Les grèves de mai à la SNCF

Comme dans tous les secteurs, les revendications des salariés de la SNCF portent sur les salaires et les conditions de travail. La SNCF limite l’augmentation des salaires, sauf ceux attribués aux manageurs ; les conditionne sous forme de primes ; rogne sur les effectifs de tous les exécutants. De nouveaux logiciels « optimisent » (pour la direction) les emplois du temps des « roulants », les modifiant en permanence, jusqu’au dernier moment, au détriment de la vie personnelle et familiale. Comme les logiciels « optimisent » (pour la direction) le prix des billets, au détriment des prolétaires clients.

Les revendications d’augmentation pour tous, de recrutement et de respect des horaires de travail sont détournées par le Collectif national ASCT (CNA) et les directions syndicales en demande de « revalorisation de primes » catégorielles : prime de traction pour les ADC (agent de conduite, les conducteurs), prime de travail pour les ASCT (agent du service commercial trains, les contrôleurs).

Une grève spontanée peut évidemment démarrer dans un lieu donné à partir d’une catégorie donnée, mais il s’agit ici d’une dispersion, méthodique, qui vise à empêcher la grève générale dans toute l’entreprise. Elle est orchestrée par des appareils (UNSA, CGT, SUD) qui siègent aux conseils d’administration du groupe SNCF, des filiales SNCF Réseau et SNCF Voyageurs.

En ordre dispersé

Dans le courant du mois d’avril, la direction de la CGT contient au niveau régional les revendications. Les personnels roulants ont ainsi été appelés à la grève le 11 avril en Aquitaine et dans les Hauts-de-France. De son côté, SUD-Rail décrète des grèves disloquées en déposant des préavis pour les ASCT couvrant les weekends du 17 avril au 2 juin.

Le 4 avril, SUD-Rail, troisième syndicat de la SCNF mais second chez les contrôleurs, appelle les ASCT à trois jours de grève à partir du 9 mai. Le CNA s’y associe dès le lendemain. La division des salariés par catégorie organisée par le patron est respectée puisque SUD-Rail appelle séparément les autres corps de métiers. Ainsi, les commerciaux le 5 mai, suivis des salariés du matériel le 6, et des conducteurs le 7. Le 12 avril, la CGT rajoute à la division en appelant unilatéralement les roulants (conducteurs et contrôleurs) à la grève le 5 mai. FO, qui vient à peine de récupérer un strapontin dans les instances de cogestion, relaie à son tour l’appel de la CGT. L’UNSA et la CFDT n’appellent à rien.

Une partie des travailleurs démarrent donc la grève le lundi précédant le pont du 8 mai. Mais la CGT sabote la grève dès le 7 mai, deux jours avant, en décrétant de nouvelles « journées d’action » en juin. Une telle annonce en pleine semaine de grèves éparses ne peut être perçue autrement que comme l’enterrement du mouvement en cours.

Il s’agit de confirmer le calendrier de la direction puisque, les conducteurs sont appelés à la grève le 4 en même temps que les négociations sur la prime de traction, tandis que les contrôleurs, eux, sont invités à cesser le travail le 11, jour des négociations sur la prime de travail.

La CGT revendique la refonte et revalorisation des primes de travail dans tous les métiers depuis des années. Nous porterons donc lors des rencontres des 4 et 11 juin, les revendications spécifiques des filières Traction et Trains. La CGT a bâti des projets concrets qui nourriront de véritables négociations qui doivent s’ouvrir. (CGT cheminots, 7 mai 2025)

Pour donner le change, la journée du 5 juin est prévue pour rassembler « l’ensemble des cheminots, de tous les métiers, de tous les collèges » avec comme demande… l’abrogation de la réforme des retraites. Comme si une journée d’action des seuls cheminots allait permettre de revenir sur la défaite de 2023 (infligée à coup de « journées d’action » et d’illusions semées dans le Conseil constitutionnel puis dans un hypothétique référendum appelé avec les députés du RN).

La direction de la SNCF et l’État attaquent le droit de grève

Que la cessation de travail dans les entreprises de transport de passager ait lieu en semaine ou durant les vacances, les médias majoritaires la taxent de « prise d’otage ». Le refus obstiné par les bureaucraties syndicales du « tous ensemble », de la grève générale qui a une signification politique claire pour les voyageurs, facilite le dénigrement.

La SNCF a elle tout mis en œuvre pour briser la grève, notamment en utilisant des jaunes, les « volontaires accompagnateurs occasionnels », composés de cadres. La SNCF fait également fi de ses propres règlements puisque, durant un mouvement de grève, un seul volontaire à bord peut remplacer les 2 ou 3 contrôleurs habituels par train. Ces briseurs de grève sont payés jusqu’à 50 euros de l’heure en plus de leur salaire habituel sans plafond de durée. Même mécanisme côté conducteur, une prime de conducteur occasionnel de 150 euros par mois permet à des cadres de remplacer des conducteurs grévistes. L’entreprise fait même appel en cas de besoin à des retraités.

