Contre la trahison et la lâcheté du gouvernement, il n’y a qu’un moyen : la révolution. (Friedrich Engels, 28 mars 1849)
Rien ne se passe comme prévu lors des dernières consultations électorales : élection présidentielle en Autriche, référendum de la Grande-Bretagne, élection présidentielle aux États-Unis… Donc, des postulants à la présidentielle donnés perdants d’avance se prennent à espérer (Macron, Le Pen). Le PCF a été forcé de se rallier à un personnage qui s’est présenté en dehors de tout parti (Mélenchon). Chez les partis qui alternent depuis 30 ans à la présidence, ont été balayés les anciens présidents (Hollande, Sarkozy) ou les candidats à la candidature donnés comme vainqueurs (Juppé, Valls). Même à EELV, la candidate à la candidature donnée gagnante, l’ancienne ministre Duflot, a été supplantée par Jadot.
La montée mondiale du protectionnisme et de la xénophobie, les rebondissements de la scène politique française reflètent des changements de rapports de forces entre les principales bourgeoisies du monde, de brutaux changements d’orientation de celles-ci et l’impuissance du mouvement ouvrier dont les partis et les syndicats ont dégénéré à un point inédit.
Hollande contraint de renoncer
Le bilan du quinquennat du président François Hollande, le candidat en 2012 d’un parti issu de la classe ouvrière, élu grâce aux voix des travailleurs, le bilan des gouvernements PS-EELV-PRG et PS-PRG-FD-PE sont défavorables à la classe ouvrière : restriction des libertés, multiplication des interventions militaires, hausse des profits, augmentation du chômage, étranglement des hôpitaux publics…
Tous ses prédécesseurs à la tête de la 5e République ont tenté et parfois réussi à obtenir un second mandat. Mais Hollande, à trop servir les capitalistes depuis 5 ans (16 milliards d’euros de cadeaux aux patrons, flexibilité accrue de l’emploi, du temps de travail et du salaire), est totalement discrédité auprès des travailleurs.
En renonçant à se présenter à l’élection présidentielle des 23 avril et 7 mai, Hollande a donné au PS sa seule chance de ne pas être entraîné dans sa chute politique.
Le chouchou de Hollande, le ministre de l’Économie Emmanuel Macron a quitté le navire qui sombrait pour poser, en août, sa candidature hors du PS. Il s’est lancé avec l’appui de hauts fonctionnaires et de capitalistes sur un programme bourgeois (privatiser l’hôpital public, rendre autonomes les établissements scolaires, recruter 10 000 policiers et militaires d’ici 3 ans, exonérer de charges les patrons…). En avril 2016, Macron fonde un parti (En marche !). En mai, il commémore Jeanne d’Arc aux côtés du maire LR d’Orléans. En août, il s’affiche avec de Villiers, le fondateur du MplF. Depuis la désignation de Hamon en janvier, des caciques de l’aile droite du PS se rallient à Macron.
Le bras droit de Hollande, le Premier ministre Manuel Valls, a poussé le président vers la sortie en décembre pour tenter sa chance dans le cadre du PS. Lors de l’élection primaire « de la gauche » (sans le PdG ni le PCF), Valls était confronté à d’autres caciques du PS qui avaient tous appartenu aux gouvernements bourgeois façonnés par Hollande : Hamon, Montebourg, Peillon. Le 29 janvier, les membres et électeurs du PS ont écarté le candidat donné à l’origine favori, Valls, qui était le plus associé au quinquennat.
Pour autant, la victoire n’est pas assurée pour le candidat du principal parti bourgeois, Fillon, l’ancien Premier ministre de Sarkozy, qui avait triomphé aux primaires « de la droite » (sans le Modem, DlF, le FN) au détriment de celui qui était donné favori, Juppé, l’ancien Premier ministre de Chirac. Le Père La Vertu est pris la main dans le sac de fric.
Le suffrage universel oblige les candidats des partis bourgeois à bien des contorsions électorales alors que la classe dominante doit gérer une situation inédite, avec l’affirmation grandissante de la bourgeoisie allemande sur la scène européenne et mondiale, un début de dislocation de l’Union européenne et le tournant inattendu de l’État américain.
L’armée française en guerre
Un trait commun des deux candidats sociaux-impérialistes (Hamon et Mélenchon), avec leurs trémolos sur « la France » est de taire que la classe capitaliste de ce pays participe à l’exploitation non seulement de son propre prolétariat (dont une fraction n’est pas de nationalité française) mais du prolétariat de toute l’Europe et du monde entier par ses groupes transnationaux. Ils s’alignent sur les candidats de formations bourgeoises (Macron, Fillon, Dupont-Aignan, Le Pen) pour préserver les privilèges de l’État français qui, en s’appuyant sur sa diplomatie, ses services secrets et son armée, interfère par toutes sortes de manières anti-démocratiques dans la vie des pays dominés.
