Le 30 novembre, s’ouvre à Paris la COP21, la 21e conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui est également la 11e conférence des parties au protocole de Kyoto adopté en 1997. (CRP-11). L’objectif annoncé est un accord contraignant pour limiter le réchauffement du climat à 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Qu’en est-il ?
Une évolution menaçante pour l’humanité
Les gaz à effet de serre laissent entrer le rayonnement solaire mais retiennent partiellement dans l’atmosphère les rayons infra-rouges renvoyés par la Terre, conduisant ainsi à un réchauffement de l’atmosphère. Ils ont toujours existé, sans eux la Terre serait gelée en permanence. Le principal est le dioxyde de carbone (CO2). Depuis 800 000 ans, la concentration de CO2 dans l’atmosphère avait oscillé entre 180 et 280 ppm (parts par million), en fonction de phénomènes naturels terrestres, jusqu’à la révolution industrielle à la fin du 18e siècle. Depuis, l’utilisation croissante des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) comme sources d’énergie, et dans une moindre mesure la déforestation et l’agriculture, ont conduit à un accroissement constant de cette concentration, celle-ci atteignant 400 ppm au printemps 2014. Cette croissance du CO2 dans l’atmosphère a induit une augmentation de la température moyenne de la Terre de 0,85 °C depuis la révolution industrielle. 2014 a été l’année la plus chaude depuis 1880 (année à partir de laquelle furent établis des relevés internationaux systématiques), et les 10 années les plus chaudes sont toutes entre 1998 et 2014.
Dès 1997, le protocole de Kyoto reconnaît, outre le CO2, 5 autres gaz à effets de serre produits par l’activité humaine : le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O) et trois substituts des chlorofluorocarbones (hydrofluorocarbures, perfluorocarbures et hexafluorure de soufre). Cependant les émissions de CO2 sont déterminantes dans l’évolution du climat. Le rapport de 2013 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit « une hausse possible de 4,8°C d’ici la fin du siècle ». Le capital a engendré une catastrophe écologique mondiale.
Un autre phénomène de notre époque est la pollution par particules. Celles-ci forment dans la haute atmosphère des aérosols partiellement opaques qui diminuent l’ensoleillement (un peu comme de la poussière sur une vitre) et font baisser la température. Jusqu’aux années 1980, cela a mitigé le réchauffement climatique, mais les impératifs de santé publique ont conduit à des normes plus sévères de rejets par l’industrie, le chauffage et les véhicules, ce qui a accéléré le réchauffement à partir des années 1990.
Les experts scientifiques regroupés au sein du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoient de manière consensuelle que si on n’inverse pas la tendance actuelle, le réchauffement s’accélérera à grande vitesse au 21e siècle. Comme l’explique le climatologue et glaciologue Jean Jouzel, vice-président du GIEC :
Pour le moment, la hausse est telle qu’on l’avait prédite il y a vingt ans ; et si rien n’est fait pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, la température de la Terre augmentera de 4 à 5 °C d’ici à la fin du siècle. On parle là d’un changement radical de climat, avec des conséquences désastreuses sur les écosystèmes et les sociétés humaines… Rappelons que 5 °C, c’est l’écart moyen de température entre la dernière période glaciaire et la période chaude que nous connaissons depuis 10 000 ans ! (Jean Jouzel, vice-président du GIEC, « Les gouvernements sont au pied du mur », CNRS Le Journal, 6 juillet 2015)
Les conséquences risquent d’être dramatiques. Les phénomènes comme les cyclones et les sécheresses se sont déjà étendus et ont fait des millions de réfugiés « climatiques » et des dizaines de milliers de morts comme les cyclones Katrina aux États-Unis (1 800 morts, 2005), Nargis en Birmanie (138 000 morts, 2008), Haiyan aux Philippines (8 000 morts, 2013). Depuis 1982, les cyclones tropicaux ont un rayon d’action de plus en plus large, amenant inondations et destructions dans des régions qui ne les connaissaient pas tout en privant d’eau d’autres parties du globe.
