L’écho continental de la révolution cubaine
En 1959, Batista est chassé par la combinaison de la guérilla petite-bourgeoisie du M26J dirigée par Castro et de la grève générale. Le nouveau gouvernement cubain est confronté à un offensive conduite par Eisenhower (Parti républicain) puis Kennedy (Parti démocrate). Pour résister, le M26J exproprie, arme le peuple et fait appel à l’URSS. La victoire sur la dictature et sur la puissance impérialiste hégémonique stimule la lutte des classes dans toute l’Amérique latine.
En 1961, le Mouvement du 26 juillet fusionne avec le Parti socialiste populaire (stalinien) pour fonder le PCC. En coulisses, une bureaucratie privilégiée se cristallise. Elle tente encore de répondre à la pression de l’État américain en allumant dans toute l’Amérique latine des « focos » (guérillas rurales théorisées par Régis Debray, futur conseiller de Mitterrand).
Le castrisme a alors l’appui unanime de la « 4e internationale réunifiée » de Mandel, Hansen et Moreno (ce SUQI est la matrice commune de RP, d’Ensemble, du NPA-AC, des courants A&R et SoB du NPA-R).
À Cuba, l’évolution du Mouvement du 26 juillet vers le marxisme révolutionnaire fournit un modèle qui sert maintenant d’exemple à une série d’autres pays… L’organisation de la guérilla menée par des paysans sans terre et des forces semi-prolétariennes, sous une direction qui se trouve engagée à poursuivre la révolution jusqu’à son terme peut jouer un rôle décisif. Cette leçon doit être consciemment incorporée (7e congrès mondial, « Les bases théoriques et pratiques de la réunification », 1er mars 1963, Quatrième Internationale, n° 19, juillet 1963)
Les Tupamaros de 1966, une guérilla urbaine sans programme
Après la Seconde Guerre mondiale, en Uruguay, les deux principaux partis représentant la bourgeoisie, le Partido Nacional (Parti national, PN) et le Partido Colorado (Parti coloré, PC), alternent au gouvernement. La véritable clivage de la bourgeoisie nationale est entre l’aile qui vit à l’ombre de la bourgeoisie hégémonique, celle des États-Unis, et celle qui tente de développer l’industrie nationale.
Le mouvement ouvrier est unifié syndicalement (Convención Nacional de Trabajadores, CNT) et divisé politiquement entre le Partido Comunista de Uruguay (Parti communiste d’Uruguay), le Partido Socialista del Uruguay (Parti socialiste d’Uruguay, PSU) et, dans une moindre mesure, la Federación Anarquista Uruguaya (Fédération anarchiste uruguayenne, FAU). Tous subissent le choc de la révolution cubaine de 1959-1961.
De 1967 à 1972, le président Pacheco Areco (une fraction du Parti coloré), confronté aux luttes ouvrières et étudiantes stimulées par la révolution cubaine, est résolument autoritaire : restriction des libertés démocratiques, interdiction de partis ouvriers, arrestation de syndicalistes, etcUn groupe issu du Parti socialiste PSU (Raúl Sendic, Julio Marenales, Jorge Manera, Andrés Cultelli, Héctor Amodio Pérez, etc.) organise en 1962 des ouvriers agricoles du nord du pays. En 1966, avec une fraction du MIR maoïste, une partie de la FAU anarchiste (dont Jorge Zabalza), quelques curés et une poignée de dissidents du Partido Nacional séduits par l’antiimpérialisme cubain (dont José Mujica, Fernández Huidobro), il lance un mouvement de guérilla, le Movimiento de Liberación Nacional-Tupamaros (Mouvement de libération national, MLN-T).
