La fin d’un règne au service de la bourgeoisie

On ne peut servir à la fois les exploiteurs
et les exploités

Le 1er décembre, pourtant fier de son bilan au service de la bourgeoisie, se félicitant d’avoir accordé un pouvoir accru au patronat en « réformant le marché du travail », d’avoir renforcé la répression en « durcissant l’arsenal pénal… en procédant à des recrutements massifs dans les armées, dans la gendarmerie, dans la police », d’avoir défendu son impérialisme rapace en « engageant des forces armées au Mali, en Centrafrique, en Irak, en Syrie », d’avoir diminué le salaire différé en « allégeant les charges des entreprises », d’avoir réduit l’accès à la protection sociale en remettant « la Sécurité sociale à l’équilibre », d’avoir renforcé les inégalités scolaires en assurant « que l’école dispose des moyens indispensables », François Hollande a renoncé à participer à la course à la présidence de 2017.

Le président PS est entièrement discrédité aux yeux des travailleurs. La bourgeoisie, ingrate, préfère un candidat de son principal parti.

Un quinquennat avec 500 000 chômeurs supplémentaires

Le principal problème de Hollande est d’avoir promis « l’inversion de la courbe du chômage » pour 2013 en tablant sur la reprise économique et sur ses mesures favorables au capital. Or, la croissance a été faible et les capitalistes réservés, si bien qu’il a fallu attendre 2016 pour observer une légère baisse du nombre de chômeurs au sens strict (il augmente si l’on dit de toutes les catégories de Pôle emploi ; en particulier la catégorie D qui inclut notamment les chômeurs en formation augmente de 16,7 %). De toute façon, cela fait 556 000 de plus qu’au début du quinquennat. Par conséquent, la pauvreté a augmenté. En 2015 14,3 % de la population en France vit sous le seuil de pauvreté (1 003 euros par mois pour une personne seule), soit 8,8 millions de personnes contre 13 % en 2008, et les expulsions locatives ont explosé, à 14 363, en hausse de 24 % en un an. Et des groupes capitalistes annoncent de nouveaux plans de licenciement : Alstom, Airbus, SFR, Darty, Vivarte (André, La Halle aux chaussures, La Halle aux vêtements, Chevignon, Pataugas, Kookaï…), KNS (Koniambo Nickel en Nouvelle-Calédonie), Euro Cargo Rail (filiale de Deutsche Bahn)… alors que Pierre Gattaz, le patron du Medef, assurait qu’un million d’emplois serait créé.

La cause est que l’économie française ne retrouve pas la progression d’avant la dernière crise capitaliste mondiale : après une croissance de 0,7 % en 2014, puis de 1,2 % en 2015, elle est sur un rythme de 1,3 % pour 2016 (Insee, 7 octobre ; Banque de France, 8 décembre). Elle prend du retard face à ses concurrents impérialistes, la Chine (6,6 %), l’Allemagne (1,7 %), les États-Unis (1,5 %) et même le Royaume-Uni (2,3 %).

Pourtant, en 2015, les capitalistes se sont enrichis ; la rémunération moyenne des patrons des entreprises du SBF 120 (un des principaux indicateurs boursiers) a battu des records en atteignant 3,5 millions d’euros, en hausse de 20 % sur un an. Au second trimestre 2016, la France est en tête pour le versement de dividendes en Europe, à 40 milliards de dollars, en hausse de 13,9 %, contre 33,7 milliards pour le Royaume Uni, 31,6 milliards pour l’Allemagne, 10,3 milliards pour l’Italie, 7,6 milliards pour les Pays Bas.
Aussi le taux de marge des entreprises (rapport entre le profit et la valeur ajoutée, proche du taux d’exploitation) s’est sensiblement redressé entre 2015 et 2016 pour atteindre 32 % cette année, son record depuis 2008.

La hausse de l’exploitation résulte d’une part de l’allongement du temps de travail et de l’intensification du travail ; de l’autre de la politique économique du gouvernement, en particulier les immenses sommes d’argent versées aux capitalistes avec le CICE (réduction d’impôt) pour 24 milliards d’euros et le pacte de responsabilité (réduction de cotisations sociales) pour 20 milliards. Le gouvernement poursuit cette logique puisqu’il envisage dans le budget 2017 de réduire le taux d’impôt sur les sociétés à 15 % pour les PME.