Reste à élucider les causes de l’expansion des tropiques et, partant, du déploiement des cyclones. Les scientifiques avancent trois hypothèses : la hausse des émissions mondiales de gaz à effet de serre, la diminution de la couche d’ozone stratosphérique, ou l’augmentation de la pollution atmosphérique par des aérosols. (Le Monde, 15 mai 2014)
Le réchauffement des océans et la fonte des glaciers continentaux pourraient faire monter le niveau de la mer de 25 cm à 1 m d’ici 2100, voire de plusieurs mètres selon certains. Or dans une décennie, les deux tiers de l’humanité vivront dans la bande littorale, zones qui pourraient être inondées. Les changements de température des mers pourraient avoir des conséquences sur les courants marins comme le Gulf Stream, ce qui conduirait à de nouvelles modifications du climat. De plus :
Un tiers des espèces marines recensées sont abritées par les récifs coralliens. Or, au-delà d’une valeur seuil, un degré de plus suffit à provoquer le blanchissement des coraux et la disparition potentielle des récifs ! On estime ainsi que 50 % d’entre eux pourraient disparaître à l’horizon 2050, ce qui aura des conséquences directes sur la subsistance d’un demi-milliard de personnes dans le monde. Autre risque important : la hausse de nos rejets en CO2 entraîne une acidification des mers qui menace les écosystèmes marins. Enfin, et toujours à cause des activités humaines, les dead zones, des zones ou l’oxygène disparaît, qui menacent d’asphyxie instantanée tout être vivant qui a le malheur de les traverser se multiplient. (Françoise Gaill, « COP21 : on a oublié d’inviter l’océan ! », CNRS Le Journal, 4 juin 2015)
Certaines régions connaîtront des sécheresses récurrentes, comme on le constate déjà au nord de l’Australie, en Californie et dans certaines zones de l’Afrique, continent sur lequel le dérèglement climatique a causé des famines et envenimé les conflits. La fonte des glaciers de l’Himalaya, où prennent leur source les grands fleuves d’Inde et de Chine, pourrait modifier profondément leur débit, ce qui nuirait gravement à l’agriculture de ces deux pays.
Le réchauffement climatique pourrait aussi causer des problèmes de santé publique. Certaines régions pourront devenir plus humides, ce qui favorisera des champignons parasites des plantes et des insectes vecteurs de maladies infectieuses, comme l’anophèle porteur du paludisme, qui pourrait refaire son apparition dans le sud de l’Europe. Les régions de climat méditerranéen pourraient glisser vers un climat tropical, avec de faibles variations de température au cours de l’année, ce qui est favorable aux pathogènes, comme le virus de la grippe. La hausse des températures, notamment au printemps, devrait favoriser une croissance et une floraison plus abondantes des végétaux allergènes, dont davantage de pollen sera produit. La modification attendue de la circulation des masses d’air dans la haute atmosphère pourrait transporter plus d’ozone des régions tropicales vers les zones tempérées, de telle sorte que les premières pourraient connaître un risque de cancer accru, et les secondes des carences en vitamine D l’hiver. Enfin, une hausse rapide des températures peut provoquer des extinctions massives d’espèces, avec pour conséquence une réduction de la biodiversité et une perturbation de la chaîne alimentaire.
L’irrationalité grandissante du capitalisme
Le capitalisme s’est développé de manière non planifiée, chaque capitaliste exploitant des travailleurs, tout autant que la nature – « Le travail n’est donc pas l’unique source des valeurs d’usage qu’il produit, de la richesse matérielle. Il en est le père, et la terre la mère. » (Marx, Le capital, Livre I, tome I) – pour réaliser un profit qui lui revient, contre ses concurrents, eux-mêmes exploiteurs de la classe ouvrière. Telle est la base anarchique et irrationnelle du développement du capitalisme. Mais ce mode de production a plongé toute la planète dans la barbarie et les guerres depuis le début du 20e siècle. Tout en constituant de gigantesques entreprises dominant le marché mondial, quelques grandes puissances ont achevé de se partager le monde, de l’exploiter en dominant d’autres pays et par leur conflit permanent et impérialiste, elles ont précipité l’Humanité dans un désastre, illustrant le caractère décadent du capitalisme. Avec ses guerres et ses révolutions (notamment la révolution victorieuse d’Octobre 1917 en Russie qui arrêta la première boucherie impérialiste), cette époque impérialiste coïncide totalement avec la hausse de la température planétaire. Sur la base du profit, le capitalisme a amplifié l’utilisation des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) comme principales sources d’énergie, sans se préoccuper de l’environnement.
