Pour le capital, Macron fait l’affaire

À la suite du référendum en Grande-Bretagne et de l’élection présidentielle des États-Unis, celle de France  montre la mise en cause de la représentation politique des principales bourgeoisies confrontées à une faible croissance économique et à l’accroissement des rivalités impérialistes. Les candidats des deux principaux partis politiques français des quarante années précédentes (LR, PS) ont été éliminés du premier tour.

L’État bourgeois n’est pas pour autant menacé, ni même sa forme de régime actuelle (la 5e République), car ce bouleversement politique ne peut pas être exploité par les travailleurs. En effet, l’élection présidentielle vient après une série de trahisons du PCF et du PS au gouvernement et de reculs de la classe ouvrière (dont la défaite du mouvement contre la loi Travail en 2016). Le faible score au premier tour des candidats plus ou moins liés au mouvement ouvrier (PS, LFI, NPA, LO) en témoigne : au total, 27,7 % des suffrages exprimés (le cumul s’élevait à 44,6 % au premier tour de 1981, encore 41,4 % en 2012).

La victoire d’un candidat bourgeois

Le candidat naturel de la bourgeoisie (Fillon, LR) étant discrédité, c’est Emmanuel Macron, candidat du parti bourgeois La République en marche (LREM), lancé en avril 2016, qui a été élu avec 66,1 % des suffrages exprimés (20,7 millions) contre Marine Le Pen, chef du parti fascisant FN (33,9 %, 10,6 millions de voix). L’abstention s’est élevée à 12,1 millions d’inscrits (25,4 %), le vote blanc ou nul a été choisi par 4,1 millions de personnes (8,5 % des inscrits).

Ancien de l’ENA, Macron a noué ses premières relations avec de grands capitalistes (et s’est enrichi) dans une banque d’affaires (Rothschild), a participé à la commission Attali sous la présidence Sarkozy, a été conseiller du président Hollande, puis son ministre de l’Économie. À ce titre, Macron était un des concepteurs de la loi travail de 2016, contre laquelle des millions de travailleurs se sont battus.

C’est dire si ce Rastignac du XXIe siècle a su se faire apprécier par de nombreuses fractions de la bourgeoisie, alors qu’il n’a pas encore 40 ans –il est le plus jeune président du G20. Il prétend n’être « ni de droite, ni de gauche », ou parfois « et de droite et de gauche » ; ce qui est sûr, c’est qu’il est soutenu par une partie du personnel de la bourgeoisie, par des entreprises capitalistes de la communication (Free, Meetic, Bouygues Telecom), du secteur bancaire (BNP-Paribas), de l’assurance (AXA), du transport aérien (Air France), du luxe (LVMH)… par la quasi-totalité des médias bourgeois, par nombre de vieux politiciens (Cohn-Bendit, Bayrou, Delanoë, Estrosi, Kouchner…).

Les candidats des deux anciens principaux partis (LR et PS) ont été éliminés dès le premier tour et la victoire était acquise dès le soir du premier tour, ce que Macron avait bien saisi en la célébrant dans un restaurant chic avec ses soutiens… La Bourse de Paris l’avait également compris puisque le CAC 40 gagna 4 % à l’annonce des résultats du premier tour et resta stable après ceux du second. Comme un symbole, c’est à bord d’un véhicule militaire que Macron salua ses partisans sur une avenue des Champs-Élysées quasi-déserte. Sa première visite officielle a été pour un hôpital militaire. Sa première sortie à l’étranger a été pour les troupes françaises au Mali.

Les impérialismes (américain, chinois, russe, européens) ont vite félicité Macron comme un allié (réel ou potentiel) en annonçant leur volonté de travailler avec lui. Les manifestations spontanées qui étaient massives après le premier tour de 2002, n’ont rassemblé au maximum que quelques centaines de personnes après le second tour de 2017 (à Paris, Nantes, Lyon, Grenoble, Poitiers…), laissées à la merci des violences policières (tirs de grenade, gaz lacrymogènes, des dizaines d’interpellations…). En revanche, des groupes fascistes ont pu manifester impunément.

