Sur la conjoncture économique et politique en France

La stagnation économique menace

INSEE, Informations rapides, 28 mai

La croissance dans l’UE, quoique modérée, est plus soutenue en moyenne qu’en France où elle se situait à 1,1 % en 2024 (PIB de l’année : 2 917 milliards d’euros) et est pronostiquée à 0,6 % pour 2025 par l’INSEE. Une des causes est la baisse de l’investissement, en chute de 0,7 % par rapport à 2024.

Banque de France, Enquête mensuelle de conjoncture, 10 juillet

Le taux d’utilisation des capacités de production de l’industrie française est de 75 %, ce qui explique le faible taux d’investissement. L’industrie ne travaillant qu’aux trois quarts de ses capacités, les capitalistes du secteur n’ont aucune raison d’investir pour augmenter leur potentiel de production. D’autant que l’incertitude pèse sur les droits de douane américains envers l’Union européenne.

Banque de France, Défaillances d’entreprises, 4 juillet

Cela pousse l’État bourgeois à porter des coups supplémentaires à la classe ouvrière ; cela incite les capitalistes à ne pas embaucher, voire à licencier, surtout les moins rentables qui sont souvent endettés.

INSEE, Note de conjoncture, 17 juin

D’après l’INSEE, la France aurait perdu 120 000 emplois dans les 6 derniers mois et devrait en perdre 90 000 autres au cours des 6 prochains mois. Le taux de chômage devrait atteindre 7,7 % de la population active à la fin de 2025.

Les inégalités s’accentuent

INSEE, Niveau de vie et pauvreté, 7 juillet

Selon l’INSEE, il y a plus de pauvres et d’inégalité.

La hausse des revenus financiers soutient le niveau de vie des ménages les plus aisées, qui augmente nettement. À l’inverse, le niveau de vie des plus modestes recule en euros constants, en raison notamment de la hausse du nombre des ménages déclarant de faibles revenus d’activité indépendante et de la non-reconduction des mesures exceptionnelles de soutien au pouvoir d’achat prises en 2022. (INSEE Première, 7 juillet)

Cela s’est produit avant la remontée en cours du chômage. Depuis la dernière crise capitaliste mondiale (en 2020 au moment de la pandémie de covid), il y avait eu reprise économique en France et même création d’emplois… mais souvent précaires et moins bien payés.

URSAFF, Les autoentrepreneurs, 24 janvier

L’emploi est donc devenu plus flexible et précaire. De nombreux travailleurs sont formellement indépendants mais en fait travaillent pour le capital. C’est le cas de la plupart des autoentrepreneurs dans les transports, dans la restauration (repas livrés à domicile) et dans le bâtiment où ils dépendent en fait de gros groupes (par le jeu de la sous-traitance en cascade). D’où la paupérisation, la montée des trafics et la fréquence des accidents du travail. Ils affectent particulièrement les intérimaires, les stagiaires et les CDD.

Le Monde, 8 juillet

La quasi-stagnation économique, les coups portés à l’Union européenne par Poutine d’un côté et Trump de l’autre, l’affaissement de la bourgeoisie française en Europe et en Afrique, la précarité et la paupérisation sont la toile de fond de la crise politique française, de l’absence de véritable majorité à l’Assemblée nationale malgré les élections législatives anticipées décidées par le président en 2022.

Militarisme, cléricalisme, racisme, pesticide cancérigène, la réaction sévit sur tous les fronts

Au gouvernement, Retailleau cible plus que jamais les immigrés et espère refaire le coup de Sarkozy en 2007. Mais il y a peu de chances qu’il y parvienne. Ce n’est plus LR qui siphonne l’électorat du RN, mais le RN qui siphonne celui de LR.

Le 23 juin, à l’Assemblée nationale, le RN a protesté contre le rapport pourtant sérieux et documenté d’une commission parlementaire sur les violences dont sont victimes les élèves dans les établissements scolaires, particulièrement ceux de l’Église catholique.