Sans prévoir la dégradation climatique, Marx en a néanmoins subodoré la cause :
La grande propriété foncière réduit la population agricole à un minimum, à un chiffre qui baisse constamment en face d’une population industrielle, concentrée dans les grandes villes, et qui s’accroît sans cesse ; elle crée ainsi des conditions qui provoquent un hiatus irrémédiable dans l’équilibre complexe du métabolisme social composé par les lois naturelles de la vie ; il s’ensuit un gaspillage des forces du sol, gaspillage que le commerce transfère bien au-delà des frontières du pays considéré… La grande industrie et la grande agriculture exploitée industriellement agissent dans le même sens. Si, à l’origine, elles se distinguent parce que la première ravage et ruine davantage la force de travail, donc la force naturelle de l’homme, l’autre plus directement la force naturelle de la terre, elles finissent, en se développant, par se donner la main : le système industriel à la campagne finissant aussi par débiliter les ouvriers et l’industrie et le commerce de leur côté, fournissant à l’agriculture les moyens d’exploiter la terre. (Karl Marx, Le Capital, III, 1867, Progrès, 1986, p. 848)
La recherche du profit a conduit à tous les gaspillages (habitations non isolées, moteur gourmands en carburant, rejets de gaz de l’industrie, incendies dans des filons de charbon, déforestation par brûlis, rejets industriels, économie d’armements, etc.).
Il en fut de même dans les pays à économie étatisée gouvernés par les bureaucraties staliniennes. De 1918 à 1929, l’URSS était à la pointe de la recherche en écologie, mais en 1929 Staline y porta un coup d’arrêt en imposant une « industrialisation forcée » singeant les méthodes du capitalisme. En Chine après 1949 Mao mit en œuvre une politique similaire. Le « socialisme dans un seul pays » des bureaucraties et son mode de planification contraire à la démocratie ouvrière causa des catastrophes écologiques et, quoi qu’en disent les nostalgiques de Mao, n’empêcha certainement pas le rétablissement du capitalisme par ces mêmes bureaucraties à partir de 1989.
On mesure les rejets de gaz à effet de serre en gigatonnes (Gt), ou milliards de tonnes, par an. Ils s’élevaient à 5 Gt de CO2 par an en 1950, 10 en 1960, 20 en 1980, pour atteindre actuellement 36 Gt actuellement (ou 52 Gt d’équivalent CO2 par an si on prend en compte les autres gaz à effet de serre). Cette croissance exponentielle résulte en partie de l’accroissement de la population mondiale et du développement rapide des grands pays « émergents » (Chine, Inde, Brésil, …), également de l’intensification du commerce international, mais aussi du gaspillage inhérent au système capitaliste dont le moteur est la recherche de profit, et non pas le respect de l’environnement et les besoins de la population (par exemple, produire une matière première dans une région, l’envoyer dans une autre pour fabriquer un produit fini, puis renvoyer celui-ci dans la première zone pour le vendre aux consommateurs).
Kyoto, Copenhague, Paris : trop peu, trop tard
Le protocole de Kyoto, signé lors de la COP3 à Kyoto en 1997, visait à réduire, entre 2008 et 2012, d’au moins 5 % par rapport au niveau de 1990 les émissions des six gaz à effet de serre mentionnés plus haut. Les États-Unis ne le ratifièrent pas, et les autres pays l’appliquèrent de façon variable. Cela n’a pas empêché l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère.
La COP15 tenue à Copenhague en 2009 devait fixer les objectifs pour la période de 2013 à 2020. L’accord conclu par certains pays ne fut pas contraignant, il n’y eut pas d’engagements chiffrés en termes d’émissions de CO2, seulement une volonté affichée de limiter le réchauffement à long terme à 2 °C (depuis l’ère préindustrielle). En pleine crise économique, les gouvernements étaient en effet plus soucieux de relancer la machine des profits en renflouant les caisses des grandes entreprises et des banques.
