Une carrière complète de bureaucrate réformiste
Jean-Luc Mélenchon, est né en 1951. Étudiant en philosophie et lettres modernes, il est syndiqué en 1969 à l’UNEF et milite dans une organisation qui se réclame du trotskysme, l’OCI. En 1976, il passe au PS, ce qui ouvre d’autres perspectives de carrière que l’OCI, comme peuvent en témoigner aussi Jospin ou Cambadélis. Il devient, à 27 ans, directeur de cabinet du maire PS de Massy (Essonne), Claude Germon.
Jamais Mélenchon ne reniera Mitterrand, cet ancien haut fonctionnaire pétainiste, cet ancien ministre de la guerre en Algérie, ce président de la 5e République, ce responsable de « la politique d’austérité », ce chef de l’armée (intervenant 19 fois en Afrique, bombardant la Serbie et envahissant l’Irak avec les Etats-Unis), ce bourgeois quittant la scène avec une cérémonie catholique en grande pompe…
Évidemment quand vous avez sous les yeux un François Hollande, vous pouvez vous dire que l’arrivée au pouvoir de la gauche ne change rien… Ce n’est pas vrai. Parvenir au pouvoir peut permettre de changer la donne. Mitterrand l’a prouvé. (Jean-Luc Mélenchon, « Entrevue », Charles, janvier 2016)
Durant les 32 ans qui suivent son ralliement à la social-démocratie, Mélenchon vit des prébendes de l’État français (ou de l’Union européenne mise en place par les impérialisme français et allemand) comme maire adjoint (durant 6 ans), élu au conseil départemental de l’Essonne (13 ans), sénateur (18 ans), ministre délégué à l’enseignement professionnel dans le gouvernement Jospin (2 ans). Après avoir scissionné du PS et fondé le PdG en 2009, il est député européen entre 2009 et 2017, et depuis, député (et président de groupe) à l’Assemblée nationale. Un tel état de service dans le 6e pays impérialiste, lui permet d’affirmer :
Face à quelque juge ou policier que ce soit, la République, c’est bien moi, et ils me doivent le respect dû à ceux que je représente, leur maître, le peuple souverain. (Jean-Luc Mélenchon, Et ainsi de suite, Plon, 2019)
Candidat du Front de gauche
Doté de plus de bagout que les autres chefs réformistes, il est candidat à l’élection présidentielle de 2012 pour le « Front de gauche » qui rassemble le PdG, le PCF, la GU et la GA (deux fractions du NPA), la FASE (un conglomérat éco-socialiste), le PCOF (un débris du maoïsme), R&S (ex MRC, un groupe gaulliste de gauche).
Le Front de gauche avance des propositions constituant, dans leur cohérence, une véritable alternative de gauche pour 2012. Smic à 1 700 euros brut pour 35 heures de travail hebdomadaire, salaire maximum dans les entreprises, retour à la retraite à 60 ans, création d’un pôle public financier pour reprendre le pouvoir sur les marchés financiers et réforme de la fiscalité pour taxer les détenteurs des richesses, mise en place d’un plan de transition écologique et maitrise publique des énergies, débat national et référendum sur le nucléaire, convocation d’une constituante pour une VIe République parlementaire, sociale et participative, volonté de s’affranchir du traité de Lisbonne, de remettre en cause le pacte pour l’euro, et de changer le statut de la Banque centrale européenne au service de l’investissement et de l’emploi, action de la France pour changer le cours de la mondialisation actuelle… (L’Humanité, 15 septembre 2012)
Le Front de gauche est basé sur une totale confiance dans l’État national bourgeois et dans le capitalisme. Avec un changement légal et pacifique de gouvernement (autour du Front de gauche), avec une bonne politique (rompre avec les exigences de « la finance » et avec la Commission de Bruxelles) et une modification de sa constitution (le retour aux 3e et 4e Républiques, plus parlementaires mais pas moins ennemies de la classe ouvrière), le capitalisme français échapperait aux crises économiques et satisferait les besoins du « peuple ».
