Extrait de l’édito de RC 2 sur l’intervention militaire en Syrie et les retraites, 15 septembre 2013

En France, la collaboration de classe à l’œuvre

Les partis politiques parlementaires issus de la classe ouvrière sont tous patriotes. Si le PS est en pointe dans le bellicisme, avec le soutien de Juppé (UMP), la bourgeoisie française est dans l’expectative. Les autres partis ouvriers bourgeois (PCF et PdG) reflètent, avec l’UMP et le FN, cette hésitation. C’est au nom des intérêts de la bourgeoisie impérialiste française, de la rivalité avec les États-Unis et non de l’internationalisme prolétarien que le « Front de gauche » prêche la prudence à Hollande et la concertation au G20.

La France est aujourd’hui devant une alternative cruciale : soit préparer la guerre en soutenant les visées de l’administration américaine en Syrie et au Proche-Orient, soit définir un rôle propre, indépendant et positif… (Pierre Laurent, Intervention au Sénat, 4 septembre 2013)

François Hollande et Laurent Fabius s’entêtent à placer la France à l’avant-garde d’une alliance occidentalo-atlantiste dirigée de l’arrière par les États-Unis… Devant ces insultes répétées faites à toute une tradition de politique étrangère qui a longtemps fait de la France une puissance médiatrice au sein de l’arène internationale, le Parti de Gauche appelle le président de la République, s’il en est encore capable, à revoir sa politique dans le monde arabe. (PdG, Communiqué, 11 septembre 2013)

Les sociaux-chauvins vantent « toute une tradition de politique étrangère » : cela inclut-il l’invasion de l’Égypte avec Israël en 1956, le bombardement de la Syrie par De Gaulle en 1945 ? La défense de « la France » et la compétition inter-impérialiste conduisent non seulement à intervenir dans les affaires des autres États, ouvertement ou souterrainement, mais tout aussi fatalement à s’en prendre aux acquis sociaux, qui sont autant de handicaps pour la « compétitivité » française.

Voilà pourquoi les organisations syndicales CGT, CFDT, FO, UNSA, FSU… siègent au « Conseil d’orientation des retraites » et toutes les « confédérations représentatives » ont participé à l’élaboration de la nouvelle attaque contre les retraites.

En effet, reprenant les méthodes de ses prédécesseurs, le gouvernement Hollande-Ayrault a soigneusement préparé le terrain de cette réforme. Sur le portail du gouvernement, on trouve la « feuille de route 2013 » issue de la Conférence sociale des 20 et 21 juin 2013 où l’on peut lire :

S’inscrivant dans le droit fil de la première grande conférence sociale de juillet 2012, elle a permis de conforter la méthode suivie depuis un an dans la conduite des réformes, méthode qui repose sur le dialogue social, la négociation et la concertation. La feuille de route sociale définie en juillet 2012 a été largement suivie, grâce à l’état d’esprit de confiance, de dialogue et de responsabilité qui s’était alors créé avec les acteurs sociaux et territoriaux. Cet état d’esprit a de nouveau présidé aux échanges de cette deuxième grande conférence sociale, malgré un contexte économique difficile qui engendre de fortes attentes des salariés, des demandeurs d’emploi comme des entreprises. La nouvelle feuille de route sociale pour l’année à venir indique, pour chacun des domaines, la méthode retenue (concertation préalable à une initiative gouvernementale, négociation entre partenaires sociaux, recours à une expertise préparatoire, etc.) et son calendrier.

C’est donc dans un « esprit de confiance et de responsabilité » que les directions syndicales ont négocié le projet de réforme des retraites durant tout l’été, apportant sur un plateau à Hollande et son gouvernement toutes les clés pour de nouvelles attaques.

Les directions de la CGT et de FO, mouillées jusqu’au cou, font diversion

La journée d’action du 10 septembre 2013 convoquée par les appareils syndicaux FO, CGT, FSU et Solidaires, non pour le retrait de la réforme des retraites, mais pour « une autre réforme » ou pour une « amélioration » de la réforme et pour « peser sur les choix du gouvernement » a rassemblé peu de manifestants et encore moins de grévistes (300 000 manifestants dans tout le pays, seulement 3 % de grévistes dans l’éducation…). La classe ouvrière et la jeunesse étaient convaincues dans leur grande majorité de la totale inefficacité de cette pseudo-mobilisation, sans pour autant voir nécessairement à quel point les appareils syndicaux soutiennent ce gouvernement dans son entreprise de faire baisser la valeur de la force de travail en s’attaquant au salaire différé que représente la retraite, comme ils ont été complices des gouvernements précédents.

Alors que le gouvernement PS-PRG-EELV va plus loin que les gouvernements RPR et UMP contre les retraites, le chef de la CGT le présente comme différent et même progressiste : « Avec ce gouvernement, tel qu’il est, les choses peuvent avancer » (Lepaon, L’Humanité dimanche, 5 septembre) et voit même, comme le chef de la CFDT, des « aspects positifs » à la contre-réforme : « La pénibilité est reconnue ». Mailly, sur ce point, les suit :

Certains points, sur la pression exercée depuis plusieurs semaines, ont été pris en compte, telle la pénibilité  (FO, Communiqué, 5 septembre 2013).