La COP21 qui s’ouvre à Paris a d’abord prétendu viser un accord contraignant pour l’après 2020, en particulier pour la période qui va jusqu’à 2030, en vue d’aboutir à cet objectif des 2 °C, mais rien n’est sûr : « il n’y aura pas d’objectif de réduction juridiquement contraignant » (John Kerry, secrétaire d’État américain, Le Monde, 12 novembre). Selon Jean Jouzel (article cité) :
Limiter la hausse à 2 °C maximum par rapport à l’ère préindustrielle, soit un peu moins de 1,5 °C par rapport à aujourd’hui, devrait nous permettre de nous adapter pour l’essentiel. Certes, les récifs coralliens seront mis à mal, les pertes de biodiversité seront inévitables et le niveau de la mer montera de 40 centimètres environ d’ici à la fin du siècle… mais disons que c’est encore gérable. Au-delà, tout deviendrait extrêmement problématique — on parle de millions de réfugiés climatiques, de la répétition d’événements extrêmes de type cyclones ou canicules… mais aussi de difficultés accrues sur le plan des ressources en eau.
Les experts ont estimé que pour atteindre cet objectif, les émissions totales de gaz à effet de serre entre 2011 et 2100 ne devaient pas dépasser 1000 Gt d’équivalent CO2 (alors que nous sommes actuellement à 36 Gt de CO2 par an). Selon Jean Jouzel, « il est indispensable d’agir dès aujourd’hui : infléchir la hausse des émissions de CO2 de 15 à 20 % d’ici à 2020, puis diviser nos émissions par deux au moins entre 2020 et 2050 et viser le zéro émission à horizon 2100… »
Toutes les parties, à commencer par les États, ont dû remettre leur prévision d’actions à engager dans la période de 2020 à 2030, appelée INDC (intended nationally determined contribution) en anglais, ou CPDN (contribution prévue déterminée au niveau national) en français. Le 30 octobre, l’ONU a annoncé que l’ensemble des CPDN ne permettent pas d’atteindre l’objectif des 2 °C, leur mise en œuvre impliquerait un réchauffement de 2,7 °C (ou légèrement supérieur). On le savait déjà ! En août, Rodney Boyd, Joe Cranston Turner et Bob Ward, dans leur étude « Tracking intended nationally determined contributions: what are the implications for greenhouse gas emissions in 2030? » (disponible sur http://sciences.blogs.liberation.fr/files/boyd-et-al-policy-paper-august-2015.pdf), avaient calculé, sur base des CPDN reçus et en extrapolant de données datant de 2014 pour les autres pays, que l’objectif ne serait pas atteint. Plus précisément, d’ici 2030 les émissions baisseraient de 9 à 11 Gt d’équivalent CO2 par rapport au « business as usual » (continuer comme avant), mais dépasseraient de 15 à 17 Gt ce qui est nécessaire pour ne pas dépasser la limite de 2 °C de réchauffement en 2100.
L’organisation Climate Action Tracker (http://climateactiontracker.org), qui étudie les engagements sur le climat, a publié le 1e octobre (sur base des CPDN reçus à cette date) une note « INDCs lower projected warming to 2.7°C : significant progress but still above 2°C » confirmant l’estimation du réchauffement à 2,7 °C et l’excès de 15 à 17 Gt d’émissions en 2030.
L’organisation a classé les différents CPDN des États. Le Bhoutan est « exemplaire », le Costa Rica l’Ethiopie et le Maroc sont « suffisants », mais ces 4 pays représentent une partie minuscule de la population et des émissions. Tous les autres pays dont la CPDN a été étudiée sont insuffisants. Parmi les impérialismes et les puissances régionales, l’Union européenne, au nom des États européens les plus puissants, la Chine, les États-Unis, l’Inde et le Brésil sont classés « moyens », ce qui signifie que leurs engagements sont crédibles, mais à l’échelle mondiale cela conduirait plutôt à un réchauffement se rapprochant de 3 °C ; en particulier les engagements de l’Union européenne et de la Chine pourraient être tenus moyennant des ajustements modérés. Toujours parmi les pays importants, la Russie, le Canada, le Japon et l’Australie sont classés « inadéquats », ce qui signifie des engagements peu crédibles ou conduisant à l’échelle de la planète à un réchauffement d’environ 4 °C. . Ce bilan est dû à la concurrence entre grandes puissances, chacune défendant ses propres intérêts.