Jusqu’au bout, le gouvernement PS-PRG-PE déploie son arsenal répressif

Le gouvernement Valls-Hollande défend la classe capitaliste française sur tous les fronts. À Raqqa, à Mossoul, l’armée française, sous prétexte de lutte contre l’EI, participe de la coalition qui terrorise les civils et dévaste le Levant. En France, il continue à détruire les camps des réfugiés venus de cette région du monde tout en chassant les migrants d’Europe et d’Afrique, en les expulsant (plus de 8 000 au premier semestre). Il menace de sanctions pénales les habitants de la vallée de Roya, près de la frontière italienne, qui aident les migrants qui veulent s’installer en France ou la traverser pour d’autres destinations. Ses flics protègent les manifestations des racistes et des fascistes contre les réfugiés, bien souvent mises en minorité par les manifestations de soutien, comme à Marseille, à St-Martin-d’Hères.

Au printemps, les jeunes et les travailleurs furent calomniés par les médias bourgeois, insultés par le gouvernement, agressés par les forces de répression, celles-là même à qui les bureaucrates syndicaux manifestaient de la sympathie et à qui le gouvernement fait les yeux doux lorsqu’elles manifestent en toute illégalité. La justice aussi s’en est pris aux militants, en organisant des procès en comparution immédiate de manifestants interpellés au hasard par la police. La situation a bien sûr été facilitée par l’état d’urgence, que l’exécutif envisage de prolonger, au moins jusqu’à l’élection présidentielle. De nombreux protestataires ont été récemment condamnés à des peines parfois lourdes – jusqu’à de la prison ferme, plusieurs mois de prison avec sursis, parfois avec mise à l’épreuve, des dizaines d’heures de travaux d’intérêt général, des lourdes amendes pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros… – alors que les policiers et les gendarmes sont quasi-systématiquement relâchés, comme l’assassin de Rémy Fraisse à Sivens.

Le parti du grand capital choisit l’émule de Thatcher

En mai prochain, la bourgeoisie compte bien profiter de l’affaiblissement du PS pour pouvoir placer à la tête de l’État un fondé de pouvoir issu d’une de ses organisations, soit LR soit le FN, avec une préférence pour LR, le parti du grand capital. C’est précisément ce à quoi viennent de s’exercer les candidats pour la désignation du candidat « de la droite et du centre » pour l’élection présidentielle.

C’est ainsi François Fillon, admirateur de Margaret Thatcher, qui a voté en 1982 contre la dépénalisation de l’homosexualité, opposant au traité de Maastricht en 1992, ministre de Chirac de 1986 à 1988, de 1993 à 1997, de 2002 à 2005, Premier ministre de Sarkozy de 2007 à 2012, bigot catholique pour qui « il y a un problème avec l’islam » (Le Point, 30 septembre) qui s’est imposé.

Fillon a proposé l’offensive la plus ample et la plus rapide contre la classe ouvrière. Il était soutenu par les plus réactionnaires, parmi lesquels les organisateurs des manifestations homophobes contre le mariage pour tous comme Sens commun, le site conspirationniste Salon belge, les fascistes de Riposte laïque, par l’ancien directeur de Minute et ancien conseiller de Sarkozy Buisson, par le fondateur de la Ligue du Sud et ancien maire FN Bompard, par l’ancien cadre du FN et fondateur du Parti pour la France Lang, par l’ancien conseiller de Marine Le Pen Chauprade…

Fillon a bien conscience que s’il est élu président de la République, l’application de son programme (suppression de la durée hebdomadaire du temps de travail, 39 heures payées 37 dans la fonction publique, suppression de 500 000 postes de fonctionnaires, retraite à 65 ans, allocation sociale unique, baisse de 40 milliards des cotisations patronales, privatisation de l’assurance maladie…) suscitera des résistances ouvrières. Il se félicite d’avoir réprimé les manifestations pour la sauvegarde des retraites en 2010 : « Nous, on a envoyé la gendarmerie, cela s’est très bien passé. S’il faut le faire, on le refera ! » (Mediapart, 6 septembre). Il veut frapper fort en misant sur le discrédit des directions syndicales : « les organisations syndicales n’ont plus la force pour accomplir les blocages dont elles menacent. Personne ne peut vraiment dire que le pays était bloqué avec la loi El Khomri ! »  (Mediapart, 6 septembre).

Le parti fascisant compte tirer les marrons du feu

Quant au FN, Marine Le Pen sait que ses chances ont été accrues avec le référendum britannique pour la sortie de l’UE et l’élection américaine de Trump tout aussi xénophobe et protectionniste qu’elle. Elle prétend concilier les intérêts des petits patrons qui aiment voir trembler leur main-d’oeuvre et ceux des salariés précarisés et paupérisés par le capitalisme qui cherchent les coupables dans l’UE, les réfugiés et les musulmans.