Sans le savoir, les Tupamaros des années 1960, comme les autres guérillas castristes ou maoïstes, sont plus les enfants de Bakounine que de Marx, plus les héritiers du PSR russe du début du 20e siècle que du Parti bolchevik :
- empirisme, mépris du programme,
Ils en étaient d’ailleurs conscients lorsqu’ils affirmaient : « Les paroles divisent et l’action unit ». (Alain Labrousse, Les Tupamaros, Rocher, 2009, p. 68)
Dans aucun document du MLN on ne voit mentionné le projet de destruction de l’appareil d’État. (p. 74)
- volontarisme, négligence de l’analyse concrète de la situation concrète,
Les Tupamaros avaient tendance à se représenter les forces de la répression comme une armée d’occupation aux ordres de l’impérialisme américain. (p. 72)
Les principes de base d’une révolution socialiste sont donnés et expérimentés dans des pays comme Cuba et il n’y pas besoin de discuter davantage. Il suffit d’adhérer à ces principes et montrer par des faits le chemin insurrectionnel pour arriver à sa mise en place. (Sendic, cité p. 80)
- populisme, multi-classisme,
La signification de la révolution sociale pour le MLN-T est d’être transversale Elle inclut donc la classe ouvrière, mais aussi la petite bourgeoisie et l’intelligentsia. (Jerónimo Ríos Sierra, « MLN-Tupamaros: génesis y evolución de la guerrilla urbana », Araucaria n° 50, 2022)
- prétention à substituer leur activité, courageuse mais petite-bourgeoise, à l’action de la classe ouvrière organisée,
- exigence d’obéissance de la part de la direction, sans possibilité pour la base de décider de l’orientation.
On regardait surtout le modèle cubain, mais on discutait peu. (Clara Aldrighi, interrogée par Alain Labrousse, Les Tupamaros, Rocher, 2009, p. 44)
Néanmoins, prenant en compte, non sans débat interne, la géographie de l’Uruguay, le MLN-T se démarque en optant pour la guérilla urbaine (MLN, Document 1, thèse 16, juin 1967). Sa direction est plus collégiale que les autres guérillas (généralement aux mains d’un caudillo) et sa base est plus féminisée. La propagande armée est d’abord relativement pacifique et populaire, avant que la guérilla bascule dans une étape plus violente et perd largement le soutien populaire. En fait, les « Tupas » laissent la classe ouvrière aux mains du PSU, du PCU et de la bureaucratie syndicale qui lui est liée (CNT).
Non seulement les Tupamaros n’avaient pas beaucoup de cadres syndicaux, mais ces derniers tendaient à entrer dans la structure clandestine, parfois au niveau militaire de l’organisation. (p. 112)
Dans le cadre du castrisme et du stalinisme
Mais, en 1968, la bureaucratie cubaine considère avec effroi la grève générale en France. Et le SUQI se divise. Aux États-Unis, la répression violente subie dès 1967 par le Black Panther Party terrorise la direction opportuniste et pacifiste du SWP (Hansen, Barnes) qui fait pression sur le Parti démocrate. Quelques mois plus tard, Castro approuve la répression du mouvement démocratique en Tchécoslovaquie, suivi par les Tupamaros. En Argentine, le PRT scissionne en 1968 entre une fraction (Santucho) qui prépare activement la guérilla urbaine et une fraction castriste platonique (Moreno) qui fait pression sur le Parti justicialiste.
Le SUQI, à la recherche de raccourcis à la construction patiente de partis ouvriers révolutionnaires, reste à la remorque du castrisme.
La perspective fondamentale, la seule réaliste pour l’Amérique latine est celle d’une lutte armée susceptible de durer de longues années… L’axe principal sera pour toute une période la guérilla rurale… Les organisations ouvrières traditionnelles ont subi une usure irréversible… L’activité des marxistes-révolutionnaires doit être l’intégration au courant historique représenté par la révolution cubaine. (9e congrès mondial, « Résolution sur l’Amérique latine », avril 1969, Quatrième Internationale n° 37, mai 1969)
Au congrès de 1969 du SUQI, le PRT de Santucho est reconnu comme section officielle de la prétendue 4e Internationale, le PRT de Moreno est relégué au statut d’organisation sympathisante. À l’échelle internationale, le SU se divise publiquement en décembre 1972 entre la minorité sociale-pacifiste (la FLT de Hansen et Moreno) et la direction guérillériste (la TMI de Mandel, Maitan, Ali, Bensaïd…). En Uruguay, des partisans de la TMI sont écartés par la direction des Tupamaros.