Par ailleurs, comme l’a remarqué Françoise Gaill (article cité) : « C’est à peine croyable, et pourtant… l’océan, qui couvre 70 % de la surface du globe, qui absorbe 25 % du CO2 émis chaque année par l’homme dans l’atmosphère, et 90 % du surplus de chaleur dû à l’effet de serre, n’est même pas au programme des discussions » de la COP21. Rappelons également le rôle important des récifs coralliens dans la biodiversité, et le fait que le phytoplancton est le principal agent de la conversion de CO2 en oxygène par photosynthèse.
A quelques jours de la COP21, comme à Copenhague, aucun accord n’est assuré et dans tous les cas, il ne sera pas contraignant pour les puissants. La Chine et les États-Unis ont d’ailleurs ratifié leur « accord bilatéral » en novembre 2014 qui leur laissent une grande liberté pour limiter leur pollution. Les grandes puissances, à commencer par la France, ne sont pas d’accord avec les pays dominés pour financer une aide massive qui est estimée à 100 milliards d’ici 2020 mais semble déjà insuffisante. Et toutes les discussion préalables à la tenue de la COP21 ont laissé de côté toute obligation de transition vers les énergies renouvelables.
Le capitalisme est incapable de préserver l’équilibre climatique
Le moteur du capitalisme est la maximisation du profit, pas l’avenir à long terme de l’humanité. Donc tant que ce sera profitable et que les sources resteront abondantes, les capitalistes feront extraire et brûler du charbon, du pétrole et du gaz. Les décisions cruciales pour la préservation de l’équilibre climatique ne peuvent venir que d’une décision politique s’imposant contre les intérêts des capitalistes. Or tous les gouvernements sont pieds et poings liés au grand capital ; malgré les sonnettes d’alarme des experts depuis près de 30 ans, ils ont tardé à prendre des initiatives pour lutter contre le gaspillage et passer aux énergies renouvelables, ce furent toujours des mesures à faible impact, car aller plus loin nécessitait d’affronter le capital. En 2009 à Copenhague, en pleine crise économique, les gouvernements étaient plus soucieux de renflouer les entreprises et les banques que d’investir dans la préservation du climat ; de plus chacun défendait « son pays », à savoir sa bourgeoisie, contre les autres. Aujourd’hui en 2015, alors que les émissions de gaz à effet de serre atteignent un record, ils se payent de belles paroles sur l’urgence de la situation, mais à part 4 petits pays ils se montrent incapables de tenir leur engagement bien limité de ne pas dépasser 2 °C de réchauffement. Et les mesures prises pour encadrer les capitalistes sont poreuses et souvent inconséquentes. Le dernier exemple en date est le construction Volkswagen dont des millions de tests pour ses moteurs ont été sciemment truqués.
Les gouvernements bourgeois, qu’ils soient dirigés par des « travaillistes », des « socialistes », des « communistes » ou directement par des partis capitalistes grands bourgeois, qu’ils comprennent ou pas des partis « écologistes », sont tout autant incapables de maîtriser le climat que d’empêcher la crise économique ou d’instaurer la paix.
Une tendance politique bien représentée dans les médias et la politique officielle, « l’écologie politique », prétend préserver l’environnement, mais sans se débarrasser du capitalisme. En Allemagne, les Verts ont participé au gouvernement qui s’engagea dans la guerre en Yougoslavie ; plus récemment, ils firent pression sur le gouvernement Merkel pour qu’il abandonne l’énergie nucléaire, ce qui, en l’absence d’énergies alternatives, conduisit à la réouverture de centrales thermiques au charbon, certaines fonctionnant au lignite, un des combustibles les plus polluants. En France, le parti EELV est moins important, ses résultats sont bien maigres, ses dirigeants et élus sont connus pour se chamailler pour savoir à quel râtelier manger.
L’idéologie sous-jacente à tous ces partis étrangers au mouvement ouvrier est la « décroissance » : l’économie souffrirait de « productivisme » (mais pas du capitalisme), nous utiliserions trop d’énergie et consommerions plein de choses inutiles, il faudrait vivre sobrement à la façon des montagnards d’il y a 100 ans. Cette doctrine séduit des petits-bourgeois pseudo-intellectuels des pays impérialistes qui semblent ignorer que la simple diffusion de leur propagande sur Internet à destination du monde entier requiert de hautes technologies et surtout d’énormes quantités d’électricité. Mais elle ne bernera pas les ouvriers et paysans d’Afrique ou d’Inde qui savent très bien que pour permettre à 7 milliards d’individus de vivre dignement, on a besoin de plus de technologie et de suffisamment d’énergie. Sans cela, une récolte ravagée par les aléas de la météo, ou par une épidémie de parasites ou de ravageurs des plantes, signifierait la famine pour toute une région. De toute façon, les énergies renouvelables (solaire, éolien, marées, géothermie profonde, etc.) abondent, il faut les développer.
