LA LUTTE DES CLASSES MOTEUR DE L’HISTOIRE
NULLE PART LE PROLÉTARIAT N’EST ECRASÉ
L’effondrement de l’ex-URSS provoque des ravages dans la conscience de la classe ouvrière mondiale.
Les partis social-démocrates et ex-staliniens (avec l’appui des groupes gauchistes dégénérés), s’appuyant sur cette situation, organisent le désarmement politique et théorique de la classe ouvrière, cherchent à ce que la désorientation actuelle de la classe ouvrière, de la jeunesse, soit la plus totale possible.
On est obligé de constater que le prolétariat n’a pas actuellement l’activité révolutionnaire qu’il eut au cours des années 70 et 80, l’impérialisme a repris l’initiative.
D’ores et déjà la progression de la restauration capitaliste dans les pays de l’ex-URSS et de la partie Est de l’Europe sonne durement le prolétariat mondial et le marque. Arguer en contrepartie qu’il s’est accru en nombre ne signifie pas grand chose quant à la perspective de la révolution prolétarienne, d’autant qu’au cours de ces vingt dernières années, dans les pays capitalistes dominants, le nombre de travailleurs productifs s’est réduit de façon importante. S’il s’agissait du nombre de prolétaires, il y a longtemps que le prolétariat aurait pris le pouvoir dans les pays capitalistes dominants. La véritable question est celle de la direction révolutionnaire. Plus que jamais, ainsi que l’écrit le programme de transition :
« Tout dépend du prolétariat, c’est à dire au premier chef de son avant-garde révolutionnaire. La crise de l’humanité se réduit à la crise de la Direction révolutionnaire. »
Mais quels que soient les coups qu’il a subis, nulle part le prolétariat n’a été écrasé. Dans les pays de l’ex-URSS et de la partie Est de l’Europe, le prolétariat a acquis des droits, la possibilité de s’organiser. La réunification des prolétariats allemands, celle du prolétariat européen, sont des acquis pour eux, même si jusqu’à présent ils n’ont pas été en mesure de les utiliser vraiment.
Dans l’immédiat, l’extrême degré de putréfaction atteint par le capitalisme, la société bourgeoise, la situation de crise récurrente qui est la sienne (avec des oscillations), le risque d’une crise disloquante, contraignent les différentes bourgeoisies à mener des attaques frontales contre leur prolétariat. Nécessairement, aussi handicapés politiquement qu’ils soient, ces prolétariats s’efforceront d’engager de puissants combats qui poseront y compris la question du pouvoir et dans des conditions nouvelles, la question de la construction de Partis Ouvriers Révolutionnaires et d’une Internationale Ouvrière Révolutionnaire.
Mais la question du programme, celle des rythmes et des délais, pour la construction d’une telle organisation seront déterminantes. Aussi petit soit-il, le Comité a un rôle fondamental à jouer car le mouvement spontané ne peut créer un parti révolutionnaire équipé de pied en cap d’un programme concentrant les acquis du mouvement ouvrier : la lutte des classes demeure le moteur de l’Histoire ; mais à l’époque des guerres et des révolutions, la question du parti est la question centrale à résoudre.
DE NOUVEAU SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE : QUELQUES DONNÉES RÉCENTES
La presse publie quotidiennement une masse de chiffres dont beaucoup — journaliers ou mensuels, souvent rectifiés après coup — se télescopent avec des projections vite démenties par les faits. L’attention portée aux résultats immédiats est d’autant plus forte que sont grandes les craintes d’un « crash » boursier ou monétaire. Du coup, certains aspects essentiels sont gommés.
La reprise ? Sa caractéristique première est d’être fragile et fragmentée :
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aux USA : la crise des années 90-92 a été suivie d’une nette reprise en 93-94. Pour l’année 95, les données corrigées six mois après montrent un reflux de cette reprise à +2 %.
Pour 1996, les augures de l’OCDE et du F.M.I. prévoyaient +1,8% ou +2% de hausse du PIB. Mais le premier semestre 96 voyait cette reprise rebondir, et les estimations pour 1996 remontent à +3 %. D’ores et déjà de juillet 95 à juillet 96, la production industrielle a crû de +3,8 %.
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au Japon : la situation est déjà différente. En dépit de plusieurs lourds « plans de relance », le PIB de 1995 a stagné (+0,9 %). Le premier semestre 1996 montrait une légère progression, mais fort chaotique : d’un mois sur l’autre, la production industrielle alterne entre nette reprise et chute brutale, parfois exceptionnelle (mars et juin 96).
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en Europe : globalement la situation est encore plus difficile et très différente d’un pays à l’autre. Son pivot, l’Allemagne, touché par la récession de 1992-94, avait vu sa situation se redresser. Ce fut bref : une chute brutale fin 1995 ramena la hausse du PIB annuel à 1,9 %. Au premier semestre 96, les taux toujours négatifs officialisaient la « récession ». Une légère reprise au début de l’été 1996 permettait aux « experts » d’avancer pour l’ensemble de l’année +0,5%, voire +1 %. Le même pronostic de +1% est formulé pour la France en 1996, après une hausse du PIB en 1995 de +2,4 %. Idem le Danemark (+0,5% prévu pour 1996).
Mais pour d’autres pays, le reflux est limité : en Italie, le PIB de 1995 (3,2%) reculerait à +2% en 1996, et en Grande-Bretagne de 2,4% à 2%.
Jouent de manière considérable, et différente, dans cette situation, trois facteurs principaux :
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la baisse de la valeur de la force de travail imposée à la classe ouvrière (plus brutale aux USA et en Grande-Bretagne qu’en Allemagne) ;
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la charge de la dette, la nécessité d’en poursuivre le financement et les tentatives de réduire les déficits de l’État ;
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la fluctuation des monnaies entre elles : pour l’Italie et la Grande-Bretagne, la baisse de leurs monnaies respectives a fourni une aide réelle, au moins provisoirement, aux exportations.
Aux USA, outre les coups portés au prolétariat, ont joué : la liquidation du capital obsolète, la dévalorisation d’une partie du capital productif, à quoi il faut ajouter une sorte de dumping sur le marché mondial qu’a constitué la dévalorisation du dollar et qui a joué particulièrement à l’encontre des exportations japonaises et allemandes.
Concernant les pays subordonnés à l’impérialisme, les écarts sont souvent extrêmement forts. D’un côté quelques pays à croissance importante (Chili, Sud-Est asiatique ). Les raisons en sont simples : une exploitation forcenée de la classe ouvrière, une répression impitoyable du mouvement ouvrier, de ses militants et –sur cette base– une insertion dans la division mondiale du travail comme sous-traitant (entreprises souvent délocalisées) ou fournisseurs de quelques produits aux pays dominants. Le Chili, avec un PIB en hausse de +8% sur plusieurs années, s’est ainsi spécialisé dans l’exportation de fruits et légumes, à contre-saison, vers les USA. En même temps, 27% des Chiliens vivent au-dessous du seuil officiel de pauvreté, un système de fonds de pension a été imposé à la classe ouvrière au début des années 80 (sa « valeur », fictive, est estimée aujourd’hui à 23 milliards de dollars, la moitié du PIB) ; et Pinochet est toujours le chef de l’armée de terre.
De l’autre côté, des pays en crise ouverte, en particulier en Afrique et en Amérique latine : le PIB du Mexique a chuté de 6,9% en 1995, celui de l’Argentine de 4,5% officiellement.
MAINTIEN DES GRANDS DÉSÉQUILIBRES
La reprise aux USA s’est faite sans que soit résolue la question des grands déséquilibres : déficit budgétaire, déficit commercial, déficit de la balance des paiements Bien au contraire : après un déficit commercial en 1995 de 110 milliards de dollars, le plus mauvais résultat depuis 8 ans, ce déficit ne s’est guère modifié au premier semestre 1996 : 52,6 milliards de dollars imputables pour un tiers au Japon et un tiers à la Chine. Les États-Unis continuent à vivre à crédit.
