Vous reprendrez bien un peu d’eau bénite ?

Quand le 5 mai, une femme de 56 ans a été étranglée par le mari dont elle avait entrepris de divorcer, le 48e féminicide en France depuis janvier, les Macron et consorts n’ont pas enfilé de tenue de deuil. Quand le 13 mai, trois maçons ont été tués sur un chantier de construction, pas de drapeau en berne. Ils ont continué de flotter l’an dernier en dépit des 1 287 décès au boulot (759 d’accidents du travail, 196 de maladies professionnelles, 332 sur les trajets domicile-travail). Quand en 2024, 3 155 femmes et hommes sont morts en mer, dont 158 en Manche, près de Calais, ni président, ni ministre ne se sont renseignés sur les dates d’obsèques. Alors qu’à Gaza, 15 613 enfants (chiffre UNICEF) ont été massacrés par l’armée israélienne que l’État français continue d’équiper, que 34 173 y ont été blessés, que l’on ignore combien ils sont parmi les 11 200 disparus, radios, télés et journaux bourgeois ont déployé les grands moyens pour faire pleurer la mort d’un vieillard de 88 ans, ayant bénéficié des meilleurs soins.

Rome, 26 avril 2025, Macron aux funérailles de Bergoglio

C’est déjà irrationnel et ridicule, mais si on ajoute qu’il était le chef d’une religion, les hommages rendus au sommet de l’État proclamé laïc sont vraiment scandaleux.

Soumise à forte concurrence dans le monde, la secte catholique est la plus structurée, celle qui s’est appuyée et intégrée au fil des siècles aux États dominants. En maintenant le Concordat napoléonien, en finançant directement à hauteur de 10 milliards d’euros par an ses établissements d’encadrement de la jeunesse (après Bétharram, il faut vraiment être un indécrottable cul bénit pour continuer à appeler ça « une école », « un collège » ou « un lycée »), en rénovant ses lieux de culte au lieu de construire les logements qui font tant défaut, les gouvernements bourgeois qui se sont succédé ont continué à sponsoriser la secte chrétienne catholique. Pourtant selon l’Ifop (2021), 6,6 % des Français déclarent pratiquer ce culte, donc une très large… minorité. Le ministre de l’intérieur Retailleau qui a toujours la laïcité à la gueule quand il s’agit de mordre du musulman a assisté à la cérémonie au Vatican, comme Macron et son ministre des affaires étrangères.

Pendant des jours, des floppées de journalistes ont donné du « saint père », du « souverain pontife », de « sa sainteté » à feu monsieur Bergoglio, du « monseigneur » ou « éminence » à ses lieutenants cardinaux, les seuls mecs en robe rouge que l’église catholique tolère. Ils ont encensé « l’ouverture d’esprit » du jésuite défunt, oubliant facilement ses déclarations constantes contre le droit des femmes à disposer de leur corps.

Depuis sa prise de fonction en 2013, le pape François n’a pas varié d’un iota sur l’avortement. Il y est clairement opposé et n’y va pas par quatre chemins pour faire passer le message. Ce mercredi 10 octobre, il a considéré que l’IVG (interruption volontaire de grossesse) était un recours à « un tueur à gages ». Une position déjà défendue en juin dernier lorsqu’il déclarait que les avortements thérapeutiques s’apparentaient à un eugénisme « en gants blancs », au même titre que celui pratiqué autrefois par « les nazis ». (France Inter,10 octobre 2018)

Rentrant d’un voyage en Asie, le pape a rappelé que Dieu avait offert aux femmes certains moyens pour planifier les naissances… Tout procédé qui se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation est absolument exclu. Il a d’ailleurs déploré que des groupes progressistes et occidentaux imposent leurs idées sur la contraception et sur les droits des homosexuels. Selon lui, ces organismes devraient cesser de « coloniser idéologiquement » la vision de la famille des individus. (La Presse, janvier 2015)

En juillet 2018, monsieur Bergoglio a soutenu un prêtre chilien qui avait couvert des viols dans son diocèse et dont les paroissiens ne voulaient pas comme évêque, accusant les victimes « de répandre des calomnies ». En entrepreneur avisé, il a ensuite fait marche arrière, trop de mauvaise publicité menaçant la bonne marche de son affaire. (Le Monde, 7 octobre 2021).