La montée inquiétante du parti fascisant

Pourtant, quasiment tous les partis et appareils syndicaux se sont dressés derrière Macron, dans un « front républicain » sous prétexte de repousser le risque fasciste. Le PS et le PCF ont immédiatement appelé à voter pour le candidat de la bourgeoisie, de même que tous les appareils syndicaux, à l’exception de celui de FO (qui côté scène prétend ne jamais donner de consigne de vote car ce n’est pas son rôle, et qui côté coulisse ne voudrait pas embarrasser ses nombreux partisans de LR et du FN). Macron était aussi soutenu par Varoufakis, l’ancien ministre grec de l’économie du gouvernement Syriza-ANEL (l’ANEL correspond au FN et à DlF), l’inventeur du « plan B » cher à Mélenchon (sortir de l’euro, rompre avec l’Union européenne) : « Macron est une inspiration pour la France et l’Europe » (Libération, 8 mai).

En fait, le prétendu « front républicain » a beaucoup moins bien fonctionné qu’en 2002. Mélenchon (La France insoumise, LFI) qui avait condamné en 2002 avec vigueur les rares qui refusaient de voter Chirac (nous en étions), n’a jamais expliqué pourquoi il ne donnait pas de consigne cette fois-ci. De même, le NPA qui est neutre cette fois-ci oublié que la LCR avait voté pour le candidat du principal parti bourgeois au second tour de 2002.

Le Pen fille a recueilli un peu moins de onze millions de voix, soit le double de son père quinze ans plus tôt. C’est un signe qu’elle se présente comme un recours de plus en plus sérieux pour la bourgeoisie, comme en témoignent son écho chez les petits patrons, le ralliement de Dupont-Aignan (DlF) entre les deux tours, le refus d’appeler à voter Macron par des figures de LR (dont Guaino, Wauquiez, Mariani), mais aussi « la volonté du Medef de traiter le FN comme les autres partis» (Le Figaro, 17 janvier), en l’invitant à s’exprimer devant ses principales fédérations. Le FN a beau sortir en difficulté de cette élection, il n’est pas exclu que la bourgeoisie s’en saisisse dans le cas où Macron échoue à vaincre les travailleurs.

Le gouvernement Macron-Philippe, un exécutif de réaction

Le président, élu avec le soutien du PCF et du PS, de la CFDT et de la CGT, a constitué un gouvernement de combat contre les travailleurs. La tactique de l’« ouverture », déjà pratiquée par Sarkozy dans une moindre mesure, consiste à recruter des éléments dans divers appareils, pas seulement politiques, mais aussi parmi les manageurs des groupes capitalistes. Cela manifeste le lien étroit entre le grand capital et l’État bourgeois à l’époque impérialiste.

Macron a préalablement nommé Patrice Strozda comme directeur de cabinet. Surnommé « Monsieur Flashball », ce dernier était préfet de Bretagne lorsque la gendarmerie assassina Rémi Fraisse en 2014.

Le Premier ministre, Édouard Philippe, est membre de LR. Cet ancien lobbyiste a déjà pillé l’uranium du Niger au compte d’Areva ; pendant que son mentor Juppé était contraint de quitter la France pour divers trafics, il a intrigué afin de permettre qu’il soit exploité à bas prix, au détriment des populations locales, notamment les Touaregs. La désinvolture qu’il a affichée avec mépris sur sa déclaration de patrimoine, son vote contre la loi sur la transparence, son opposition au mariage pour tous situent le personnage.

Richard Ferrand (PS), ministre de la cohésion des territoires, est déjà sous les projecteurs grâce aux révélations du Canard enchainé et du Monde pour son enrichissement familial antérieur.

Jean-Yves Le Drian (PS), ministre des Affaires étrangères, est celui qui a fait exploser les ventes d’armes lorsqu’il était ministre de la Défense sous la présidence de Hollande.

Gérard Collomb (PS), ministre de l’Intérieur, félicité par un syndicat de flics (UNSA-Police), s’est distingué par les caméras de surveillance et la répression des manifestants lorsqu’il était maire de Lyon. En 2012, il se refusait à marier des personnes de même sexe.