Les promesses électorales des réformistes, comme celle sur le salaire minimum, sont du vent. Soit elles sont contournées par la classe capitaliste, soit les chefs réformistes y renoncent au nom du réalisme et de la menace de la réaction. Par exemple, toutes les conquêtes sociales de la grève générale de 1936 (revendications d’ailleurs absentes du programme du Front populaire) ont été annulées en 1938 par le gouvernement du Parti radical. Seul un gouvernement ouvrier appuyé sur le peuple en armes peut prendre des mesures réelles contre les exploiteurs.
Mélenchon arrive avec 11,10 % de voix, derrière le FN (aujourd’hui RN). Imbu de son éloquence il prétend battre le FN aux législatives de 2012 dans le Pas-de-Calais, mais il échoue, restant derrière le FN et le PS.
Une deuxième campagne au populisme sans frein
En 2017, il se lance pour une 2e candidature présidentielle en dehors de tout cadre de parti existant, en fondant autour de sa personne le « mouvement » LFI. Sa structuration et son fonctionnement sont l’exact opposé de la démocratie ouvrière, et laissent les mains libres à son caudillo et aux adjoints qu’il choisit.
Il s’impose au PCF. Sa candidature est aussi ralliée par Ensemble (un fourretout qui rassemble la FASE, la GA, les GU qui ne sont pas partis au PCF, etc.), le POI (une organisation sociale-patriote issu de la décomposition politique de l’ex-OCI), la GR, Révolution et Militant (trois groupes « trotskystes » très parlementaristes).
Mélenchon innove avec des hologrammes qui permettent de tenir des faux et vrais meeting simultanés, pour « expérimenter un renouveau de la politique ». Mais la technique cache mal la régression idéologique. En 2012, le Front de gauche mélangeait drapeaux rouges et drapeaux tricolores. En 2017, LFI interdit les drapeaux rouges. La Marseillaise devient le seul hymne qui abreuve ses sillons.
Son programme, L’Avenir en commun, est axé sur la sortie des traités européens, la construction d’une sixième république, et drague les écologistes en voulant répondre au changement climatique dans le cadre du capitalisme. Tout au long des 113 pages du programme, l’absence des mots « classe ouvrière », « bourgeoisie » en dit long sur la négation de la lutte des classes. À la place, Mélenchon y substitue un « peuple » qui ferait face à une « caste de privilégiés » (L’Avenir en commun, p. 17), selon un schéma populiste proche du FN-RN. De même, il dénonce le système actuel comme celui de « l’argent-roi », en prise avec « la finance » (p. 31), afin de ne pas froisser les bons capitalistes (industriels et français) qui seraient victimes des impérialismes allemand ou états-uniens. Selon LFI et le PCF, la France n’est pas impérialiste. La bourgeoisie française peut donc dormir sur ces deux oreilles, d’autant que LFI lui promet de recruter 2 000 policiers de plus.
Mélenchon croit, des heures après les premiers résultats, qu’il sera au second tour. Son score atteint 19,53 %, soit un presque doublement du nombre de voix par rapport à 2012, mais en 4e position et toujours derrière le RN. Il devance le PS qui avec Benoit Hamon est réduit à 6,36 % des voix.
Aux législatives qui suivent, le chef de LFI choisit prudemment une circonscription plus favorable que Hénin-Beaumont, avec une prétention qui sonne comme l’aveu même de la nature réformiste de son projet.
Je ne veux pas affaiblir le PS, je veux le remplacer. (Jean-Luc Mélenchon, Déclaration de candidature à Marseille, 11 mai 2017).
Entretemps, après l’assassinat de Samuel Paty, perpétré par Anzorov, il tombe dans les généralisations xénophobes, sinon racistes.
Moi, je pense qu’il y a un problème avec la communauté tchétchène en France. Il faut reprendre un par un tous les dossiers des Tchétchènes présents en France et tous ceux qui ont une activité sur les réseaux sociaux, comme c’était le cas de l’assassin ou d’autres, qui ont des activités de l’islamisme politique doivent être capturés et expulsés. (LCI, 18 octobre 2020)
Mélenchon a manifesté en 2020 sa confiance, comme Le Pen, dans le truqueur Raoult ; il a soutenu en 2021, comme Le Pen, les protestations individualistes et obscurantistes des anti-pass et anti-vaccins.