À la fin de l’année 1970, un secteur, sans rejeter la lutte armée, critiquait la ligne militariste et plaidait pour un travail de masse plus important et la formation d’un Parti des travailleurs. La plupart de ses militants, influencés par le trotskisme… Le MLN essaya d’abord de les neutraliser en les dispersant à l’intérieur de l’organisation. Puis, voyant que cela aidait la dissidence à faire tache d’huile, négocia leur départ du mouvement. Pour cela il les aida à former leur propre organisation en leur permettant notamment d’emporter des armes. Ils créèrent le Front révolutionnaire des travailleurs (FRT) qui mena trois actions violentes… La plupart des anciens membres de la micro-fraction finirent par réintégrer l’organisation mère. (Alain Labrousse, Les Tupamaros, Rocher, 2009, p. 46)
En 1970, en Argentine, suivant l’exemple du MLN-T, le PRT-ERP de Santucho lance la guérilla urbaine tout en faisant allégeance idéologique aux bureaucraties staliniennes au pouvoir à Cuba, en Chine, en Albanie, en Corée du Nord, au Nord Vietnam. Face à la répression sanglante de la junte militaire, le PRT de Moreno se rebaptise prudemment PST en 1972.
En 1972, le MLN-T d’Uruguay, le PRT-ERP, le MIR du Chili, l’ELN de Bolivie lancent la Junta de Coordinación Revolucionaria (Junte de coordination révolutionnaire, JCR) soutenue en coulisses par l’État cubain. En 1973, le PRT-ERP quitte le SUQI et dénonce le trotskysme.
Le ralliement de 1971 à un bloc front populiste avec la démocratie-chrétienne
En février 1971, le PCU et le PSU s’allient au Partido Demócrata Cristiano (Parti démocrate-chrétien, PDC, un vieux parti bourgeois dont l’équivalent français est aujourd’hui le MoDem de Bayrou) et des débris du Partido Nacional et du Partido Colorado (les deux partis bourgeois historiques) pour former le Frente Amplio. Y participent deux groupes révisionnistes du programme de la 4e Internationale (POR de la « 4e Internationale posadiste » et PST, lié au PST d’Argentine). La direction TMI de la « 4e Internationale réunifiée » les dénonce publiquement le 22 mars dans des termes qui s’appliquent pleinement aujourd’hui en France au NPA-AC et au POI qui soutiennent le NFP.
Suite à certains rapports calomnieux à propos de la participation des trotskystes au Frente Amplio, le secrétariat unifié de la 4e International tient à apporter les précisions suivantes : il n’existe pas de section en Uruguay ; il est absolument opposé à toute forme de collaboration des forces marxistes-révolutionnaires au sein de fronts populaires, c’est-à-dire avec des forces bourgeoises. (« Sur l’Uruguay », Quatrième Internationale, n° 49, mai 1971)
En mars 1971, le MLN-T, qui n’a pas de programme distinct du PCU et du PSU, appuie le Frente Amplio. Aux élections générales de novembre 1971, le candidat du FA est le général Seregni (300 000 voix, 18 % des suffrages). Dans les années qui suivent, le MLN-T est décimé par les désertions massives et la répression militaro-policière : un millier de ses militants (dont Mujica, Sendic, Wasem, Manera Lluveras, Marenales, Zabalza…) sont détenus durant onze ans dans des conditions atroces et sont torturés, ce qui ne gêne pas les démocraties occidentales. Autant fuit à Cuba avant de rejoindre généralement l’Europe. Là-bas, la plupart des cadres nouent des liens avec les variantes du réformisme : le stalinisme post-Staline, la sociale-démocratie et le travaillisme. C’est la fin de la guérilla.
Bien que démantelé, le MLN-T sert de prétexte à l’état-major pour déclencher un coup d’État le 9 février 1973. Le 27 juin, les généraux dissolvent le parlement. La CNT appelle alors à une grève générale. Elle est interdite immédiatement par la junte. La direction PCU de la CNT appelle à cesser la grève le 11 juillet. À part quelques anarchistes, personne n’organise l’autodéfense. Le Partido Demócrata Cristiano (PDC) renie le Frente Amplio.