Bruno Le Maire (LR), ministre de l’Économie, est favorable à la destruction du statut de la fonction publique territoriale, à des salaires sous le SMIC, à la suppression de l’ISF.

Gérald Darmain (LR), ministre de l’Action et des comptes publics, était porte-parole de Sarkozy puis un opposant affirmé au mariage homosexuel.

Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, était directeur de l’ESSEC, une école de commerce qui forme les cadres de la bourgeoisie ; il fut également directeur général de l’enseignement scolaire entre 2009 et 2012, sous la présidence Sarkozy (lors de la suppression de 80 000 postes dans l’Éducation nationale) et a pesé pour la suppression des IUFM, et donc de l’année de formation pour tous les enseignants.

Muriel Pénicaud, ministre du Travail, a été cadre supérieure dans de nombreuses grandes entreprises (directrice générale adjointe de Dassault, DRH de Danone, administratrice d’Orange, directrice générale de Business France…).

Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, fut une des présidentes d’université (Nice) parmi les plus zélées dans l’application de la loi LRU…

Le Medef a logiquement approuvé la nomination de ce gouvernement, comme « une bonne nouvelle… Bienvenue au nouveau gouvernement  La tâche est immense. Agissons vite » (Pierre Gattaz, Twitter, 17 mai).

Un programme contre la classe ouvrière

Afficher la priorité à l’armée, supprimer 120 000 postes de fonctionnaires civils, détruire la retraite par répartition (avec la retraite « par points »), instaurer des « pré-requis » à l’entrée à l’université, supprimer les titres financiers (actions, obligations…) du patrimoine soumis à l’impôt sur la fortune, diminuer l’impôt sur les sociétés… sont autant de projets qui enchantent le patronat.

Nos chaleureuses félicitations à Emmanuel Macron pour son élection à la présidence de la République… nous attendons du prochain gouvernement qu’il mène les réformes qui permettront… aux entrepreneurs de se développer et aux investisseurs étrangers de venir investir en confiance… en simplifiant le droit du travail, en baissant les charges et en réformant la fiscalité… vraie réforme de l’éducation nationale… mesure que vous prendrez dans les semaines qui viennent… Le Medef… sera un partenaire loyal et exigeant. (Les Échos, 8 mai).

Surtout, le nouveau président ambitionne de poursuivre le démantèlement des dispositions protectrices du droit du travail mené par tous les gouvernements bourgeois depuis 1981. Pour ce faire, il annonce des ordonnances, c’est-à-dire sans débat à l’Assemblée, en profitant du choc électoral et des congés de l’été. L’ancêtre des ordonnances, le décret-loi, fut utilisé par le gouvernement Daladier (Parti radical) en 1938 pour revenir sur les conquêtes de la grève générale de juin 1936 et faire de tous les étrangers des cibles de la police française. C’est pour mater la lutte nationale du peuple algérien que fut mise en oeuvre une ordonnance pour la première fois sous la Ve République, le 4 février 1960.

Dans le cas présent, il s’agit d’abord d’élargir le champ de la priorité accordée aux accords d’entreprise, et donc de donner plus de latitude au patronat, ainsi que de rendre possible l’organisation d’un référendum à l’initiative du patronat en cas d’accord minoritaire. Ensuite, il est question de fusionner les organisations du personnel (comité d’entreprise, CHSCT, délégués du personnel), ce qui réduirait le nombre de représentants syndicaux. Enfin, il est question de limiter les indemnités pour licenciement abusif –« sans cause réelle et sérieuse »–, en les plafonnant.

Le gouvernement Macron-Philippe vise également les travailleurs privés d’emploi, les chômeurs. D’une part il projette une reprise en main par l’État de l’assurance-chômage en supprimant l’Unedic et remplaçant les cotisations chômage par la CSG. Cela s’inscrit dans l’offensive contre la Sécurité sociale menée par tous les gouvernements bourgeois, depuis les ordonnances de 1967 du gouvernement De Gaulle-Pompidou. D’autre part, il envisage d’amplifier la chasse aux chômeurs en conditionnant l’attribution de prestations à une acceptation des emplois ou des formations qui leur sont proposés –un seul refus d’emploi serait possible, alors que les chômeurs ont pourtant versé des cotisations s’ils ont auparavant été salariés.