Symétriquement, le Japon maintient ses excédents commerciaux : après s’être envolés de 1984 à 1994 (de 44 à 144 milliards de dollars), ils redescendraient à « seulement » 100 milliards de dollars en 1996. Mais ces chiffres varient selon qu’ils sont calculés en dollars ou en yens. La récente remontée du yen modifie encore ces données : de la mi-95 à l’été 96, l’excédent commercial serait en baisse relativement mais en hausse absolument : +35% pour les importations et +18% pour les exportations.
En Allemagne, le solde commercial est demeuré bénéficiaire en 1995 (300 milliards de francs) et au début de 1996, la compétitivité des produits allemands s’étant améliorée avec la hausse relative du dollar (+10% de mai 95 à mai 96).
Ces déséquilibres nourrissent toujours un peu plus la spéculation sur les monnaies, fragilisent le dollar et contraignent la FED à remonter ses taux d’intérêts.
Mais l’État US n’est pas le seul endetté : au Japon, la dette publique à long terme est supérieure à 15 600 milliards de francs, soit les deux-tiers du PIB. Son volume a cru brutalement en 3 ans, les cinq principaux plans de relance représentant à eux seuls 3 000 milliards de francs. S’y ajoutent le déficit des collectivités locales, égal à lui seul à 3,4% du PIB, et les coûts prévus pour le sauvetage des établissements menacés par les créances douteuses.
Officiellement est attendu un nouveau krach « mexicain », au Mexique ou ailleurs.
Au Brésil ? L’hyper-inflation a été jugulée mais le déséquilibre de la balance courante a atteint 17,8 milliards de dollars en 1995. Le déficit budgétaire équivaut à 5% du PIB.
En Argentine ? La dette s’est accrue, atteignant 83 milliards de dollars. Cela ne représente « que » 30% du PIB, mais l’excédent actuel du commerce ne couvre que 8% de la charge annuelle de la dette (10 milliards de dollars l’an, intérêt et capital).
Au Mexique ? La situation est catastrophique. Les coups terribles porté aux masses n’ont rien réglé. En 1995, du fait de la crise économique, les revenus fiscaux ont diminué de 20% tandis que le coût de l’endettement public a augmenté de 90% du fait de la hausse des taux d’intérêts et de la dévaluation du peso. Cela implique de puiser dans les dépenses courantes, de porter de nouveaux coups
aux masses. Une explosion sociale peut y éclater à tout moment.
A l’échelle mondiale, le marché obligataire total – qui pour les 7/8 mesure la dette à long terme des États – a cru de manière vertigineuse : en 1970, il était de 780 milliards de dollars dont 485 pour le marché américain ; en 1994 il atteignait 18 500 milliards de dollars dont 8 000 pour les titres américains. Non seulement les emprunts d’État monopolisent le marché obligataire, ce qui n’était pas le cas dans les années 60, mais ils occupent une place plus importante que le marché des actions : fin 1994, le total des actions cotées à New-York était comptabilisé pour 5100 milliards de dollars tandis que les obligations – autre capital fictif – émises au titre de la dette publique seule, étaient évaluées à 6870 milliards de dollars (3470 pour les titres du Trésor, 2200 pour les agences fédérales et 1200 pour les municipalités). Même en ajoutant aux 5100 milliards d’actions les 1250 milliards d’obligations non étatiques émises par les entreprises (la dette « corporate »), on arrive à 6350 milliards, total inférieur à celui de la dette publique.
Certes, tout cela n’est que capital fictif mais sa destruction brutale peut, à tout moment, provoquer un séisme économique, social et politique qui, lui, n’aura rien de fictif. Paul Fabra, zélé défenseur du capitalisme, observait il y a peu :
« Le marché obligataire est presque entièrement accaparé par l’État et les établissements qui gravitent autour de lui. Sur un des phénomènes les plus marquants du dernier quart de siècle, règne un demi-silence. C’est qu’il contredit toute une mythologie sur le triomphe du capitalisme et de l’économie de marché. Tout simplement, on oublie de dire que le cur du cur du système, le marché financier, est au service quasi exclusif de l’État » (« Les Échos » du 12/4/96).
Paul Fabra oublie de préciser qu’en retour ces dettes nourrissent un énorme capital rentier mais il met le doigt, avec inquiétude, sur une question aujourd’hui décisive. Cet énorme endettement des États, les déséquilibres évoqués, constituent une base objective sur laquelle joue la spéculation. Les bas taux d’intérêt (à court terme) pratiqués durant les années 90 ont multiplié les possibilités de spéculation.
« Le bon marché du capital incite à la spéculation, tout comme le bon marché de la viande et de la bière incite à la voracité et à l’ivrognerie ».
Cette formule de J.W. Gilbart, reprise par Marx (« Le Capital » III, 2 page 70) est plus que jamais actuelle. Une immense bulle spéculative s’est constituée, en particulier à New-York, recourant massivement aux taux à court terme pour se développer. En moyenne, de 1990 à 1995, les taux à court terme aux États Unis ont été de 1,66% (en terme réel) tandis qu’ils étaient en moyenne de 4,82% hors inflation entre 1980 et 1989.
Mais depuis 1994, la FED a du peu à peu réviser ses taux d’intérêt, d’autant qu’une grande part de la dette américaine est gagée à court et moyen terme. En terme réel, le taux à court terme était de 2,25% en juillet 96. D’autres hausses sont attendues, et redoutées.
La bulle spéculative peut exploser à tout moment. Depuis le début de l’année 1996 c’est une profonde instabilité qui ébranle marchés boursiers et parités des monnaies.
L’instabilité est telle que la simple publication mensuelle de quelques indices sur l’emploi et la production provoque une secousse.
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le 5 février 96 la secousse est accompagnée d’une brutale hausse des taux d’intérêt simultanément à une baisse du dollar. Les Bourses de Paris et Francfort chutent également.
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le 8 mars, nouvelle secousse : l’indice Dow Jones plonge de 3 %.
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le 8 avril, nouvelle chute de 1,5% et nouvelle hausse des taux longs.
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le 2 mai, quatrième secousse, baisse de l’indice boursier et hausse des taux obligataires à 30 ans.
Néanmoins, entre deux secousses, le niveau des taux, des indices, des monnaies tend à se rétablir.
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en juin, l’instabilité s’accentue ; les taux d’intérêt à long terme atteignent 7,19% à New-York, un record depuis 13 mois ; les investisseurs étrangers poursuivent leur retrait du marché obligataire français : 102 milliards de francs d’obligations françaises ont été vendus par ces derniers durant le seul premier trimestre ; du 12 au 14 juin, le dollar perd 15% par rapport au mark ; le cours du cuivre s’effondre, perdant 30% en quatre semaines. La causse immédiate en est la perte record du groupe japonais Sumitomo (au moins 1,8 milliards de dollars) due à des transactions aventureuses, mais la base en est la surproduction qui touche nombre d’autres matières premières (le nickel a perdu 15% en deux mois).
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juillet 1996 marque une aggravation de la situation. Ce n’est plus d’une simple secousse mensuelle vite effacée dont il s’agit. Le lundi 15 juillet, pour la troisième fois en dix jours, la Bourse de New York plonge, avec une baisse de 2,9 %. Depuis fin juin, le recul dépasse 6 %. Après dix-huit mois de spéculation effrénée (+55% entre décembre 1994 et juin 1996), c’est un vrai repli. Ce repli est chiffré à 15,7% en six semaines par l’indice Nasdaq. Nombre de capitaux spéculatifs désertent alors la place de New-York à la recherche d’une zone plus sûre et, convertissant leurs dollars en devises, contribuent à faire baisser la monnaie américaine.