On a des réservistes, on a des volontaires et ça me semble très normal que des volontaires, qui normalement travaillent à la finance ou aux RH, aient aussi la volonté de savoir quel est notre cœur de métier, et notre cœur de métier, c’est les trains, c’est d’être au contact des voyageurs dans les trains. (Alain Krakovitch, directeur de TGV – Intercités, RMC, 7 mai 2025)

Toutes ces dispositions antigrèves sont applaudies par la Fédération nationale des associations des usagers des transports (FNAUT) qui soutient également les attaques du ministre des transports Philippe Tabarot contre le droit de grève. Celui-ci souhaite porter le délai de déclaration des grévistes de 48 heures à 72 et interdire les préavis « dormants » permettant justement aux grévistes de passer outre ce délai obligatoire.

Et je le rappelle, c’est quelque chose qui, au niveau législatif, pourrait peut-être, un jour, évoluer. C’est de dire que les cheminots grévistes ont des préavis dormants et ont la possibilité de se déclarer simplement 48 heures avant le jour de grève. (Philippe Tabarot, France Info, 6mai 2025)

S’appuyant sur une proposition de loi LR d’avril 2024 adoptée par le Sénat mais jamais votée à l’Assemblée nationale, il souhaite également interdire les grèves à la SNCF durant 30 jours dans l’année (jours fériés, weekend de vacances…). De son côté, Pécresse (présidente LR de la région Ile de France) plaide pour un service garanti aux heures de pointe à la SNCF comme à la RATP.

Un échec prévisible



Les chefs syndicaux se congratulent.

Nos mobilisations ont affaibli la direction ! Ces mobilisations ne sont pas des grèves catégorielles isolées, mais bien une montée en pression coordonnée… (SUD-Rail, 12 mai 2025)

Pas des « grèves catégorielles » ? Tel n’est pas l’avis de la direction de la CGT. Selon elle, d’un côté, les contrôleurs ont gagné.

Après la séquence de grève conjointe avec les ADC débutée le 5 mai dernier, la direction est contrainte d’ouvrir des négociations sur l’organisation du travail, la prime de travail des ASCT et annonce un rendez-vous salarial en septembre. (CGT-cheminots, 15 mai 2025)

De l’autre, mais séparément, les conducteurs ont aussi gagné.

La séquence de grève débutée le 5 mai, qui a été marquée par une importante mobilisation, a permis d’arracher l’ouverture d’une première table ronde de négociation le 4 juin prochain sur la prime de traction. D’ores et déjà, la CGT appelle les ASCT à mettre ces prochaines échéances sous la pression de la grève le 11 juin prochain ! (CGT-cheminots, 15 mai 2025)

Face au sabotage du mouvement par les dirigeants syndicaux, flanqués du CNA, il n’y a eu aucun combat des « révolutionnaires » (RP, LO, NPA-AC, NPA-R, PT, POI, PCR…) dans les syndicats et les AG pour la grève générale. Certains font même croire que l’éclatement et la division pourraient servir aux travailleurs.

Cette journée est une première réponse. (Lutte ouvrière, 5 mai)

On a toujours raison de lutter… Une fois la piste chauffée par cette semaine rouge de grève, pas impossible que l’envie prenne aux travailleurs du rail d’un rappel collectif. (Révolutionnaires, 29 avril)

Cette grève « tournante », catégorie par catégorie relève d’une volonté de tenter autre chose. (L’Anticapitaliste, 1er mai)

S’il n’y a pas « généralisation », c’est donc la faute à la base ? Le morcèlement syndical et le dispositif antigrève du patron conduisent à la défaite. Sur la fin de semaine, environ 50 % des contrôleurs sont grévistes avec une pointe à 60 % le samedi. En revanche, le trafic est très peu perturbé. Au plus fort de la grève, la SNCF maintient 90 % des TGV et Ouigo tandis que les Intercités, RER, TER et les transiliens qui circulent sans chefs de bords sont peu touchés. Cette déconvenue est une aubaine à la fois pour l’employeur pour les négociations futures et pour le gouvernement dans ses projets d’attaque contre les travailleurs du rail.

Loin d’apporter une réponse adéquate à la situation, les appels dispersés pour le mois de juin confortent la division géographique et catégorielle orchestrés par la direction et démoralisent les travailleurs.

Pour une orientation lutte de classe, dans et hors des syndicats

Grève générale de 1986-1987

Les menaces qui pèsent actuellement sur les travailleurs de la SNCF ne peuvent être évitées, les revendications ne peuvent être arrachées que par l’unité des salariées du rail et l’indépendance de leurs organisations vis-à-vis de l’entreprise et de l’État.

Non à la cogestion : bureaucrates, hors des conseils d’administration !

Non au corporatisme : 400 euros pour tous, intégration des précaires !

Non à la division : imposons un seul syndicat, démocratique et de lutte de classe !

Non aux diversions : préparons la grève générale !

15 mai 2025