Macron envisage de faire payer la protection sociale des indépendants par les salariés.

Le gouvernement a besoin de la caution des bureaucraties syndicales. Macron l’a rapidement obtenue, d’autant qu’ils avaient presque tous appelé à voter pour lui. « Il faut qu’on rencontre assez rapidement et le président de la République et le Premier ministre et la ministre du Travail… pour définir le cap » (Mailly, FO, France 2, 18 mai). « J’espère très rapidement une rencontre avec lui, le président de la République et la ministre du Travail… il y a besoin de mesures efficaces » (Martinez, CGT, LCP, 18 mai).

Tous sont allés à sa rencontre le 23 mai et se sont déclarés prêts à négocier les attaques du gouvernement pour empêcher l’irruption des masses : « Ce qu’il faut c’est que les syndicats soient associés… on verra selon la discussion… le dialogue social doit être une réalité… vouloir se passer de la négociation c’est dangereux » (Martinez). « Il faut qu’on ait le temps suffisant pour pouvoir se concerter » (Mailly).

Les difficultés des partis bourgeois concurrents de LREM

C’est la débandade dans le grand parti bourgeois traditionnel, les Républicains. Fillon n’a eu que 7,2 millions des voix (20,1 % des suffrages exprimés). Pour LR, « le but, c’est de sauver la tête de nos 200 députés » (Mediapart, 24 avril), si bien qu’il faut se débarrasser de Fillon, et son cadavre politique était encore chaud, au lendemain du premier tour, lorsque les charognards de LR ont fondu sur lui : « un fiasco lamentable » (Copé, France 2, 23 avril) ; « François Fillon porte une responsabilité importante » (Morano, France 3, 23 avril) ; « La droite remercie vivement François Fillon de nous avoir coulés… » (Muselier, Twitter, 23 avril) ; « ce n’est pas la droite qui a perdu, c’est Fillon » (Woerth, Europe 1, 23 avril) ; « la première raison de cet échec, c’est évidemment la personnalité de notre candidat » (Juppé, Le Monde, 24 avril).

Fillon s’est rapidement retiré : « j’assume mes responsabilités. Cette défaite est la mienne et c’est à moi et moi seul qu’il revient de la porter… Je n’ai plus la légitimité pour livrer le combat des législatives » (Mediapart, 24 avril). La direction du parti passe au sarkozyste François Baroin qui a rapidement compris, dès la fin du premier tour, le risque que les rats quittent le navire :

Les élus qui appellent à voter Marine Le Pen au second tour de la présidentielle ou qui se rapprochent d’Emmanuel Macron en vue des législatives des 11 et 18 juin seront exclus du parti Les Républicains. (Mediapart, 3 mai 2017).

Pourtant la menace n’empêcha pas 173 élus de LR et de l’UDI de signer le 17 mai une tribune de soutien à Macron pour réclamer leur part du butin. On y trouve Darmanin et Le Maire, qui allaient être récompensés en étant nommés ministres quelques jours plus tard, mais aussi Apparu, Kosciusko-Morizet, Estrosi… En cadeau, les candidats LR qui soutiennent Macron n’ont pas en face d’eux d’adversaire La République en Marche (LREM) aux élections législatives des 11 & 18 juin.