Il apparaissait que la bulle spéculative américaine commençait à se dégonfler et que la FED tentait « d’organiser le repli », de gagner du temps pour éviter une explosion catastrophique, dirigeant par exemple des achats massifs sur les contrats à terme sur actions pour ralentir la chute. Si nul ne peut dire comment cette situation va se développer, à quel rythme, la presse spécialisée était déjà particulièrement inquiète :
« Jusqu’à présent, la purge du Dow Jones a été contenue Mais les rendements obligataires restent trois fois supérieurs à celui des actions, ce qui historiquement n’a jamais été durable. Si le CS First Boston affirme que « le pire est derrière nous », les semaines à venir s’annoncent donc très délicates. La FED va-t-elle remonter ses taux le 20 août, comme l’anticipent les marchés ? Coincé entre des ménages très endettés et des opérateurs inquiets sur l’inflation, Greenspan (le patron de la FED) devra faire preuve de tout son art pour gérer en douceur la suite du dégonflement de la bulle spéculative . (« Le Figaro » du 28/8/96)
Or, les possibilités de contenir la crise sont nécessairement limitées. La presse bourgeoise redoutait une nouvelle secousse pour le mois de septembre. Mais en septembre et octobre, la Fed. a décidé de ne rien changer aux taux à court terme. Cela a fait de nouveau exploser la spéculation, notamment à la Bourse de New-York, à des niveaux historiquement jamais vus. Par ailleurs s’est précisée, depuis quelques mois, une tendance à la déflation : sans que l’on puisse aujourd’hui indiquer si cette nouvelle menace se concrétisera, et dans quelle mesure, il y a là l’expression du degré exceptionnel atteint par les contradictions du système capitaliste (une déflation réelle rendrait définitivement non remboursables les dette accumulées mais une reprise de l’inflation peut brutalement mettre à bas le château de cartes du système financier et monétaire international). Tout au plus la bourgeoisie peut-elle gagner du temps, et mettre ce temps à profit pour porter les coups les plus durs à la classe ouvrière.
Le capitalisme est au bord du gouffre ; les cercles dirigeants de la bourgeoisie, les différents gouvernements en ont une conscience aigué. Aussi doivent-ils passer à une étape supérieure dans leur offensive contre la classe ouvrière, en particulier contre les différents prolétariats d’Europe.
En pratique, cette offensive a déjà commencé ; il suffit de voir comment et à quel rythme, en France, a été entreprise la destruction de la Sécurité Sociale et comment –quelques mois à peine après le puissant mouvement de novembre-décembre 95 et alors même que tous les textes organisant la destruction de la Sécurité Sociale ne sont pas encore mis en œuvre– le gouvernement entreprend une offensive majeure contre les travailleurs de la fonction publique (salaires, statuts et acquis, conditions de travail, effectifs) ; de plus, cette offensive-là se combine avec la mise en route d’une autre attaque majeure contre tout le prolétariat : la liquidation de la définition du temps de travail sur une base hebdomadaire (et quotidienne).
D’ores et déjà, par la loi et avec l’appui des appareils syndicaux, se développent les variations d’amplitude quotidiennes, hebdomadaires, le travail de nuit, de samedi et de dimanche, de jours fériés, vers l’annualisation et au-delà, vers la flexibilité totale (ce qui intègre la suppression de toutes les primes et abattements antérieurement accordés, la réduction puis la disparition de la notion « d’heures supplémentaires ») : l’accord de la métallurgie en est une préface. De même l’accord signé par quelques bureaucrates syndicaux IBM France, banalisant le travail de nuit, du dimanche et des jours fériés à l’usine de Corbeil (juillet 96).
Cette offensive de la bourgeoisie française bénéficie de l’appui des appareils syndicaux, du PS et du PCF : ils soutiennent cette politique, ils soutiennent le gouvernement parce qu’ils défendent le capitalisme.
Pour la bourgeoisie, quel que soit le pays, l’objectif est la subordination complète du travail au capital, à la libre circulation et à la mobilité de celui-ci, aux exigences du profit sous toutes ces formes. La flexibilité doit être absolue, sans entraves réglementaires ou législatives ni surcoût. Pour cet objectif, l’existence d’un fort volant de chômage est une nécessité pour le capital, et donc une exigence : il faut peser sur la valeur de la force de travail, la rendre malléable, disponible à merci. L’objectif de la « réduction des déficits » (donc des dépenses sociales) est devenu un leitmotiv dans tous les pays. Le modèle, c’est la politique de Thatcher, de Reagan et maintenant de Clinton.
Des coups sévères ont déjà été portés au prolétariat américain ; la défaite des contrôleurs aériens, licenciés en bloc par l’administration Reagan déjà 1981, a constitué un tournant dans la lutte des classes aux USA. Depuis, licenciements massifs, dégradation du système de santé et hausse de son coût, remise en cause d’acquis ont été la règle. La reprise actuelle ne ralentit pas l’offensive ; en effet, la bourgeoisie redoute ouvertement qu’avec la reprise qui s’est manifestée, avec la création de plusieurs millions d’emplois –même s’il s’agit pour une grande part « d’emplois fast food » et plus souvent encore d’emplois mal payés– la classe ouvrière soit en mesure de reprendre le combat pour de moins mauvais salaires. Sous la pression de la majorité républicaine du Congrès, Clinton vient donc de donner son accord un texte démantelant le système dit du « Welfare state », dont le principe remonte à Roosevelt (Roosevelt ayant dû faire face à de puissants combats du prolétariat), désormais, aucun Américain ne pourra bénéficier, durant toute sa vie, de l’aide sociale plus de cinq ans. Dès la fin de la seconde année, la plupart des adultes devront obligatoirement trouver du travail, faute de quoi les prestations sociales reçues par leur famille seront supprimées. Enfin, après soixante jours d’inscription au « Welfare state », toute personne sans travail devra accepter une tâche d’intérêt public. C’est une remise en cause radicale du système antérieur.
L’objectif est double : diminuer l’ampleur des déficits de l’État, exercer une énorme pression (à la baisse) sur la valeur de la force de travail ; les millions de chômeurs sans ressources seront totalement livrés aux exigences des employeurs et les travaux « d’intérêt public », véritable servage moderne sous couvert « d’aide de l’État », se substitueront au travail normalement salarié.
EUROPE : QUELQUES NOUVEAUX GOUVERNEMENTS, UN MÊME PROGRAMME
17 décembre 1995 – Autriche : le parti social démocrate progresse de 3,4% et atteint 38,3 %. Une coalition est constituée avec un parti bourgeois, l’ÖVP (parti populaire). Objectif : un plan draconien pour réduire la dette de l’État. Commentaire de Fritz Verzetritsch, président de la Confédération des syndicats autrichiens (ÖGB) : « il était nécessaire de resserrer les boulons ».
22 mars 1996 – Suède : Gron Persson, nouveau premier ministre social-démocrate succédant à un autre social-démocrate, présente son gouvernement et son programme : « assainissement » des finances publiques, ramener le déficit budgétaire de 7% en 1996 à 3% en 1997, poursuivre et accentuer la politique du précédent gouvernement.
28 avril 1996 – Espagne : Après deux mois de tractations avec les nationalistes catalans, le nouveau gouvernement de José Marian Aznar présente ses objectifs : strict respect des critères de Maastricht ; lancement d’un « plan d’austérité », d’un « plan stratégique de privatisation » accompagné d’un « dialogue social ». Cette offensive s’appuie sur la politique antérieurement conduite par les différents gouvernements Gonzalez (PSŒ). Officiellement, 25% de la population active est au chômage.
18 mai 1996 – Italie : le nouveau gouvernement jure fidélité à la Constitution : pour la première fois depuis 1946, des membres de l’ex-PCI participent au gouvernement italien, le PDS en constituant la colonne vertébrale (9 des 20 ministères). La coalition de l’Olivier menée par le très catholique Romano Prodi se fixe comme objectif la satisfaction des critères de Maastricht déclare Prodi. Or, la dette de l’État équivaut à 125% du PIB.
Sans même parler de satisfaire les critères de Maastricht, le simple fait de s’en rapprocher signifie de nouveaux coups portés à la classe ouvrière : « l’assainissement » des finances publiques est un « objectif incontournable », les privatisations seront relancées « avec détermination », les « sacrifices équitablement distribués », une réforme de l’école entreprise.
Complétant le rôle du PDS au sein du gouvernement, Refondation Communiste soutient de l’extérieur en votant pour la mise en place de ce gouvernement. Le 31 juillet, le gouvernement passait « en force » pour faire adopter un collectif budgétaire, posant la question de confiance. Le groupe Refondation Communiste a donc voté lui aussi pour un collectif de 50 milliards de francs, composé aux deux-tiers de coupes budgétaires et pour un tiers de nouveaux impôts et taxes. Ainsi les deux partis issus de l’appareil stalinien se partagent-ils les rôles pour cadenasser la classe ouvrière.