Il n’y a aucune base militaire étrangère sur le sol de la France, mais son armée dispose de quatre bases militaires à l’étranger, d’un porte-avion et de vingt sous-marins nucléaires. Actuellement, cette armée est en guerre au Mali, au Niger, au Burkina-Faso, en Irak, en Syrie et de manière camouflée en Libye. Ces opérations nourrissent l’islamisme, y compris en France.
Le président français a participé au 27e sommet Afrique-France, les 14 et 15 janvier, à Bamako (Mali). Fin novembre, des soldats français de la force Barkhane ont tué un mineur sans armes dans le nord du Mali. La justice (française) a blanchi les soldats français accusés d’avoir échangé des rations alimentaires contre des rapports sexuels avec des mineurs dans les camps de réfugiés en Centrafrique lors de l’opération Sangaris (2013-2016). Une autre enquête portant sur des accusations de viol est en cours.
Pour ses derniers vœux présidentiels, Hollande était le 2 janvier auprès des troupes françaises en Irak : « nous aidons les forces irakiennes par l’appui, le conseil, l’intervention ». Les grands medias français ont montré la barbarie des bombardements russes sur Alep, mais présentent ceux de Mossoul par les armées américaine, britannique, française et canadienne sous un angle totalement différent, alors qu’ils ont forcément les mêmes effets sur la population civile. Il n’est pas certain que cette coalition impérialiste perdure.
L’offensive des États-Unis contre l’UE
Trump n’a pas pour adversaire la seule Chine, il vise aussi le Japon et l’Allemagne : « l’UE est un instrument pour l’Allemagne ». En réponse, Hollande a rétorqué que « l’Europe n’a pas besoin de conseils extérieurs ». Mais Trump ne conseille pas, il attaque selon le bon vouloir de la principale puissance mondiale et suivant son principe « L’Amérique d’abord ». Dès son arrivée à la Maison Blanche, il a renié l’Accord de partenariat transpacifique (TPP) négocié durant 8 ans par son prédécesseur et regroupant 14 pays pour contrer l’émergence impérialiste chinoise. Peu après, il a annoncé l’expulsion de millions de sans papiers et confirmé la construction d’un mur sur la frontière avec le Mexique ce qui a conduit à l’annulation de la venue du président Nieto le 31 janvier.
Trump met aussi en cause ouvertement l’Otan centrée sur l’Europe comme « obsolète », car il juge, avec une fraction significative de la bourgeoisie américaine, que la concurrence économique vient de la Chine et non de la Russie. Il considère que Poutine a un pouvoir de nuisance limité. Même si l’armée russe dépasse de loin celle de l’Allemagne et de la France, elle fait pâle figure à côté du militarisme américain démesuré. Et l’économie russe, depuis l’effondrement de l’URSS et le rétablissement du capitalisme, est encore plus désindustrialisée que celle des États-Unis, alors que la Chine a réussi sa transition au capitalisme en s’industrialisant et en créant des groupes capitalistes qui s’établissent à leur tour à l’étranger.
Le nouveau président américain semble compter sur l’explosion de l’UE : « Je crois que d’autres pays vont quitter l’Union européenne en suivant l’exemple de Londres » (Times, 16 janvier). Il a reçu en priorité la Première ministre britannique May et annonce un accord avec la Grande-Bretagne « très rapidement ». Les xénophobes qui ont gagné le référendum ont prétendu que la sortie de l’Union européenne permettrait de retrouver la « souveraineté nationale ». Les millions de travailleurs immigrés polonais, espagnols et français se sentent à juste titre vulnérables. Mais, même pour la bourgeoisie britannique dans son ensemble, il est permis de douter qu’un accord bilatéral entre la plus grande puissance capitaliste du monde et le petit Royaume-Uni sera plus avantageux que les accords à 28 de l’UE.
Le Pen et Mélenchon ont applaudi le référendum pour le Brexit qui arrimera peut-être la Grande-Bretagne aux États-Unis au détriment du vieux continent. Le FN et les autres partis xénophobes européens se félicitent de l’élection de Trump qui veut étrangler l’Europe presqu’autant que la Chine.