Le FN oppose le capital « national » (réputé industriel) au capital « cosmopolite » (qui serait financier) comme si l’un ne conduisait fatalement pas à l’autre. Elle oppose les travailleurs français aux travailleurs étrangers, pour mieux exploiter tous les travailleurs au compte du capital national.

Le FN trompe les travailleurs à double titre lorsqu’il prétend que ses ancêtres ont participé avec le Conseil national de la résistance à l’élaboration de la Sécurité sociale, d’une part parce que les fondateurs du FN étaient des nostalgiques du régime fasciste de Pétain et du 3e Reich qui assassinait les militants ouvriers, les Juifs et les résistants, et d’autre part parce que les travailleurs ont arraché les conquêtes politiques et sociales de 1944-1945 en luttant contre les patrons et en prenant les armes. Toutes choses que redoutent tout autant Le Pen que Fillon.

La classe ouvrière n’a rien à espérer de l’élection présidentielle

1944-1945 a prouvé, comme auparavant 1789-1792, 1848, 1871, que si les libertés démocratiques sont indispensables pour débattre, lutter et s’organiser, aucune élection, législative ou présidentielle, ne peut changer le monde. Seules des révolutions le font. Une campagne électorale et l’action de représentants des travailleurs dans un parlement sont utiles pour renforcer le parti ouvrier révolutionnaire, pour préparer la révolution socialiste, la prise du pouvoir par les producteurs. Or, aucune candidature ne se situe sur ce terrain qui est rendu plus difficile par la multiplication des conditions de présentation et les restrictions à l’expression des candidats à la télévision.

Le NPA et LO ont le mérite de ne pas semer d’illusions sur la présidentielle, mais ils en nourrissent sur la bureaucratie syndicale corrompue de la CGT et sur l’ancien parti stalinien PCF. Ni Poutou, ni Arthaud n’avancent un programme révolutionnaire : expropriation du grand capital, armement du peuple, destruction de l’État bourgeois, gouvernement ouvrier, États-Unis socialistes d’Europe, socialisme mondial.

Le PS est de nouveau en crise pour sa gestion loyale du capitalisme français. Tous ses candidats ont trempé dans la politique de Hollande. Le PCF, malgré son refus, cette fois-ci, de participer à ses côtés au gouvernement, se situe sur un terrain identique (la défense de « la France », le renforcement de l’État bourgeois), ce qui le plonge dans un marasme inédit et l’empêche de présenter son propre candidat.

Il en est réduit à se raccrocher à Mélenchon qui s’est proclamé sauveur suprême par-dessus la tête de son propre parti, le PdG. Si le Bonaparte de gauche admirateur de feu le colonel Chavez était aux côtés des travailleurs en lutte, il n’affirmerait pas qu’il existe une « grande osmose entre la population et sa police » (La France insoumise, 21 octobre) qui les matraque. S’il était du côté des opprimés, il n’aurait pas dit que « le burkini est une provocation politique », (Le Monde, 24 août) ni qu’il « n’a jamais été pour la liberté d’installation » (Le Monde, 24 août). S’il était internationaliste, il n’accuserait pas « l’Europe à l’Allemande de tout bloquer » (Le Monde, 24 août) mais sa propre bourgeoisie. S’il était contre l’impérialisme et ses guerres il ne serait pas un ami du marchand d’armes Dassault et surtout il n’aurait pas voté au Parlement européen pour la guerre en Libye…

Pour un nouveau parti, révolutionnaire et internationaliste

Les chefs syndicaux (Martinez, Mailly…), en acceptant de discuter toutes les attaques et en sabotant la lutte de classe démoralisent les travailleurs. Les politiciens « réformistes », en ayant gouverné au compte de la minorité capitaliste (Mélenchon, Valls, Montebourg, Hamon, Peillon), en désignant comme adversaires l’Allemagne et l’UE (Mélenchon), en s’en prenant aux étrangers (Valls, Mélenchon), les divisent et en envoient certains dans les bras de leurs ennemis, LR et FN.

Un vent mauvais souffle. L’urgence est de s’organiser dans les syndicats et les organisations politiques du mouvement ouvrier, de regrouper l’avant–garde afin de proclamer au plus vite une organisation nationale communiste internationaliste qui se donne pour but de construire un véritable parti ouvrier, qui affronte les dirigeants traîtres, qui oriente les combats contre le capital et son État, qui aide à l’auto-organisation, qui défende ouvertement le programme de la révolution prolétarienne, qui contribue à créer l’internationale ouvrière révolutionnaire.

Les communistes ne s’abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l’ordre social passé. Que les classes dirigeantes tremblent à l’idée d’une révolution communiste ! (Marx, Manifeste du parti communiste, 1847)

8 décembre 2016