Les mécanismes de la violence scolaire y sont décrits comme accentués, du fait d’un modèle éducatif explicitement plus strict et d’une loi du silence toujours solidement ancrée. S’y ajoute une carence absolue de l’État en matière de contrôle, 12 ont été réalisés entre 2017 et 2023. (Le Monde, 3 juillet)

Au parlement, à côté de la fragile coalition, officielle, du gouvernement, sévit en coulisse une alliance LR-RN au travers d’un jeu entre l’Assemblée nationale et le Sénat qui fait intervenir les « commissions mixtes paritaires » (art. 45 de la constitution). Ce bloc détricote les quelques mesures sur l’environnement. Les confédérations agricoles FNSEA (dirigé par LR) qui a une base de petits paysans mais qui œuvre au compte du capital agraire et Coordination rurale (sous influence du RN) sont vent debout contre toutes les lois un tant soit peu protectrices des ouvriers agricoles et de la population.

La loi Duplomb autorise de nouveau l’acétamipride, un insecticide nuisible de la famille des néonicotinoïde interdit en France depuis 2018. En outre, la loi déclasse des zones humides protégées et permet d’augmenter la taille maximum pour les plus gros élevages.

Ces errements antiécologiques servent une minorité de capitalistes agraires qui rallient certains petits paysans en flattant leurs illusions de propriétaires, alors que, dans les faits, beaucoup sont des travailleurs de plus en plus dépendants du capital, par le biais des emprunts bancaires, des commandes des firmes agroalimentaires, des centrales d’achat des chaines de la grande distribution, des prescriptions des fournisseurs de pesticides, etc.

Macron mise sur la bourgeoisie kanake

Renaissance est désormais dirigé par Attal qui a ses propres ambitions et est contraint de pratiquer une coalition fragile (dite « socle commun ») avec le MoDem, l’UDI, Horizons, LR, etc. Le premier ministre joue sa propre partition.

Macron tente de jouer un rôle international (reconnaissance d’un État palestinien, visite au Royaume-Uni…) tout en sauvant les positions de l’impérialisme français face à l’agressivité des États-Unis, à la montée de la Chine dans le monde, à la montée de l’Allemagne en Europe.

Au plan intérieur, il a moins de cartes. Il ne peut pas se représenter en 2027 en raison de la constitution, mais rien ne l’empêche d’être candidat en 2032. Le 5 juillet, au matin, les jeunes macronistes (Jeunes en marche) qui ont la visite d’Attal au Cirque d’hiver à Paris, scandent : « Attal président ! » à l’issue de son intervention. L’après-midi, le président leur fait une visite surprise.

J’ai aussi besoin de vous pour dans deux ans, pour dans cinq ans, pour dans dix ans, parce-que vous serez là et parce-que, comptez sur moi, je serai là avec vous !

Les mêmes jeunes apprentis politiciens bourgeois crient alors : « Macron président ! ». Après avoir saboté avec le renfort de LR le plan du gouvernement Bayrou-Valls pour la Nouvelle-Calédonie, celui-ci tente de reprendre la main. Le 3 juillet, Macron a convié tous les protagonistes de Kanaky. Tous s’y sont rendus et sont restés, même les « indépendantistes », alors que Christian Tein (le chef de la CCAT, officiellement président du FNLKS) s’est vu refuser l’entrée. Sa solution : pendant 10 ou 15 ans, l’État impérialiste reconstruit l’économie et au bout de 15 ans, il soumet au vote un projet, soit un « État associé » à l’État français, soit un territoire avec encore plus d’autonomie.

Macron aussi court après le RN. Sur la base d’un rapport sur les Frères musulmans rendu public le 20 mai dernier, il réclame une loi contre « l’entrisme islamiste ». Il est vrai que les FM organisent méthodiquement des musulmans contre la laïcité et contre les femmes. Mais l’intégrisme musulman prend pour l’essentiel d’autres canaux que les FM, en lien avec les monarchies du Golfe « alliés de la France ». Et Macron, sans parler du cagot Bayrou, est silencieux sur l’entrisme chrétien qui est autrement nocif dans ce pays. Il suffit de regarde le financement de « l’école privée » ou de demander aux anciens élèves de Bétharram, un centre catholique de sévices qui n’est toujours pas fermé.

Les chefs syndicaux entre le conclave de Bayrou et les « journées d’action » de la rentrée

La classe ouvrière a le potentiel de se défendre et, au-delà, de prendre la tête de la lutte contre toute exploitation, contre toute oppression, pour préserver un environnement propice à l’espèce humaine, pour empêcher la guerre.

Mais la classe ouvrière subit une grave crise de direction. En effet, les partis qui en sont issus et les syndicats de salariés sont aux mains d’une bureaucratie corrompue et chauvine qui attache le sort des travailleurs à leurs exploiteurs au nom de la défense de « la nation ».

