(Version turque / Türk versiyonu)
Quelques mois plus tard, à l’instigation du FN et des groupes fascistes, les policiers manifestent contre le gouvernement PS-PRG à l’automne 2016. LO s’émeut de leur sort et les compare aux travailleurs de la santé et de l’enseignement.
La dégradation de la situation que dénoncent les policiers est celle subie dans toutes les cités, dans tous les quartiers… Ils sont en première ligne pour constater la dégradation sociale et, au sens propre comme au sens figuré, la prendre en pleine figure. (19 octobre 2016)
Les policiers du rang ne sont pas mieux traités que le personnel des hôpitaux ou de l’Éducation nationale, en particulier ceux qui travaillent dans les quartiers populaires. (26 octobre 2016)
Ce n’est pas la première fois.
Les syndicalistes policiers ont fait une démonstration qui peut être utile à l’ensemble du monde du travail et montré que, pour se faire entendre de l’État-patron, il peut être efficace de manifester son mécontentement dans la rue. (7 décembre 2001)
Déjà, en septembre 1977, la brochure Changer la vie mentionnait « la fonction utile de la police : protection des biens, des libertés publiques et des personnes » (cet opuscule est omis du site). Lors de la campagne présidentielle de 2017, LO, une fois de plus, oublie le programme communiste sur les questions du pouvoir des travailleurs, de la milice ouvrière, du démantèlement de la police et de l’armée, de l’insurrection. La candidate en vient à prêter à la police une double nature, un double caractère.
Quand la police, elle protège réellement la population, eh bien c’est une bonne chose bien évidemment et il faut qu’elle en ait les moyens. (Nathalie Arthaud, France info, 21 avril 2017)
Si la police doit « avoir les moyens » de « protéger la population », alors le président PS a eu raison d’augmenter le budget de la police, le candidat du PS avait raison de promettre 1 000 flics supplémentaires et celui de LFI 2 000. Ce dérapage n’est pas nouveau.
Une police qui serait en contact permanent avec la population, au courant des problèmes de sécurité qu’elle rencontre et soucieuse de les régler, pourrait au moins permettre aux habitants de vivre mieux en contenant la délinquance, à défaut de l’éradiquer. (13 avril 2007)
Le numéro suivant de la revue de LO se contorsionne pour couvrir d’un voile « marxiste » (en fait, à la manière de Kautsky) cet opportunisme qui se répète à chaque fois que les policiers s’agitent.
Les policiers, c’est une évidence, travaillent dans des conditions pénibles. (Lutte de classe, mai 2017)
La fonction de l’article est de justifier les glissements de la campagne électorale et de camoufler la subordination à la bureaucratie contre-révolutionnaire et social-patriote de la CGT qui défend la police. Pour cela, les casuistes utilisent dans la revue, qui est destinée à rassurer les militants, nombre de formules orthodoxes. Néanmoins, celles-ci n’apparaissent jamais dans l’hebdomadaire, les tracts, les brochures électorales, les affiches. Pour les chefs de LO, en pratique, il n’est pas question de se défendre contre la police.
La police, dans une société inégalitaire et déchirée par les rapports de classes, ne peut sortir de ce double rôle : intervenir pour parfois protéger la population, et en même temps être le chien de garde de l’ordre social… Les deux caractères de la police, à la fois répressive et utile, varient selon les lieux, les temps, les situations… (Lutte de classe, mai 2017)
L’État n’est pas à moitié ceci et à moitié cela, selon la méthode de Proudhon dont se gaussait Marx.
Pour M. Proudhon, toute catégorie économique a deux côtés, l’un bon, l’autre mauvais. Il envisage les catégories comme le petit bourgeois envisage les grands hommes de l’histoire : Napoléon est un grand homme; il a fait beaucoup de bien, il a fait aussi beaucoup de mal. (Marx, Misère de la philosophie, 1847)
L’État n’est pas neutre, au-dessus des classes. Le « caractère » de la police est bourgeois, pas indéterminé. La fonction essentielle, primordiale, de tout l’État bourgeois est de défendre l’inégalité sociale et l’exploitation, la minorité capitaliste contre la majorité des exploités et des semi-exploités, de garantir les rapports d’exploitation. La police, comme la justice, ne protège qu’accessoirement les pauvres et les faibles, que rarement les libertés politiques. C’est une fonction secondaire, mineure, annexe, même si elle est indispensable à son acceptation sociale.
