Le président de l’Université demande à la police d’expulser des jeunes étrangers
La menace par la présidence de l’université de mise à la rue, à la veille de Noël, d’adolescents sous prétexte de leur sécurité, et si nécessaire par l’intervention de la police, démontre que la prétendue tradition humaniste universitaire, même parmi ses dirigeants, relève plus d’une légende que de faits avérés.
Peu avant les congés de fin d’année, le président de l’UT3, Jean-Marc Broto avait sommé les mineurs de quitter les lieux occupés. Des conditions de vie pourtant loin du standard de la décence puisque le chauffage, l’eau chaude, et l’accès aux douches du gymnase leur avait été supprimé par les services de l’université, sans compter les brimades des sbires de la sécurité.
De plus, en invoquant le caractère dangereux des locaux (présence de sources radioactives, installation électrique vétuste), lesquels avaient été nettoyés par une entreprise extérieure, que l’on imagine mal avait opéré en dehors des normes de sécurité. Contrairement aux conditions de travail des agents de l’université, enseignants et techniciens qui ont œuvré pendant des années dans ce bâtiment !
Si la tête de l’UT3 a fait preuve de l’étendue de sa générosité, les collectivités locales montrent de leur côté qu’elles ne sont pas en retard sur l’agenda de l’exécutif national, étant déjà en phase avec l’acharnement de Macron et Darmanin contre les immigrés, et son projet de loi « Pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ». Présenté le 20 décembre dernier, ce texte législatif associe délinquance et immigration dans une rhétorique raciste qui n’a rien à envier au programme du RN.
La mairie de Toulouse et le département se rejettent la responsabilité
Que ce soit la mairie de Toulouse, dirigée par Jean-Luc Moudenc (dirigée par les partis bourgeois LR-LREM-UDI) ou le conseil départemental de la Haute-Garonne, à majorité de partis ouvriers-bourgeois (PS-PCF-Générations) plus le PRG, la politique de traitement de la situation sociale de ces jeunes mineurs étrangers ne diffère pas dans leur manière de s’en prendre aux plus démunis.
Si des jeunes étrangers se trouvent ainsi aujourd’hui à la rue, c’est le résultat d’une politique déjà à l’œuvre depuis plusieurs années. Depuis juillet 2016, le conseil départemental du 31 prive les jeunes mineur-es isolé-es d’hébergements et multiplie les attaques aux droits de l’enfance, malgré sa charge de leur porter assistance par l’intermédiaire de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Ces mineur-es doivent subir des procédures de vérification de leur minorité par des tests osseux et autres critères arbitraires. Le département s’appuie sur le DDAEOMIE (Dispositif départemental de l’accueil, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers en Haute-Garonne) pour faire ce boulot de tri et en remet à la rue une grande majorité, bien que systématiquement démenti par le juge des enfants.
À tel point qu’en 2019, la mairie de Toulouse a dû les reloger dans l’ancien EHPAD des Tourelles, dans le quartier de la Cépière. Au passage, une manière de montrer qu’une mairie de « droite » pouvait être moins antisociale qu’un département de « gauche ».
Pour autant, la réalité quotidienne des jeunes, venus pour la plupart de pays d’Afrique en proie à la misère, aux guerres et à l’insécurité alimentaire et économique, est tout sauf reluisante. Conditions de vie déplorables, souvent avec un seul repas par jour, ils partagent des chambres de 25m2 à dix, les toilettes sont bouchées, et l’accès aux douches bloqué. La mairie a confié à une structure sociale, l’ARSEEA, la mission d’assister les mineurs, en octroyant 3 salariés, non présents pendant les confinements, et sans aucun moyen matériel (nourriture de survie, bâtiment dégradé, rationnement des produits d’hygiène).
La répression policière, réponse à la détresse sociale
Puis début 2022, le Centre communal d’action sociale, devenu propriétaire de l’ancien EHPAD a décidé de sa fermeture, sommant les occupants de quitter les lieux, après jugement du tribunal administratif en mai 2022. Le 26 aout 2022, des colonnes de CRS (pour cela, il y a des moyens) ont pris place devant le bâtiment pour procéder à l’évacuation de la centaine de jeunes.
« Une bonne nouvelle pour la République », c’est en ces termes que le maire de Toulouse a décrit le 27 aout la remise à la rue d’une centaine de mineurs isolés. Avant de se mettre à l’abri de l’hiver en décembre dans le bâtiment 4R3, les jeunes n’avaient eu d’autre moyen que d’occuper les allées Jules Guesde, en plein centre–ville proche du palais de justice, dans des toiles de tente de fortune.
Mobilisation des travailleurs de l’université
Le mardi 3 janvier 2023, environ 200 travailleurs-ses de l’université Paul Sabatier (Université Toulouse 3), appelé-es par les sections locales Ferc-Sup-CGT, et le SNTRS-CGT en relais d’un appel du collectif AutonoMIE, se sont rassemblés devant le bâtiment administratif pour manifester leur soutien à une centaine de jeunes mineurs étrangers.
La manifestation des agents a permis pour le moins de faire reculer le président de l’université, qui bien qu’autorisé par le tribunal administratif de Toulouse le 28 décembre dernier à procéder à l’expulsion, n’a pas encore usé de ce pouvoir. Les dirigeants de l’UT3 ont promis d’organiser une réunion avec l’État et les collectivités territoriales pour résoudre la situation misérable ce ces mineurs… dans laquelle ces mêmes institutions les ont mis ! Autant dire, que ça ressemble plutôt à la politique du pompier pyromane.