Rapide compte rendu du 7e Congrès du PCOI

Une délégation du CCI(T) a participé, comme invité, au 7eme congrès du PCOI qui s’est tenu les 5 et 6 décembre 2009. Deux cents délégués venus de différents pays où résident les militants du PCOI dans l’émigration, plus des militants du PCOI non délégués, et la présence de la branche irakienne du PCOI, ainsi qu’une organisation afghane. Par contre, comme au précédent congrès auquel nous avions participé, à part le CCI(T), aucune autre force politique, qu’elles se réclament du trotskysme ou autres. Ceci ne vient pas d’une volonté du PCOI, ce congrès, comme les précédents, étant largement ouvert aux invités. L’intégralité du congrès était retransmise en direct, via internet, pour tous les militants, en Iran comme ailleurs.

Voici quelques points importants qui ont été discutés dans ce congrès :

Pour le PCOI, les mouvements qui se déroulent en Iran aujourd’hui sont la poursuite de la révolution de 1979 que le régime islamique a tenté d’étrangler par 30 ans de dictature et qui ressurgit aujourd’hui. C’est bien une révolution qui est en cours, et non pas de simples manifestations opposant une fraction du régime à une autre, même si la division du régime est précisément une des composantes de cette situation révolutionnaire.

Le PCOI avance le mot d’ordre de « A bas la République islamique », qui est repris dans les manifestations, alors que les manifestants crient spontanément « A mort le dictateur ». Ce mot d’ordre indique la nécessité de la destruction complète du régime islamique, sur laquelle le PCOI insiste, ce qui le différencie d’autres forces politiques qui s’en tiennent à l’impossible défense des libertés démocratiques dans le cadre du régime. Pour le PCOI, clairement, il ne faut pas laisser une seule pierre debout du régime de la dictature.

Ce qui est frappant sur cette question, c’est que, sans peut-être forcément en avoir pleine conscience, en défendant ce mot d’ordre, le PCOI traduit tout simplement la nécessité de la destruction de l’Etat bourgeois par la révolution. En effet la dictature islamiste, c’est la forme de domination de la bourgeoisie iranienne face au mouvement révolutionnaire commencé en 1979.

Une des principales discussions qui s’est déroulé pendant ce congrès a porté le mot d’ordre de « République des hommes, ou République humaniste », la traduction étant un peu hésitante, que le PCOI avance désormais comme alternative à la dictature islamiste. Pour le PCOI, le combat pour le communisme, la société sans classes et cette République humaniste ne font qu’un. Il pense ainsi à la fois répondre aux profondes aspirations de liberté sous toutes ses formes qui mobilisent les masses iraniennes, conquérir la majorité dans les masses, tout en se démarquer des « modèles » de type stalinien de l’ex URSS, de la Chine ou de Cuba etc. que le PCOI qualifie de capitalisme d’Etat1.

On trouvera en annexe la résolution sur la révolution iranienne votée par le congrès du PCOI qui éclaire le contenu que donne le PCOI à son combat. Deux à trois délégués ont contesté cette formulation de République humaniste, préférant une formulation plus proche de République socialiste.

Le CCI(T) est intervenu dans ce congrès, brièvement, compte tenu de l’ordre du jour très chargé et minuté. Après avoir remarqué l’absence de toutes les autres forces politiques se réclamant du socialisme pour la simple raison qu’elles sont en réalité contre la révolution en Iran, soutenant ou le régime ou au mieux les « opposants » comme Moussavi, comme elles sont contre la révolution en France, en Amérique latine etc., nous avons abordé la question de la perspective gouvernementale à avancer en Iran. Dire « A bas la République islamique », c’est bien, mais les masses ont besoin de savoir par quoi la remplacer. Qui va satisfaire toutes les revendications pour les libertés démocratiques, qui va payer les salaires des ouvriers qui ne sont plus payés depuis des mois, donner du travail aux chômeurs etc. ? Est-ce que cela peut être un gouvernement bourgeois ? Non puisque la dictature islamique qu’il faut détruire, c’est la dernière forme de domination de classe que la bourgeoisie ait trouvée pour s’opposer aux masses. Cela ne peut être qu’un gouvernement ouvrier qui combatte pour le socialisme.

Cette intervention a été chaleureusement applaudie par le congrès. Plus largement d’ailleurs, notre présence a suscité nombre de discussions particulières, d’intérêts et de sympathie. Nous avons indiqué, en souhaitant nous revoir pour le prochain congrès à Téhéran, que nous allons écrire un texte précisant nos positions pour contribuer au débat.