La troisième campagne présidentielle d’un social-patriote vieillissant
L’usure guette, malgré le son immersif et les odeurs des meetings, car le candidat n’est crédité pour l’instant que de 9 %, soit la moitié de 2017.
Le programme n’a guère changé depuis 2017. Mélenchon, comme Le Pen, est devenu plus prudent envers l’Union européenne mais il reprend les termes utilisés en 2016 par Johnson (Parti conservateur) et par Farage (UKIP) pour le référendum de départ de la Grande-Bretagne de l’UE (Brexit qui avait été salué tant par le RN que par LFI).
Mon sujet, c’est d’abord de rétablir notre souveraineté. (Jean-Luc Mélenchon, « Entretien », Le Monde, 19 janvier)
En 2012, le Front de gauche affichait dans son programme un salaire minimum mensuel à 1 700 euros bruts (1 305 nets) ; dix ans après, alors que l’inflation fait rage, Mélenchon est modestement pour un smic à 1 400 euros nets (Hidalgo promet 1 446 euros nets, Roussel 1 500). La démocratie règnera grâce aux municipalités (déjà l’axe des opportunistes « possibilistes » contre le Parti ouvrier de Lafargue et Guesde) et aux référendums (chers à Louis Bonaparte et Charles de Gaulle). Les travailleurs étrangers seront incités à rester chez eux. Le « grand déménagement » serait miraculeusement corrigé par l’État protectionniste au moyen d’une « agence de relocalisation » (L’Avenir en commun, p. 33). L’État bourgeois national opèrera miraculeusement la « bifurcation » de la « transition écologique » alors que les problèmes de l’environnement (et de la santé) sont mondiaux, pour cela il en finira avec l’énergie nucléaire (ce qui l’oppose au PCF) mais pas avec l’arme nucléaire (ce qui le rapproche du PS et du PCF).
L’arsenal atomique français reste une garantie pour la France. Il n’est pas question d’y renoncer. (Bastien Lachaud & Jean-Luc Mélenchon, Le Monde, 12 janvier)
Le complotisme affleure parfois.
Vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, nous aurons un grave incident ou un meurtre. Ça a été Merah en 2012. Ça a été l’attentat la dernière semaine sur les Champs Elysées (en 2017). Vous vous rappelez de tout ça ? C’était la dernière semaine. Avant on avait eu papy Voise (en 2002) dont plus personne n’a jamais entendu parler après. Tout ça c’est écrit d’avance. (Jean-Luc Mélenchon, France Inter, 6 juin 2021)
La maladie se propage, alors ils inventent des vaccins à une, deux, trois, quatre doses ! (Jean-Luc Mélenchon, Discours au meeting parfumé de Nantes, 16 janvier)
Il suffit de quelques clics sur le site de LFI pour se rendre compte de la complète absence d’une rubrique dédiée à l’actualité internationale des luttes. Tout y est subordonné à l’activité électoraliste du mouvement.
Cela sent mauvais, malgré les parfums des meetings. Mélenchon trompe la classe ouvrière en diffusant l’idée que la France, serait un pays soumis, dominé. Ce sont plutôt les millions de travailleurs en métropole et en outre-mer qui sont soumis au diktat des capitalistes, français et autres, et enchainés à eux par la traitrise de philistins de la LFI, du PS, du PCF et des bureaucraties syndicales.
Alors que le mouvement ouvrier est né de la séparation d’avec les bourgeois « démocrates », alors qu’il a écrit les plus belles pages de son histoire (la Commune de Paris, la Révolution russe…) par la destruction de l’État bourgeois national et par la fraternité des travailleurs par-delà les frontières, Mélenchon et sa LFI perpétuent la collaboration de classe, l’illusion dans l’État bourgeois, le nationalisme qui divisent les travailleurs, les paralysent et aident la réaction, de Macron à Zemmour, en passant par Pécresse et Le Pen.