L’autre vainqueur du premier tour, le parti bourgeois FN, se trouve également en difficulté après la défaite de sa candidate, avec un score moins important que rêvé (21,3 % au premier tour, 33,9 % au second). Des fissures apparaissent dans le parti xénophobe. Ses dirigeants n’ont pas l’air de s’accorder sur l’orientation (euro, pas euro ?) et les contours de leur future organisation. Marine Le Pen, le soir du second tour a évoqué une « nouvelle formation politique », qu’elle envisage dans une « stratégie d’alliances » (Le Monde, 8 mai) mais se heurte au refus de Dupont-Aignan (DlF). Philippot est fragilisé, Maréchal a décidé de quitter (temporairement) la politique, sentant une tempête s’approcher… Le vieux Le Pen a montré les crocs contre Philippot qu’il juge responsable de la défaite, et son Union des patriotes (formée avec Civitas et le Parti de la France) présente même quelques candidats aux élections législatives contre des candidats soutenus par le FN. Il n’est pas impossible que, du FN, se dégage dans les années qui viennent un véritable parti fasciste qui agressera physiquement le mouvement ouvrier et les minorités ethniques.

Les partis ouvriers-bourgeois en crise

Hamon, soutenu par le Parti socialiste, Europe écologie – Les Verts, le Parti radical de gauche et le Parti écologiste, n’a obtenu que 2,2 millions de voix (6,3 % des suffrages exprimés). Violemment écarté du premier tour de l’élection présidentielle, le Parti socialiste (PS) a payé pour la politique qu’il a menée au gouvernement pendant cinq ans et c’est ironiquement l’un des principaux animateurs de cette politique qui décrète la mort du parti qui l’a porté à la tête du gouvernement : « ce PS est mort » (Valls, RTL, 9 mai). Toute honte bue, après avoir appelé à voter Macron, à peine le candidat PS battu, Valls était déjà prêt à offrir ses services :

Nous devons participer à la majorité gouvernementale et à la majorité parlementaire… je veux la réussite d’Emmanuel Macron… je serai candidat de la majorité présidentielle… je souhaite m’inscrire dans son mouvement. (Le Parisien, 25 avril)

L’équipe Macron a préféré ne pas s’encombrer de lui, mais l’ancien Premier ministre — qui se présente sans étiquette — n’a pas de candidat LREM, ni PS, en face de lui. De même Boutih a d’abord affirmé être « candidat pour la majorité présidentielle », puis n’a pas été adoubé par Macron, il a ensuite affirmé avoir « l’investiture socialiste » (21 mai, BFM-TV), avant que Cambadélis ne démente… Reste que ces pratiques grotesques ne sont que la version ridicule des pratiques des autres cadres du parti, prêts à tout pour avoir une part : « le temps est venu de… reconnaître les talents individuels » (Royal, France 2, 7 mai) dont certainement le sien ; « je suis socialiste mais je suis pleinement dans la majorité présidentielle… je veux qu’il réussisse » (Le Guen, France 2, 7 mai) ; « il y a des perspectives ouvertes dans l’élection d’Emmanuel Macron et on doit être capable d’y participer » (Le Foll, 7 mai). Aussi, nombre d’anciens ministres (Le Guen, Le Foll, Pau-Langevin, Bareigts, El Khomri, Touraine, Valls) n’ont pas d’adversaire LREM aux législatives.

L’ancien PS et ancien ministre Mélenchon était le candidat d’un « mouvement » créé, comme celui de Macron, autour de sa personne (La France insoumise). Il était soutenu par le PCF, le PdG, Ensemble, le POI, la GR… Sa campagne s’est déroulée sur le terrain du chauvinisme. Il a réussi à faire oublier qu’il a été ministre de la 5e République, ce qui lui a permis de réaliser un score important (7 millions de voix, plus de 19 %). Mais LFI rêvait visiblement de la seconde place et non de la quatrième, comme l’a montré l’attitude ridicule du chef suprême et de ses adjoints qui, tout en étant présents sur les chaînes de télévision, ont refusé toute la soirée du premier tour de commenter l’événement, accusant les estimations des instituts de sondage d’être faussées (alors qu’elles se sont révélées proches des résultats définitifs). Au second tour, Mélenchon, Corbière et autres chefs de LFI, au lieu de proposer l’unité de combat au PCF, au PS, à LO et au NPA contre le nouveau gouvernement et sa politique, se sont contentés de décrire Macron comme « mal élu » (il est pourtant mieux élu que Hollande) et de palabrer sur l’effondrement de la Ve République (qui ne s’en porte pas plus mal).