AUCUNE POSITION ACQUISE N’EST A L’ABRI
En Suisse, pays qui semblait peu touché par ces offensives (mais où la semaine de travail est l’une des plus longue d’Europe et où l’importante fraction du prolétariat d’origine immigrée est durement surexploitée), c’est une offensive d’une rare brutalité qui s’engage : licenciements, suppressions d’emplois (20 000 sont prévus dans les banques, pour 120 000 employés) et baisse du salaire nominal. C’est le président (social-démocrate) de la SFF (chemins de fer) qui le premier a annoncé le 23 juin 96 qu’il prévoyait de réduire les salaires de 2 à 4%. Le lendemain, le gouvernement cantonal de Zurich annonçait un projet de baisse de salaire des fonctionnaires de 5%. Même projets pour les villes de Lucerne et Saint-Gall. Le chef du patronat s’engouffrait alors dans la brèche en faisant de ces propositions une base des négociations à venir.
Mais c’est en Allemagne que se joue la bataille essentielle compte tenu de la place de la bourgeoisie allemande et de la force de son prolétariat, de ses acquis. Font partie de ces acquis, la mise quasiment au même niveau des salaires de l’Est et de l’Ouest de l’Allemagne, qui s’ajoute à l’acceptation initiale d’un mark pour un deutschmark. Pour les bourgeoisies d’Europe, Kohl joue sur ce plan le rôle d’un chef d’orchestre. Ce que les unes et les autres ont dû (et pu) céder dans le passé doit être repris. Le plan du printemps 96 du chancelier Kohl vise à supprimer dès 1997 l’équivalent de 250 milliards de francs de dépenses publiques, ou encore 2% du PNB. Ces coupes se traduiraient par le gel (nominal) des salaires des fonctionnaires deux années de suite, la réduction des indemnités pour maladie, le moindre remboursement de certains soins et l’élévation de l’âge de la retraite, la diminution des indemnités de chômage, le gel des allocations familiales, les licenciements seraient facilités dans les PME et la cotisation sociale versée par l’employeur réduite.
Le 8 août, Kohl annonçait que la hausse de la TVA était « inévitable » pour la prochaine législature, sans en préciser le niveau : « le rapport entre les impôts directs et indirects est parti la dérive », l’objectif étant de faire passer la part de l’impôt indirect de 40% actuellement à 50% du total ; or la TVA est l’impôt qui frappe le plus durement la classe ouvrière.
Les États latino-américains sont certainement ceux où le pouvoir d’achat, les conditions de vie de la classe ouvrière, se sont les plus détériorés durant la dernière décennie. Au Mexique, depuis la chute du peso début 1995, la crise économique s’est aggravée : 15 000 entreprises fermées, 800 000 emplois supprimés et 1,7 million chômeurs supplémentaires ; l’inflation a dépassé 50% en 1995, dépassera sans doute 30% en 1996.
Le pouvoir d’achat des plus bas salaires a perdu 40% de sa valeur en un an et demi, 63% en huit ans. La violence de ces attaques ne suffit pas pour autant à sauver de la faillite le Mexique, dont la dette d’État a atteint le niveau historique de 158 milliards de dollars.
Au Venezuela, au Brésil, une inflation analogue a ravagé le pouvoir d’achat de la classe ouvrière.
L’Argentine des années soixante faisait figure, en Amérique latine, de relative exception. A marche forcée, elle est en train de rejoindre le niveau général de l’Amérique latine : 20% de la population active au chômage, un système de santé délabré, un système scolaire en ruines, une baisse générale du pouvoir d’achat, des enseignants impayés des mois durant. Le 12 août 1996, le gouvernement a décidé une forte hausse de l’essence (16%) et du gazole (46%), la hausse des tarifs des transports publics, de la TVA. La récession frappe le pays, le déficit budgétaire pour l’année en cours atteindra 33 milliards de francs venant grossir une dette déjà très lourde.
Tous les acquis, tous les prolétariats sont touchés par cette offensive ; chaque remise en cause d’un acquis par « une » bourgeoisie est aussitôt un point d’appui pour les autres bourgeoisies dans leur offensive politique, en même temps qu’il devient également une contrainte à leur égard : dans les réunions internationales, les experts et officiels américains ne cessent de vanter leur « modèle », la reprise économique aux USA pour contraindre les bourgeoisies européennes à « s’aligner », l’intérêt général du capital l’exige.
Mais le « modèle » américain n’est pas seulement un argument pour les gouvernements bourgeois pour justifier leur offensive ; la baisse de la valeur de la force de travail aux USA a redonné force aux exportations américaines : les capitalistes européens (et japonais) doivent s’engager dans la même voie.
Mais tout dépend de la résistance du prolétariat. Or celui-ci, même s’il est sur la défensive, n’est pas vaincu. Bien au contraire, à chaque instant, s’expriment sa puissance, le fait qu’il est prêt à engager le combat.
LE PROLÉTARIAT EST PRÊT A ENGAGER LE COMBAT
Dès l’annonce du plan du chancelier Kohl, le prolétariat allemand réunifié a fait la démonstration de sa puissance, a prouvé qu’il était prêt à s’engager dans le combat pour briser l’offensive du gouvernement, c’est-à-dire dans le combat pour chasser le gouvernement Kohl.
Le 15 juin 1996, ce sont 350 000 travailleurs allemands qui ont convergé sur Bonn ; c’est l’une des plus grandes manifestations du prolétariat allemand depuis son écrasement en 1933 ; cette manifestation était organisée à l’appel de la confédération des syndicats allemands et soutenue par le SPD.
Au cours de cette manifestation ont été clairement exprimés par les manifestants des mots d’ordre contre Kohl, des mots d’ordre exprimant la nécessité de le chasser, en dépit du cadre fixé par les dirigeants des appareils respectant, protégeant le gouvernement.
Le 8 août 1996, l’Argentine était paralysée par la grève générale, le mouvement de grève le plus important depuis des années ; cette grève de vingt-quatre heures organisée par les trois centrales syndicales a été massivement suivie.
Manifestation de masse du prolétariat allemand, grève de vingt-quatre heures du prolétariat argentin : quelques mois après le puissant mouvement de novembre-décembre 95 en France, ces deux « moments » du combat du prolétariat expriment un même processus, posent les mêmes problèmes :
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l’un et l’autre montrent que le prolétariat dans son ensemble est prêt à s’engager dans le combat pour en finir avec la politique de la bourgeoisie, donc avec ses gouvernements ; l’un et l’autre expriment que – plus que jamais- le prolétariat a besoin, et se sert, de ses organisations syndicales pour organiser, centraliser son combat.
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en même temps apparaissent les limites politiques du prolétariat : contraint à s’engager pour défendre ses acquis (son droit même à l’existence en Argentine), la démonstration de sa puissance reste limitée par la politique des appareils, l’absence de parti révolutionnaire. L’appareil syndical a refusé d’appeler à la grève générale, négocie flexibilité, déréglementation et baisse du pouvoir d’achat. Le parti social-démocrate reprend à son compte nombre des exigences patronales, préparant -s’il le peut – les conditions de sa nouvelle défaite électorale.
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néanmoins, chacun de ces combats peut être un point d’appui pour des combats d’une toute autre ampleur : chacun de ces prolétariat a pu mesurer sa force. Et c’est cela que redoute la bourgeoisie. Cependant celle-ci poursuit son offensive : ce n’est ni une manifestation centrale ni une grève de 24 heures qui la fera reculer : c’est après la manifestation de Bonn que le chancelier Kohl a réaffirmé son plan et annoncé une hausse à venir de la TVA. C’est après la grève générale de 24 heures que le gouvernement argentin a annoncé un nouveau train de mesures anti-ouvrières. La crise du capitalisme conduit nécessairement aux plus violents affrontements.
Au cours des derniers mois, et même si leur puissance est relative, d’importants combats de classe ont eu lieu. Souvent d’ailleurs la presse est très discrète, ou n’informe qu’après coup :
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En Belgique, huit semaines durant (février-mars 96), les enseignants francophones ont alterné grèves et manifestations contre un plan prévoyant 3 000 suppressions de postes (pour 42 000 enseignants) ;
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en Serbie, le 10 mai 1996, 20 000 ouvriers en grève ont manifesté pour la troisième journée consécutive au centre de Nis.
