(Version turque / Türk versiyonu)
Face au référendum du 25 septembre, la Turquie a répondu par des cris de guerre, et les États-Unis ainsi que de nombreux pays de l’Union Européenne ont demandé à ce qu’il soit annulé ou reporté. Il semble que toutes les puissances impérialistes, presque sans exception, refusent ce référendum qui est l’expression du droit du peuple kurde à déterminer son propre destin. Les justifications avancées contre ce référendum sont « l’instabilité régionale » et « l’intégrité territoriale de l’Irak ». Les États qui mettent en avant ces justifications sont ceux qui, suite à l’invasion de l’Irak, ont préparé les conditions objectives pour que la région devienne l’épicentre de la terreur et des guerres ethniques, donc ceux qui sont les principaux responsables du bain de sang au Proche-Orient. C’est l’invasion dont les principaux instigateurs sont la Grande-Bretagne et les États-Unis qui a permis à l’État islamique de naître et de conquérir des territoires. Quant à Israël, qui empêche le peuple palestinien de déterminer son propre avenir, il soutient ce référendum non parce qu’il respecte le droit du peuple kurde de constituer son État mais en raison de ses intérêts impérialistes au Proche-Orient.
Le peuple kurde qui est divisé en quatre a le droit historique à constituer son propre État. Au Kurdistan du Sud, la volonté d’indépendance est forte, les Kurdes du Sud ne se sont jamais sentis appartenir à l’État irakien. Un fort taux de « oui » au référendum est inévitable. C’est pour cette raison que le soutien à ce référendum ne revient pas à soutenir Barzani et son gouvernement.
Au Kurdistan du Sud, la structure politique est déterminée par des partis bourgeois dirigés par les dirigeants de deux grands clans : le PDK de Barzani, l’UPK de Talabani… Le référendum de Barzani n’a pas seulement pour but de répondre à l’aspiration du peuple kurde pour l’indépendance, il s’agit d’une manoeuvre nationaliste bourgeoise pour s’extirper de la crise politique et économique dans laquelle il se débat et afin de retrouver sa notoriété politique. Il cherche aussi à faire oublier que son gouvernement a été incapable de protéger les Yézidis contre les islamo-fascistes de Daech en 2014. Le fait que l’exigence d’indépendance ait trouvé une large base au Kurdistan du Sud et que les masses se soient appropriées le référendum a limité la possibilité de Barzani de manœuvrer pour faire marche arrière.
La région où se trouve le gouvernement kurde d’Irak est une zone où les conditions sécuritaires, économiques et du gouvernement central ont été, pendant un temps, relativement bonnes depuis la fin des affrontements armés entre PDK et UPK (1994-1997). Jusqu’en 2014, il y avait une certaine croissance économique. Cependant, ceux qui ont profité de cette croissance sont la bourgeoisie qui a bénéficié d’une main d’œuvre bon marché, d’une faible imposition et d’une classe ouvrière qui était privée de droits sociaux. Avec la crise pétrolière de 2014, le Kurdistan du Sud a fait face à un coup dur économique. C’est la classe ouvrière qui a payé la facture de cette crise économique. Ces dernières années, l’opposition au régime grandit en raison des effets de la crise. La sortie sur le référendum de Barzani a pour but d’utiliser l’aspiration à l’indépendance du peuple kurde pour écarter l’opposition et se présenter comme un héros national.
L’oppression étatique est très importante au Kurdistan du Sud, le gouvernement Barzani ne laisse guère ses opposants respirer. En ce qui le concerne, il est davantage question des intérêts de son gouvernement que ceux du peuple kurde. Barzani et Erdoğan qui continue sans interruption ses politiques guerrières coloniales contre les Kurdes ont toujours cherché à avoir de bonnes relations diplomatiques et commerciales. Barzani a soutenu les attaques contre les positions du PKK dans les montagnes du Nord de l’Irak ainsi que l’embargo économique contre le Rojava (Kurdistan syrien). Il vise à utiliser les résultats du référendum en tant qu’atout à la fois contre l’opposition locale et dans la politique étrangère réactionnaire.
Plusieurs organisations centristes de Turquie ont mis en avant ces aspects du gouvernement Barzani pour annoncer qu’elles s’opposaient au référendum. Il ne s’agit là de rien d’autre que d’un argument pour légitimer leur attitude sociale-chauvine. De même, il s’agit de soutenir par la gauche le réflexe historique contre les Kurdes de l’État de la République turque et de sa bourgeoisie qui ne reconnaissent même pas à ceux-ci le droit à une scolarisation dans leur langue maternelle.
Il existe des groupes d’opposition qui utilisent les mêmes arguments pour s’opposer au référendum du Kurdistan du Sud et appeler au boycott. Mais boycotter ce référendum revient à laisser l’aspiration à l’indépendance du peuple kurde à une organisation politique qui se concrétisera autour de la personne de Barzani. Et cela n’aura guère d’autre effet que de renforcer les chaînes d’esclavage du gouvernement bourgeois de Barzani.
Il n’y a pas d’autre solution que de construire la direction politique indépendante de la classe ouvrière qui inclura les aspirations nationales ainsi que les exigences de classe des travailleurs kurdes. Les communistes des États oppresseurs comme la Turquie ont le devoir de s’opposer aux politiques racistes et guerrières d’Erdoğan par le biais de ce référendum et d’inscrire dans toute plate-forme politique le droit du peuple kurde à déterminer son propre destin.
En tant que marxistes-révolutionnaires, nous défendons le droit de tout peuple opprimé à déterminer son avenir, y compris en faisant sécession. Mais l’oppression nationale des Kurdes est une chose trop sérieuse pour être confiée à la bourgeoisie kurde et ses partis (PDK, UPK, Goran, PKK, PYD…). La création de plusieurs États bourgeois, séparés, hostiles entre eux, tous dépendants de l’impérialisme américain ou des puissances régionales n’est pas une solution viable.
Pour une réelle liberté et un réel progrès, nous croyons qu’il faut unir la lutte dans cette direction avec la lutte contre la source de l’oppression et de l’exploitation, à savoir le capitalisme et donc l’impérialisme. Une telle lutte n’est possible qu’avec l’union de la classe ouvrière avec les paysans pauvres sans tenir compte des différences ethniques ou religieuses, pour que leur gouvernement ouvre la voie de la fédération socialiste du Proche-Orient !