L’État capitaliste n’est pas seulement la plus grande et la plus puissante organisation bourgeoise; il est en même temps une organisation très compliquée, aux nombreuses formations et dont les tentacules s’allongent en tous sens. Et tout cela a pour but principal la défense, l’affermissement et l’extension de l’exploitation ouvrière. L’État dispose, contre la classe ouvrière, de moyens de contrainte brutale aussi bien que d’asservissement moral, qui constituent les organes les plus importants de l’État capitaliste. Parmi les moyens de contrainte brutale, il faut noter, en premier lieu, l’armée, la police et la gendarmerie, les prisons et les tribunaux, et leurs organes auxiliaires : espions, provocateurs, briseurs de grève, assassins stipendiés, etc. (Boukharine & Preobrajensky, L’ABC du communisme, 1919)
Sa place dans « la contrainte brutale » explique pourquoi la justice et la police sont si indulgentes envers les puissants, les nantis, les riches, les patrons et si dure envers les militants ouvriers, les exploités en général et particulièrement les immigrés et leurs descendants. C’est pourquoi la police française a toujours réprimé les grèves et les manifestations ouvrières, elle a raflé les Juifs pendant la 2e Guerre mondiale, elle a arrêté, matraqué et assassiné des centaines d’ouvriers arabes durant la Guerre d’Algérie, elle a assassiné Adama Traoré et violé Théo J en 2016. C’est pourquoi les flics (et les militaires) ont voté massivement FN en 2017. C’est pourquoi les budgets de la « justice », de la « sécurité » et de la « défense » échappent partout à l’austérité qui étrangle les dépenses publiques.
L’armée permanente et la police sont les principaux instruments de la force du pouvoir d’État. (Lénine, L’État et la Révolution, août 1917, Œuvres, Progrès, t. 25, p. 421)
Par conséquent, l’armée permanente et la police doivent être détruites pour changer les rapports sociaux, abolir l’exploitation, marcher au communisme. Sinon, sans destruction préalable de la police et de l’État bourgeois, le communisme ne sera, comme le paradis des chrétiens et des musulmans, qu’un songe creux.
La destruction de la machine militaire et bureaucratique de l’État est la condition première de toute révolution populaire réelle. (Lénine, L’État et la Révolution, août 1917, Œuvres, Progrès, t. 25, p. 450)
Pourtant, les casuistes de LO soutiennent que la police ne disparaîtra que dans longtemps, très longtemps, au moment où l’humanité parviendra à la phase supérieure du mode de production socialiste-communiste.
Le comportement de la police changera lorsque changeront les rapports sociaux… La police ne dépérira, pour reprendre les termes d’Engels, que lorsqu’elle sera devenue inutile, c’est-à-dire quand la société sera devenue communiste… (Lutte de classe, mai 2017)
Si c’était vrai, la théorie marxiste de l’État n’aurait aucune utilité pratique. L’entourloupe permet de justifier que LO s’en passe dans les feuilles de boîte, l’hebdomadaire et les discours de campagne électorale. Par exemple, la brochure de 2017 ne dit rien, pas un mot, sur la nécessité de se défendre de la police et des fascistes, ni de constituer des conseils de travailleurs, ni de prendre le pouvoir en détruisant l’ancienne machine d’État, police incluse.
Tous les policiers ne font pas preuve de cette brutalité, et bien des tâches qu’ils assument répondent à une utilité dans notre société… Pour construire un État qui soit vraiment celui des travailleurs, les obstacles ne sont pas techniques : à l’ère de l’ordinateur et avec les moyens de communication performants dont nous disposons aujourd’hui, il n’y a aucune difficulté à mettre en œuvre la démocratie la plus directe. Mais cela nécessite de se battre pour mettre fin à la dictature des classes possédantes sur la société. (Faire entendre le camp des travailleurs, p. 19-20)
La revue ose invoquer Engels. Mais celui-ci, à notre connaissance, n’a pas dépeint la police comme servant à la « protection des libertés publiques » et n’a jamais plaint les policiers. Surtout, pour Marx, Engels, Lénine ou Trotsky, pas question d’aller au socialisme, au communisme tant que l’État bourgeois subsiste, si sa police est maintenue.
La nécessité d’inculquer aux masses cette idée de la révolution violente est à la base de toute la doctrine de Marx et Engels… Sans révolution violente, il est impossible de substituer l’État prolétarien à l’État bourgeois. (Lénine, L’État et la Révolution, août 1917, Œuvres, Progrès, t. 25, p. 433–434)
D’ailleurs, les falsificateurs se gardent bien de citer précisément Engels, au contraire de Lénine quand il réhabilite en 1917 la théorie marxiste de l’État, qui avait été édulcorée, déformée, obscurcie, abandonnée, trahie durant les décennies précédentes comme elle l’est aujourd’hui par LO et tant d’autres.