De même, dans une situation générale politiquement aussi difficile, la jeunesse, la jeunesse étudiante en particulier, fait la démonstration qu’elle est prête au combat : en Autriche, dès la constitution du nouveau gouvernement « rouge-noir » (sociaux démocrates –SPÖ — et conservateurs ÖVP), les étudiants ont manifesté par dizaines de milliers et appelé à la grève pour le retrait du plan gouvernemental remettant en cause les prestations sociales étudiantes.
En Australie, l’annonce de sévères coupes budgétaires par le gouvernement bourgeois de John Howard a provoqué aussitôt de violentes manifestations. Les étudiants, touchés tout particulièrement (suppression de bourses, hausse massive des frais d’inscription), se sont retrouvés aux côtés des travailleurs et de leurs organisations. A Camberra, le 19 août, plusieurs milliers de manifestants venus des quatre coins du pays ont défoncé les portes du Parlement et investi les lieux, se heurtant violemment aux forces de l’ordre.
Au demeurant, le combat de la jeunesse ne se réduit pas au combat à partir de revendications matérielles, aussi importantes soient ces dernières. La jeunesse est amenée à se mobiliser aussi directement sur des questions strictement politiques. Ce fut le cas au moment de la guerre d’Algérie, au moment de celle du Vietnam, contre la guerre impérialiste et pour le retrait des troupes d’occupation.
De ce point de vue, il faut attacher une certaine importance au récent combat des étudiants coréens pour la réunification de la Corée et contre la présence militaire américaine.
Le mardi 20 août 1996, l’université Yonsei près de Séoul où s’étaient barricadés depuis huit jours plus de 2 000 étudiants, a été prise d’assaut par 5 000 policiers appuyés par des hélicoptères.
On peut certes considérer que ces étudiants ne sont qu’une fraction seulement de la masse des étudiants, qu’ils sont bien peu « critiques » à l’égard de la bureaucratie nord-coréenne, mais on doit affirmer que l’exigence de la réunification de la Corée est une revendication totalement juste, et que cette question est une question fondamentale pour le prolétariat et la jeunesse de Corée mais aussi du Japon et de la Chine. Ce n’est pas un hasard si, depuis quatre décennies, les impérialismes japonais et américain, les bureaucraties chinoise et russe sont attachés à la division de la Corée : la réunification de la Corée bouleverserait les rapports politiques dans cette région du monde.
En outre, le combat des étudiants coréens s’inscrit dans la continuité du combat révolutionnaire du prolétariat et de la jeunesse coréens ; le rôle des étudiants fut décisif dans la chute de la dictature de Sygman Rhee en 1960 ; ils contribuèrent à la chute du régime de Chun Too-Whan en 1987. Si l’on tient compte du fait que le prolétariat de Corée du Sud est aujourd’hui un prolétariat nombreux, de plus en plus qualifié, fortement concentré, soumis à une exploitation brutale ; si l’on tient compte que le régime bureaucratique de Corée du Nord est dans une impasse totale, que l’économie de Corée du Nord est exsangue, il est alors possible que cette mobilisation étudiante soit le signe précurseur d’une mobilisation révolutionnaire du prolétariat et de la jeunesse de Corée.
De manière plus générale, il faut être attentif au fait que l’industrialisation importante de plusieurs États de l’Asie de l’Est et du Sud-Est a entraîné la constitution d’un prolétariat nombreux, souvent jeune, soumis à des conditions d’exploitation féroces, muselé par des régimes dictatoriaux. Longtemps, pour l’essentiel, il a été réduit au rang de « prolétariat en soi ». C’est de moins en moins le cas. Même s’il n’est pas encore apparu dans la plupart de ces pays comme classe indépendante politiquement, son existence et son propre mouvement se manifestent néanmoins.
C’est ainsi qu’en Malaisie, profitant d’une pénurie de main d’oeuvre, les travailleurs ont pu imposer des augmentations sensibles des salaires, à partir, il est vrai, d’un niveau extrêmement bas : les « coûts salariaux négociés » auraient augmenté de 12% au moins en 1994, de 19,5% en 1995, suffisamment pour que Grundig et divers groupes japonais délocalisent une nouvelle fois vers d’autres pays.
En Indonésie, seuls quelques partis bourgeois sont autorisés à exprimer une « opposition », mais point trop ne faut : c’est ainsi que la direction du PDI, parti bourgeois « démocratique » d’opposition officielle, fut froidement expulsée par la police de la tête de son propre parti au profit d’une direction plus conciliante. Il en résulta, le 27 juillet, de véritables émeutes. Mais en toile de fond il y a le prolétariat qui s’est déjà manifesté par des grèves ; le président d’un syndicat indépendant a été arrêté pour « subversion », crime passible de la peine de mort. Trois décennies après l’immense bain de sang de 1965, le prolétariat est en mesure de se reconstituer sur une base plus élevée. Son existence est d’ores et déjà un facteur d’instabilité politique. Or l’Indonésie, par sa population et son économie, est le principal pilier de l’ASEAN (Association des nations du Sud-Est Asiatique).
Néanmoins, tous ces différents mouvements sont limités, cadenassés qu’ils sont par les appareils syndicaux et les organisations traditionnelles (en Australie, en Belgique, en Autriche, etc pour reprendre les exemple cités) ou récupérés par des organisations bourgeoises « démocratiques » (Indonésie), des organisations petites-bourgeoises, etc…
Pour submerger ces appareils et organisations, il faut une perspective politique, faute de quoi le mouvement ouvrier, la jeunesse, restent subordonnés à l’État bourgeois : le prolétariat allemand, qui a exprimé sa puissance exceptionnelle, en est une illustration.
Dans une autre situation, avec d’autres traditions, le prolétariat noir d’Afrique du Sud, avec la jeunesse noire, en est une autre. (En ce qui concerne l’Afrique du Sud se reporter à CPS n 64).
LA QUESTION DU PARTI, QUESTION FONDAMENTALE
Toutes les situations successivement évoquées conduisent inévitablement à poser la question du parti révolutionnaire. C’est sur cette question centrale que depuis des décennies butte la classe ouvrière. C’est l’absence d’un tel parti qui a pesé et qui pèse de manière déterminante dans les développements au sein de l’ex-URSS, en Allemagne comme en France, au Brésil et en Afrique du Sud, etc… En l’absence d’un tel parti, la classe ouvrière et la jeunesse sont totalement livrées aux partis social-démocrates et ex-staliniens, aux appareils syndicaux (mais aussi aux organisations petites bourgeoises, aux organisations cléricales et humanitaires).
Les organisations ouvrières bourgeoises, les appareils syndicaux utilisent toute la panoplie de leur science contre-révolutionnaire pour défendre le capitalisme, protéger la bourgeoisie et l’État bourgeois : refus d’avancer les revendications ouvrières, bousille et dislocation des luttes, politique de division du mouvement ouvrier, front populaire ou union nationale selon la situation, refus d’ouvrir une perspective politique pour la classe ouvrière, refus même d’aller au pouvoir et quand il y sont contraints : utilisation de l’État bourgeois pour combattre la classe ouvrière, pour faire passer les exigences de la bourgeoisie.
Mais en même temps, en l’absence de parti révolutionnaire, la classe ouvrière et la jeunesse sont amenées à essayer de se servir de ces organisations, à les mettre au pouvoir.
Dans certaines situations, en l’absence de parti révolutionnaire mais aussi de partis ouvriers bourgeois traditionnels, des organisations ouvrières peuvent être construites, par exemple le PT brésilien, ou encore Solidarnosc sous la forme particulière d’un syndicat, qui sont en mesure de postuler au pouvoir. Mais il faut rappeler que le PT brésilien a eu comme initiateur des chrétiens de gauche et des transfuges des syndicats officiels (Lula) et que Solidarnosc a dès l’origine été initié et contrôlé par la hiérarchie catholique polonaise.
