Bangladesh : Pour les revendications ouvrières, féminines et paysannes, pour une révolution sociale qui les garantisse

1 000 ouvrières victimes en quelques minutes de l’avidité du capital

Le 24 novembre 2012, un incendie détruit l’usine Tazreen Fashion de la banlieue de Dacca, la capitale du Bangladesh, tuant plus de 100 ouvriers du textile. Le 24 avril 2013, un immeuble du Rana Plaza qui contenait cinq usines de confection et qui bafouait les règles en matière de construction, s’effondre en entraînant la mort d’au moins mille cent ouvriers.

Bien que le pays soit entravé par des infrastructures limitées, qu’il ne soit pas producteur de coton (il faut importer le coton ou le tissu de coton, surtout d’Inde ou de Chine) et que sa main-d’œuvre soit peu productive, il est devenu le deuxième exportateur de vêtements du monde. L’industrie textile représente 80 % des exportations de ce pays – dont 60 % sont destinées à des pays de l’Union européenne – et emploie trois millions de personnes – soit près de 30 % de ma main-d’œuvre industrielle – dont 90 % de femmes. L’économie capitaliste bangladaise dispose d’une main-d’œuvre encore moins payée et moins protégée qu’en Chine et en Turquie.

Dans les décombres, on a retrouvé des étiquettes Auchan, Mango ou Tex, la marque textile de Carrefour. (Challenges, 23 mai 2013)

Outre les salaires qui restent bas malgré des grèves sauvages récurrentes (souvent avec le soutien des habitants du quartier et des étudiants), les 4 millions de salariés du textile sont entassés pour travailler dans les étages d’immeubles bafouant les normes de sécurité, où les accidents du travail et les incendies sont fréquents.

Dans sa passion aveugle et démesurée, dans sa gloutonnerie de travail extra, le capital dépasse non seulement les limites morales, mais encore la limite physiologique extrême de la journée de travail. (Karl Marx, Le Capital, I, 1867, ch. 10)

Il faut ajouter la répression dont sont victimes les syndicalistes de la part des policiers, des juges et des hommes de main des patrons, n’en déplaise aux sectaires (CCI, QI-WSWS…) qui voient dans les syndicats de purs organismes bourgeois.

Aminul Islam était l’un des principaux organisateurs du Centre pour la solidarité des travailleurs du Bangladesh (BCWS) et président du comité local pour Savar et Asulia de la Fédération des travailleurs de l’industrie et du textile de Bangladesh (BGIWF)… Aminul Islam avait été détenu et torturé par la sécurité de l’État en 2010. Son corps gravement mutilé a été retrouvé à une centaine de kilomètres du lieu où il a été aperçu pour la dernière fois. (Confédération syndicale internationale, 16 avril 2012)

Deux travailleurs de l’usine de tabac Akij Bidi, dans le district de Daulatpur, ont été abattus par des milices du gouvernement hier alors qu’ils protestaient pour réclamer des arriérés et une augmentation salariale. (CSI, 18 juillet 2012)

À la suite de la dernière vague de grèves dans l’industrie de la confection, le gouvernement a été contraint de pousser le patronat à accepter une augmentation. Les ouvriers continuent à protester contre son insuffisance, d’autant que l’inflation dépasse 7 %. Deux ont été assassinés, trente autres blessés, et des dizaines arrêtés.

Les tensions sociales restent très vives au Bangladesh, bien que le gouvernement ait décidé, le 13 novembre, d’augmenter de 76 % le salaire mensuel minimum des ouvriers du textile à 68 dollars (50,30 euros).

Plusieurs milliers d’employés de cette industrie ont manifesté, lundi 18 novembre, contre ce salaire qu’ils estiment encore trop faible pour vivre décemment. Et selon les syndicats, les salariés les plus expérimentés ne profiteraient pas de cette hausse, certains patrons d’usine ayant réagi en annonçant une diminution des indemnités de transport et de repas.

Deux employés sont morts au cours de heurts avec la police et, selon l’association des fabricants et exportateurs de textiles du pays, 140 usines ont fermé. (Le Monde, 19 novembre 2013)

Toute la bourgeoisie mise plus ou moins sur le cléricalisme

La bourgeoisie du sous-continent indien s’est avérée incapable de l’unifier, d’échapper à la domination étrangère, de supprimer les castes et le patriarcat. Comme le disait dès 1841 Charles Fourier, « le degré de l’émancipation féminine est la mesure naturelle du degré de l’émancipation générale ».

Au Bangladesh, les deux principaux partis bourgeois ne se différencient que par leurs alliances internationales et nationales.