La crise de l’Union européenne
L’Union européenne, à la demande de la France et aux conditions de l’Allemagne, a décidé en 1992 d’une monnaie unique pour ne plus supporter les conséquences des variations de change du dollar et pour contrôler collectivement la monnaie commune qui était en fait le mark aux mains de la seule Bundesbank. Mais l’incapacité des bourgeoisies française et allemande à unifier l’Europe a conduit à un système bancal, puisque les États adoptant l’euro gardaient l’autonomie de leur politique fiscale et qu’aucune solidarité n’était prévue en cas de difficulté d’un État membre. Une monnaie, mais pas d’armée : la plupart des membres sont membres de l’OTAN qui est dirigée par les États-Unis.
Bien que les traités n’aient jamais dit quelles dépenses publiques devaient être réduites et qu’aucun État n’a jamais été sanctionné pour avoir violé les règles, la limitation du déficit public de chaque État membre à 3 % du PIB et de sa dette publique à 60% a associé dans l’esprit des masses l’UE aux attaques de tous les gouvernements, y compris hors zone euro et hors UE, contre les acquis sociaux. En plus, avec la crise économique mondiale de 2008, les économies nationales les plus faibles (sud et est de l’Europe) ont plongé. La réponse des gouvernements dominants de l’UE (Allemagne et France) a été l’étranglement et l’humiliation de la Grèce. Bien avant Trump, l’État américain a poussé à la guerre civile en Ukraine en 2013, suscitant une réaction de l’État russe qui a bloqué l’expansion de l’UE vers l’est.
La fragile idéologie européiste a perdu toute base populaire, à l’exception d’une partie de la jeunesse (ce que montre la campagne de Macron). Mais cela n’a pas profité à l’internationalisme prolétarien, faute d’internationale ouvrière et de partis ouvriers révolutionnaires. Comme aux États-Unis et au Japon, la crise capitaliste mondiale a conduit à un regain du nationalisme traditionnel propagé par les partis fascistes, xénophobes (comme celui de Le Pen), les partis bourgeois traditionnels (le candidat Fillon veut fixer des quotas d’immigration), les partis d’origine ouvrière soumis à la bourgeoisie (PS, PCF, PG en France), les bureaucraties syndicales. Par exemple, Valls, Estrosi et Maréchal ont dit la même chose sur le « burkini ».
De chef des flics en chef du gouvernement
Avec le départ en campagne de Valls pour les primaires de « gauche », c’est l’ancien ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve qui dirige le dernier gouvernement d’Hollande.
7 des 8 syndicalistes CGT de Goodyear ont été condamnés en appel le 11 janvier à des peines de plusieurs mois de prison avec sursis pour « séquestration » et « violence en réunion ». Par contre, les juges ont relaxé le gendarme responsable de l’assassinat du militant écologiste Rémi Fresse à Sivens en 2014. Le gouvernement Hollande-Cazeneuve a limité le 1er janvier la hausse du Smic au minimum légal, soit 0,93 % (1 153 euros net mensuel). L’inflation repart : +1,4 % depuis un an (Insee, Informations rapides, 31 janvier). Le timbre postal passe de 0,80 à 0,85 centimes, les assurances habitation augmentent de 2,5 %, les complémentaires de santé entre 2 et 4 %, les frais bancaires de 13 % en moyenne, le gaz de 5 %…
Uber a baissé drastiquement la rémunération de ses chauffeurs. 2 000 licenciements sont prévus à Vivarte (Halle aux vêtements, André, Chevignon, etc.). Dans d’autres groupes capitalistes (Alstom, SFR, Air France, Fnac, Auchan, Engie…) les négociations entre les « partenaires sociaux » continuent pour faire passer des suppressions d’emplois, les plans de « restructuration », le travail le dimanche. Engie (ex-GdF-Suez) veut supprimer l’équivalent de 10 000 postes d’ici 2018, EDF 5 900 d’ici 2019.
Auchan, 2 000 postes. À la Fnac, le travail du dimanche est décidé après négociations. L’accord de flexibilité de Renault a été négocié par toutes les directions syndicales alors qu’en 3 ans, la direction a supprimé plus de 9 000 postes. Signé par la CFDT, FO et la CGC, il impose une heure supplémentaire par jour (dans les limites de 8 jours par mois et 50 jours dans l’année par salarié). Aucun syndicat du groupe n’a lutté pour une grève totale jusqu’au retrait de l’allongement du temps de travail.