En réalité, il faudra 10 trimestres de pénibilité reconnue pour gagner 1 trimestre pour faire une formation, compenser un travail à temps partiel ou partir plus tôt à la retraite (Réforme des retraites, 27 août 2013, p. 4).

Mais les 20 premiers trimestres de pénibilité ne peuvent servir qu’à la formation. Et la définition de la pénibilité va être modifiée car le salarié devra avoir dépassé des « seuils de pénibilité ». Comme le gouvernement prévoit de prolonger la durée de cotisation de 9 trimestres, et qu’il faudrait 90 trimestres de travail classé pénible pour compenser, soit travailler péniblement pendant 27,5 ans pour partir après 41,5 annuités de cotisations, la situation d’une petite minorité de salariés (de ceux qui ne vivent guère vieux) sera préservée (mais pas améliorée) alors que la grande majorité verrait sa pension amputée : où est « l’aspect positif » ?

La collaboration de classes éhontée des directions syndicales, dont les journées d’action sont le pendant, est, sans surprise, totalement couverte par le PCF et le Parti de Gauche qui n’en disent mot. LO emboîte le pas, à sa manière :

Sans réaction collective, sans opposition résolue, gouvernement et patronat continueront à faire les poches des travailleurs. Ce n’est pas la journée du 10 qui les fera reculer. Pour qu’ils stoppent leurs attaques, il faudrait que les travailleurs se lèvent en masse, par centaines de milliers, par millions, une journée, puis deux, puis trois… jusqu’à ce qu’ils soient contraints de reculer. (« Éditorial », Lutte ouvrière, 8 septembre 2013)

Comme si la multiplication des « journées d’action » (« une, puis deux, puis trois ») contre la grève générale, en 2010, n’avait pas débouché sur une grave défaite. Le seul reproche de LO aux bureaucrates syndicaux est d’être trop avares de journées d’action. Par contre, les travailleurs sont coupables de ne pas assez lutter.

Pour le NPA, qui, pas plus que LO, ne dénonce le dialogue social :

Cette journée doit être la plus massive possible afin de constituer une première étape à une mobilisation unitaire d’ampleur pour faire reculer ce gouvernement. (L’Anticapitaliste, 5 septembre 2013)

Vieille ritournelle de tous les centristes servie à chaque occasion pour justifier la politique des journées d’action sans lendemain, mais qui sont toujours présentées comme une « première étape »… alors qu’il ne s’agit que d’étapes vers la défaite organisée par les mêmes chefs syndicaux qui ont participé à l’élaboration des attaques de Sarkozy ou de Hollande.

Hollande et le gouvernement avaient donc toutes les garanties nécessaires pour leur permettre d’avancer : maintien de tous les dispositifs mis en place par Fillon, Sarkozy et leurs prédécesseurs, hausse des cotisations pour les salariés, celles des patrons devant être compensées par la fiscalisation prochaine de leurs cotisations familiales, allongement de la durée de cotisation à 43 ans pour la retraite à taux plein. Pourtant c’est loin de faire le compte pour les capitalistes qui réclament la fin des régimes spéciaux et de celui des fonctionnaires, la retraite entière à 65 ou 66 ans et la mise en place de la capitalisation par points. Le budget 2014 en préparation va encore alourdir le fardeau pour les salariés.

Appuyé par le gouvernement, le patronat sort également renforcé par la collaboration de classe et le sabotage des luttes des appareils syndicaux. Après l’échec au printemps dernier de la longue grève laissée volontairement isolée par la direction LO de la CGT à PSA Aulnay et l’acceptation du plan de licenciement par toutes les directions syndicales du site [voir Révolution communiste, mai 2013], voilà que les patrons de PSA, méthodiquement, engagent de nouvelles attaques contre les ouvriers, cette fois sur la flexibilité du travail et sur le gel des salaires. Il s’agit, pour les patrons, « de réduire significativement l’écart de coût de production de 600 euros par voiture entre une citadine construite en France et en Slovaquie » (Philippe Varin, président du directoire de PSA, Le Figaro, 31 juillet 2013). La direction de la CGT organise des « débrayages » pour « faire pression sur les négociations », car elle accepte, comme toutes les autres directions syndicales, de négocier sur la base d’un tel programme…

La classe ouvrière et la jeunesse doivent rompre avec la classe capitaliste et engager contre elle un combat résolu :

  •  Aucune intervention militaire en Syrie ! Retrait des troupes françaises du Liban et des Émirats arabes unis !
  • Démission des représentants syndicaux du Conseil d’orientation des retraites ! Retrait du projet contre les retraites ! Manifestation à l’appel des organisations syndicales à l’Assemblée pour empêcher son adoption !