La démocratie bourgeoise
Tous les États bourgeois des pays avancés se présentent comme une démocratie représentative, quelle que soit leur forme du pouvoir, parlementarisme ou présidentialisme : suite à des élections, des représentants sont élus pour prendre le contrôle des fonctions exécutives ou législatives de l’État. Les différents partis expriment au parlement les intérêts de différentes fractions de la bourgeoisie et proposent des solutions différentes à ses rapports avec ses exploités et avec les autres États.
Bien que considéré, à tort, comme « au-dessus de la société », l’État reste un instrument de domination au service de la classe dominante. Tant que les capitalistes ne seront pas renversés, que le capital ne sera pas exproprié et que les prolétaires seront exploités, la classe bourgeoise sera dominante par sa propriété des moyens de production, par son contrôle des médias de masse, des hiérarchies religieuses, de l’école… et l’État restera bourgeois.
Cela est d’autant plus vrai dans la période impérialiste, la période où de grands groupes capitalistes naissent de la centralisation et de la concentration du capital et resserrent leurs liens avec l’État. Le parlement joue un moindre rôle.
En ce sens, malgré « les changements » de gouvernement, les institutions répressives des États bourgeois, telles la police et l’armée, se maintiennent. Les élus n’en sont que les représentants dont l’existence, et par là-même la conscience, sont intimement conditionnées à l’exploitation du prolétariat et à l’oppression des masses.
Marx a parfaitement saisi ce trait essentiel de la démocratie capitaliste quand il a dit dans son analyse de l’expérience de la Commune : on autorise les opprimés à décider périodiquement, pour un certain nombre d’années, quel sera, parmi les représentants de la classe des oppresseurs, celui qui les représentera et les foulera aux pieds au Parlement ! (Vladimir Lénine, L’État et la révolution, 1917)
Par ailleurs, la classe capitaliste peut se passer parfois, et non sans risque, de sa démocratie parlementaire lorsque la lutte des classes le lui impose. Elle accepte de laisser un dictateur militaire écraser la révolution, un chef bonapartiste arbitrer entre les classes fondamentales, un aventurier à la tête d’un parti fasciste résoudre l’incapacité de ses partis traditionnels à diriger l’État.
La politique communiste dans les élections
Les révolutionnaires opposent à la démocratie bourgeoise le modèle de la Commune de Paris ou des soviets russes, assemblées de travailleurs exerçant un pouvoir aussi bien législatif qu’exécutif. Les élus y sont révocables à tout moment, sous mandat impératif et pas payés plus que la moyenne de leurs mandants.
Toute lutte de classe conséquente est une lutte pour le pouvoir. Aussi, les révolutionnaires ne présentent des candidats aux élections et ne participent au parlement que comme prolongement de leur activité révolutionnaire : préparer le renversement de la bourgeoisie, le pouvoir des travailleurs.
Un beau jour, les bourgeois allemands et leur gouvernement, dégoûtés d’assister aux succès croissants du socialisme, auront recours à l’illégalité et à la violence. (Engels, Le Socialisme en Allemagne, 1892)
Les élections constituent une occasion de se compter, de recruter, de mesurer l’état de la lutte de classe. Les résultats des élections, l’action parlementaire et locale doivent n’avoir pour objet intangible que la défense des intérêts des exploités et semi-exploités, la critique vive et sans faille du capitalisme pourrissant, des gouvernements bourgeois et de leurs adjoints au sein du mouvement ouvrier.
Les députés communistes, n’y en aurait-il qu’un ou deux, sont tenus de jeter, par toute leur attitude, le défi au capitalisme et de ne jamais oublier que celui-là seul est digne du nom de communiste qui se révèle, non verbalement, mais par des actes, l’ennemi de la société bourgeoise et de ses serviteurs social-patriotes. (IIe congrès de l’IC, Le parti communiste et le parlementarisme, juillet 1920)
L’objectif n’est pas l’illusion de remplacer la révolution sociale par une combinaison parlementaire, mais de se servir des assemblées comme tribune pour s’adresser à la plus grandes masse de travailleurs, même les plus remplis d’illusions dans la démocratie bourgeoise.
Le soutien électoral aux partis ouvriers bourgeois
Force est de constater qu’aucun parti se réclamant de la révolution mondiale et capable de mener une telle politique n’existe depuis la destruction par le stalinisme de l’Internationale communiste. La situation mondiale est marquée par les nombreuses défaites du prolétariat dont les responsables sont les partis « travaillistes », « socialistes » ou « communistes » censés le représenter qui le trahissent, directement lorsqu’ils sont « au pouvoir », ou indirectement lorsqu’ils sont dans l’« opposition » parlementaire, avec l’aide des dirigeants syndicaux corrompus qui refusent de soutenir une lutte ouverte contre le capitalisme et empêchent toute forme de pouvoir ouvrier.
En l’absence de parti révolutionnaire à même de présenter ses propres candidats, les communistes sont contraints, afin de construire un parti ouvrier révolutionnaire, d’appeler à voter pour des partis d’origine ouvrière malgré leur programme quand ils s’opposent à des candidats des partis bourgeois. Le but est de montrer que le parlementarisme est une impasse et que ces partis ouvriers bourgeois trahissent.
Et si un travailleur stalinien vient nous voir et demande : « voteras-tu pour notre candidat à la présidentielle ? », nous devons lui répondre sérieusement. Nous devons dire : « Oui, je voterai pour ton candidat ». (Trotsky, Discussion avec la direction du SWP, 14 janvier 1940)
La situation actuelle se caractérise principalement par une suraccumulation du capital, une menace de rétrécissement du marché mondial, ce qui conduit aussi bien au renforcement de l’exploitation qu’à la rivalité inter-impérialistes, avec comme corollaire un développement inquiétant du chauvinisme, de la xénophobie et la résurgence de formes de fascisme. Le capitalisme pourrissant s’enfonce dans la réaction la plus noire. Ni les élections et les référendums, ni les partis « réformistes » et les bureaucraties syndicales, ne peuvent l’empêcher car ils défendent le capitalisme national (PS français, Syriza grecque, etc.) et divisent ainsi les travailleurs. Aussi, l’objectif prioritaire de tous les militants conscients reste de construire une internationale ouvrière révolutionnaire et des partis ouvriers révolutionnaires dans tous les pays, pour participer à la lutte de ceux qui n’ont que leur force de travail pour survivre et les mener à la prise de pouvoir. De tels partis pourront présenter aux élections nationales et locales des candidats avec un programme dont la perspective clairement assumée est le renversement du capitalisme, le gouvernement des travailleurs et l’instauration du socialisme mondial.