Quelques jours avant de quitter le gouvernement Hollande, Vincent Peillon a dévoilé un projet de décret destiné à modifier la définition du métier des enseignants des collèges et des lycées. Ce projet, négocié depuis novembre 2013 avec toutes les directions syndicales (FSU, SE-UNSA, CGT, SUD, FO, SGEN-CFDT), abroge, par son article 10, les décrets de 1950 qui limitent le temps de travail et le définissent comme opéré devant les élèves : 15 heures par semaine pour les professeurs agrégés, 18 heures pour les certifiés.
Tous les gouvernements précédents, malgré les exigences de la réaction depuis des décennies, avaient reculé sur la mise en cause de ces statuts. Il est revenu au gouvernement Hollande de supprimer cette protection des enseignants. L’abrogation des décrets de 1950 et le projet de décret qui les remplace ouvrent donc la voie à une plus grande flexibilité, à l’inégalité des traitements, à l’annualisation du temps de travail.
L’article 2 prévoit, en plus des heures d’enseignement hebdomadaires actuelles, que les enseignants sont tenus d’assurer toutes sortes d’autres tâches. Le soutien scolaire et les conseils pour l’orientation sont ajoutés aux obligations, ce qui les fait passer sous l’autorité des supérieurs hiérarchiques et en fait des critères d’évaluation. Des dérogations pourront être mises en place par les chefs d’établissements et les organes de cogestion (conseil d’administration du LP, du lycée, du collège). C’est la porte ouverte aux passe-droits et autres récompenses pour les professeurs les plus zélés.
Enfin, sur la base du volontariat (pour l’instant !) un enseignant pourra exercer dans une matière qui n’est pas sa spécialité. Pour faire avaler la pilule, le décret prévoit des rétributions pour les enseignants d’éducation prioritaire et de BTS.
Le PS Peillon quitte le gouvernement en ayant rendu de grands services à la bourgeoisie. En plus de la « refondation » de l’école dont l’un des décrets emblématiques est d’allonger d’une demi-journée hebdomadaire le temps de travail des professeurs des écoles, Peillon a ouvert la voie à la flexibilité des tâches et du temps de travail des professeurs du secondaire, à leur soumission aux principaux et proviseurs.
Alors que les salaires sont gelés, que l’avancement à l’ancienneté est menacé, que les suppressions de postes de Sarkozy sont très loin d’être compensées et qu’il faudra 43 annuités pour avoir une retraite pleine, les représentants syndicaux ont aidé le gouvernement à attaquer les décrets de 1950. Le rôle d’un syndicat est, au contraire, de défendre les intérêts des travailleurs. Pour arracher le retrait du projet de décret, les travailleurs de l’enseignement doivent s’organiser et exiger des dirigeants syndicaux qu’ils cessent de discuter des attaques, qu’ils rompent avec le gouvernement Hollande-Valls-Hamon, qu’ils se prononcent pour la défense des statuts, le maintien intégral des décrets de 1950, le retrait du projet Peillon.