La répression brutale qui suit frappe l’ensemble du mouvement ouvrier. Les militants de toutes tendances sont contraints à l’exil, emprisonnés (20 000 dans un pays qui comptait 3 millions d’habitants), assassinés. Les livres qui déplaisent aux généraux sont brulés. Le PCU clandestin conserve le contrôle de la centrale syndicale qui se renomme PIT. Pareillement, les États-Unis encouragent des coups d’État militaires en Bolivie en 1969, en 1971 et en 1978 ; au Chili en 1973 ; en Argentine en 1976. En 1979, l’organisation guérillériste du cône Sud JCR disparait.
La crise capitaliste mondiale de 1973-1974 ridiculise les promesses populistes de la junte militaire. Le plébiscite des généraux échoue en 1980 (57 % contre). En 1980, le PVP anarchiste adhère au Frente Amplio. En 1984, l’état-major rend le pouvoir aux civils. Le PDC rentre au FA.
À partir de 1984, les gouvernements des deux partis bourgeois traditionnels (PN et PC) privatisent, rognent les concessions sociales accordées après la Seconde Guerre mondiale, ouvrent la finance et l’agriculture aux groupes capitalistes étrangers, livrent partiellement les retraites à des fonds de pension privés obligatoires (AFAP).
Le petit État participe dès 1991 au Mercosur avec l’Argentine, la Bolivie, le Brésil et le Paraguay (80 % du PIB de l’Amérique du Sud).
Le Frente Amplio, gérant loyal du capitalisme de 2005 à 2015
En 1992, après toute une série de réformes procapitalistes et de concessions à l’impérialisme américain, les bureaucraties au pouvoir en URSS et en Chine décident de restaurer le capitalisme. Dans ce contexte, ceux qui, au sein du MLN, veulent reprendre la guérilla (Zabalda…) sont mis en minorité en 1994 par Sendic, Huidobro, Mujica… Pour autant, la minorité (M26M) n’a pas d’autre programme que la majorité (MLN-MPP) et ne remet pas en cause le FA.
A partir de 1990, le Frente Amploi gouverne la capitale, Montevideo, avec comme maire Tabaré Vázquez (PSU). À ce moment-là, Huidoboro (MPP), ancien prisonnier torturé par l’armée, négocie avec les généraux, leur garantissant l’impunité en échange de leur tolérance d’un gouvernement Frente Amplio.
En 2002, une crise économique frappe l’Amérique latine. Elle se traduit en Uruguay par des faillites de banques, la dévaluation du peso (-30 %) et la montée du chômage (20 %). Cela ouvre la voie au FA. En 2005, son candidat Vázquez gagne la présidentielle au premier tour et le FA obtient une majorité absolue au parlement. En 2010, le candidat à la présidentielle du FA, José Mujica (MLN-MPP) lui succède. Tous deux bénéficient de la « décennie dorée » de l’Amérique latine qui voit augmenter la quantité et les prix des exportations de produits agricoles.
Entre 2005 et 2014, la hausse du cours des matières premières couplés à une sage politique macroéconomique permit le boum de l’Uruguay. (The Economist, 30 novembre 2024)
Vázquez affronte victorieusement le groupe capitaliste Philip Morris International (marques Philip Morris, Marlboro, L&M, Chesterfield…). Grâce à la phase d’expansion économique, les gouvernements FA redistribuent les revenus, ce qui s’inscrit dans une vague générale du sous-continent jusqu’alors très inégalitaire.
Les transferts monétaires conditionnels sont des programmes introduits en Amérique latine dans les années 1990… Les conditions sont souvent liées à l’assiduité scolaire ou aux consultations médicales et très souvent ils sont octroyés aux mères… À ce jour, la quasi-totalité des pays du continent a adopté ce modèle. (Vera Chiodi, Philippe Roman, L’Économie de l’Amérique latine, La Découverte, 2024, p. 84-85)
Mujica mène aussi des réformes de modernisation sans cout économique : légalisation du cannabis, autorisation du mariage homosexuel… nettement en avance sur les États européens.
