Outre le maintien de la plupart des dispositions favorables de Sarkozy et de l’UMP, le patronat a déjà beaucoup obtenu, en 2012 et en 2013, de Hollande et du gouvernement PS-EELV-PRG :
la « loi de sécurisation de l’emploi », c’est-à-dire l’augmentation de la flexibilité des salaires et des emplois négociée par toutes les centrales syndicales, ratifiée par la CFDT et votée par les députés PS ;
- le « crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi », un cadeau de 13 milliards d’euros en 2013 et de 20 milliards en 2014 de baisse d’impôt sur le capital compensé par une augmentation de la TVA ;
- la « loi de réforme des retraites », négociée par toutes les centrales syndicales, qui augmente les cotisations des salariés et portera à 43 ans la durée de cotisation ;
- la limitation de l’augmentation du Smic au minimum légal (pas d’augmentation du pouvoir d’achat) ;
- l’autorisation des 813 « plans sociaux » en 2013 (plans de licenciements collectifs) ;
- les interventions militaires au Mali et en Centrafrique, qui justifient les dépenses militaires auprès des groupes capitalistes de l’armement et qui protègent les profits en Afrique des groupes français du négoce, de l’énergie, des télécommunications, du bâtiment…
Fort des concessions déjà obtenues, le capital, comme toujours, exige davantage.
18 novembre : le Medef dicte à Hollande sa feuille de route
La principale organisation patronale (Medef), avec une organisation des patrons des petites ou moyennes entreprises (CroissancePlus), une organisation de patrons d’entreprises de taille intermédiaire (ASMEP) et le club des patrons des grandes entreprises (AFEP), envoient en novembre une lettre au président pour lui dicter leur programme.
Seul un signal fort de votre part montrant un engagement résolu en faveur de réformes importantes pour la compétitivité des entreprises, donc l’emploi, sera de nature à l’inversion de la spirale dans laquelle semble entrée notre économie… Il est désormais urgent de marquer par un signe fort l’engagement de votre part et de tout le gouvernement en faveur d’une réelle politique de l’emploi et de la compétitivité des entreprises. (Gattaz et compagnie, Lettre au président de la République, 18 novembre 2013)
La classe capitaliste étant minoritaire dans la société, ses différents représentants (Medef, CGPME, UMP, FN…) prétendent que son intérêt (en fait, la plus-value qu’elle tire de l’exploitation de la classe ouvrière) serait celui de la société tout entière (« les entreprises », « la France », « notre économie »…). Les licencieurs vont jusqu’à prétendre que leur souci est… « l’emploi » !
Le Medef parle de créer 1 million d’emplois, mais sans aucune garantie. Sous l’étiquette de « pacte de confiance et d’emplois », il s’agit d’augmenter la rentabilité, le profit, au détriment des ouvriers, des employés, des techniciens, des ingénieurs… comme le prouvent les exigences des capitalistes :
- « politique en faveur de l’emploi : résoudre les obstacles à l’investissement en France et à l’embauche… » : les capitalistes veulent avoir les mains libres pour pouvoir licencier et faire plus d’argent à partir de l’exploitation du travail,
- « un objectif affiché de diminution de nos codes de 5 % par an sur les 5 ans qui viennent » : il s’agit des lois et règlements qui limitent l’exploitation des travailleurs par les employeurs, leur fraude fiscale (colossale) et l’escroquerie envers le reste de la société,
- « allègement significatif et progressif des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises » : autrement dit, les patrons veulent payer moins d’impôts et de cotisations sociales ; donc, soit les prestations des régimes de sécurité sociale diminueront, soit les salariés paieront, eux, plus d’impôts et de cotisations ;
- « véritable baisse des dépenses publiques » : évidemment, Gattaz et compagnie ne visent pas les subventions aux capitalistes, ni les dépenses militaires, mais celles qui bénéficient aux travailleurs et à leurs familles.
31 décembre : Hollande rampe devant les capitalistes français
Élu avec les voix des travailleurs, Hollande obéit aux capitalistes. Il reprend le terme de Gattaz (« pacte ») et la rhétorique des patrons de la Bretagne et de tout le pays (« l’emploi » proviendra… de nouveaux cadeaux aux exploiteurs). Il s’engage à satisfaire, point par point, leurs exigences.