L’explication est très matérielle. Les organisations syndicales reçoivent plus d’argent du patronat français et de l’État bourgeois que des travailleurs.

  • Au bas de l’appareil, on échappe déjà à l’exploitation quotidienne en cumulant les postes de « représentants du personnel »;.
  • Si on est coopté dans l’appareil, on devient responsable syndical… et permanent ;
  • Au sommet de l’appareil, on siège dans des conseils d’administration, on donne des entrevues, on rencontre des ministres… et les plus malins s’enrichissent.

Par exemple, Bernard Thibault (ancien secrétaire général de la CGT) a cumulé une confortable retraite avec de généreuses gratifications d’argent publics à l’occasion des Jeux olympiques après avoir joui d’un poste confortable à l’OIT. Laurent Berger (ancien secrétaire général de la CFDT) a ajouté à sa pension des émoluments de patron dans la finance. Nicole Notat (ancienne secrétaire générale de la CFDT) a fondé une entreprise financière et ne cesse de recevoir des missions gouvernementales bien rémunérées. Jean-Claude Mailly (ancien secrétaire général de FO) a rejoint une société de « conseil aux entreprises » avant de fonder la sienne.

Aucune travailleuse consciente, aucun travailleur conscient ne croyait que les revendications seraient obtenues au conclave de Bayrou, pourtant, toutes les confédérations se sont prêtées à l’opération… Les bureaucraties syndicales, malgré les attaques que l’État bourgeois a menées et celles qu’il prépare, continuent à siéger au Conseil d’orientation des retraites (COR) ou au Conseil économique, social et environnemental (CESE) et à ses déclinaisons dans chaque région (CESER).

Les 175 membres du CESE touchent la bagatelle de 2 500 euros net [cumulable avec la pension de retraite] pour environ quatre jours travaillés par mois. (Le Canard enchainé, 9 juillet)

Voilà pourquoi les directions syndicales actuelles s’associent si facilement aux « négociations » ou « consultations » sur les plans antisociaux, pourquoi elles sabotent les luttes avec les pétitions, les « grèves reconductibles » et les « journées d’action », pourquoi ils « syndiquent » les policiers qui sont les chiens de garde du capital.

Les partis ouvriers bourgeois ont l’œil rivé sur les élections

Quant aux partis sociaux-impérialistes (LFI, PS, PCF…), avec lesquels les bureaucraties syndicales entretiennent des liens multiples, ils ont les yeux rivés sur les prochaines échéances électorales :

  • les municipales de mars 2026,
  • la présidentielle prévue pour avril 2027,
  • les législatives prévus pour juin 2029.

Au congrès du PS, Faure a été officiellement réélu premier secrétaire (de justesse avec 51,15 % des voix contre 48,85 à son adversaire Mayer-Rossignol). Il a refusé que la motion de synthèse ferme la porte à toute alliance avec LFI.

Celle-ci, alors qu’elle fait de bons scores aux législatives et à la présidentielle, est très faible jusqu’à présent au niveau municipal. Mais elle vise des mairies en 2026. Pour conserver les leurs, le PS et le PCF sont prêts à des alliances locales avec LFI, sans parler d’EELV, Place publique et autres débris bourgeois. Autrement dit, le NFP va continuer à vivoter, en attendant que le front populisme renaisse de ses cendres s’il faut empêcher une révolution.

Voilà pourquoi les partis « réformistes » font croire que le bulletin de vote est la solution (la « révolution citoyenne » selon Mélenchon), pourquoi ils pratiquent des collusions scandaleuses (deux fois le vote pour Macron au second tour de la présidentielle, des votes au parlement avec le RN…) et forment des accords avec les partis politiques de la bourgeoisie (les fronts populaires).

Voilà pourquoi les chefs « réformistes », politiques et syndicaux, appellent à faire confiance à l’ONU des puissances impérialistes, au Conseil constitutionnel, à la justice bourgeoise, pourquoi ils respectent la police et renforcent l’armée.

S’unir dans un véritable parti ouvrier

Pour nous défendre, pour sauver la planète, pour ouvrir la voie du socialisme, il faut chasser les bureaucrates des syndicats, les unifier dans une seule centrale démocratique et classiste, il faut construire un parti communiste, international, pour empêcher les trahisons et mener efficacement la lutte de classe. Le temps presse.

11 juillet 2025