du parti stalinien en Italie (DS) avec une fraction de l’ancien Parti démocrate-chrétien (Margherita), pour fonder le Parti démocrate en 2007. »
Les aveux d’une des parties exemptent d’apporter une preuveDans le point 4 de la Déclaration conjointe du 8 Avril, appelant à la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire et d’une internationale ouvrières révolutionnaire, le GB-CCI-(t) ont écrit :4 / La relation entre la classe ouvrière et les vieux partis réformistes a été modifié, les liens de la démocratie sociale et de la classe ouvrière se sont affaiblis. Après la destruction de la IIe Internationale qui part son soutien à l’« union sacrée » a sauvé le capitalisme à la fin de la Première Guerre mondiale et a isolé le succès de la révolution en Russie, après la faillite face au fascisme, après la reconstruction avec les staliniens de l’Etat bourgeois en Italie et en France, après avoir mené les guerres coloniales, participer à des gouvernements bourgeois qui imposent l’austérité, la privatisation et la destruction des acquis sociaux. La réintroduction du capitalisme en URSS et la Chine qui a restauré le capitalisme mondial a donné un coup de pouce temporaire dans les années 1990 alors qu’il a renforcé l’aristocratie ouvrière et la bourgeoisie dans les pays impérialistes. La social-démocratie repose sur cette couche et se fait ainsi directement et ouvertement l’avocat du capitalisme et de la bourgeoisie. La soi-disant « internationale socialiste » inclus des partis bourgeois nationalistes, y compris, jusqu’à ce qu’ils tombent, les despotes Ben Ali de la Tunisie, le despote de la Côte d’Ivoire Gbagbo, le tyran Moubarak.
Presque tous les agents de la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière (travaillistes, les sociaux-démocrates, ex-stalinien …) ne se réclament plus du socialisme depuis la restauration du capitalisme dans les Etats ouvriers les plus importants ».Dans ces conditions, la classe ouvrière a beaucoup moins d’illusions dans les partis réformistes, même si elle continue de voter pour eux. La crise économique pousse les vieux partis ouvriers-bourgeois à droite, tandis que la classe ouvrière cherche le chemin de la révolution prolétarienne. Toutefois, en l’absence du Parti Révolutionnaire des Travailleurs, le réformisme a émergé des cendres sous la forme de nouvelles organisations, en occupant la place laissée par les vieux partis réformistes et en utilisant un langage qui semble plus radical que ces derniers, trompant la classe ouvrière et de la jeunesse par la promotion d’attentes dans la « répartition des richesses » dans le cadre de l’Etat bourgeois. »
GB et le CCI-(t) ne peut pas prétendre que le PS est un parti ouvrier-bourgeois en s’appuyant sur la caractérisation marxiste. Sa politique électorale est ouvertement en confrontation face à sa propre description des événements. En se basant uniquement sur le fait qu’un grand nombre d’ouvriers vont voter pour lui, ou de prendre comme argument qu’il vient de la classe ouvrière, pour appeler à voter pour lui comme s’il s’agissait d’un vote de « classe contre classe », plaçant en arrière-plan le caractère bourgeois d’Hollande et du PS, est une erreur opportuniste.PRS/20 DC mai 2012