Le réalisateur Robert Guédiguian, d’origine arménienne a pour habitude de filmer la classe ouvrière, souvent à Marseille (Marius et Jeannette, Marie-Jo et ses deux amours, Au fil d’Ariane…), dans son quotidien, dans ses luttes. Son dernier film rend hommage au combat des masses arméniennes, cent ans précisément après le génocide perpétré par l’État turc qui a exterminé 1 500 000 personnes (les deux tiers de la population arménienne). Ce massacre, qu’aucun gouvernement turc n’a jamais reconnu, est venu clore une période de persécution des Arméniens ouverte dans le dernier quart du dix-neuvième siècle par le déclin de l’empire ottoman, avec notamment la guerre russo-turque en 1877-1878, au moment où le grand vizir – Premier ministre de l’empire ottoman – souhaitait « faire disparaître à jamais le peuple arménien ». Les Arméniens développèrent des revendications nationales, avec plusieurs organisations de masse, dont Hentchak et Dachnak, respectivement fondées en 1887 et 1890, la seconde étant membre de l’Internationale socialiste, la première entretenant des liens.
Les premières images du film mettent en scène l’assassinat de Talaat Pacha, principal responsable du génocide, à Berlin en 1921, par Soghomon Thelirian, dont toute la famille a été exterminée. Il fut acquitté par un jury populaire à l’occasion d’un procès. Le film retrace à travers l’histoire d’Aram, un jeune Arménien dont les grands-parents ont immigré à Marseille pour fuir le génocide, l’impasse du nationalisme petit-bourgeois. L’Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie (Asala) est fondée en 1975 au Liban, en lien notamment avec le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et le FPLP (Front populaire de libération de la Palestine). Le film met l’accent sur les débats au sein de l’Asala entre la direction réactionnaire favorable à des attentats de masse, quitte à tuer des civils, et les partisans d’attaques ciblées sur des hommes de pouvoir, sur le mode du terrorisme individuel pratiqué en Russie par le PSR russe (condamné par le POSDR de Plekhanov, Lénine, Martov et Trotsky). L’incapacité des deux fractions de l’Asala à faire confiance au prolétariat arménien et mondial, à choisir la voie de la révolution socialiste, a provoqué l’éclatement et la disparition de cette organisation dans la fin des années 1980.