Pour le CCI(T), il est évident que le mot d’ordre de République humaniste, comme la résolution qui figure en annexe, sont marquées d’une grande confusion politique2.

Pour nous, le combat pour le communisme, la société sans classes, passe inévitablement par la constitution d’un gouvernement ouvrier qui s’attaque résolument à la bourgeoisie. Comment prétendre ne pas laisser debout une seule pierre du régime de la dictature islamiste, juger publiquement les criminels etc. comme le revendique le PCOI sans que s’exerce ce que Lénine appelait la dictature de la majorité sur la bourgeoisie. Nous ne croyons pas que la bourgeoisie iranienne va céder tranquillement la place, en disant « excusez-nous, nous voyons bien que nous avons fait notre temps ». Comment résoudre tous les problèmes économiques et sociaux dans lesquels sont plongés les masses iraniennes sans avancer les mots d’ordre transitoires d’expropriation des grandes entreprises, du contrôle ouvrier sur la production etc. Et sans même aborder ici toute la dimension internationale du combat.

Ce qu’il faut parvenir à définir pour la situation révolutionnaire en Iran, c’est un programme combinant toutes les revendications démocratiques avec les revendications ouvrières, c’est le programme définissant les tâches immédiates, et donc la nécessité du gouvernement ouvrier, c’est le programme que doit mettre en avant le PCOI pour la conquête du pouvoir, c’est le programme qui peut constituer la base de la formation des chouras, combinant à la fois l’organisation des masses pour la chute de la dictature et pour leur propre gouvernement.

Le PCOI n’est pas une organisation trotskyste. C’est un parti qui s’est constitué dans la révolution iranienne contre la mise en place du régime islamiste de Khomeiny, en réaction contre toutes les forces politiques stalinienne, réformistes, gauchistes et y compris se réclamant du trotskysme comme le SU. Ses fondateurs ont tenté, dans ces conditions difficiles, de renouer avec le marxisme, et, tout en développant une opposition irréductible au régime islamiste, de définir une nouvelle approche du combat pour le socialisme3.

Il n’est pas difficile pour des trotskystes (des vrais trotskystes…) de pointer ici et là nombre de confusions, d’erreurs ou de défaut d’analyse qui toutes peuvent conduire à l’impasse, à plus ou moins court, moyen ou long terme. C’est loin d’être chimiquement pur. Mais la question n’est pas de disséquer les erreurs ou approximations du PCOI en préservant bien au chaud dans notre bulle notre pureté révolutionnaire, mais en combattant fraternellement avec le PCOI, d’essayer de jouer notre rôle de ferment pour la construction d’un véritable parti révolutionnaire en Iran, pour l’Internationale ouvrière. C’est un enjeu formidable, dont nous ne savons pas les développements qu’il pourra prendre et dans l’issue bien entendu n’est pas fixée par avance.

En tous les cas, ce que nous avons vu à ce congrès du PCOI, c’est que :

Il s’agit d’une organisation de masse, sans commune mesure avec toutes celles que nous avons pu approcher par ailleurs, disposant d’une implantation importante en Iran même.

Ce parti fonctionnant, comme nous l’avons constaté concrètement dans ce congrès, dans un grand respect de la démocratie, des débats et de la fraternité ouvrière.

Notre intervention dans ce congrès, qui fait suite à nos interventions au précédent congrès, à un précédent plénum ainsi qu’à nos interventions militantes sur le terrain aux cotés des camarades du PCOI en France, nous donne une place qui est aujourd’hui reconnue dans le PCOI, malgré notre taille ridicule par rapport au PCOI.

Dans des conditions différentes, il s’agit là du même processus d’insertion du CCI(T) dans les processus vivants de la lutte des classes vers lequel nous nous sommes tournés en France dans la recherche de recomposition de la classe ouvrière sur un nouvel axe, pour reprendre une vielle formule, et où, là aussi, des pas décisifs peuvent être franchis pour la construction du POR.

Amadis le 12


1 Il faut noter que pour le PCOI, l’explication du stalinisme provient de la conception même du gouvernement ouvrier mis en place en 1917, et non des conditions politiques et historiques qui ont permis à la bureaucratie de prendre le pouvoir, d’exterminer les révolutionnaires et de combattre contre la révolution mondiale.
2 Nous attendons d’autres traductions de textes du congrès. Elles seront transmises dès réception.
3 Voir le programme du PCOI « Pour un monde meilleur »