Aux camarades Ernesto et Carolina

Camarades,

Suite à votre texte critique d’avril 2013 vis-à-vis de la position politique adoptée par le GKK à l’occasion du « référendum » à propos de l’armée de conscription en Autriche, qui s’est déroulé le 20 janvier 2013 et à la réponse qu’ils vous ont adressée début juillet 2013, toutes deux traduites par nos soins dans les bulletins intérieurs n° 8 et n° 10, la direction nationale du Groupe marxiste internationaliste porte à votre connaissance son opinion, que vous avez sollicitée.

Les camarades du GKK avaient estimé ne pas avoir à appeler à voter « non » (comme le principal parti ouvrier bourgeois, le SPO) ou « oui » (comme les partis bourgeois OVP et FPO) à la question du maintien de l’armée de conscription et du maintien du service militaire obligatoire. Cela parce qu’il ne s’agit pas de l’armée du prolétariat mais de l’armée contre le prolétariat. Les questions posées revenaient à choisir entre une armée de métier complétée de la conscription ou une armée de métier seulement. Le GKK n’a pas demandé le maintien de la conscription en auxiliaire de l’appareil de mercenaires et de gradés, ni la suppression de la conscription. Son appel au « boycott actif » ne nous paraît pas contraire aux conceptions de Lénine et de Trotsky à ce propos. Simplement, le GKK semble avoir privilégié la prise en compte de l’indépendance de classe en appelant à ne pas se soumettre à un vote comprenant obligatoirement l’acceptation du cadre militariste et nationaliste de la bourgeoisie. Il serait totalement différent, dans d’autres circonstances, de ne pas accepter l’apprentissage du maniement des armes et de l’art militaire par les prolétaires, dans le cadre du service militaire.

Les communistes sont pour le licenciement de l’armée et de la police, pour l’armement du peuple. Le gouvernement SPO ne posait pas la question de supprimer carrément l’armée de classe ou bien de l’affaiblir en la démocratisant, ce qui serait évidemment absurde. Le gouvernement a demandé implicitement la reconnaissance de son armée, de son droit de répression sur le prolétariat. La classe dominante veut garder une totale mainmise sur son principal appareil de répression.

Dans un État bourgeois, le plus souvent, un « référendum » paraît laisser un libre choix, mais il n’en est rien. Le choix est généralement fallacieux. Au vu de la première question, on peut légitimement penser que le SPO a cherché à obtenir une sorte de caution populaire pour une armée de métier en incluant une formule incitative, à savoir un  « service social rémunéré » en prime pour une jeunesse de plus en plus en proie au chômage et à la précarité. En second lieu, une fois donnée une réponse par oui ou par non, il s’agit d’une réponse qui se situe nécessairement dans le cadre proposé par l’État bourgeois : celui d’une armée pour la bourgeoisie contre le prolétariat et les pays dominés. A l’occasion de ce vote, il était demandé au prolétariat d’accepter d’être dépendant de la classe dominante qu’il se prononce contre ses propres intérêts, qu’il accepte le cadre de la répression bourgeoise contre lui.

C’est pourquoi nos camarades du GKK appelèrent à refuser le cadre et ils argumentèrent que ce n’était pas de l’armement du peuple, de l’armée du prolétariat dont il s’agissait. Ce ne pouvait être dès lors qu’un mot d’ordre de boycott qui convenait, pour ne pas tomber dans le piège.

C’est sans doute pourquoi vous ne vous prononcez pas vous-mêmes sur la tactique qu’il fallait suivre.

Primordiale est la prise en compte du contexte au regard du rapport entre les classes dans le pays à ce moment-là. C’est l’État bourgeois qui a posé une question piège et cherché à donner une caution démocratique à l’institution la moins démocratique. La bourgeoisie n’a guère l’habitude de demander au peuple si elle doit être, ou pas, réactionnaire. Il s’agit d’autre chose. Pourquoi donc le principal parti bourgeois, l’OVP, et le parti fascisant, le FPO, ont-ils appelé à voter pour le maintien du service militaire, s’il s’agissait du choix le plus dangereux pour l’ordre capitaliste ?

À ce moment-là, le résultat de la consultation pour une modification de la forme de l’armée bourgeoise ne paraissait pas être d’une grandissime importance pour la bourgeoisie autrichienne elle-même. Dans ce cas, pourquoi le prolétariat aurait eu si grand intérêt à se prononcer sur une question pipée, même pour le maintien d’une armée de conscription ? Ainsi que nous la comprenons, nous approuvons l’orientation antimilitariste choisie par le GKK avec le « boycott actif ».

Bien entendu, nous pensons que le mot d’ordre de « boycott » n’invalide en rien la nécessité stratégique de disloquer la police et l’armée bourgeoises, d’armer ainsi que, tactiquement, de garder la conscription, d’en réduire la durée, d’imposer les droits démocratiques des soldats, la conservation des armes par les réservistes, d’empêcher leur utilisation impérialiste…

Il semble que le GKK n’a jamais dévié, dans ses multiples écrits, en passant à la suppression de l’armée de conscription en Autriche. En l’occurrence avec ce « référendum » le prolétariat et la jeunesse n’avaient rien demandé concernant l’armée de la bourgeoisie.

Par contre, vous ne citez aucune publication (tract, déclaration, bulletin, plateforme) de l’ex-GG sur cette question dans votre propre État.

Enfin, nous vous répétons notre regret de la rupture du GG avec le CoReP et de sa dissolution, de votre absence à la conférence de la fusion (qui vous aurait donné la parole ainsi qu’à la délégation du GKK), de votre choix de ne pas examiner les documents adoptés par le CoReP ni le projet de plateforme élaborée pour le futur GMI que nous vous avions communiquée.

Les questions auxquelles les communistes internationalistes sont confrontées ne sauraient être réduites à une consultation autrichienne sur un faux choix posé par la bourgeoisie locale. Le programme de l’armement du peuple mérite d’être réaffirmé, à l’échelle internationale, contre le marais centriste (et souvent pacifiste) et traduit dans chaque État.

Avec nos salutations communistes internationalistes,

La DN du GMI (section française du CoReP)
15 février 2014