Il faut le socialisme
Pour préserver l’équilibre climatique, pour développer vigoureusement les énergies renouvelables, supprimer le gaspillage, il faut une économie planifiée rationnellement à l’échelle mondiale, et cela requiert d’en finir avec le capitalisme et avec les frontières nationales étriquées, donc de briser le pouvoir de la bourgeoisie et de ses États. Seule la classe ouvrière peut le faire en instaurant son propre pouvoir et en socialisant l’économie à l’échelle du monde.
Certains groupes se réclamant du mouvement ouvrier se proclament « rouges-verts » et prônent une doctrine appelée « éco-socialisme » qui concilierait le socialisme avec l’écologie politique des Verts. C’est le cas du Front de Gauche (Fédération pour une alternative sociale et écologique), mais également de fractions du NPA (Sensibilité écologiste libertaire et radicalement sociale-démocrate) et des tendances internationales qui lui sont proches, comme le Secrétariat Unifié de la 4e Internationale et les International Socialists. Du point de vue théorique, ils reprochent au mouvement ouvrier et au marxisme d’avoir négligé l’environnement et d’avoir une attitude purement « productiviste » (ce qui est historiquement faux, Marx a écrit sur la destruction de l’environnement – pour une synthèse, voir J.B. Foster, Marx écologiste, Amsterdam, 2011 –par le capitalisme, et l’URSS était à la pointe de l’écologie avant 1929). Leur théoricien Michael Löwy propose (« `Écosocialisme’ : L’alternative radicale à la catastrophe écologique capitaliste », 4 novembre 2011, https://npa2009.org/content/%C2%AB-%C3%A9cosocialisme-%C2%BB-lalternative-radicale-%C3%A0-la-catastrophe-%C3%A9cologique-capitaliste) une « composition politique » rassemblant « les altermondialistes d’ATTAC, les écosocialistes et la gauche de la gauche (PG et NPA) », ce qui signifie le rattachement du NPA au mini-Front Populaire proposé par le PG et la fraction d’EELV dirigée par Duflot. Mais leur pratique illustre encore mieux l’inanité de leurs principes (cf. Suzanne Jeffery, « Up against the clock : Climate, social movements and Marxism », International Socialism, n° 148, 5 octobre 2015, http://isj.org.uk/up-against-the-clock/ et « Justice sociale et climatique : sauvons-nous nous-mêmes ! », Hebdo L’Anticapitaliste, 8 novembre 2015, https://npa2009.org/arguments/ecologie/justice-sociale-et-climatique-sauvons-nous-nous-memes). Ils affectionnent les grands rassemblements altermondialistes comme le Forum social mondial, sortes de camps de scouts rassemblant des féministes, des militants antiracistes, des représentants des peuples aborigènes spoliés par l’impérialisme, des activistes « écolos », et même des syndicalistes ; loin d’eux l’intention de pousser ces militants divers à se rassembler autour de la classe ouvrière pour en finir avec le capitalisme et les États bourgeois, non ils diront timidement que « la classe ouvrière fait partie de la solution ». Ils mobiliseront pour des « journées d’action climat », pour faire pression sur les gouvernements bourgeois en leur faisant « honte » (le Pape en fait autant), pour réclamer « un million d’emplois verts », etc. Cette politique n’est que le pendant « climatique » de celle qu’ils pratiquent dans les luttes de la classe ouvrière contre le patronat, en se mettant à la traîne des bureaucraties syndicales et leur « journées d’action » visant à faire pression sur le gouvernement avant de négocier avec lui.
Pour échapper à la catastrophe climatique, il n’y a qu’une voie : constituer partout des partis ouvriers révolutionnaires et leur internationale ouvrière révolutionnaire qui organisera la classe des travailleurs salariés en vue de préparer le renversement du capitalisme et avancer vers le socialisme-communisme, organisation sociale fondée sur la satisfaction des besoins sociaux et la préservation de l’environnement, avec la participation de tous à sa gestion et mise en œuvre.