Devant cette diffusion inouïe des déformations du marxisme, notre tâche est tout d’abord de rétablir la doctrine de Marx sur l’État… (Lénine, L’État et la révolution, août 1917, Œuvres, Progrès, t. 25, p. 418)
Les centristes censurent le marxisme. Sans révolution violente, il est « impossible de substituer l’État prolétarien à l’État bourgeois ». Le prolétariat doit former des conseils et régler son compte à la police avec l’aide des autres exploités et opprimés. Sans quoi, il restera exploité et dominé, voué pour l’éternité par les chefs de LO à suivre les consignes de la bureaucratie syndicale et à soi-disant « faire entendre la voix du monde du travail » à une classe dominante qui restera en place en s’appuyant sur les tribunaux, la police et l’armée.
Un des premiers actes de la Commune de Paris en mars 1871 fut de disperser la police bourgeoise.
Une fois abolies l’armée permanente et la police, instruments du pouvoir matériel de l’ancien gouvernement, la Commune… (Marx, La Guerre civile en France, 1871, ES, p. 42)
Un des premiers actes de la révolution russe en février 1917 fut de désarmer, emprisonner, démanteler la police.
La police avait été mise en état d’arrestation et la prison était pour elle le seul asile contre les représailles. (Trotsky, Histoire de la révolution russe, 1930-1932, Seuil, t. 1, p. 227)
Quand, grâce à la révolution socialiste, « les rapports sociaux changent », alors il n’y a pas « changement du comportement de la police ». Et pour cause : la police bourgeoise disparaît, elle est liquidée par la révolution prolétarienne.
La Commune dut reconnaître d’emblée que la classe ouvrière, une fois au pouvoir, ne pouvait continuer à administrer avec la vieille machine d’État; pour ne pas perdre à nouveau sa propre domination qu’elle venait à peine de conquérir, cette classe ouvrière devait, d’une part, éliminer la vieille machine d’oppression. (Engels, « Introduction », 1891, La Guerre civile en France, ES, p. 300)
En septembre 1977, LO expliquait déjà que les travailleurs devaient contrôler l’armée et la police, « savoir ce qui se passe dans les commissariats ». Contre l’expérience chèrement acquise du prolétariat mondial, ce que refusait de dire Laguiller et ce que refuse de dire Arthaud, c’est que, obligatoirement, pour ouvrir la voie au socialisme-communisme, la classe ouvrière doit détruire l’État bourgeois, mettre en pièces la machine de l’État, la remplacer par la dictature du prolétariat, le pouvoir des travailleurs.
Entre la société capitaliste et la société communiste, se place la période de transformation révolutionnaire de celle-là en celle-ci. À quoi correspond une période de transition politique où l’État ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire du prolétariat. (Marx, Critique du programme de Gotha, 1875, ES, p. 44)
Il faut licencier, disperser, désarmer, anéantir la police bourgeoise pour pouvoir mettre en place un « État ouvrier » qui est basé le peuple en armes et qui n’est plus tout à fait un État.
Pour faire aboutir les réformes nécessaires au peuple, les réformes venues à maturité, urgentes, dont parlent les populistes et les menchéviks, il faut rompre avec le soutien de la guerre impérialiste et des emprunts, le soutien du gouvernement capitaliste et le principe de l’intangibilité des profits du capital. Il faut, pour faire aboutir ces réformes, ne pas laisser rétablir la police, que les cadets sont en train de reconstituer, mais la remplacer par une milice populaire. Voilà ce que le parti du prolétariat doit dire au peuple à l’occasion de ces élections, ce qu’il doit opposer aux partis petits-bourgeois populiste et menchevik. Voilà ce qui constitue l’essentiel de la plateforme municipale prolétarienne, et que ces partis s’efforcent de dissimuler. D’abord, en tête de cette plateforme, de l’énumération des réformes, il faut inscrire trois points principaux déterminants, qui en conditionnent l’exécution : 1/ aucun soutien de la guerre impérialiste (ni sous la forme du soutien de l’emprunt, ni sous aucune autre) ; 2/ aucun soutien au gouvernement des capitalistes ; 3/ ne pas laisser rétablir la police, la remplacer par une milice populaire. (Lénine, Ils ont oublié l’essentiel, mai 1917, Œuvres, Progrès, t. 24, p. 359)
Contre le « réformisme » ouvert (LFI, PS, PCF…) ou honteux (LO, POID, NPA…), il faut ranimer le programme prolétarien révolutionnaire.
Abolition des armées permanentes et armement général du peuple. (Parti ouvrier, Programme du Havre, 1880, rédigé par Guesde avec l’aide de Marx)
Toute la police exécutrice des volontés du capitalisme, de l’État bourgeois et de ses clans politiciens corrompus doit être licenciée. Exécution des fonctions de police par la milice des travailleurs. (Ligue communiste, Programme d’action, 1934, rédigé par Naville avec l’aide de Trotsky)