Bonsoir camarade
Je viens de lire la brochure du GMI que tu m’as transmise : Bolchevisme contre lambertisme.
Même si j’y retrouve beaucoup de mes préoccupations, je considère que vous avez tort de jouer les Ponce Pilate en renvoyant dos à dos les deux fraction lambertistes. Si je suis d’accord avec 90% du texte, n’oublions pas qu’une cuillerée de goudron peut gâcher un tonneau de miel. J’en vois au moins deux, dont une impardonnable.
Mes divergences avec votre texte n’ont rien à voir avec le lambertisme.
Je suis surtout en désaccord sur deux points :l’appel à la destruction de « l’Union européenne » et la « ligne de la démocratie » défendue par les lambertistes. Le premier point n’est plus défendu que par les seldjoukiens (mobilisés pour le Brexit) et le deuxième est défendu différemment par les deux fractions, (dont celle des ulyssiens peut être social-chauvine, mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.
1/ Sur la ligne de la démocratie, cela se discute et je n’en fais pas un acte liquidateur et révisionniste. C’est un mot d’ordre transitoire, tel qu’il était défendu dans le programme de transition en Inde et en Chine, comme vous le dites dans votre texte, car depuis cette date (1938) l’impérialisme putrescent remet en cause la démocratie bourgeoise, y compris dans les vieux pays impérialistes sénescents. Donc, la revendication « démocratique », même au sens bourgeois, peut être un mot d’ordre transitoire vers la dictature du prolétariat, y compris dans des pays déjà parlementaires. Cela n’a rien à voir avec le parlementarisme et l’opportunisme (tout dépend comment c’est fait évidemment…). Même les médias les plus décérébrés ou les plus vénaux sont obligés de parler de « déficit démocratique ». Le manque de démocratie, même bourgeoise, est profondément ressenti par l’immense majorité du prolétariat français, et on ne peut pas se contenter de dire « vive la dictature du prolétariat ». Ce n’est pas un raison pour dire « vive la démocratie bourgeoise », mais quand on a à faire face à un recul de cette démocratie bourgeoise, sans aucune illusion légaliste ou parlementariste, par exemple quand on fait des regroupement forcés de communes, que l’on crée des métropoles auxquelles on transfère les prérogatives des collectivités territoriales inférieures, etc.,le parti révolutionnaire a le devoir de soulever la haine de classe contre ces reculs de démocratie, même bourgeoise. Sinon, c’est comme refuser de participer aux élections. C’est du gauchisme. Evidemment, ce n’est pas une raison pour titrer : Vive la République une et indivisible. Donc je suis pour la « ligne de la démocratie » (c’est peut-être la seule innovation lambertiste que je retiendrais, puisque vous dites qu’il n’a pas été à la pointe du combat antipabliste). Cette « ligne de la démocratie » est très transitoire et très bolchevique (ne pas le faire serait gauchiste), mais je ne suis pas pour qu’elle devienne sociale-chauvine, opportuniste. Comme vous le dites en citant Lénine, une idée juste poussée jusqu’à l’absurde se transforme en son contraire et devient contre-révolutionnaire. Les seldjoukiens sont donc plus corrects que les ulyssiens sur ce point. Il sont plus corrects que vous aussi qui niez d’un revers de main, purement et simplement,
le retour de la ligne de la démocratie dans les vieux pays impérialistes parlementaires.