Mais de telles constructions « spontanées » restent en général dans le cadre bourgeois. La classe ouvrière n’est pas vierge, nulle part. Partout pullulent, fut-ce à l’état de lambeaux, des groupes et organisations ex-staliniennes, social-démocrates, gauchistes, des groupes petits-bourgeois ou cléricaux qui relaient dans la classe ouvrière la pression de la bourgeoisie, son idéologie. Dès lors que se constitue une telle organisation, ils la prennent politiquement en charge, sur une orientation de défense du capitalisme. Ils peuvent aussi prendre les devants, comme aux États-Unis.
La question d’un Labor Party est une question centrale pour le prolétariat américain. L’absence d’un tel parti est une aide considérable à la bourgeoisie pour développer son offensive. La construction d’un tel parti avait été esquissé dans les années 30 parallèlement à une profonde régénérescence du mouvement syndical, mais n’avait pas abouti. Après guerre, la complète soumission de la bureaucratie de l’AFL-CIO à son impérialisme, la dégénérescence du SWP, le poids également des « trente glorieuses » sur le prolétariat américain n’avaient pas permis de reprendre cette construction.
Aujourd’hui la multiplication des attaques contre la classe ouvrière américaine, la paupérisation massive d’une part sans cesse croissante de la classe ouvrière conduit nécessairement à poser la question d’un Labor Party. En outre, la politique violemment anti-ouvrière de l’administration démocrate de Clinton rend plus que jamais insupportable le soutien de la bureaucratie syndicale au parti démocrate (la grande masse des travailleurs américains ne participe pas aux élections américaines). Or, à l’automne 95, la convention annuelle des 78 syndicats de l’AFL-CIO a élu, contre la direction sortante, un nouveau président, John Sweeny, qui s’était présenté sur un programme plus « combatif »… pour ensuite, mener campagne en faveur du candidat Clinton aux élections présidentielles.
Au même moment se menait une importante grève de 32 000 travailleurs de Bœing qui avaient rejeté un premier accord conclu entre leurs représentants syndicaux et la direction de Bœing.
Le mouvement pour un Labor Party a, dans ce cadre, retrouvé une grande actualité. Mais une première concrétisation d’un Labor Party au printemps 96, avec un congrès constitutif et un programme, montre le chemin qui reste à parcourir pour le prolétariat américain. De toute évidence ce premier « labour party » est soigneusement encadré par une poignée de bureaucrates syndicaux, de cagots et de débris du PCA. A preuve le fait que non seulement le programme adopté est à mille années-lumière de toute référence au socialisme, mais tout simplement que le programme adopté a refusé de se prononcer en faveur du droit à l’avortement, droit violemment remis en cause aux USA y compris par l’assassinat de médecins. En outre, ce programme a admis le soutien électoral possible à des candidats issus du parti démocrate américain. Véritable contre-feu, ce Labor Party n’a pas présenté de candidat aux élections. On mesure aujourd’hui le coût politique immense que représente la liquidation du SWP en tant qu’organisation trotskyste, la destruction de la IVe Internationale.
Il existe d’autres prolétariats pour qui la construction d’un parti ouvrier est une question centrale (c’est le cas, notamment, des prolétariats algérien, coréen, mexicain et palestinien). Mais un tel parti ouvrier a besoin d’un programme permettant en particulier de poser et de résoudre la question du pouvoir. Pour impulser et préciser à chaque moment ce programme, pour permettre à un tel parti ouvrier de jouer pleinement son rôle, il faut une avant-garde organisée sur le programme de la révolution prolétarienne : le combat pour un Parti Ouvrier Révolutionnaire ; le combat pour le Parti ouvrier n’a de sens que comme transition, dans la perspective de la construction du POR.
UN PARTI POUR LA PRISE DU POUVOIR
Résoudre la question du pouvoir, détruire l’État bourgeois et exproprier le capital, entreprendre la construction de l’État ouvrier : pour la classe ouvrière mondiale, il était acquis que cela était une possibilité puisque cela avait été réalisé en 1917. Pour une partie importante du prolétariat, cette perspective –d’une manière ou d’une autre et avec toutes les confusions possibles– était une nécessité. Aujourd’hui cette conscience a, pour une grande part, disparu ou s’est profondément brouillée.
Toutes les organisations et groupes acharnés à la défense du capitalisme, s’appuyant sur cette situation, tentent de faire revenir la classe ouvrière à un état de conscience politique antérieur même à 1848 : le seul avenir possible doit être le capitalisme. Bien évidemment, ils ne peuvent y parvenir, mais sur cet objectif de grands dégâts peuvent être commis. Cela nous contraint, plus largement que dans le passé, à réintégrer dans notre propagande, dans notre agitation, des analyses et des affirmations que l’on pouvait considérer comme acquises par un grand nombre de travailleurs.
Nous devons marteler que, pour l’essentiel, tout se ramène à la question du pouvoir et réaffirmer avec Marx que « la conquête du pouvoir politique est devenu le premier devoir de la classe ouvrière. » (1864).
Cela est d’autant plus vrai aujourd’hui que dans la situation de crise récurrente du capitalisme, de sa marche à la dislocation, toute revendication –qu’elle soit ou non économique– ne peut être satisfaite qu’en s’affrontant à la question du pouvoir et en la résolvant. Cela implique la nécessité d’un parti :
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un parti de classe
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un parti centralisé
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un parti fondé sur le programme de la révolution prolétarienne
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un parti mondial de la révolution prolétarienne
C’est cette nécessité là qui est au cœur de l’offensive conduite pour liquider les acquis politiques, théoriques, du mouvement ouvrier.
Liquider la nécessité d’un parti de classe, assujettir la classe ouvrière à la bourgeoisie par le biais d’un parti bourgeois (représentant toute la bourgeoisie ou l’une de ses fractions) n’est pas une nouveauté : Marx et Engels durent mener de sévères polémiques contre de telles opérations visant par exemple à mettre la classe ouvrière à la remorque de « bourgeois instruits et possédants » (lettre à Bebel contre « les trois censeurs de Zurich »), des « grands et petits bourgeois philanthropes ».
De même la bureaucratie syndicale de l’AFL-CIO avec les résidus du P.C. américain ont-ils pu jusqu’à aujourd’hui interdire à la classe ouvrière de construire son parti en apportant leur soutien au parti bourgeois « démocrate ».
C’est le même projet (inabouti) qui vertèbre le programme de Bade-Godesberg ou, plus tard, les projets de Rocard.
Aujourd’hui toutes les organisations de la classe ouvrière (avec le renfort des ex-gauchistes) ont officiellement cet objectif : faire disparaître les frontières de classe, tout parti « ouvrier » (ouvrier-bourgeois) au profit d’organisations bourgeoises. Mais de l’objectif à la réalisation, il y a loin.
Une offensive complémentaire est donc menée contre la notion même de parti. Ce sont les clubs divers (Delors, Aubry et compagnie ), les « réseaux » multiformes prônés par Philippe Herzog et qu’un Jacques Bidet a commencé à mettre en œuvre.
Cette offensive est ouvertement prise en charge par le SU pabliste qui affirme que « la conception centraliste de l’Internationale, même celle du Komintern de la première période, doit être abandonnée à notre époque ». (congrès de juin 95), résolution qui complète celle de 1991 : « la décision de construire une section n’est pas automatique à court ou à moyen terme dans tous les pays ».
Bien sûr, mais c’est assez classique, les mêmes contre-révolutionnaires n’hésiteront pas à faire appel aux grandes figures de la révolution, telle celle de Rosa Luxembourg d’avant 1918 ou à Léon Trotsky d’avant 1917.
En effet, les traîtres et les confusionnistes ne prennent que les côtés faibles, les insuffisances, qui n’étaient nullement prépondérantes chez Luxembourg et chez Trotsky.
Ainsi, Luxembourg avait compris bien avant Lénine, le caractère opportuniste de la direction du SPD et de la IIème Internationale. Elle a engagé le combat contre Kautsky dès 1905. Mais elle a refusé, jusqu’en 1918, de rassembler, de manière centralisée, les révolutionnaires allemands, dans une fraction ou un parti qui soit l’équivalent de la fraction ou du parti bolchevik de Russie.