Le Parti nationaliste du Bangladesh (PNB) reçoit l’appui de la mouvance islamiste. Le principal parti clérical, le Bengladesh Jamaat-e-Islami est issu du Jamaat-e-Islami, un parti de « l’empire des Indes » encore plus réactionnaire que la Ligue musulmane. Il veut remplacer l’alliance avec l’Inde par des relations plus étroites avec le Pakistan (et l’Arabie saoudite). Il exige la charia et s’est s’opposé à l’égalité constitutionnelle des femmes et des hommes. Ses nervis attaquent les minorités religieuses (bouddhistes, hindous, chrétiens, musulmans ahmadiyyas).

La Ligue Awami (LAB) se réclame de la laïcité et du socialisme, comme tant de nationalistes bourgeois (voir, plus récemment, le colonel Chavez au Venezuela), mais elle a toujours défendu la classe capitaliste et elle s’est coulée dans la partition du Bengale entre musulmans et hindous. Les premiers ministres LAB se réfèrent souvent à Mahomet. En juin, le gouvernement Sheikh Hasina a maintenu l’islam comme religion d’État. Pourtant, le mouvement ouvrier reste, pour l’essentiel, subordonné à la LAB qui interdit les syndicats dans le textile et dont l’ancien dirigeant de la jeunesse est le propriétaire de l’immeuble, illégal, qui s’est effondré en avril. C’est le cas des principaux partis issus du stalinisme, le Parti communiste bangladais et le Parti des travailleurs.

Cela permet à la LAB et au PNB d’alterner au pouvoir, sans que jamais soit tracée une voie socialiste à cette fausse alternative.

Les sondages montrent que l’opposition du BNP conduit par Khaleda Zia est bien plus populaire que la Ligue Awami de Sheikh Hasina. (The Economist, 9 novembre 2013)

 Mais les opprimés et les exploités, eux, n’ont rien à attendre de ces deux partis bourgeois, ni en général du camouflage parlementaire de la domination politique de leurs exploiteurs.

Pour une stratégie de révolution permanente et un parti qui la mette en oeuvre

Le Bangladesh ne peut connaître la démocratie que si la classe ouvrière s’émancipe de toutes les fractions de la bourgeoisie, s’unifie malgré les religions et les ethnies, prend le pouvoir en ralliant les paysans pauvres, les artisans et petits commerçants, les cadres, les étudiants, les minorités religieuses. Le Bangladesh ne peut échapper à l’obscurantisme clérical, qui s’étend depuis la partition de l’empire des Indes, et qui se renforce dans le monde entier, qu’avec une révolution sociale. Le Bangladesh ne peut se développer que si la révolution socialiste s’étend à toute la péninsule et à la Chine, lui permettant de collaborer avec les autres gouvernements ouvriers et paysans qui en seront issus. Le Bangladesh ne peut survivre que si la révolution socialiste mondiale arrête le réchauffement climatique.

Pour accomplir cette tâche, il faut un instrument, un parti ouvrier révolutionnaire, démocratique et internationaliste, basé sur la théorie marxiste et sur l’exemple du bolchevisme. Un tel parti regroupera probablement, outre les forces nouvelles des ouvrières du textile et des étudiants, de nombreux militants issus du prétendu « marxisme-léninisme ». Encore faut-il que ces militants, fractions, organisations parviennent, forcément en lien avec les communistes internationalistes du reste du monde, à s’arracher à l’opportunisme menchevik, stalinien et maoïste et aussi à l’influence délétère du centrisme pseudo-trotskyste qui en reprend de fait l’héritage (parlementarisme, alliance avec la bourgeoisie, révolution par étapes, parti non délimité du réformisme, etc.).

 

• Droit à se syndiquer ! Pour une confédération syndicale de tous les salariés, démocratique et indépendante de tous les partis bourgeois et de l’État ! Échelle mobile des salaires ! Emprisonnement des patrons qui arment des nervis contre les grévistes ou dont les établissements et locaux sont dangereux ! Expropriation des grandes entreprises capitalistes et des grandes propriétés foncières !

• Crèches et garderies de qualité pour les enfants des travailleuses ! Interdiction de l’exploitation des enfants ! Droit à l’instruction pour tous les enfants des deux sexes !

• Interdiction des mariages forcés ! Sanction pénale des « crimes d’honneur » contre les femmes ! Éducation sexuelle des jeunes, contraception gratuite, droit à l’avortement ! Égalité juridique complète des hommes et des femmes !

• Séparation de la religion et de l’État ! Rupture des toutes les organisations ouvrières avec la Ligue Awami ! Comités des masses dans les entreprises, les quartiers, les universités, les villages ! Désarmement de l’armée, des gardes paramilitaires, de la police, des services secrets et des milices islamo-fascistes ! Armement du peuple !

• Gouvernement ouvrier et paysan émanant des élus révocables des comités ! Fédération socialiste du sous-continent indien !

20 novembre 2013