Féminicides

Halte au massacre !

À la date du 17 aout, sans que cela fasse la une, 94 femmes, 5 petites filles et adolescentes ont été assassinées depuis le début de l’année 2025 en raison de leur genre, victimes de violences machistes, en France et dans les territoires colonisés (chiffrage Inter Orga Féminicides). 85 orphelin(e)s, dont 15 témoins des faits, pleurent leur maman. La période estivale s’avère spécialement meurtrière, souvent synonyme d’isolement : les congés éloignent les soutiens habituels (collègues, amitiés, voisins, parents…) tandis que de nombreuses structures d’aide ferment ou fonctionnent en effectif réduit.

Les agresseurs avaient tous un lien de parenté ou de proximité avec les suppliciées, ce qui est conforme aux statistiques : dans 91 % des cas de viols ou d’agressions, les femmes connaissent leur bourreau. Au contraire, 93 % des morts violentes touchant des hommes ont lieu hors cadre familial (Service statistique ministériel de la sécurité intérieure).

En moyenne, chaque année, 700 femmes font une tentative de suicide pour échapper à leur tortionnaire et 200 en meurent. Le suicide forcé a fait l’objet d’une loi adoptée en 2020 (qui ne le qualifie cependant pas de meurtre). Depuis son entrée en vigueur, 20 procédures ont été transmises au parquet dont 2 poursuites correctionnelles en 2020, 190 procédures et 10 poursuites correctionnelles en 2021, 233 procédures et 25 poursuites correctionnelles en 2022 (derniers chiffres communiqués). Une vingtaine de condamnations a été prononcée, au total.

Quand on dit qu’une femme meurt tous les trois jours en France, c’est un mensonge. Ce sont près de trois femmes par jour qu’on tue, qu’on a voulu tuer, qui se suicident ou qui ont voulu se suicider, dénonce Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis. Si on ajoute les suicides forcés aux “féminicides”, la photographie du taux de mortalité lié aux violences conjugales n’est plus du tout la même. Un constat que la société et les pouvoirs publics ne sont pas prêts à reconnaitre. (Le Monde, 28 aout 2024)

La négligence de l’État

Le dernier rapport annuel de la Mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof), publié le 19 novembre 2024, a recensé 773 victimes de harcèlement par conjoint ou ex-conjoint ayant conduit au suicide ou à sa tentative qui s’ajoutent aux 93 assassinats directs, aux 319 tentatives de féminicides, soit 1 185 femmes victimes reconnues. Restent dans l’ombre toutes celles qui n’ont pas osé ou pu porter plainte. Il faut dire que le ministère de l’injustice fonctionne à plein : la moitié des assassinées avait déjà signalé des violences sans obtenir protection dans un pays où 86 % des plaintes pour violences sexuelles, 72 % des plaintes pour viols sont classés sans suite pour « insuffisance de preuves » (Institut des politiques publiques, 3 avril 2024).

En 2024, le numéro d’urgence 3919 (géré par la Fédération nationale solidarité femmes) a enregistré plus de 100 000 appels. Le gouvernement vante comme un progrès son ouverture 24 heures sur 24, ce qui nécessite plus de moyens humains et financiers, alors qu’il a refusé d’en augmenter le budget, rendant par-là impossible d’améliorer le taux de réponse aux appels au secours. Très officiellement, il trouve d’ailleurs acceptable de ne pas fixer l’objectif de 100 %…


Que faire ?

Les violences faites aux femmes témoignent dramatiquement du sort général qui leur est réservé dans la société inégalitaire dans laquelle nous vivons : moins bien payées, soumises aux emplois à temps partiels, elles sont souvent dans l’incapacité de fuir le lieu des violences parce qu’elles n’ont pas les moyens de se loger ailleurs. La loi du capital expulse des familles pour loyer impayé mais laisse les victimes à la merci des agresseurs ; les hébergements d’urgence ne couvrent que 16 % des besoins. Exigeons que les femmes violentées gardent leur domicile ! Le maltraitant, dehors !

Devoir se rendre dans un commissariat ou une gendarmerie pour dénoncer des violences constitue un obstacle au signalement pour bien des femmes sensées. Médecins de ville, hospitaliers, agents de services publics, personnels et bénévoles des associations féministes… devraient pouvoir recueillir ces plaintes et simplifier les démarches des victimes.

Avec l’accroissement des budgets militaires, la virilité toxique trouve un terrain favorable et tous les opprimés en font les frais, à commencer par les femmes. À bas le budget Bayrou-Retailleau qui étrangle l’école publique de la maternelle à l’université, où doit se vivre et s’apprendre l’égalité entre les filles et les garçons ! À bas ce budget qui renforce l’austérité au mépris des missions de soins et d’accueil de l’hôpital public !

Et dans les partis ouvriers, les syndicats, les associations, les militantes et les militants, pour combattre efficacement les agressions sexistes, doivent apprendre à protéger et à se protéger, s’éduquer et éduquer à l’autodéfense.

17 aout 2025