Les bureaucrates continuent à appeler à des journées d’action au lieu de la grève générale. Dans la fonction publique, les professeurs de lycées de réseaux d’éducation prioritaire (REP) ont fait 3 journées de grève en décembre et janvier, isolés par leurs chefs syndicaux (Snes-FSU, FO, CGT, SUD, Sgen-CFDT…) du reste de la profession. De même, les Atsem ont fait grève le 14 décembre et le 1er février, isolés des professeurs des écoles. Les directions syndicales CGT-FO-SUD de la santé appellent à une journée… le 7 mars, alors que les mouvements locaux épuisent la combativité hôpital par hôpital, service par service.
La paralysie de la classe ouvrière
Si Hollande et le PS se sont usés au gouvernement, aucune solution progressiste n’a émergé. La classe ouvrière est incapable de profiter de la division de la classe dominante et de l’impotence actuelle de sa représentation politique traditionnelle.
Début 2015, après l’attentat contre les dessinateurs d’un journal anticlérical, antiraciste et antimilitariste, Charlie Hebdo, le gouvernement a réalisé l’union nationale, du FN au PCF, du Medef à Solidaires. Toute l’Assemblée nationale, de Marion Maréchal aux députés Front de gauche, a entonné La Marseillaise. Il en est sorti la justification des expéditions néocoloniales, l’espionnage généralisé de la population, une atmosphère anti-arabe et antimusulmane, le renforcement des prérogatives des policiers, l’augmentation des effectifs des services secrets, de l’armée et de la police…
En 2016, la classe ouvrière a été vaincue, malgré quelques grèves et de multiples manifestations contre la loi El Khomri-Valls-Hollande. Des directions syndicales l’ont honteusement approuvé (CFDT, UNSA…), les autres ont empêché la grève générale avec 14 journées d’action et une « initiative citoyenne » (CGT, FO, SUD, FSU). Les chefs syndicaux n’ont pas organisé la défense des piquets et des manifestations contre la police. Ils ont même soutenu les policiers. Les organisations politiques issues de la classe ouvrière, de même, ont soit soutenu le gouvernement au service de la classe dominante (PS), soit aidé les bureaucraties syndicales, dont elles font partie (PCF, PdG, LO, NPA, POID, AL).
Le mouvement ouvrier actuel a abandonné l’expropriation du capital, l’armement du peuple et le socialisme. Certains d’entre eux ont remplacé le mythe stalinien du « socialisme dans un seul pays » par le plus réactionnaire encore « capitalisme dans un seul pays ». Les partis xénophobes et fascistes européens, financés par le grand capital, tentent de duper les salariés (nationaux) en les dressant non contre leurs patrons mais contre l’étranger (immigrés, UE…). Le FN prétend même défendre des conquêtes sociales qui sont le sous-produit de la vague révolutionnaire européenne de 1943-1945, puis de celle de 1968-1969, arrachées par la lutte de classe du prolétariat uni (français et immigrés).
Relever le drapeau rouge
Les principaux candidats à l’élection présidentielle ont tous comme perspective la gestion du capitalisme français. Si certains restent sur l’orientation du maintien du marché unique européen (Macron, Fillon, Hamon), d’autres comptent sur le protectionnisme pour les PME et le capitalisme français défait par ses concurrents (Dupont-Aignan, Mélenchon, Le Pen). En fait, ce sont deux façons de défendre l’impérialisme français face aux Trump, Xi, Merkel, May, Poutine…
Dans tous les cas, il s’agira de maintenir le capital, son chômage, sa misère et ses guerres qui dressent les travailleurs migrants contre ceux du pays, ceux ayant des papiers contre ceux qui n’en n’ont pas, ceux du privé contre ceux du public, les jeunes contre les vieux, les chômeurs contre ceux qui ont un boulot. La classe ouvrière, à l’échelle mondiale, peut et doit éradiquer le capitalisme, en finir avec l’exploitation, la concurrence, la guerre. Pour y parvenir, il faut une internationale communiste, un parti ouvrier révolutionnaire. Aucune élection ne pourra remplacer la révolution.
Décider périodiquement, pour un certain nombre d’années, quel membre de la classe dirigeante foulera aux pieds, écrasera le peuple au Parlement, telle est l’essence véritable du parlementarisme bourgeois… (Lénine, L’État et la révolution, 1917)
Pas d’indemnité d’élu/e au-dessus du salaire d’un/e travailleur/se qualifié/e !
Ni libéralisme, ni étatisme ! Ni protectionnisme ni libre-échange ! À bas la 5e République ! Arrêt des interventions militaires ! Arrêt des licenciements, baisse du temps de travail avec embauche ! Expropriation des groupes capitalistes ! Désarmement des corps de répression et licenciement de l’armée professionnelle !
Gouvernement ouvrier ! États-Unis socialistes d’Europe !