Parmi les laudateurs de ce baptisé « progressiste », on trouve aussi le caudillo de LFI.

Il est des personnages à qui on sait devoir quelque chose sans les avoir jamais approchés. Le pape chrétien, le pape François est de ceux-là. Tous ont adhéré à la théologie de la Libération… Pour eux alors, le christianisme a cessé d’être une théorie abstraite à l’usage de la bonne conscience bourgeoise. Il reprenait place parmi les vertus de l’insoumission active face à l’ordre injuste qui détruit les êtres et leur écosystème. Il s’est présenté comme la forme d’un engagement spécifique capable de converger et même d’ajouter à l’action populaire réelle et à ses espérances concrètes. François se chargeait d’incarner lui-même cet engagement ! Et pour le faire, il a pris sa part pour éclairer le chemin commun… Je n’ai aucune gêne à dire que j’ai de la peine de perdre un tel partenaire et que je partage à titre personnel celle des chrétiens. (Jean-Luc Mélenchon, La Vie, 21 avril 2025)

Il est suivi de près par une des trois béquilles « trotskystes » de la NUPES-NFP (POI, NPA-AC, GR, le PCR s’étant retiré du front populaire en se convertissant récemment au « communisme »).

L’espoir évoqué par le pape François dans ses discours est suspendu à la capacité des oppriméEes et des exploitéEs à construire une société sobre. (L’Anticapitaliste, 24 avril 2025)

Pour notre part, notre solidarité va aux 330 000 victimes d’abus sexuels perpétrés par des curés de tous ordres, recensées en France par le rapport Sauvé, auxquelles s’ajoutent celles du prédateur Henri Grouès, alias abbé Pierre. Le Vatican détient depuis longtemps dans ses archives les preuves de ces crimes et les méthodes pour les cacher.

Bayrou, 4 avril 2012/ dessin de Cabu, assassiné en 2015 par des fanatiques religieux dans le local de Charlie Hebdo

Bayrou, fieffé catholique, pratique ces dernières avec ferveur pour ce qui est de Sa Dame de Bétharram : il le jure, il ne savait rien. Conseiller général, député des Pyrénées atlantiques, parent d’enfants inscrits dans cette institution privée connue dans le département pour inculquer à la manière forte les vraies valeurs, époux d’une dévote catéchèse officiant sur place, président du conseil général, ministre de l’Éducation : il ne savait rien d’ailleurs il a commandé une inspection ; il ne savait rien d’ailleurs il en a parlé avec un juge ; il dirait « la vérité » alors que la professeure qui a dénoncé les sévices subis par des enfants et des jeunes dans cet établissement profèrerait des mensonges, comme le gendarme qui confirme que Bayrou est intervenu pour préserver la réputation de ce lieu malfaisant financé par l’État et protéger l’Église catholique qui le chapeaute.

200 plaintes pour agressions physiques et sexuelles à Bétharram ; depuis, dans 16 départements, des signalements et des plaintes concernant des institutions privées catholiques ont été déposés.

Ça fait beaucoup de taches sur la soutane, en France mais aussi en Irlande, aux États-Unis, en Belgique, en Suisse, en Australie, en Allemagne, au Chili, en Italie, en Guinée, au Sénégal, au Cameroun… Les violences sexuelles sont endémiques dans ce clergé.

On peut parier que monsieur Prévost, nouveau pape, nom de scène Léon XIV, se fendra de déclarations sur la fin de l’omerta, sur le respect dû aux victimes, sur la repentance, etc. Et sans doute va-t-il peu utiliser dans ses sermons le chapitre 10 de ce qu’il appelle « évangile selon Saint-Marc » : « Laissez venir à moi les petits-enfants » au cas où ce soit encore mal interprété.

15 mai 2025