Mélenchon ne cherche pas à affronter Le Pen et le FN, mais est candidat LFI dans une petite circonscription de Marseille qui vote majoritairement pour les partis réformistes. L’alliance bancale avec le PCF a vite volé en éclats, puisque des listes du nouveau parti social-impérialiste feront face à des listes du vieux. Par contre, LFI ménage dans plusieurs circonscriptions des candidats étrangers au mouvement ouvrier. Il est fort improbable que le lider maximo voie exaucer son voeu d’avoir la majorité parlementaire et de devenir le Premier ministre… de Macron.

Une cohabitation est nécessaire. En face de M. Macron et pour le bien de notre démocratie, ne reste qu’une force cohérente, c’est LFI. (Jean-Luc Mélenchon, Le Monde, 17 mai)

Pour le front unique ouvrier contre l’offensive imminente

Du côté de ceux qui ne sèment pas d’illusions sur la démocratie bourgeoise et sur les élections, Poutou (Nouveau parti anticapitaliste) a obtenu presque 400 000 voix (1,09 % des suffrages exprimés) et Arthaud (Lutte ouvrière) a obtenu 230 000 voix (0,64 %). Il faut dire que ni l’une ni l’autre n’ont ouvert une perspective révolutionnaire [voir Révolution communiste n° 21 & 22], après avoir épaulé servilement la bureaucratie syndicale qui s’est opposée au printemps 2016 de toutes ses forces à la grève générale [voir Révolution communiste n° 17 & 18].

Le score est trompeur car LO l’emporte en force militante sur le NPA. Mais Poutou a eu le réflexe de refuser de participer à la photo avec Macron, Fillon et Le Pen et a su déstabiliser Fillon et Le Pen lors du débat télévisé du 4 avril. La direction de LO refuse tout accord pour les élections législatives et présente 553 candidats. De son côté, le NPA n’en présente que quelques dizaines et soutient ailleurs plusieurs candidatures sociales-impérialistes (LFI) et écologistes au premier tour. Aucun ne mène campagne pour que les représentants des salariés cessent d’aider le nouveau gouvernement en acceptant de discuter du calendrier de son attaque annoncée.

Le 22 avril, à la veille du premier tour, une manifestation réunissait 2 000 personnes à Paris. Le lendemain de l’élection de Macron, environ 5 000 travailleurs et étudiants se rassemblèrent à Paris, à l’appel du Front social, qui se présente comme un « syndicalisme horizontal », sur le mode du mouvement petit-bourgeois Nuit debout l’an dernier. Reste que ce sont bien des sections syndicales de la CGT, de SUD qui ont formé Front social, elles ont rapidement été rejointes par certaines fédérations de l’UNEF, la CNT, le NPA (mais pas LO bien trop respectueuse de la direction confédérale CGT)… en tout 70 organisations, collectifs, syndicats, associations qui avaient appelé « à battre les deux candidats » (Libération, 28 avril) entre les deux tours. Le débordement des directions syndicales est très limité, pourtant les appareils nationaux voient cette intrusion d’un mauvais oeil :

Je ne me reconnais pas du tout dans ces affiches, je suis en profond désaccord et ce n’est pas la première fois. Pour eux je suis un traitre, nous ne sommes pas du tout d’accord . (Philippe Martinez, Europe 1, 1er mai).

L’an dernier, les masses n’ont pas réussi à déborder tous les appareils arc-boutés contre la grève générale et les comités de grève. De toute évidence, la classe ouvrière et la jeunesse chercheront la voie pour affronter ce gouvernement au service du patronat. Ils trouveront face à eux les appareils du mouvement ouvrier, qu’il s’agisse du PS, du PCF, de LFI, des bureaucrates syndicaux qui défendent avant tout le capitalisme français.

Les travailleuses et les travailleurs doivent s’organiser dans et hors les syndicats, pour imposer la rupture de toute concertation sur les projets du pouvoir et l’unité de toutes (syndicats et partis) pour lutter contre les projets d’ordonnance du gouvernement Macron-Philippe.

30 mai 2017