L’expérience historique a prouvé que cette erreur a joué un rôle décisif dans l’échec de la Révolution allemande de 1918-1919.
Combattant contre les positions de Pivert, Trotsky devait déjà rappeler , en juillet 1939 :
» A l’appui de ses vues sur les questions d’organisation (ou plus exactement : en l’absence de vues de ce genre), Pivert cite, bien entendu, Luxembourg. Mais cela ne nous avance guère. Il y a beaucoup à apprendre chez Rosa ; mais ses conceptions en matière d’organisation étaient le point le plus faible de sa position, car en elles se résumaient ses erreurs, dans le domaine politique et théorique. En Allemagne, Rosa ne réussit pas à créer un parti ou une fraction révolutionnaire, et ce fut là une des causes de l’échec de la révolution de 1918-1919.
» Quant au parti polonais de Rosa Luxembourg, il dut, sous l’effet des événements révolutionnaires, se réorganiser sur le modèle bolchevique. Ce sont là des points de l’histoire qui ont beaucoup plus d’importance que des citations ! »
Et rappelant ses propres positions de 1904 sur la question du parti, Trotsky indique :
« toute mon expérience ultérieure m’a prouvé que, dans cette question, Lénine avait raison contre Rosa Luxembourg ainsi que contre moi. »
Parce que le parti bolchevique est le seul qui ait conduit une révolution victorieuse, c’est contre les principes même du bolchevisme que se mène l’offensive des agents de la bourgeoisie. En fait : seul le bolchevisme « a su trouver les formes d’organisation qu’exige la lutte révolutionnaire pour le pouvoir . Aussi faut-il le rayer de la conscience ouvrière.
Un exemple récent illustre comment peut-être menée, pour désarmer la classe ouvrière et la jeunesse, une campagne politique combinant le refus de poser la question du pouvoir, le refus de tout combat de classe, le refus de toute organisation ouvrière tant par la forme que par le programme.
CHIAPAS : UNE OPÉRATION AU COMPTE DE LA BOURGEOISIE
Au départ du mouvement du Chiapas, il y a l’immense misère des populations indiennes broyées par le colonialisme, des lambeaux d’anciens peuples que la politique de l’impérialisme américain et de ses agences conduit aujourd’hui à la pure et simple disparition.
Mais l’histoire a maintes fois montré que les mouvements dits « indigénistes » ont une caractéristique fondamentale qui est de ne jamais poser la question du
pouvoir. Ces sociétés en ruine n’ont aucun avenir, ce sont les restes de formes historiquement dépassées. La seule issue pour ces populations, pour que soient satisfaites leurs revendications (l’expulsion des accapareurs de leurs terres et des mercenaires à la solde de ceux-là, le maintien du travail collectif de la terre, le refus de la parcellisation, etc ) est de lier leur combat celui de la classe ouvrière qui seule peut, avec un parti de type bolchevique résoudre la question du pouvoir.
Or, c’est sur la base d’un tel mouvement des Indiens du Chiapas, au Mexique, qu’a été organisée une armée de Libération zapatiste dont le porte-parole –un dénommé Marcos– développe une orientation qui constitue un remarquable exemple de désarmement politique de la classe ouvrière, de la jeunesse et par là même des populations indiennes. Bien évidemment toute la presse bourgeoise et une multitude de groupes et d’individus issus du gauchisme, de la petite bourgeoisie mais aussi de la social-démocratie et de l’appareil stalinien, se sont faits les zélés propagandistes du discours de « Marcos ». Les organisations religieuses et Danielle Mitterrand sont également de la partie.
Cette « EZLN » a organisé une rencontre, à Berlin, le 2 juin 1996. Une déclaration en est issue.
Adressée à la classe ouvrière et à la jeunesse ?
Pas du tout, mais « à l’opinion publique européenne, aux êtres humains du monde entier » pour leur dire « ya basta ! ».
S’agit-il d’élaborer, d’avancer un programme contre « l’exploitation, la répression et la destruction des conditions matérielles et écologiques de la vie » ? Que neni ! car « nous n’avons pas l’illusion de connaître le chemin, ni la recette, la solution, la doctrine, la forme d’organisation, capables d’unifier toutes les différences que nous connaissons. Bien au contraire, nous ne voulons d’aucune unification qui nous priverait de notre variété, dans laquelle nous voyons notre force ».
Ainsi donc 1 000 personnes venues de 26 pays (chiffre des organisateurs) se seraient réunies pour constater qu’elles n’ont pas de programme et qu’elles n’en veulent pas
Néanmoins, ces « 1 000 êtres humains » et les organisateurs ont quelques idées précises : surtout ne pas s’organiser pour en finir avec le capitalisme, pour le socialisme mais se prononcer « contre le libéralisme et pour l’humanité ». Aussi ces « être humains » qui n’ont pas de « solution » ont-ils une certitude : surtout ne pas chercher à résoudre la question du pouvoir : « il n’est pas nécessaire de conquérir le monde, il nous suffit de le créer à nouveau. Nous, maintenant ».
En fait de manipulation, c’est un modèle. Et cette déclaration organisée à Berlin sept années après que le mur de Berlin a été politiquement abattu est envoyée : « de la jungle métropolitaine de Berlin ». Cette formule est l’expression du plus profond mépris pour la classe ouvrière et la jeunesse, de leurs combats, dont Berlin constitue un des hauts lieux.
A la suite de quoi, une nouvelle réunion publique est organisée à La Realidad le 27 juillet, au cur du Chiapas mexicain. C’est ainsi que l’on verra plusieurs milliers d’invités se réunir à l’appel de l’EZLN, l’armée mexicaine ayant reçu du gouvernement mexicain l’ordre de laisser se tenir cette aimable réunion. L’appel initial, faut-il s’en étonner, aura été signé en particulier par Francis Wurtz, responsable des relations extérieures du PCF, qui déclare :
« La révolte du Chiapas n’est pas nostalgique. Elle est très moderne, et sa double exigence de liberté et de démocratie nous convient parfaitement ».
Et pendant ce temps, la classe ouvrière mexicaine subit les coups les plus brutaux.
Très souvent l’offensive contre le bolchevisme est conduite au nom du « marxisme », c’est-à-dire en dénaturant ce dernier. Tout aussi souvent c’est au nom de Marx explicitement qu’est attaqué le « marxisme ». Une illustration récente en a été donnée par le très universitaire « Congrès Marx International », congrès caractérisé en ces termes par l’un de ses participants (René Gallisot) :
« Si l’on regarde la tribune et la salle, ce congrès est un congrès d’anciens combattants, parlement-croupion des intellectuels qui vaticinaient au nom du mouvement ouvrier » (P.U.F, avril 96).
Ce congrès a effectivement rassemblé une assez remarquable collection de débris intellectuels issus de l’appareil stalinien et du gauchisme. Mais tous ces gens-là ont un rôle à jouer, pour le compte de la bourgeoisie. Certains d’entre eux sont d’une brutale franchise : « Marx peut être un grand recourt et d’un grand secours contre le marxisme (…) il faut au besoin utiliser Marx contre lui-même », explique Jean-Marie Vincent en séance plénière, auquel fait écho son compère Bidet Jacques, pour qui « la question du socialisme est aujourd’hui entièrement à reprendre » en utilisant pour cela « une critique de Marx au nom de Marx, une critique du socialisme au nom du socialisme », présentée comme « discours positif » (ib page 304).
L’objectif est clair : essayer de liquider tous les acquis théoriques du mouvement ouvrier, imposer une lecture officielle, universitaire, bourgeoise des travaux de Marx, du Capital en particulier, pour interdire la reconstruction du mouvement ouvrier partir de ses acquis théoriques.
Pour Bidet par exemple, c’est au nom du « socialisme » que doit être rejetée l’expropriation du capital, l’étatisation des moyens de production et la planification.
