L’immigration et l’émigration des travailleurs sont des phénomènes aussi inséparables du capitalisme que le chômage, la surproduction, la sous-consommation : elles sont souvent l’un des moyens dont le capitalisme dispose pour réduire la part des travailleurs sur les produits de leur travail et prennent parfois des proportions anormales par suite de persécutions politiques, religieuses ou nationalistes.
Le Congrès ne peut considérer comme des moyens d’écarter le danger éventuel dont l’émigration et l’immigration menacent la classe ouvrière, ni les mesures exceptionnelles quelconques, économiques ou politiques, parce qu’elles sont inefficaces et essentiellement réactionnaires, ni spécialement une restriction de la libre circulation, ni une exclusion des individus appartenant à des nationalités ou à des races étrangères.
Par contre, le Congrès déclare qu’il est du devoir de la classe ouvrière organisée de s’opposer à la dépression organisée de leur niveau de vie par suite de l’importation en masse de travailleurs inorganisés ; il déclare de même qu’il est de leur devoir d’empêcher l’importation ou l’exportation de briseurs de grève.
Le Congrès reconnaît les difficultés créées dans beaucoup de cas pour le prolétariat par l’immigration en masse d’ouvriers inorganisés, habitués à un niveau de vie inférieur, et originaires principalement de pays agraires à économie familiale, ainsi que les dangers provoqués par certaines formes de l’émigration.
Il considère même, en se plaçant au point de vue de la solidarité prolétarienne, l’exclusion d’individus de nationalités ou de races déterminées comme une mesure inadmissible dans ce but.
Par ces motifs, il préconise les mesures suivantes :
I. Dans les pays d’immigration
- Défense de l’importation d’ouvriers sous contrats qui les empêchent de disposer librement de leur force de travail et de leurs salaires ;
- Protection légale par l’introduction d’une journée normale de travail, d’un salaire minimum, de la suppression de la surexploitation, de la réglementation du travail à domicile, d’une surveillance sévère des conditions hygiéniques et des habitations ;
- Suppression de toutes les restrictions qui excluent et rendent plus difficiles à des nationalités ou des races déterminées le séjour dans un pays ou la jouissance des droits sociaux, politiques et économiques, facilités données pour la naturalisation ;
- Pour les syndicats de tous les pays, les principes suivants seront d’application générale :
- Accès sans restriction des ouvriers émigrants dans les syndicats de tous les pays ;
- Facilité d’accès par la fixation d’une cotisation raisonnable ;
- Passage gratuit d’une organisation nationale dans une autre, sous condition complète des obligations envers l’organisation nationale ;
- Création d’une entente syndicale internationale qui déterminera une réglementation précise et conforme à ces diverses prescriptions et assurera l’exécution des présents principes et mesures.
- Aide en faveur des organisations syndicales des pays où l’émigration se produit principalement.
II. Dans les pays d’émigration
- Propagande syndicale active ;
- Renseignements donnés avec publicité sur la véritable situation des conditions du travail dans les pays à immigration ;
- Accord intime des syndicats des pays d’émigration et d’immigration afin d’aboutir à une action commune au sujet des questions d’émigration et d’immigration ;
- Attendu qu’en outre, l’émigration des travailleurs est souvent stimulée artificiellement par des compagnies de chemins de fer et de navigation, par des spéculateurs terriens et d’autres entreprises d’escroqueries, par des promesses fausses et mensongères, le Congrès demande : surveillance des agences de navigation et des bureaux d’émigration, éventuellement mesures légales et administratives contre ceux-ci, afin d’empêcher que l’émigration soit organisée dans l’intérêt d’entreprises capitalistes.
III. Réglementation nouvelle de l’industrie des transports, spécialement par navires
Surveillance de l’exécution des règles obtenues par des inspecteurs avec pouvoirs discrétionnaires, à choisir parmi les ouvriers organisés des pays d’immigration et d’émigration. Mesures préventives en faveur des émigrants à leur arrivée, afin qu’ils ne soient pas livrés à l’exploitation des corsaires du capitalisme.
Comme le transport des émigrants ne peut être réglé juridiquement que sur une base internationale, le Congrès charge le Bureau socialiste international de préparer des propositions pour la réglementation nouvelle en ce domaine, dans lesquelles on fixera la disposition et l’installation des navires, ainsi que le volume d’air minimum par passager, et on donnera une importance spéciale à ce que les émigrants traitent de leur passage directement avec les entreprises de transports sans intervention d’intermédiaires quelconques. Ces propositions seront communiqués aux diverses directions des partis socialistes dans le but d’en amener l’application législative et de les faire servir à la propagande.