2/ Sur la « rupture avec l’Union européenne », là il n’y a pour moi aucune question de dosage. L’analyse marxiste montre qu’il faut combattre l’Union européenne sans aucune limite et sans aucun danger de nationalisme. En effet, la théorie dit que les Etats-nations se sont créés quand la bourgeoisie était « progressiste » (c’est-à-dire qu’elle développait les forces productives). Dans L’impérialisme, stade… etc. de Lénine, et ensuite, les bourgeoisie nationales sont considérées comme jouant un rôle contre-révolutionnaire, incapables d’établir un développement international, et même transnational, harmonieux. Toute construction interimpérialiste, comme l’Union européenne, ne peut être vouée qu’à l’échec. Ou alors on pense que l’impérialisme peut encore développer les forces productives et dépasser le carcan national. Il est impossible que vous pensiez cela. Il faut donc demander la destruction immédiate de ces ententes interimpérialistes. On ne peut pas demander la destruction immédiate de l’Etat bourgeois, c’est une position anarchiste et non marxiste, on se présente aux élections (sans illusion parlementariste, comme le dit le texte d’Engels que vous citez), ce que ne veulent pas faire les anarchistes, mais on peut demander la destruction immédiate de toute construction interimpérialiste. C’est le seul mot d’ordre correct quand on se réclame du bolchevisme. Sans aucun danger de nationalisme ou d’anarchisme. C’est le seul mot d’ordre révolutionnaire. « Détruisons cette Europe avant qu’elle ne nous détruise ! Qu’elle détruise tout droit du travail, tout service public, toute protection sociale… et toute démocratie ! » (même bourgeoise ;-)… Tous ceux qui ne le disent pas, sous prétexte que l’ennemi et dans notre propre pays (ce qui est vrai, mais il s’est allié avec les ennemis des autres pays et il faut détruire cette unité, même conflictuelle) entretiennent des illusions mortelles pour le prolétariat de tous les pays européens. Ne pas combattre « l’européisme », c’est se priver d’un mot d’ordre révolutionnaire primordial. C’est se coucher devant les bureaucraties syndicales intégrées à la CES, et aux partis ouvriers bourgeois qui y adhèrent. Dans votre brochure vous rappelez opportunément que dans les 21 conditions on appelle à combattre l’Internationale syndicale jaune d’Amsterdam. Alors que dire de l’Internationale jaune de la CES ? Elle est mille fois pire ! Celui qui ne demande pas la destruction de l’Union européenne, n’est pas du tout bolchevik. C’est un contre-révolutionnaire. Tu vois que je suis encore plus dur que les seldjoukiens sur cette question. Il ne demande que la rupture avec l’UE. Moi je demande sa destruction. Bien sûr que cela peut prendre une forme chauvine. Mais c’est très facile de l’éviter. Quand Hitler vitupérait le traité de Versailles, ce n’est pas pour cela qu’il ne fallait pas en parler et se contentait de dire l’ennemi est dans notre propre pays! C’est le meilleur moyen de faire gagner les Hitler modernes. Vous mentionnez Maastricht 1992. Bien évidemment il fallait appeler à voter contre. La victoire du non aurait été un défaite pour notre propre bourgeoisie. Lutte Ouvrière s’est couvert de honte en appelant à s’abstenir en disant, c’est une affaire entre capitalistes, cela ne nous regarde pas ! A lire votre brochure, ça a été aussi votre position ? C’est une trahison incroyable ! Vous n’avez pas lu le traité de Maastricht, sinon vous n’auriez pas pu prendre une position pareille ! Et vous ne dites pas ce que vous avez fait pour le référendum de 2005. Vous avez aussi appelé à l’abstention ? Parce que vous n’aimez pas la démocratie bourgeoise ? Mais c’est idiot ! (en toute camaraderie, ne le prenez pas mal !). Mais bien sûr que Lénine et Trotsky auraient appelé à voter non ! Et vous les auriez accuser de défendre leur propre bourgeoisie, ou plutôt une bourgeoisie étrangère ?
Bon, je commence à être trop long. Tu comprends bien que ces deux cuillerées de goudron gâchent tout le reste !
Bien sûr que l’on peut et qu’on doit avoir une position anti-Union-européenne très internationaliste. Regarde le meeting internationaliste sur le Brexit (c’est en tranche de dix minutes, mais il faut parfois quitter le site et y revenir pour pas qu’il s’embrouille entre les différents séquences. Evidemment, c »est un meeting de FUO, je ne suis pas d’accord à 100 % avec tous les intervenants, mais je suis d’accord avec la ligne générale. J’aurais même été plus dur.
Et qu’est-ce que vous avez fait pour le Brexit ? Vous avez aussi joué les gauchistes en disant cela ne nous regarde pas, il y a des fascistes qui appellent à voter non ?
Donc, comme tu le vois, je pense que vous avez tort de rejeter dos à dos les ulyssiens et les seldjoukiens. Les ulyssiens sont plutôt sur votre ligne au sujet de l’Union européenne. Ils ne veulent pas se fâcher avec les bureaucraties syndicales qui sont à la CES et les dirigeants du PC qui sont au PGE, qui se couchent et qui sont financés par les institutions européennes. Otan, Goldmann Sachs, CIA.
Si je ne suis que sympathisant seldjoukien (ou TCI, ou POID, ou CORQI…). C’est uniquement que j’ai encore des doutes sur les pratiques de démocratie interne. Chat échaudé craint l’eau froide, comme on dit… Mais je leur laisse le bénéfice du doute.
Sans aucune méchanceté, je suis plus d’accord politiquement avec eux (je les trouve plus bolcheviks) qu’avec la ligne défendue dans Bolchevisme contre lambertisme.