DÉFENSE DU MARXISME, DÉFENSE DU BOLCHEVISME
La situation actuelle, l’offensive idéologique ci-dessus évoquée, qui n’est pas nouvelle mais qui connaît une ampleur renouvelée, impose au Comité une défense acharnée de son programme, de ses acquis théoriques, une grande attention –à l’échelle de ses forces– à la formation théorique et à la lutte théorique. Cette question était fondamentale pour Marx et Engels sous l’angle de la nécessaire rigueur révolutionnaire du programme du parti (voir par exemple la « critique du programme de Gotha »). Cette importance de la théorie est le point de départ de Que faire ? :
« Sans théorie révolutionnaire pas de mouvement révolutionnaire. on ne saurait trop insister sur cette idée à une époque où l’engouement pour les formes les plus étroites de l’action pratique va de pair avec la propagande à la mode de l’opportunisme », écrit Lénine.
Et il rappelle :
« Les remarques faites par Engels en 1874, sur l’importance de la théorie dans le mouvement social-démocrate. Engels reconnaît à la grande lutte de la social-démocratie non pas deux formes (politique et économique) – comme cela se fait chez nous – mais trois, en mettant sur le même plan la lutte théorique ».
Cette importance de la lutte théorique, Trotsky lui a également fait toute sa place. Rappelant que « le marxisme a trouvé son expression historique la plus élevée dans le bolchevisme » et que « le bolchevisme est la seule forme possible du marxisme » notre époque, Trotsky indique « un des traits principaux du bolchevisme a été son attitude sévère, exigeante et même querelleuse sur les questions de doctrine (…) sans cette qualité fondamentale, le bolchevisme n’aurait jamais rempli son rôle historique ».
De ce rapport entre la théorie et son rôle historique, sa « pratique », Trotsky précise également :
« Le parti bolchevique n’a pu réaliser ce magnifique travail « pratique » que parce qu’il fut à chaque pas éclairé par la théorie. Le bolchevisme n’a pas créé cette théorie : elle lui a été fournie par le marxisme. Mais le marxisme est la théorie du mouvement, pas de la stagnation. Seuls des événements à une échelle historique énorme pouvaient enrichir la théorie elle-même. Le bolchevisme a fait au marxisme une contribution précieuse avec son analyse de l’époque impérialiste comme l’ère des guerres et des révolutions ; de la démocratie bourgeoise à l’époque du déclin de l’impérialisme ; de la corrélation entre la grève générale et l’insurrection ; du rôle du parti, des soviets et des syndicats dans la période de la révolution prolétarienne ; avec sa théorie de l’État soviétique, de l’économie de transition, du fascisme et du bonapartisme à l’époque du déclin du capitalisme ; et finalement avec son analyse de la dégénérescence aussi bien du parti bolchevique lui-même que de l’État soviétique.
(…) Seuls les fondateurs de la IVe Internationale, qui ont fait leur toute la tradition de Marx et de Lénine, ont, vis-à-vis de la théorie, une attitude de sérieux . (Bolchevisme et stalinisme – 29 août 1937 – uvres, page 357).
La destruction de la IVe Internationale, la destruction de l’organisation qui combattait pour la reconstruction de la IVe Internationale, constituent un coup pour le mouvement ouvrier qu’on ne saurait sous estimer.
La mort de la IVème Internationale, des organisations qui combattaient pour sa reconstruction, constitue un approfondissement de la crise de direction révolutionnaire à l’échelle mondiale.
Elle contribue à renforcer le désarroi et la confusion politique dans les rangs du prolétariat, en particulier dans une situation où le capitalisme a été restauré en ex-URSS et en Europe de l’Est.
Elle contribue également au maintien, à la direction du mouvement ouvrier, des vieilles directions traîtres, social-démocrate et ex-stalinienne.
Elle contribue enfin à la survie d’organisations se réclamant formellement du marxisme, par exemple le » Secrétariat unifié « , organisations qui sont autant d’obstacles à la construction de l’Internationale ouvrière révolutionnaire, de partis ouvriers révolutionnaires.
Le Comité se considère comme l’héritier de ce combat organisationnel, dont il entend défendre tous les acquis théoriques. L’intervention pratique dans la lutte des classes est inséparable de la défense de ses acquis.
« Seul un parti guidé par une théorie d’avant-garde peut remplir le rôle combattant d’avant-garde » (Que faire, page 80).
C’est ainsi que le Comité est la seule organisation qui se soit prononcée clairement (et ait combattu dans la mesure de ses forces) sur, entre autres, les positions suivantes :
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retrait inconditionnel des troupes impérialistes, en tout premier lieu des troupes françaises (au moment de la guerre du Golfe), à bas l’embargo !
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retrait inconditionnel des troupes impérialistes, des troupes françaises, de l’ex-Yougoslavie, à bas toute intervention !
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pour le pouvoir noir en Afrique du Sud, pour la destruction de l’État bourgeois blanc, pour l’expropriation du capital
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pour la destruction de l’État d’Israël (et des États artificiels de Jordanie et du Liban), pour un Gouvernement Ouvrier er Paysan de Palestine
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pour la réunification inconditionnelle de l’Allemagne. Etc…
De telles prises de positions, de tels combats, passés et à venir, sont constitutifs du combat pour la reconstruction du mouvement ouvrier sur un nouvel axe : celui de la Révolution prolétarienne ; du combat pour une Internationale Ouvrière Révolutionnaire se situant sur le programme de la révolution socialiste.
L’ensemble de l’analyse contenue dans ce rapport amène aux conclusions suivantes :
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il faut le constater : désormais dans les pays de la partie Est de l’Europe, de l’ex-URSS, en Russie le mode de production dominant est, à nouveau, le mode de production capitaliste ; dans les pays de l’ex-URSS, et de la partie Est de l’Europe la révolution sera sociale comme dans les autres pays ;
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la restauration capitaliste est une défaite pour tous les prolétariats qui en sont politiquement désarmés, d’autant plus que les PS, les partis social-démocrates, les ex-PC font campagne contre la révolution, contre le socialisme et le communisme ;
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(la Chine exige une analyse particulière) ;
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le prolétariat n’engage et n’engagera pas moins de puissants combats qui souvent posent et poseront objectivement la question du pouvoir ;
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l’effondrement de l’URSS, la dislocation des régimes bureaucratiques, l’éclatement des bureaucraties parasitaires et contre-révolutionnaires, la restauration capitaliste ont modifié les rapports inter-impérialistes. Ainsi l’impérialisme allemand est redevenu prépondérant par rapport aux autres impérialismes européens. Mais surtout l’impérialisme américain est devenu la seule puissance mondiale qui vise à redevenir hégémonique par rapport aux autres puissances impérialistes.
Cependant l’ensemble du système capitaliste fait entendre des craquements redoutables. Son point le plus faible est sans doute l’énorme accumulation de capital-argent qui, pour l’essentiel est du capital fictif. De ce point de vue, l’impérialisme le plus menacé est la seule puissance mondiale, l’impérialisme américain. Pour utiliser une formule banale, c’est « un colosse aux pieds d’argile ». Son endettement en témoigne. La perspective pour le régime capitaliste, c’est une crise sans précédent dépassant de loin celle des années 1930.
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La baisse du taux de profit, la crise qui s’annonce imposent au capital une offensive d’une brutalité sans précédent depuis les années 30 contre le prolétariat dans son ensemble dont Reagan et Thatcher ont donné le signal et à laquelle les candidats à la prochaine élection à la présidence de la République (Clinton et Bole). donnent une nouvelle impulsion.
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Encore que les rapports politiques présentent de pays à pays des différences considérables, ce n’est qu’avec la complicité active des organisations ouvrières traditionnelles que les gouvernements des grandes puissances impérialistes peuvent mener avec succès leur offensive ultra-réactionnaire contre le prolétariat et la jeunesse. Mais ce qui est exclu à échéance prévisible c’est que le prolétariat soit politiquement écrasé comme ce fut le cas dans nombre de pays d’Europe au cours des années 30.
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La perspective dans laquelle doit s’inscrire l’action politique de construction de partis ouvriers révolutionnaires et de l’Internationale ouvrières révolutionnaire est celle d’une crise économique, sociale et politique sans précédent, par suite de l’incapacité du capital de maîtriser la marche à une crise dislocatrice, de remporter des victoires écrasantes sur le prolétariat et l’incapacité du prolétariat à vaincre la bourgeoisie sans partis et internationale révolutionnaires.