Je propose un pacte de responsabilité aux entreprises. Il est fondé sur un principe simple : moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leurs activités et, en contrepartie, plus d’embauches et plus de dialogue social… Je veux réduire la dépense publique… Cela vaut pour l’État, qui doit se concentrer sur ses missions essentielles… et pour la sécurité sociale… qui doit en terminer avec les excès et les abus… pour la création d’entreprises, pour le développement de l’investissement, tout doit être rendu plus facile. (Hollande, Vœux aux Français, 31 décembre 2013)
Le président du Medef applaudit.
C’est ce que nous demandions depuis plusieurs mois… François Hollande a appelé cela « pacte de responsabilité », nous, nous parlons de « pacte de confiance » mais le contenu est très proche… Maintenant, il faut passer de la parole aux actes… Ce qui m’intéresse, c’est la compétitivité des entreprises pour créer de l’emploi. Cela passe par la baisse du coût du travail et de la fiscalité… Le président de la République a parlé d’abus de la protection sociale… Là, j’ai applaudi. (Pierre Gattaz, Entrevue au « Monde », 6 janvier 2014)
Le 14 janvier, François Hollande annonce dans une conférence de presse que d’ici 2017, le gouvernement va supprimer les cotisations familiales (36 milliards d’euros) et diminuer encore les dépenses publiques (50 milliards d’euros). Il s’agit bel et bien d’un transfert de la richesse des travailleurs dans les poches des capitalistes, sachant qu’aucune baisse de cotisation n’a jamais créé d’emploi – tout au plus elle a créé un effet d’aubaine. Le patronat est aux anges : « ce projet est d’intérêt majeur » (Club des entrepreneurs).
Pas de pacte avec les patrons pour démanteler la Sécu !
Les dirigeants syndicaux s’affirment prêts à participer aux « Assises de la fiscalité des entreprises » et se bornent à exiger des contreparties.
Le chantier contreparties n’est pas accompagné d’une ouverture de négociations. (Thierry Lepaon, secrétaire général de la CGT, Entrevue au Nouvel observateur, 14 janvier 2014)
Pour paralyser le prolétariat, Hollande et le gouvernement Ayrault demandent aux confédérations de cautionner le « pacte de confiance »-« pacte de responsabilité ».
Le 27, je reçois à Matignon avec les ministres concernés chaque organisation patronale et syndicale… Ensuite j’installerai les assises de la fiscalité des entreprises avec les entreprises, représentants du parlement, les organisations syndicales… Les syndicats doivent jouer pleinement leur rôle… Les dirigeants syndicaux me demandent tous que le dialogue soit durable. (Jean-Marc Ayrault, France Inter, 16 janvier 2014)
Le gouvernement bourgeois mise une fois de plus sur la corruption des bureaucraties syndicales qui leur fait accepter, comme le PS, le PdG et le PCF, la défense de « la France » et la recherche de la « compétitivité » du capitalisme français. D’ailleurs elles valident les cadeaux au patronat puisque dans un communiqué commun, CGT, CFDT, FSU et UNSA ne demandent pas le rétablissement des cotisations patronales, mais seulement « la généralisation de la conditionnalité des aides et exonérations fiscales aux entreprises à la mise en œuvre d’objectifs d’investissement économique et d’investissements sociaux » (L’Humanité, 14 janvier).
Si Hollande applique le programme du Medef, les travailleurs d’ici seront, à coup sûr, plus précaires, moins payés, moins soignés, moins instruits… Seront-ils, à ce prix, plus nombreux ? Même la presse bourgeoise est sceptique.
Au début des années 1980, le père de Monsieur Gattaz, Yvon, alors président du CNPF (ancêtre du Medef), assurait que l’instauration d’emplois nouveaux à contrainte allégée permettait de créer 470 000 emplois… Le premier ministre Jacques Chirac lui donnait satisfaction. Les emplois ne furent pas au rendez-vous. (Le Monde, 3 janvier 2014)
Les travailleurs, les jeunes en formation doivent s’organiser, au sein des syndicats et dans des comités d’action qui regroupent syndiqués, non syndiqués, chômeurs, étudiants, paysans… pour imposer que les dirigeants syndicaux boycottent les « Assises » pour le pacte anti-ouvrier entre le gouvernement et le-patronat, cessent de négocier les attaques du patronat et du gouvernement bourgeois, qu’ils rompent avec « leurs » capitalistes, qu’ils revendiquent l’abrogation de toutes les lois anti-ouvrières, la réduction de la TVA, l’interdiction des licenciements, la baisse du temps de travail et l’augmentation des salaires directs et des cotisations patronales. Dans cette voie, ils auront le soutien de tous les travailleurs du monde et les aideront à faire de même.