Mais si d’innombrables bureaucrates de la confédération syndicale PIT-CNT et politiciens réformistes du PCU, du PSU ou du MLN-MPP siègent dans les ministères, le gouvernement n’en demeure pas moins bourgeois. Un bloc avec des représentants politiques de la bourgeoisie, quel que soit le discours qu’il tient aux masses, mène forcément une politique bourgeoise s’il accède au sommet de l’État bourgeois.
L’entrée des socialistes dans un gouvernement bourgeois n’est pas une conquête partielle de l’État bourgeois par les socialistes mais une conquête partielle des socialistes par l’État bourgeois. (Rosa Luxemburg, 1899, Le Socialisme en France, Smolny-Agone, p. 84)
Ni Vázquez, ni Mujica n’abrogent les mesures réactionnaires de leurs prédécesseurs PN-PC, ne touchent à la propriété privée des entreprises.
Il n’y a pas de réforme agraire, le secteur des banques privées est entièrement en mains étrangères, les relations avec le FMI sont excellentes, les multinationales et le capital étranger sont non seulement les bienvenus mais ont même été réclamés avec insistance par la direction des Tupamaros et l’internationalisation de la terre s’est généralisée au cours des deux mandats du Front large avec une ampleur rarement vue dans l’histoire de l’Uruguay. (« Editorial », Búsqueda, 1er mars 2012)
Comme les gouvernements brésiliens de coalition du PT avec des partis bourgeois de 2003 à 2016 de Lula et de Rousseff, Vázquez et Mujica soignent la police et l’armée bourgeoises et respectent l’alliance avec les États-Unis. Le 9 aout 2012, à l’hôtel Radisson de Montevideo, l’ancien chef guérilléro devenu président reçoit des patrons des Etats-Unis, d’Argentine et d’Uruguay.
Avant je voulais tout bouleverser, arranger les choses par la force, mais maintenant, avec un peu de chance j’arrive à réparer les trottoirs. (José Mujica, cité par l’hebdomadaire Búsqueda, 16 aout 2012)
Le 19 décembre, il banquette avec 200 patrons à Punta del Este.
Aider à ce que l’Uruguay ait un vrai capitalisme, pour qu’il y ait plus de travail et donc beaucoup plus à répartir. (José Mujica, cité par Búsqueda, 27 décembre 2012)
En 2014, le candidat du Frente Amplio Tabaré Vázquez (PSU) l’emporte nettement au second tour (56,6 % des voix) sur Luis Lacalle Pou (Partido Nacional). Vázquez refuse de signer un traité de libre-échange avec les Etats-Unis et se heurte à l’état-major. Il destitue le commandant en chef de l’armée nationale Guido Manini Ríos, après ses propos défendant des militaires condamnés pour des crimes commis sous la dictature.
Le Frente Amplio n’a pas accédé au pouvoir en 2005 à la suite d’un mouvement de masse, si bien que la bourgeoisie nationale (et internationale) n’a pas exigé de lui des mesures de maintien de l’ordre ou n’a pas préparé son renversement. Comme ailleurs, le front populaire, loin d’empêcher l’apparition de « l’extrême-droite », facilite son développement. Un parti fascisant, militariste, xénophobe et misogyne fait son apparition en mars 2019 : Cabildo Abierto (CA, Chapitre élargi, le nom renvoie aux états généraux des citoyens riches convoqués exceptionnellement durant la période coloniale). Il présente fin 2019 la candidature du général Manini (destitué par le président FA) à l’élection présidentielle de fin 2019. Dès sa première apparition, le CA obtient 11,04 % des votes, 3 sièges de sénateurs sur 30 et 11 de députés sur 99.
Lors de son second mandat (2015-2020), l’hostilité de Vázquez au droit à l’avortement, le ralentissement de la croissance économique, l’inflation (9,64 % en 2016), la montée du narcotrafic permettent, au candidat PN à la présidentielle, à nouveau Lacalle, de l’emporter de justesse (50,79 %) au second tour en 2019 face au candidat du FA, Daniel Martínez (PSU, 49,21 %). Lacalle constitue un gouvernement de coalition entre le Partido Nacional, le Partido Colorado et le nouveau parti fascisant Cabildo Abierto.